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CA 320 mai 2022

Ukraine : la désillusion de Poutine

vendredi 6 mai 2022, par Courant Alternatif


Face à un conflit qui s’enlise, retour sur le pourquoi d’une guerre qui vient bouleverser l’ordre international.

Le 24 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine. Attaquant du nord, de l’est et du sud, les forces russes foncent sur les grandes villes ukrainiennes. Il s’agit de mener une opération éclair afin d’empêcher l’Ukraine de rejoindre l’OTAN et de démilitariser le pays. Selon Poutine, il s’agit d’une simple opération spéciale visant à « dénazifier » l’Ukraine afin de protéger les populations russes vivant dans le pays. Pour accomplir ses buts, le Kremlin vise la capture des grands centres urbains tels que Kyiv et Kharkiv, la chute du gouvernement ukrainien et tout ça rapidement afin de mettre le monde devant le fait accompli. Cependant, force est de constater que le plan russe n’a pas fonctionné : presque partout l’armée ukrainienne résiste et contre-attaque même ! Fin mars, le Kremlin annonce, dans ce qui peut être perçu comme un aveu de défaite, que ses opérations militaires vont à présent se concentrer sur la « libération » du Donbass qui aurait été le véritable but de la guerre. D’un point de vue humain, le premier mois de guerre en Ukraine est un véritable drame où le nombre des morts, tous camps confondus et civils compris, aurait dépassé la dizaine de milliers, les atrocités découvertes dans les zones où se sont retirées les forces russes ajoutent une couche d’horreur supplémentaire à la catastrophe. À cela s’ajoutent les millions de déplacés fuyant les combats et les bombardements. De plus, la globalisation du conflit en raison du soutien militaire et politique apporté à l’Ukraine par l’OTAN, et les sanctions économiques mises en place à l’encontre de la Russie par une large partie du monde, font que la Russie brandit – à demi-mot – la carte de la menace atomique. Autrement dit, c’est le retour de la guerre totale et de l’épée de Damoclès nucléaire sur le monde plus de trente ans après la fin de la guerre froide.

Ce conflit puise ses sources, en grande partie, dans la construction de l’Ukraine moderne. De ce fait, la compréhension de la guerre en cours nécessite un bref retour dans le passé. Décembre 1991, l’Ukraine prend son indépendance pacifiquement d’une URSS à l’agonie, achevée – entre autres – par une grande grève des mineurs du Donbass. Après un référendum auquel plus de 80% de la population participe, le camp du « oui » l’emporte avec une écrasante majorité (plus de 90%) et l’Ukraine devient une nation souveraine. Cependant, sous cette image d’unité, que l’on doit en partie au ralliement à la cause indépendantiste du Parti communiste d’Ukraine (KPU), une fracture apparait rapidement dans la nouvelle société ukrainienne. En effet, on constate rapidement que ce nouvel État possède deux visages et qu’il existerait pour ainsi dire, « deux Ukraine » telles que le défend le politologue ukrainien Kykola Riabchuk [1]. D’un côté, nous aurions une Ukraine russophile et russophone, ayant bénéficié des programmes d’industrialisation de la période soviétique et de l’autre côté, nous aurions une Ukraine europhile, ne parlant que peu le russe, principalement rurale et qui serait très heureuse de s’être débarrassé de l’Union soviétique. Si l’on devait dresser une carte de ces deux Ukraine, elle pourrait être représentée ainsi :

Les Oblasts au sud et à l’est de l’Ukraine, ceux hachurés en gris, ont de nombreux dénominateurs communs : importantes populations russophones, surtout dans les régions de Donetsk, Luhansk et en Crimée ; importants centres industriels, énergétiques et miniers dans les régions de Mykolaïv, Dnipropetrovsk, Kharkiv, Donetsk et Luhansk ; clivage important au niveau des élections avec une majorité de votes pour les candidat·e·s prorusses aussi bien en 2004 qu’en 2010 et cela tout particulièrement dans les oblasts de Crimée, de Donetsk et de Luhansk ; présence relativement forte également du KPU jusqu’aux législatives de 2012, etc.
Cependant, il est évident que cette vision bipolaire ne représente pas la réalité. Riabchuk le précise d’ailleurs lui-même en appuyant sur l’idée que la frontière entre les deux Ukraine est floue. De nombreux foyers parlent par exemple aussi bien russe qu’ukrainien. Également, certaines régions de l’ouest de l’Ukraine, échappent à ce clivage est-ouest du fait de la présence de minorités hongroises et carpato-ruthènes. Même constat pour la capitale ukrainienne qui abrite une importante communauté russophone. Finalement, la vision stéréotypée des deux Ukraine ne prend pas non plus en compte l’évolution dans le temps et l’apparition des jeunes générations qui, n’ayant jamais vécu en URSS, rentrent de moins en moins dans cette vision dichotomique de la société ukrainienne.

La gauche et Maïdan

Tristement, il faut avouer que le rapport de force n’est pas en faveur de la gauche en Ukraine. Le KPU n’ayant de « communiste » que le nom, il faut aller chercher plus à gauche pour trouver des organisations dignes de ce nom. Côté marxistes, nous pourrions mentionner l’existence du groupe Borotba (Lutte), de tendance stalinienne, qui a participé dans un premier temps aux manifestations sur la place Maïdan avant de passer dans l’autre camp. Il existe également un groupe de tendance trotskiste, l’Opposition de Gauche qui pour sa part s’est positionné en faveur de la révolution de la Dignité. Côtés anarchistes, nous pourrions mentionner le Syndicat Autonome des Travailleurs ou encore le groupe Action Directe, principalement composé d’étudiant·e·s. Ces deux groupes anarchistes vont activement prendre part aux mouvements maïdan toute en défendant leurs propres lignes politiques, résultant en de violents affrontements entre eux et les ultranationalistes. De nos jours, la situation s’est encore dégradée pour la gauche radicale en Ukraine, l’article Anarchistes et guerre : Perspectives anti-autoritaires en Ukraine sorti sur le site de Crimethinc quelques jours avant le début de l’invasion russe donne une bonne idée du rapport de force actuel.

La théorie des deux Ukraine offre tout de même une fenêtre de compréhension afin de saisir les troubles de ces dernières années. En effet, l’invasion russe peut être perçue comme la continuation des affrontements de 2014 qui éclatèrent durant la révolution de la Dignité, en marge des manifestations de l’Euromaïdan. Ce mouvement est déclenché à la suite de la décision du gouvernement prorusse de Viktor Ianoukovytch de ne pas finaliser l’accord d’association qui devait être ratifié entre l’Ukraine et l’EU. Cette décision abrupte, prise sous la pression de Moscou, va cristalliser les tensions entre les deux Ukraine. La place Maïdan à Kyiv se transforme en véritable champ de bataille où s’affrontent des manifestant·e·s exigeant le départ de Ianoukovytch et les forces de l’ordre défendant le pouvoir en place. Des milices ultranationalistes ukrainiennes investissent également la place afin de lutter contre le gouvernement perçu comme étant à la solde de Moscou. Rapidement, le mouvement s’intensifie et gagne plusieurs autres villes telles que Lviv dans l’ouest de l’Ukraine. Inversement, dans certaines régions du sud et de l’est de l’Ukraine, comme à Odessa, Sébastopol, Donetsk, Louhansk ou encore Kharkiv, un mouvement anti-maïdan voit le jour et des affrontements violents se produisent entre pro et anti-maïdan en de nombreux endroits.

Cependant, précisons tout de suite deux phénomènes importants afin de réellement cerner les événements de 2014. Premièrement, il faut noter que le mouvement Euromaïdan ne peut être réduit à un simple mouvement protestataire de la part des Ukrainiens·e·s europhiles contre le gouvernement prorusse de Ianoukovytch. En effet, une partie importante des protestations sont avant tout alimentée par le ras-le-bol face à l’impunité – le bespredel [2] devrait-on dire – quasi totale dont jouissent les autorités et les élites de tous bords en Ukraine et non par un sentiment antirusse. Deuxièmement, il ne faudrait pas voir les affrontements entre les pro-maïdan et les anti-maïdan comme un conflit opposant la population ukrainophone à celle russophone. Il s’agit bien davantage d’un conflit entre deux visions du monde et de la place que l’Ukraine devrait y occuper. L’Ukraine est-elle une nation européenne devant rejeter les liens du passé la liant à la Russie ? Où est-ce que l’Ukraine est une nation faisant partie d’une communauté panslavique plus large possédant un lien fort avec la Russie ? Certains affrontements se concentrent par exemple autour de la question du déboulonnage des statues de Lénine. En effet, ces statues seront défendues par les anti-maïdan dans plusieurs villes d’Ukraine, alors même que la présence communiste est très minoritaire dans leurs rangs. La défense de ces statues représente donc avant tout la défense d’une vision d’un monde où l’Ukraine serait tournée vers la Russie et non vers l’Europe. Les semaines passant les manifestations se transforment en véritable révolte et la répression du gouvernement se fait de plus en plus violente jusqu’au jour où, fin février 2014, Ianoukovytch est destitué et un nouveau gouvernement est mis en place.

Face à ce que Moscou perçoit comme un coup d’État allant à l’encontre de ses intérêts, le Kremlin décide de reprendre l’initiative en s’emparant de la Crimée, une région hautement stratégique et largement russophile. Le nouveau gouvernement ukrainien, sachant l’état de non-préparation de son armée, assiste à la capture de la péninsule sans pouvoir réagir. D’autant plus que les troubles dans l’est du pays prennent de l’ampleur ! Une frange du mouvement anti-maïdan s’est muée en milice armée séparatiste et les villes de Louhansk et de Donetsk tombent dans leurs mains. S’il est évident que la Russie a en partie instrumentalisé la situation dans le Donbass en apportant une aide aux insurgé·e·s, il serait faux de penser que ces derniers sont entièrement téléguidés par Moscou. Une part importante de la population de la région perçoit le nouveau gouvernement comme étant illégitime et continue de soutenir Ianoukovytch, originaire lui-même du Donbass. Autrement dit, la Russie, en intervenant au Donbass, n’a fait que saisir une opportunité, créée par les mouvements de contestation locaux, d’enflammer la situation dans la région. La guerre durera jusqu’à la trêve de septembre 2014 et culminera avec l’intervention directe des forces armées russes venue porter secours aux insurgés qui perdaient du terrain face à l’armée ukrainienne. Cependant, les accords de Minsk, censés amener la paix dans la région, ne réussirent au mieux qu’à geler la guerre, du moins jusqu’en février 2022. Ce conflit latent dans le Donbass et l’intervention russe en Crimée eurent comme effet de souder une partie importante de la population ukrainienne face à la Russie. La montée des groupes ultranationalistes, la sévère répression de l’État ukrainien contre les organisations prorusses tel que le KPU et le fait que les régions les plus russophiles (Crimée, Louhansk et Donetsk) furent détachées de l’Ukraine sont venus parachever la transformation de la société ukrainienne. Autrement dit, la théorie des deux Ukraine ne tient plus la route [3].

L'anticommunisme et l'Ukraine

- Très présent dans la société ukrainienne, l’anticommunisme prend cependant des formes différentes. Il existe deux anticommunismes en Ukraine. D’une part, un anticommunisme idéologique véhiculé par les groupes ultranationalistes – voire tout simplement néonazi – tel que le Pravyï sektor (Secteur droit) ou encore le bataillon Azov. Et d’autre part, un anticommunisme de circonstance (ou circonstanciel) qui prend sa source dans l’histoire du pays : Etouffement des tentatives d’indépendance ukrainienne par les bolcheviks dans les années 1920 ; famine des années 1930 due à la collectivisation hâtive des terres ; répression féroce des années 1950 (à la suite de la collaboration d’une part de la population ukrainienne avec le régime nazi durant la Second Guerre mondiale) ; mainmise de la nomenklatura du KPU sur les postes clés de la société ukrainienne jusqu’au début des années 2000 ; position prorusse défendue par le KPU en 2014... La liste des griefs ukrainiens envers le communisme russe est très longue. Évidemment, les deux formes d’anticommunisme se nourrissent et se renforcent mutuellement. Finalement, il est important de garder en tête qu’être anticommuniste en Ukraine ne représente pas forcément la même chose que l’être en Europe de l’Ouest.

En revanche, au vu de la manière dont Moscou mène sa guerre actuelle en Ukraine, on peut imaginer que le changement sociétal affectant l’Ukraine depuis 2014 n’a pas été pris en compte par Poutine et son entourage. Au lieu de se retrouver face à une nation fracturée avec une part importante de la population accueillant l’armée russe comme des libérateurs, les militaires russes ont dû faire face à une population unie et prête à résister. Les citoyennes et citoyens ukrainiens se sont massivement enrôlé·e·s dans des unités de défense locale, chose rendue possible par l’abondance du matériel militaire envoyé par l’OTAN. Également, dans les régions nouvellement occupées par la Russie, on assiste à de nombreuses manifestations contre l’occupation – violemment réprimées – et à un très faible niveau de collaboration des autorités civiles avec l’occupant et cela même dans les régions historiquement russophiles de l’Ukraine. L’arrestation, début mars, de plusieurs cadres du service fédéral de sécurité (FSB) chargés du dossier ukrainien nous permet de croire que Poutine se serait rendu compte de cette erreur de lecture. Il faut dire que le dirigeant russe s’est de plus en plus enfermé dans sa tour d’ivoire et que sa vision du réel en est quelque peu brouillée. Cet isolement du chef du Kremlin rend plus difficile toute analyse objective de ses intentions. Ainsi, sa décision d’envahir l’Ukraine a surpris plus d’un·e analyste tant cela a paru irrationnel. En revanche, l’état de sidération dans lequel l’invasion russe nous a plongé·es révèle bien notre incapacité à raisonner hors du rationalisme occidental et libéral. Pourquoi Poutine voudrait-il endommager durablement ses relations avec les pays de l’Union européenne, ses partenaires économiques principaux, remettant au passage l’existence de Nord Stream 2 ? Sans pouvoir apporter des réponses définitives tant l’opacité du pouvoir poutinien s’est épaissie ces dernières années, certaines hypothèses peuvent tout de même être formulées.

Une des hypothèses pouvant être retenues est celle du renoncement, par Poutine, de faire de la Russie une nation occidentale. En effet, l’un des effets de la guerre en cours est l’érection d’un mur symbolique entre la Russie et l’Ouest et l’on peut se demander si cela ne faisait pas tout simplement partie du plan de Poutine. Après tout, les différents votes de sanctions aux Nations unies à l’encontre de la Russie, s’ils ont bien été approuvés par une grande majorité de pays, ne l’ont pas été par certaines puissances asiatiques telles que la Chine et l’Inde. Il faut se rappeler que Poutine défendait déjà l’idée en 2005 que la chute de l’URSS était la « plus grande catastrophe géopolitique du siècle dernier ». Le retour à un statut de quasi-guerre froide entre la Russie et l’ouest ne serait donc peut-être pas perçu comme si dramatique de la part de Moscou. Si l’on retient cette idée, l’invasion de l’Ukraine peut paraitre rationnelle si l’on adopte le point de vue poutinien, car ses conséquences sont simplement acceptables.

La guerre en Ukraine doit être également perçue à travers le spectre d’une lutte stratégique entre l’OTAN – États-Unis en tête – et la Russie et cela depuis la chute de l’URSS. Des guerres en Yougoslavie des années 1990 à la guerre civile en Syrie actuelle en passant par la guerre en Géorgie en 2008, les zones de tensions entre les deux adversaires ne sont pas rares. De plus, les incorporations successives au fil des années de plusieurs pays de l’ex-bloc de l’est au sein de l’alliance atlantique ont, aux yeux de Moscou, fait plonger la Russie dans une situation d’infériorité et d’insécurité militaire inacceptables. L’armement et l’entraînement de l’armée ukrainienne entrepris par l’OTAN depuis 2014 et les discussions en cours afin que l’Ukraine intègre l’alliance étaient l’humiliation de trop pour Poutine. Par conséquent, il a décidé de commettre l’impardonnable et de déclencher une guerre, plongeant des millions de personnes dans l’horreur. Malgré la condamnation sans équivoque qu’il faut porter à l’encontre du Kremlin, il est juste également de penser que l’OTAN et les puissances occidentales ont une part de responsabilité dans le drame qui se joue actuellement. La volonté quasi permanente de l’OTAN, depuis la fin de la guerre froide, de considérer la Russie comme un adversaire – afin entre autres de justifier l’existence de l’alliance – est un élément de poids qu’on ne peut occulter si l’on veut comprendre le conflit en Ukraine.

À la mi-avril où s’écrivent ces lignes, l’armée russe est en train de préparer une grande offensive dans l’est de l’Ukraine. Si les forces ukrainiennes parviennent à résister tel qu’elles l’ont fait dans le nord du pays, cela pourrait sonner le glas de tout espoir de victoire russe. Cependant, il semblerait étonnant que Poutine puisse accepter de perdre cette guerre et cela laisse redouter le pire. Une mobilisation générale de l’armée russe – que le chef du Kremlin refuse d’ordonner pour le moment – pourrait en revanche mener à une contestation plus large en Russie contre la guerre. Il faut dire que le retour des « cercueils de zincs » – en référence aux cercueils transportant les militaires soviétiques tombés en Afghanistan des années 1980 – ébranle déjà passablement la société russe et que des manifestations, fortement réprimées, se produisent régulièrement dans les grandes villes. Malheureusement, il semble peu probable que cela puisse faire chuter le chef du Kremlin qui est plus que jamais déterminé à obtenir un succès militaire avant le 9 mai, Jour de la Victoire sur l’Allemagne nazi en Russie. D’ailleurs, selon l’institut Levada – accusé par le Kremlin en 2016 d’être à la solde des puissances étrangères – la population russe approuverait à plus de 80% les actions du chef de l’État. La conquête de toute l’Ukraine étant à présent un projet probablement irréalisable pour Poutine, et la reconquête totale du pays par l’armée ukrainienne étant également compliquée à imaginer, nous allons sûrement assister à une guerre prolongée débouchant sur un partage de l’Ukraine.

Yannick

Notes

[1RIABCHUK, Mykola. Ukraine : One State, Two Countries ? Transit Online, 2002, vol. 23

[2Le bespredel est un mot russe, mais également employé en Ukraine, qui n’a pas d’équivalent direct en français. Il signifie l’état d’impunité total dont bénéficient les élites. Impunité qui est mise à profit par les classes dirigeantes afin de se maintenir au pouvoir par tous les moyens possibles et imaginables.

[3RIABCHUK, Mykola. ‘Two Ukraines’ Reconsidered : The End of U krainian Ambivalence ?. Studies in Ethnicity and Nationalism, 2015, vol. 15, no 1, p. 138-156

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