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POUR 2007:UN SEUL PROGRAMME POUR TOUS, L’EXPLOITATION DU TRAVAIL

dimanche 1er octobre 2006, par Courant Alternatif

Les enjeux de la prochaine élection présidentielle ne se situent pas forcément là où les candidats et les partis qui les soutiennent l’affirment.
En fait il ne s’agit que d’accompagner du mieux possible la seule et unique chose importante aux yeux des " maîtres du monde " : la transformation des conditions d’exploitation du travail humain. Une transformation nécessaire et obligatoire du fait du l’inéluctable développement des forces productives lié à l’expansion du capitalisme.


Mettre l’exploitation au diapason de la modernité

Tout se combine évidemment pour faire passer cette évidence au second plan aux yeux de la très grande majorité des exploités, et même, si possible, la rendre invisible derrière des écrans de fumée que constituent débats et affrontements dits " de société ", sur les questions de sécurité, de religion, de parité, de droits divers et variés qui perdent tout sens si on ne les met pas en relation à la question de fond qu’est l’exploitation économique en pleine mutation.

Tout se prépare à gauche pour que se rejoue l’arnaque de 2002 avec Sarkozy dans le rôle de Le Pen face à Royal, au deuxième tour de la présidentielle. D’autant plus facilement que les réticences à voter Royal seront moindres que celles qui ont poussé des abstentionnistes et des gauchistes à voter Chirac. Segolène est " de gauche " quand même, entend-on souvent : si, sur certains côtés (sécurité, famille, éducation, sexualité...), la puritaine Ségolène est très proche du facho Nicolas, sur le plan social ça sera quand même moins pire ! D’autres, avec le même objectif de se préparer une " excuse " pour voter Royal font le raisonnement inverse : on sait bien que sur le fond, celui de la gestion du capitalisme, il n’y a guère de différence entre la droite et la gauche, en revanche sur les questions " de société " Royal sera moins " facho " que Sarko... On nous refait ainsi le coup de l’abolition de la peine de mort en 1981 !

Pourtant, les choses sont on ne peut plus claires. Au mois de septembre les deux candidats les plus probables ont fait le pèlerinage de Bruxelles, ce qui n’était jamais arrivé avant une présidentielle où il importe d’abord de paraître défendre les intérêts nationaux et de ne pas recevoir d’ordres d’ailleurs. Ce qui explique que ces voyages se sont fait dans une relative discrétion. C’est que le " non " français ronge d’inquiétude les élites bruxelloises qui n’ont de cesse que de s’assurer que les politiques qu’ils dictent seront bien poursuivies et non entravées ou retardées par les aléas de telle ou telle vie politique locale. On sait qu’en période de " calme ", l’essentiel du travail des parlementaires européens consiste à adapter les circulaires de Bruxelles.
Sarkozy et Royal ont rassuré ces élites en leur confirmant le lien de vassalité qui ne peut qu’unir les Présidents européens à Bruxelles. Un même lien de vassalité qui unit par ailleurs Bruxelles aux Etats-Unis faisant de l’institution européenne l’intermédiaire/tampon idéal entre l’Europe et les multinationales américaines.
En effet, le Parlement européen, s’il peut paraître, aux yeux des plus naïfs, comme plus ou moins progressiste sur des questions dites " de société " ou de culture (1), est en fait à la pointe de la mise en place des modernisations et des adaptations des conditions de l’exploitation du travail humain dont nous parlions plus haut.

Les impératifs de Bruxelles

Prenons un exemple qui nous occupe précisément en cette rentrée, les attaques contre la retraite par le biais, cette fois, de la menace de suppression - ou de réforme - des régimes spéciaux. Ce que reproche le PS aux déclarations de Fillon puis de Sarkozy, c’est encore une fois la méthode utilisée et non le fond. J.-M. Ayraud le président du groupe parlementaire PS est très clair : " Il faut s’y prendre autrement ". Autrement dit, Segolène ou un autre, une fois élue aura les mêmes objectifs, mais s’y prendra autrement pour justifier et faire avaler la potion.

Rappelons-nous : tout commence en 1993 par le décret Balladur qui fait passer, pour le secteur privée, le nombre d’années de cotisations de 37,5 ans à 40. Or ce décret n’est que, pile-poil, la mise en application du traité de Maastricht soutenu par le PS. Dix ans plus tard, en 2003, la décision de Fillon, déjà lui, de faire passer les fonctionnaires au régime du privé, découle directement du sommet de Barcelone de mars 2002. Chirac est président et Jospin premier ministre ; l’un et l’autre ont approuvé une série de décision européenne dont le point 32 : " Il faudrait chercher d’ici 2010 à augmenter progressivement d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse, dans l’Union européenne, l’activité professionnelle ". Nous sommes bientôt en 2010 et le travail sera achevé par le prochain président quel que soit sa couleur et son sexe !
Et lorsque le Financial Time (quotidien britannique, porte-parole du Capital) se félicite, en septembre dernier que le taux de croissance de l’UE ait atteint sont meilleur niveau depuis six ans, il l’explique par " les efforts positifs faits pour réformer les marchés du travail " qui " ont fini par payer ". Autrement (à peine) dit, les diktats de l’UE ont pour seuls objectifs la recherche du profit et donc cette transformation/ accroissement de l’exploitation du travail humain.

Et au-delà de Bruxelles, l’imprimature internationale que recherche les candidats à la présidentielle , et plus particulièrement nos deux pantins, n’a de sens que dans l’affirmation répétée que, quoi qu’il arrive et quelle que soit la manière dont ils la mèneront, leur politique ira dans le sens de la modernisation du capitalisme et de la poursuite de l’aggravation et de l’extansion de l’exploitation du travail.

La Medef en embuscade


Mais il n’y a pas que les institutions européennes à prendre leurs précautions à l’avance vis-à-vis des candidats. Le medef, lui aussi, bien entendu, donne de la voix. Il ne se fait pas prier pour dire qu’il ne veut pas de Villepin. " Depuis un an, nous avons connu une succession, voire une accélération de crises tout à fait préoccupantes pour la stabilité de notre pays, pour sa croissance économique et tout simplement pour le bien-vivre ensemble " a déclaré Laurence Parisot à LCI en rappelant le " non " à la constitution européenne, les émeutes de banlieues, le mouvement anti-CPE, qui, apparemment, ont constitué à ses yeux une " année horrible ". Non que les projets de Villepin n’aillent pas dans le bon sens, mais sans doute, là encore, la méthode a laissé à désirer... Pour Parisot, " une fois que la décision est prise, il n’y a pas pire que de ne pas la mettre en œuvre ". Elle fustige ainsi le gouvernement pour sa gestion passée, mais aussi actuelle qui, par prudence devant les réserves de certains députés de la majorité, a retardé la fusion GDF-Suez que le grand patronat appelle de ses vœux (2). Cette leçon donnée a une double fonction : laisser croire que le gouvernement et Medef sont deux institutions indépendantes, mais surtout baliser le terrain de ce que serait un bon président pour 2007, c’est-à-dire celui qui n’hésiterait pas à mettre en œuvre rapidement ses décisions. Sarkozy, qui tire plus vite que son ombre, semblerait être, à ce jeu, le meilleur.
Mais d’un autre côté, si les mesures doivent s’accélérer il ne faut pas qu’elles fassent trop de vagues comme celles qui ont secoué la France pendant un an ! Et là, il se pourrait bien que la victoire de la candidate de gauche soit officieusement plutôt bien vue du côté de l’avenue Bosquet. D’autant que parmi les décisions que le Medef aimerait voir prises, figure l’extension du CNE aux entreprises de moins de 50 salariés et l’instauration d’un smic par branche et par territoire. La volonté affichée de Royal de parfaire la décentralisation en étendant davantage les compétences des régions, ne peut qu’aller dans ce sens.
Une suggestion : décision + rapidité de mise en œuvre + pas de vague + discours humaniste = gouvernement d’union nationale Sako-Ségo sur le modèle allemand avec Bayrou en président de l’Assemblée nationale.


Les affaires sont les affaires... planétaires

Sortons maintenant de l’hexagone pour illustrer à quel point la subordination des politiques menées n’obéissent qu’aux exigences économiques immédiates du capital et nullement à de quelconques impératifs idéologiques : la reconstruction du Liban. On le sait, la guerre sert à détruire pour ensuite reconstruire. C’est l’Europe capitaliste qui va payer pour reconstruire ce que Israël et les USA ont détruit. Avec quel argent ? Avec les contributions faites à Bruxelles et alimentées par les contribuables salariés et non avec ce qui " fini par payer grâce aux réformes du marché du travail " dont nous parlait le Financial Time. Cet argent-là reste bien au chaud dans les nids douillets du capitalisme financier. En revanche, les contributions attribuées à la reconstruction retourneront dans l’escarcelle des grosses sociétés européennes spécialisées dans la reconstruction et qui ont déjà signé des contrats, comme elle l’avaient fait en Irak dès avant la fin de la guerre. Et ce, pour maintenir Israël dans son rôle de flic local afin que les pétroliers continuent à augmenter leurs profits. Une reconstruction qui ne profitera guère à la majorité des Libanais qui seront un peu plus endettés qu’auparavant (ils devront, par exemple, rembourser la reconstruction de leur maison). En attendant que d’ici deux à trois ans tout soit de nouveau détruit.

Cette question de l’adaptation des conditions d’exploitation aux besoins modernes du capitalisme est aussi au cœur de la question des migrations à l’échelle mondiale. C’est ainsi qu’aux Etats-Unis, par exemple, on constate que de nombreux employeurs, qui n’ont pourtant rien de grands humanistes, se heurtent de front aux groupes paramilitaires qui s’organisent pour chasser les migrants dans le sud du pays. Pas au nom des droits de l’homme mais à celui d’exploiter une main-d’œuvre au prix le plus bas possible, même et surtout clandestine, qui lui permet un taux de productivité des plus importants ! Et en France, même le jour où on n’acceptera plus officiellement que des intellectuels, des artistes et des "divers qualifiés" africain, les autres, la maind’œuvre corvéable et clandestine, continuera de remplir les basses fosses du BTP pour les plus grands profits des adhérents du Medef.

JPD

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