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Courant alternatif 285 - décembre 2018

Pour la sauvegarde des forêts publiques

lundi 17 décembre 2018, par admi2


1. Forêts publiques

Tout d’abord, commençons par le BA à BA de toutes introductions concernant les forêts publiques.
Où sont-elles ? Elles sont réparties sur le territoire métropolitain et dans les DOM/ROM/COM/POM (pour Département, Région, Collectivité et Pays d’Outre Mer).
Leurs superficies : Représentent environ 8 % de la surface totale de la métropole, soit 4.2 millions d’hectares. Et pour celles de l’outre mer, dont l’essentiel est en Guyane, elles représentent un peu plus de 8 millions d’hectares dont 6 millions d’hectares sont gérés par l’ONF.
(Mais restons très prudent par rapport à ces chiffres, car même en prenant seulement l’IGN (institut Géographique National) comme référent qui s’est vu affublé du vocable "et forestier". Les surfaces varient d’un rapport à l’autre. Pour quelle raison prenons-nous l’IGN comme référent plutôt que l’ONF (Office National des Forêts). Ben, la raison en est simple, depuis 2005 l’inventaire des surfaces forestières est dévolu à l’IGN, les modalités de comptage ont été modifiées et ne permettent plus un comparatif avec les inventaires d’avant 2005.)
Les deux grandes nominations des forêts publiques sont domaniales (propriété de l’Etat) et communales (propriété d’une commune).
Définitions d’une forêt depuis 2005 : Un territoire occupant une superficie d’au moins 0.5 hectare avec des arbres capables d’atteindre une hauteur supérieure à cinq mètres à maturité in situ, un couvert arboré de plus de 10 % et une largeur d’au moins 20 mètres.
Les sites momentanément déboisés ou en régénération sont classés comme forêt même si leur couvert est inférieur à 10 % au moment de l’inventaire.
Elle n’inclut pas les terrains dont l’utilisation du sol prédominante est agricole ou urbaine.
N.B. : Les peupleraies (taux de couvert libre relatif des peupliers cultivés supérieur à 75 %) sont inclues dans la définition de la forêt.
Définitions d’une forêt avant 2005 : La forêt est un territoire occupant une superficie d’au moins 2.25 hectares avec des arbres capables d’atteindre une hauteur supérieure à 7 mètres à maturité in situ un couvert arboré de plus de 10 % et une largeur d’au moins 25 mètres.
Les sites momentanément déboisés ou en régénération sont classés comme forêt même si leur couvert est inférieur à 10 % au moment de l’inventaire.
N.B. : Les peupleraies (taux de couvert libre relatif des peupliers cultivés supérieur à 75 %) ne sont pas inclues dans la définition de la forêt. Les noyeraies et les châtaigneraies à fruits ainsi que les truffières cultivées et les vergers sont également exclus (productions agricoles).
La nouvelle norme qui définit la forêt est également valable pour les forêts privées. Par cette modification, la surface forestière est augmentée artificiellement. Par cette manipulation, le calcul de la production de bois est surévalué, ce qui permet un prélèvement (coupe) de bois en forte hausse. A cela vient s’ajouter l’utilisation des photos satellites pour le comptage des surfaces forestières qui ne tiennent nullement compte, des mares, des chemins et faussés, des bâtis et des clairières.
Nous comprenons que le but de ce changement est évidemment la surexploitation, appelée par les employés de l’ONF, la mal-forestation. Elle implique de donner une place importance à l’économie et peu au social et à l’environnemental. Cette gestion basée principalement sur l’économique met en péril l’équilibre précaire des forêts. Alors que la forêt est un acteur essentiel dans la préservation des ressources en eau et que ses sols sont primordiales pour la capture du CO2. L’acharnement de l’économie capitaliste et de ses représentants sur les forêts publiques aboutit à fournir 40 % du bois coupé en France, alors qu’elles ne représentent que 25 % de la surface des forêts métropolitaines. Selon le COP (Contrat d’Objectifs et de Performance 2016/2020) de l’ONF signé avec l’Etat, les forêts publiques devraient voir une progression de 10 % de ces coupes pour atteindre 50 % du bois coupé en France, ce qui correspondrait à 25 % de saccage en plus.
Plusieurs articles ont été publiés dans Courant Alternatif, concernant la forêt (1).

2. Intersyndicale

Une partie de l’intersyndicale, composée du SNUPFEN (Syndicat National Unifié des Personnels Forestiers et des Espaces Naturels) Solidaires et la CGT forêt, fut à l’initiative de cette marche pour la forêt. Le SNUPFEN solidaires est le syndicat majoritaire (39%) au sein de l’ONF (Office National des Forêts), incluant le personnel technique (fonctionnaire) et ouvriers forestiers (de droit privé). L’ancêtre a été le SNU (Syndicat National Unifié) CFDT créé en novembre 1964, une semaine avant la création officielle de l’ONF. Suite au désaccord avec la CFDT, lors de la réforme des retraite en 2003, le SNUPFEN quitte la confédération et adhère à Solidaires en 2005. En 1972, le SNU édite un livre blanc "SOS Forêt française", un premier collectif "SOS Forêt" lorrain est constitué en 2010, composé d’organisations syndicales, d’associations et de partis politiques. En 2013, le collectif "SOS Forêt" au niveau national est créé. La phase "SOS Forêt" marque l’ouverture vers l’extérieur du corporatisme des syndicats internes à l’ONF, du moins pour le SNUPFEN et La CGT forêt. L’autre syndicat organisateur de la marche est la CGT forêt, 2ème syndicat représentatif (18%) au sein de l’ONF, est membre de "SOS Forêt". Il représente aussi le personnel technique (fonctionnaire) et ouvriers forestiers (de droit privé). Comme nous pouvons le lire dans l’encadré parmi les signataires, d’autres syndicats existent à l’intérieur de l’ONF, mais n’ont pas participé à l’organisation de la marche.

3. ONG signataires du manifeste de Tronçais

Global Forest Coalition a été fondée en 2000 par 19 ONG et organisations de peuples autochtones (OPA) de partout dans le monde. Il est le successeur du Groupe des ONG de travail en forêt, qui a été créé en 1995.
Ligue Protectrice des Oiseaux a été créée en 1912 pour mettre un terme au massacre du macareux moine en Bretagne, oiseau marin devenu, depuis, son symbole. Elle a été reconnue d’utilité publique en 1986.
FERN est une organisation non gouvernementale créée en 1995 pour suivre l’implication de l’Union européenne dans les forêts et coordonner les activités des ONG à l’échelon européen.
Les amis de la terre est une organisation non gouvernementale (ONG) de protection de l’homme et de l’environnement créée en 1969, et présente dans 76 pays.
France Nature Environnement (FNE) est la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement. Créée en 1968, elle est reconnue d’utilité publique en 1976.
Humanité et biodiversité est une association nationale loi 1901, reconnue d’utilité publique et agréée au titre de la protection de la nature par le Ministère de l’Environnement.
Greenpeace France fondée à Vancouver en 1969 par 14 militants pacifistes et écologistes, c’est en 1971 que leur association prendra le nom de paix verte.
Action Nature Rewilding France a été créée en 2003. Elle agit pour la protection de la nature, le droit des animaux et le rewilding (ré-ensauvagement).
Agir pour l’environnement fondé en février 1997 par une quinzaine de responsables associatifs.
SOS forêt France (voir le paragraphe 2 - intersyndicale). En plus du SNUPFEN et de la CGT forêt, les amis de la terre et le RAF en font partis.
Réseau pour des Alternatives Forestières (RAF) créé en 2008 s’est développé au sein de l’association d’éducation populaire RELIER. Après avoir organisé onze rencontres nationales rassemblant plus de quatre cents personnes, il s’est constitué en association loi 1901 en mars 2013.
Forêt citoyenne association loi 1901, vise à sensibiliser, réévaluer, réhabiliter, les forêts, les arbres urbains et ruraux, le bocage, et tous autres ensembles arborés.
Après cet inventaire à la Prévert, nous pouvons nous interroger sur l’hétérogénéité des intérêts des différents signataires. En effet, une grande partie, sont des ONG multinationales plus soucieuses de leurs images et de leurs reconnaissances vis à vis des institutions gouvernementales que de la problématique Forêt(2). Pour les autres, elles tiennent souvent un discours citoyenniste et gestionnaire de la société capitaliste. Et pour une petite minorité d’entre elles, plus en phase avec une critique sociétale de la problématique forêt, tendent vers une approche collective de la gestion de la forêt et une remise en cause de la gestion capitaliste de la société, où la forêt en fait partie.

4. La marche pour la forêt

Les marches se sont rejointes à Cérilly dans le département de l’Allier le 24 octobre, suivi le lendemain d’un rassemblement à Saint Bonnais de Tronçais à une dizaine de kilomètres de Cérilly. Ce rassemblement a accueilli 1500 personnes environ, dont une forte proportion du personnel de l’ONF. Selon l’avis de participants à ce rassemblement, le jour choisit, un jeudi, pourrait expliquer le peu de participation des "citoyens" à cette rencontre, ils auraient préféré une fin de semaine et sur deux jours.
Que nous a appris cette marche, mis à part la mal-forestation. C’est le malaise du personnel face à l’attaque perpétuée par l’Etat sur l’organisation de l’ONF. La baisse des effectifs, passant 16000 en 2002 à 9500 en 2017. Avec pendant la marche, une annonce de la direction de l’ONF de la suppression de 218 postes en 2019 (inclus dans la loi de finance pour 2019). La répartition du personnel est de 5900 fonctionnaires (technique et administratif) et 3600 salariés de droit privé (ouvriers forestiers et autres). Nous apprenons que 50 suicides depuis 10 ans se sont produits, montrant le malaise du personnel de l’ONF. La signature de la convention collective par la CFTC et la CFDT au mois de juin 2018, va niveler par le bas l’ensemble des métiers qui existent à l’ONF. Le départ à la retraite dans les années à venir de 30% du personnel fonctionnaire, va renforcer les contrats de droit privé et accélérer la privatisation de l’office.

5. Que pouvons-nous dire sur cette marche

Tout d’abord, nous comprenons par ces quelques exemples, que le but est bien la privatisation de l’exploitation de la forêt, nous voyons que la stratégie utilisée est celle qui a servi à la privatisation, des services de l’électricité, du gaz, de la poste et de la SNCF.
Malgré le soutien des grands majors des ONG, alors que ces mêmes OGN revendiquent un nombre conséquent d’adhérents, peu d’entre eux étaient présents ce 25 octobre.
Des militants d’EELV et de la France Insoumise étaient visibles, sans remettre en cause leur probité vis à vis de la défense de la forêt, leur affichage reste plus politicien que forestière.
Plusieurs lieux de luttes, comme Bure, les Center Parc, NDDL, étaient représentés. Et d’autres impliqués dans SOS forêt et dans le RAF aussi. En plein dans la problématique forêt étant donné qu’une majorité de ces projets sont prévus dans les milieux forestiers ou touchent des forêts. Et pour partie d’entre eux adoptent le slogan "contre ces projets et son monde".
Le citoyen lambda était peu présent lors de ce rassemblement, était-ce dû au jour choisi ? Alors que la journée "climat" annoncée comme citoyenne et son organisation spontanée, a regroupé 50 000 participants, faut-il en conclure que la forêt ne contribue pas au climat ?
Mais regardons maintenant le verre à moitié plein, l’intérêt de cette marche a été une première démarche nationale pour alerter le "citoyen" des dangers que court la forêt publique, mais aussi l’ensemble des forêts. La projection du film "le temps des forêts" a permis d’imager, face au public, la réalité de ce qui se passe dans les forêts, avec entre autre le discours d’un des intervenants, lorsque la question posée, pour lui qu’est-ce qu’une forêt rentable ? Sa réponse résume d’une façon fulgurante la position marchande de la société, sa réponse a été la suivante : "En France, le nombre dans les forêts d’espèces d’arbres et de 134, alors que dans les forêts nordiques, elles sont constituées que de trois espèces, dont le bouleau qui n’a aucun intérêt, donc reste deux espèces de résineux, voilà pour moi ce qu’est une forêt rentable". Tout est dit !
Un autre aspect positif, selon l’intersyndicale, (voir " Marche pour la forêt septembre et octobre 2018" de Philippe CANAL).
Que pouvons-nous attendre de cette marche ? Qu’elle vienne s’inscrire dans une remise en cause plus globale de cette société du tout marchandisé, s’orientant vers une lutte sociale plutôt que dans une lutte politicienne qui jusqu’à présent nous conduit dans une impasse !

OCL Moulins

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