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Courant alternatif 276 - janvier 2018

HARCELEMENT

De la fac de médecine de Caen à... #balancetonporc

jeudi 25 janvier 2018, par admi2

A la dernière rentrée universitaire, un « Web » que l’on ne trouvait pas sur les ordinateurs a été interdit à la fac de médecine de Caen. Annoncé comme un « week-end de bienvenue », c’était en fait un « week-end de bizutage ». Puis il y a eu la dénonciation massive de harcèlements sexistes et d’agressions sexuelles, aux Etats-Unis et en France…


HARCELEMENT
De la fac de médecine de Caen
à... #balancetonporc

Les L3, étudiant(e)s en médecine de troisième année à Caen, avaient prévu ce « week-end de bienvenue », les 28 et 29 octobre, pour « accueillir » les deuxième année, mais les festivités version 2017 ont été annulées par le président de l’université. Il s’agissait par cette mesure, d’après lui, de « remettre les choses à plat ». Un collectif composé du Collectif féministe (présent sur la fac, mais pas que là), de SUD Education et du SL Caen (Syndicat de luttes, Solidaires étudiants) avait en effet dénoncé, dès janvier 2017, des comportements abusifs lors des soirées de médecine (il a obtenu le retrait d’une affiche annonçant le gala de médecine où on voyait une femme nue, ensanglantée, ligotée sous les regards, les sourires et les verges d’un attroupement) ainsi que le bizutage qui se pratiquait durant ce Web, joliment enrubanné par le mot « bienvenue ». Après avoir recueilli nombre de témoignages et documents probants, ce collectif avait adressé le dossier à la présidence de la fac et au rectorat. Un ensemble de pièces accablant : vidéos, photos, etc., montrent que le parcours d’« intégration » proposé était jonché d’humiliations à caractère sexuel et sexiste. Le parquet de Caen a ouvert une enquête après le signalement de dérapages lors du Web 2017.

Les soirées très folklos
de la « corpo »


La corpo est l’association qui organise la vie étudiante et, par là même, ces soirées pleines de délicatesse. Après une semaine de silence, elle s’est exprimée sur Twitter pour condamner « avec fermeté toute forme de violence quelle qu’elle soit, physique, morale ou sexuelle ». Il faut dire que la pratique du bizutage est interdite par la loi de 1998 : « le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaires et socio-éducatifs » est passible de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Le dossier réalisé par le collectif révèle pourtant des secrets Facebook de cette corpo qui contredisent ses déclarations.
On y trouve par exemple une soixantaine de « commandements » qui sont autant de défis à relever pour être accepté(e) dans le milieu clos des carabins. Au bas de l’échelle de ces défis qui rapportent des points : payer un sandwich à un clochard ou faire don de son sang dans un centre de transfusion ; mais, parmi les plus « cotés », on trouve des instructions telles que « toucher les seins ou donner des fessées à des inconnues »… Ces défis à relever pour intégrer la corpo de Caen et lui « faire honneur » traduisent les fantasmes de « mecs hétéros » : « 50 points pour qui saute une vierge » et, mieux, en filmant la scène. Il s’agit de réduire les femmes à des objets sexuels de plaisir ou de rigolade.
La corpo s’est évidemment refusée à « polémiquer sur des contrevérités » et elle a rappelé l’aide qu’elle apporte en « proposant un nombre incalculable de photocopies de cours aux étudiants, en organisant des événements sportifs, des campagnes de don du sang, des Téléthon, etc. ». Mais, en matière de photocopies, le collectif féministe, SUD Educ et le SL Caen ont révélé que l’un des commandements de la corpo incite, contre quelques points, à photocopier seins, fesses ou autres pour « décorer » les murs comme autant de trophées.
Bien sûr, à la lecture des témoignages recueillis, on pourrait penser qu’ils ou elles n’étaient pas « formellement » obligé(e)s de le faire – mais comment dire non, comment résister seul(e) dans ce milieu ultracompétitif et méritocratique sans être aussitôt mal vu(e), et rejeté(e) parce qu’on n’a pas accepté les « valeurs » ou les us et coutumes d’un monde où prédominent les comportements machistes ? La quête d’une valorisation de soi et d’une intégration pousse les plus zélé(e)s à « ramper dans la merde, les tripes ou les viscères de poisson et manger de la pâtée pour chiens ». Voilà la bienvenue que souhaitent leurs aîné(e)s de L3 aux étudiants de deuxième année – mais, comme le souligne la corpo, elle n’oblige personne à s’y soumettre, hein.

Domination masculine
et hiérarchie sociale

Cette pratique du bizutage a soudain mis en relief le milieu réactionnaire et bourgeois qui va des apprentis carabins aux mandarins installés. Un milieu où la hiérarchie du corps médical s’impose encore lourdement, comme à l’hôpital, alors que dans le même temps la valeur sociale des médecins s’étiole dans la société. Le médecin de famille, de campagne se raréfie. Il cède la place au « spécialiste » ou à des déserts médicaux. Tandis que, dans les cliniques ou les hôpitaux, l’image des pontes médicaux est écornée par leurs liaisons scandaleuses avec les trusts pharmaceutiques ou les dessous-de-table qu’ils demandent aux patients.
Ce petit monde qui vit en vase clos reproduit donc la logique du système capitaliste et patriarcal : dominer, humilier et exclure. C’est une façon de réguler la norme, et ainsi de faire accepter l’ordre établi pour le perpétuer. Car la misogynie et les modes de fonctionnement des jeunes carabins ne resteront pas cantonnés aux bancs de la fac de médecine : ils les conserveront dans leur pratique médicale au quotidien, en profitant toujours plus des rapports hiérarchiques, à mesure qu’ils gagneront de l’ancienneté.
On retrouve de plus ce genre d’attitude envers les patients, et surtout les patientes. Comme vient de le souligner Le Livre noir de la gynécologie de Mélanie Déchalotte, « tout au long de leur vie, les femmes mettent leur corps entre les mains des gynécologues. Paternalisme, sexisme, examens brutaux, paroles déplacées ou culpabilisantes, humiliations, absence de consentement, épisiotomies superflues, déclenchements abusifs... ». Et cette « maltraitance médicale, perçue comme inhérente à la condition féminine », est à dénoncer plus largement qu’en matière de gynécologie.
Dans les hôpitaux, le sexisme hard et la culture du viol entretenus dans les corpos et les internats cède la place au sexisme ordinaire, plus soft et diffus, du quotidien, où les subalternes n’en sont pas moins méprisé(e)s ou ignoré(e)s. Au mieux s’instaurent avec les infirmières et les aides-soignantes des rapports paternalistes et infantilisants. Les carabins et leurs apprentis trouvent naturellement des alliés de circonstance chez leurs collègues masculins, quelle que soit leur place à l’hôpital, simplement pour affirmer une domination masculine sur les femmes. Comme nous le confirme Martin Hirsch, le directeur des hôpitaux de Paris (France Inter, le 27 octobre), le harcèlement sexuel est « un problème à l’hôpital » mais il ajoute aussitôt pour atténuer son propos : « Ses acteurs ont toujours eu du mal à faire la différence entre la plaisanterie lourdingue et le harcèlement. » Les femmes qui s’expriment et libèrent leur colère avec force sur le Net ou ailleurs depuis l’affaire Weinstein savent faire cette distinction qui échappe apparemment à ces « acteurs ».

Fric, pouvoir et sexe

De Normandie en Californie, les ressorts sont en effet les mêmes : le bizutage caennais comme les pratiques de Weinstein en disent long sur ce système dont l’un des ressorts est la domination sur l’autre – que ce soit les femmes ou les homos.
Harvey Weinstein, ce producteur pourvu de 150 millions de dollars, usait et abusait de son pouvoir à Hollywood. Comme tout seigneur se croyant intouchable, il imposait un droit de cuissage à des femmes en quête de travail ou de réalisation de leur rêve de devenir actrices. Certaines ont acquis une notoriété, mais à quel prix ? Comme très souvent, quels que soient les milieux professionnels et familiaux, un silence complice ou contraint a permis à Weinstein de continuer son plaisir prédateur. La dénonciation de ses forfaits a été un déclic qui a libéré avec une force surprenante la parole de nombreuses femmes opprimées et agressées aux Etats-Unis.
En France, c’est sur #balancetonporc que des femmes ont réagi pour dénoncer en nombre le harcèlement sinon les viols subis à un moment ou un autre de leur vie professionnelle ou familiale. Les douleurs qui ont déferlé là, tel un tsunami, dévoilent les violences sexistes, verbales ou physiques, et montrent ce qu’ont à subir en général les femmes dans notre société. Cette explosion de la parole, à la fois unique et multiple, traduit la profondeur du silence dans lequel elles sont enfermées. La difficulté qu’il y a à dénoncer les harceleurs et surtout les violeurs, face au mur qui se dresse le plus souvent contre leurs témoignages pour les étouffer, les maintenir dans le non-dit.
Les affaires ultramédiatisées, et jetées en place publique, comme celle de Weinstein aujourd’hui – après celles de Dominique Strauss-Kahn, Denis Baupin ou Gérard Tron en France –, pointent la persistance des rapports de domination de ces hommes de pouvoir sur les femmes. Mais jeter quelques noms de personnalités prédatrices en pâture ne permet-il pas au pouvoir en place – tenu par des hommes, le plus souvent – de détourner tout réel débat sur le sujet ? Loin de n’être le fait que de célébrités, le harcèlement est une oppression multiple et sournoise engendrée par le système capitaliste et patriarcal lui-même. La domination masculine, qui est enracinée dans la sphère familiale, concerne toutes les couches sociales. 80 % des viols ont lieu dans l’entourage immédiat des victimes et sont le fait de proches, protégés par la loi du silence (voir encart 1). C’est pourquoi on ne peut combattre le problème de fond du harcèlement ou de la culture du viol en les circonscrivant et les réduisant aux « mauvaises actions » de quelques figures politico-médiatiques.
Alors, s’il faut nous féliciter de la libération de la parole des femmes qui permet d’exposer au grand jour le combat à mener contre les oppressions sexuelles, nous ne devons pas perdre de vue les limites du Net, où la dénonciation pétitionnaire peut rappeler des temps obscurs de la délation conduisant à des lynchages populaires sur la place publique. Comme celui qu’ont subi les femmes rasées à la Libération.
Il faut garder à l’esprit la façon dont dernièrement, dans la petite bourgeoisie néoconservatrice de gauche, certains et certaines ont utilisé les appels à dénonciation sur la place publique pour régler leurs différends politiques : d’ignobles attaques contre Edwy Plenel et Mediapart, via l’affaire Tarik Ramadan, ou des accusations d’antisémitisme contre Gérard Filoche, via un Tweet qu’il a malencontreusement relayé. Ces règlements de comptes s’inscrivent dans la logique de ce qui se passe aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne.
Cette parole libérée des femmes peut-elle dépasser le cadre individuel du Net, de l’anonymat des réseaux sociaux ? Cela d’autant plus que les institutions s’empressent toujours d’étouffer les cris libérés pour mieux les récupérer, à défaut de les réprimer. Ne voit-on pas déjà, de la part de certaines femmes, une demande pressante faite à l’Etat macronien de légiférer, de déclencher un plan ORSEC en la matière, alors que depuis des décennies les mesures prises par les gouvernements successifs contre le sexisme sont restées inopérantes ?
Si la dénonciation d’individus aux pratiques rétrogrades s’impose, pour que les femmes échappent à l’enfermement victimaire auquel elles sont assignées, cela n’enrayera pas ce système où les valeurs de l’argent et du pouvoir sont légitimées et célébrées. S’en contenter, en termes de justice ou d’égalité, sans qu’il y ait une remise en cause des structures patriarcales et capitalistes sur lequel il repose ne peut conduire qu’à une « libération » sous tutelle.
L’aspiration émancipatrice vers l’égalité entre les hommes et les femmes ne peut se concrétiser tant que subsistent les rapports d’exploitation et de domination que nous impose le système. Ce combat n’avancera donc réellement que si celles et ceux qui les subissent parviennent à s’unir dans une même lutte pour s’en émanciper.

Super-Macron, le sauveur
des femmes harcelées

Comme François Hollande avait su se saisir de l’émotion soulevée par l’attentat contre Charlie Hebdo, Emmanuel Macron surfe sur l’émotion suscitée par les cris, la colère et le ressenti de cette libération de la parole des femmes. Profitant de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes du 25 novembre, il proclame « grande cause » du quinquennat la lutte contre le harcèlement. Sollicité par certaines féministes, il se présente comme l’indispensable et incontournable soutien de la cause féministe et appelle à une minute de silence pour rendre hommage aux 123 femmes tuées sous les coups de leur conjoint ou de leur ex en 2016. Il annonce ensuite un certain nombre de mesures qui permettront aux médias de souligner son action, avant de passer à une autre actualité – reléguant ainsi, à défaut de les faire taire, l’écho de ces paroles libérées. Parmi ces mesures : allonger le délai de prescription pour les crimes sexuels sur mineurs de 20 à 30 ans ou fixer l’âge du consentement sexuel à 15 ans... cela ne coûte rien ! Par ailleurs, le budget du secrétariat d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes reste, avec ses 30 millions d’euros, le plus petit budget ministériel, alors que le candidat Macron avait promis un ministère des droits des femmes, la parité, etc. Le constat est sans appel : les annonces présidentielles sont de la « com ». Les multiples et diverses associations qui viennent en aide aux femmes dans leur quotidien n’auront toujours pas les subsides leur permettant d’assurer pleinement leur tâche car elles demeurent soumises au couperet de l’austérité.
« Promouvoir l’égalité par l’éducation dès la plus petite enfance », voilà une autre « préoccupation » du Président. Mais où sont les moyens humains et financiers nécessaires pour ce faire, alors que les coupes budgétaires frappent les secteurs éducatif et social ? Macron propose aussi que les femmes victimes puissent déposer plainte directement à l’hôpital, sans avoir à passer par la case commissariat. Outre le fait que cette possibilité existe déjà, encore faudrait-il, pour assurer un accompagnement sérieux, mener une autre politique de santé. Les « unités de prise en charge psycho-traumatiques » préconisées seront une coquille vide tant que l’austérité budgétaire sera le lot de l’hôpital : les restrictions, baisses de moyens, fermetures de lits et suppressions de personnels constituent un « harcèlement antisocial » qui, au quotidien, conduit des salarié(e)s à se suicider. Dans un rapport de mai 2017 sur l’accueil et les soins apportés aux femmes victimes de violences, l’Inspection générale des affaires sociales notait une prise en charge « très insuffisante » des femmes faute de moyens financiers et humains, d’organisation et de formation. Elle proposait de créer « une enveloppe de 15 à 25 millions d’euros par an » au profit des hôpitaux afin « de mieux soigner les femmes blessées et traumatisées ». L’inverse de la politique menée.
Quant au harcèlement qui sévit dans le monde du travail, là où règnent le sexisme et la domination masculine, le « Jupiter de l’Elysée » issu du capital et ancien de la finance juge suffisant l’arsenal juridique déjà existant. C’est dans ce monde du travail que 5 % des viols sont commis et que 20 % des femmes sont victimes de harcèlement sexuel, mais pas un mot contre les petits ou les grands chefs, les employeurs ou tous ceux qui disposent d’un quelconque pouvoir dans l’entreprise de par leurs fonctions et en abusent, confortés par l’ambiance machiste générale. Il est pourtant reconnu que les personnes qui dénoncent les attitudes de harcèlement sont au mieux déplacées dans une entreprise, au pire licenciées. Avec les nouvelles mesures contre le code du travail prises par ce Président qui « défend » la cause des femmes, celles-ci auront encore moins d’outils pour dénoncer et se défendre individuellement ou collectivement. Prud’hommes, inspection du travail, comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail : autant d’outils aux moyens réduits sinon supprimés alors qu’ils permettaient en principe au moins une défense salariale. Qu’attend donc ce Président prétendument à l’écoute des femmes et qui aime tant gouverner par ordonnances pour obliger les patrons à respecter l’égalité des salaires ? Quand a-t-on vu un patron condamné pour discrimination salariale ?
La domination sexuelle est intrinsèquement liée à la violence de l‘exploitation contre les travailleurs, et cette violence est plus forte encore lorsqu’il s’agit des travailleuses car elles subissent non seulement le sexisme de la hiérarchie mais aussi celui de leurs collègues hommes. 80 % des salariées se disent confrontées à des attitudes et comportements sexistes : comment pourrait-on faire disparaître ce harcèlement lié à leur sexe sans qu’ait disparu le harcèlement social et économique érigé pour les besoins du capital en modèle de management ?

Des annonces pour faire oublier
la politique antisociale

Le 13 octobre, de New York, la journaliste Sandra Muller a lancé son #balancetonporc (encart 2), inspirée par le déballage que suscitait l’affaire Weinstein. Elle a déclaré dans Libération « avoir voulu créer un effet similaire à celui de Weinstein ». Effet réussi. Elle a aussitôt été relayée par d’autres féministes, dont Caroline De Haas et sa pétition demandant à Macron « de décréter aussitôt un plan d’urgence contre les violences sexuelles ». Il n’en fallait pas plus au Président et à ses communicants pour annoncer une nouvelle loi contre le « harcèlement de rue » et la création en 2018 d’une « police de sécurité du quotidien » qui serait chargée d’opérer dans les transports (trains, bus, métro), mais sans en définir les moyens. Cette police a été dénoncée par des chercheurs dans Libération, le 26 septembre, parce qu’elle viserait en premier lieu « les jeunes hommes des classes populaires et racisés », qui subissent déjà plus que d’autres les contrôles policiers et les violences des forces de l’ordre. De fait, le pouvoir surfe sur la dénonciation du harcèlement pour élargir le contrôle policier, il profite du cri de femmes en colère pour étouffer les résistances contre sa politique de répression sociale de classe.
Il est à noter comment des associations féministes et des éditorialistes ont séparé, fragmenté cette libération de la parole des femmes en la cantonnant aux réseaux sociaux et à la politique sociale et économique de Macron. Ce dernier, avec ses ordonnances imposées contre le code du travail, sa pérennisation de l’état d’urgence dans la loi, etc., reste empêtré dans son image de Président des riches et des patrons – pas encore détesté, comme Sarkozy ou Hollande, mais raillé et discrédité malgré tout. Quelle est donc bienvenue pour lui, cette petite bourgeoisie culturelle et intello qui demande son intervention ! Quelle aubaine s’il peut par là redorer son image, agréger autour de lui cette nouvelle clientèle désemparée et plus préoccupée par le genre, le bio, le climat ou l’identitaire que par l’ensemble des répressions sociales ! Cette clientèle, qui a « réussi » sur le plan social, se contente d’une demande d’égalité et de justice pour soi, au lieu de chercher à promouvoir le désir collectif d’émancipation.
Entendons-nous : il ne s’agit nullement ici de minimiser cette parole nécessaire des femmes harcelées, et encore moins d’ignorer les blessures qui sont les leurs. Il ne s’agit pas non plus de minimiser le mépris et le silence qu’elles ont eu à affronter, ou le combat qu’elles ont mené. Non ! Il s’agit de mettre en garde contre les illusions réformistes que certaines féministes entretiennent, par naïveté ou par appartenance de classe, et qui les poussent à faire appel à l’Etat plutôt que de nourrir des projets réellement émancipateurs – comme, en d’autres temps, l’ont fait Alexandra Kollontaï ou Emma Goldman (1). De plus, si les réseaux sociaux peuvent accompagner un cri, une colère, devenir un point de ralliement et faire le buzz, on observe vite leurs limites : les manifestations #metoo appelées contre le harcèlement sexuel, le 29 octobre à Paris et dans d’autres villes en France, n’ont ainsi rencontré que peu d’échos.
Il n’empêche que des femmes ont pris la parole pour dénoncer avec force les violences sexistes, et que, si celles-ci ne sont pas une fatalité, ce ne sont pas les réformes annoncées par le pouvoir, si elles voient vraiment le jour, qui les feront disparaître. Au lieu de les attendre ou de baisser les bras, nous devons tenter de construire un rapport de forces qui pourra imposer un réel changement. Ce n’est qu’en nous auto-organisant, en collectivisant nos luttes et revendications, que nous aurons une chance de changer cette société.

MZ, 18/12/2017

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