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Editorial mars 2021

samedi 6 mars 2021, par Saint-Nazaire


Malgré les difficultés et les contraintes (état d’urgence, couvre-feu, gestes barrière, etc.) dues à la pandémie, des luttes et des initiatives collectives voient le jour : des luttes sociales en résistance à des projets capitalistes comme Hercule - le démantèlement d’EDF, voir article p. 18-. En ville et dans les banlieues, comme la Marche des solidarités le 20 mars (voir p.4) mais aussi à la campagne.
Fin janvier, plus d’une centaine de représentant-e-s de collectifs de luttes s’est réunie pour « Remuer ciel et terre » à la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes. L’objectif est de rassembler des forces pour arriver à une masse critique et monter une campagne d’actions et d’information dans la durée autour de deux axes : poser concrètement la question de l’avenir des terres agricoles - et ce qui en dépend- mais aussi combattre les industries polluantes et destructrices. Ce projet de mobilisation se place dans la continuité des interventions du 17 juin et 17 novembre derniers contre « la réintoxication du monde » (après l’arrêt économique du premier confinement) ; elles visaient des entreprises polluantes, destructrices ou inutiles.

« Remuer ciel et terre » a rassemblé large, aussi bien des jeunes de la Confédération Paysanne que des nantais-e-s d’Extinction Rebellion (XR), des membres des collectifs du Plateau de Saclay et du Triangle de Gonesse, opposés au Grand Paris, comme du syndicat de la montagne limousine ou des anti-nucléaires de Bure.

L’agriculture hexagonale est à un tournant. Au cours des dix prochaines années, près de 25 % des exploitant-e-s agricoles arrêteront leur activité et quitteront leurs terres. Des holdings appuyées sur des banques et autres structures financières veulent concentrer des milliers d’hectares pour à terme installer une agriculture industrielle, dont on connait déjà les conséquences pour les populations et les écosystèmes : productivisme, agrochimie, désertification... Contre la politique de l’administration (les SAFER) favorable de fait à la concentration malgré un discours officiel inverse, il s’agirait de renouer avec les actions de reprise de terres et d’installation de jeunes (menées autrefois par les Travailleurs Paysans). Une première action de « visibilité », mi-mai, organisera des rencontres sur trois jours et une chaîne humaine contre la destruction à Saint-Colomban près de Nantes d’une ferme convoitée par des sabliers et des maraîchers industriels. Mais d’autres dates sont déjà calées : Saclay en juin, Vaites (Besançon) fin mars, Haute-Loire en mai...

Le deuxième axe de « Remuer ciel et terre » est complémentaire, en visant des entreprises ou pratiques toxiques, des grands projets inutiles ou l’artificialisation de terres. Des actions décentralisées se dérouleront le 17 avril, dans plusieurs dizaines de sites de l’Hexagone. Une marche centrale à la rentrée de septembre en Île-de-France pourrait partir d’un territoire menacé pour aller jusqu’au ministère concerné dans Paris, avec une communication adaptée. Les cibles ne manquent pas avec le Grand-Paris ou les installations des Jeux Olympiques de 2024...

Est-ce le sentiment d’urgence de l’action dans un pareil moment d’isolement ? Ou bien la nécessité de dé- passer les diversités des collectifs, groupes, organisations pour résister avec toutes les forces possibles ? Il est sûr que ces rencontres à la ZAD de NDDL, où un projet capitaliste combattu a échoué, étaient encourageantes pour la suite. Reste à voir si une structure fluide ou plus articulée conviendra au mieux pour ancrer une telle dynamique, si vitale pour l’avenir et qui n’en est qu’aux préludes.

Dans les prochains mois, une autre dynamique pour- rait également dissiper la morosité de plus en plus pesante de la situation sanitaire. Depuis les montagnes du Chiapas au Mexique, la guérilla zapatiste EZLN et le Conseil National Indigène (qui regroupe les peuples premiers du Mexique) lancent un appel pour les accueillir dans un grand tour européen estival. 500 ans exacte- ment après la chute de l’empire aztèque (le 13 aout 1521 à Mexico) et la colonisation espagnole, une importante délégation - majoritairement de femmes - fera la route inverse des conquistadores pour rencontrer celles et ceux qui luttent ici pour les mêmes causes. L’initiative rallie bien sûr les réseaux solidaires avec les zapatistes depuis leur première insurrection en 1994, contre l’ALENA (Accord de Libre Echange Nord-Américain).

De très nombreux collectifs européens s’y associeront. Au-delà du symbole fort d’un tel voyage, l’EZLN et le CNI font face à une menace de destruction de leurs communautés et territoires par une multitude de grands projets capitalistes et notamment un projet gigantesque d’aménagement agro-industriel et touristique de l’isthme de Tehuantepec, dans le sud du Mexique. Entre autres « train maya », gazoduc, déboisements, parcs éoliens, il s’agit de déplacer les maquiladoras - usines situées le long de la frontière US - vers l’extrême sud mexicain pour y fixer les exilés latinos en transit.

La ZAD de NDDL a été choisie pour fournir un moment de rencontres et d’échanges avec la délégation zapatiste au complet pendant une semaine fin juillet, si toutefois les aléas sanitaires ne s’en mêlent pas. L’été dernier, la Semaine Intergalactique avait déjà accueilli à la ZAD les témoins de mouvements sociaux de plu- sieurs pays dans des conditions satisfaisantes malgré l’incertitude. Parions sur le bon déroulement d’un instant aussi symbolique et qu’il en sortira des projets d’actions communes et solidaires... Selon une étude du FMI menée sur une trentaine d’années, à partir de milliers d’articles dans plus de cent pays, les crises sanitaires et épidémiques sont suivies d’une période d’apathie puis d’explosions sociales très fortes causées par les bouleversements économiques et sociaux consécutifs. C’est donc le moment ou jamais de s’y préparer !

Nantes, le 21/02/21]

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