samedi 12 mai 2007, par
Le Collectif anti-OGM du Pays Basque s’est créé récemment, le 10 mars dernier, peu de temps avant les semis de maïs (qui commencent en avril). Son premier but, dans l’urgence, était d’informer au plus vite les paysans et les consommateurs afin d’empêcher une coopérative agricole, Lur Berri, – le plus petit groupe parmi les gros, situé à Aicirits près de Saint-Palais (Pays Basque intérieur) –, de vendre et de collecter du maïs transgénique à quelques dizaines d’agriculteurs locaux qui en auraient fait la demande, comme elle l’avait annoncé fin février, pour la mise en culture de quelque 500 hectares de maïs.
Les semenciers se sont engouffrés, sans attendre, dans les ouvertures à la commercialisa tion des OGM, assorties d’un bouclier total qui les dédouane de toute responsabilité de dissémination, que leur offrent les décrets gouvernementaux, passés en force et de façon très discrète, le 19 mars, sans qu’il y ait eu le moindre débat parlementaire. Ils se sont aussitôt empressés de faire une publicité tapageuse et mensongère en faveur des plantes génétiquement modifiées. La coopérative Euralis en Béarn (contre laquelle ont eu lieu des manifestations anti-OGM le 10 mars à Lescar et le 31 mars à Pau) et celle de Maïsadour dans les Landes sont évidemment dans la même logique. Quant à l’Association Générale des Producteurs de Maïs, elle annonce, très satisfaite, que 30 000 à 50 000hectares - 5000 ha en 2006- (sur 32 millions d’hectares de surface agricole française) pourraient être concernés par des plants de maïs OGM cette année.
La création du Collectif anti-OGM du Pays Basque a été impulsée par les paysans d’ELB (syndicat paysan basque lié à la confédération paysanne) et de B.L.E (qui regroupe les paysans pratiquant l’agriculture biologique au Pays Basque) ainsi que par des participants au Forum social dont les ateliers et les débats se sont tenus en février dans les locaux d’ EHLB (= Chambre d’agriculture du Pays Basque, mise en place de façon autogérée depuis près de 2 ans, en dépit de l’hostilité des pouvoirs politiques et syndicaux – FDSEA – du Département et de l’Etat). Outre la critique fondamentale qu’ils font du système capitaliste qui cherche à prendre le contrôle du vivant et à mener la guerre alimentaire sur l’ensemble de la planète par multinationales de semenciers interposées ("Culture transgénique = culture totalitaire"), les paysans mobilisés ont perçu comme une véritable provocation l’annonce de la commercialisation de maïs OGM par Lur Berri et par les autres groupes aquitains. Ils refusent de voir anéantis, à cause de la contamination génétique inéluctable de leurs cultures et de leurs élevages par le maïs Bt, les efforts qu’ils ont fournis sans relâche depuis 30 ans pour aller à l’encontre de l’agro-industrie-business : 3000 d’entre eux (60% des exploitations) au Pays Basque sont engagés dans des démarches de qualité (produits fermiers, produits labellisés AOC, agriculture biologique, tous sous signes officiels de qualité sans OGM). Des personnes de divers horizons et toutes motivées pour une même cause, à savoir l’opposition à la commercialisation de semences génétiquement modifiées, les ont rejoints dans leur démarche. Ainsi, ce sont deux cents personnes qui ont investi les locaux du groupe Lur Berri, le vendredi 13 avril.
L’occupation de la coopérative a duré 6 jours et 5 nuits (sans cependant s’étendre aux bureaux, gardés par des vigiles avec chiens). Plus de 2000 personnes y ont participé d’une manière ou d’une autre. De nombreux maires sont venus sur place ; des représentants de partis, de syndicats, d’associations sont venus s’exprimer ; les candidats à la présidentielle (excepté Sarkozy), tous sollicités, se sont empressés de soutenir l’action ( ce qui a scandalisé le président de la coopérative : "Qu’un possible futur président considère comme légitime une action illégale me paraît anormal", ainsi que celui de la Chambre d’agriculture de Pau – FDSEA : "Ce qui se passe à Lur Berri est à la limite d’une expression démocratique et rationnelle.
C’est presque du chantage, de la prise d’otages" et se sont prononcés pour un moratoire immédiat des cultures génétiquement modifiées ; Voynet en personne a fait un grand détour par la petite commune d’Aicirits…Des assemblées générales quotidiennes et ouvertes à tous ont réuni jusqu’à 600 personnes. Le seul incident à signaler a été une tentative du directeur de Lur Berri d’intimider les occupants, en se servant des vigiles escortés de molosses ; tentative dont le seul résultat a été un afflux plus important d’occupants. Le 17 avril, les responsables de la coopérative déposaient une plainte pour occupation illégale. Mais le camp n’a été levé que lorsque les occupants ont obtenu, le 19 avril, un compromis : un engagement écrit du président de Lur Berri qu’aucune semence ne serait vendue jusqu’au 7 mai, lendemain du second tour des élections présidentielles.
Il faut dire que la période électorale a servi de caisse de résonance à ce conflit, en lui donnant une couverture médiatique et une dimension hexagonale qu’il n’aurait sans doute pas eues autrement. Mais l’action audacieuse de l’occupation, son caractère populaire et massif, a aussi contribué à donner un écho supplémentaire au combat contre les OGM, au-delà du Pays Basque.
Au cours de cette action, un certain nombre d’objectifs a été atteint : l’information sur les OGM a été très intense et très large pendant cette semaine d’occupation, et elle se poursuivra ; la politique de Lur Berri, qui s’affiche volontiers au service de tous les paysans et de la production agricole de qualité, a révélé sa véritable politique et a été dénoncée pour ce qu’elle est : au service des firmes multinationales agrochimiques ; un collectif de 23 avocats s’est d’ores et déjà constitué, à la demande des paysans anti-OGM, prêt à agir bénévolement dans les dossiers juridiques de contamination par les cultures transgéniques. Plus de 60 maires et conseillers généraux du Pays Basque ont signé une motion demandant l’adoption d’un moratoire au gouvernement.
Cependant la conclusion de cette action n’est pas vécue comme une victoire de la part du Collectif et des participants à l’occupation, mais comme une première étape, positive mais largement insuffisante. Le "mini-moratoire" obtenu jusqu’au 7 mai est en effet bien court, et bien faible est l’espoir de voir le futur chef d’Etat décréter un véritable moratoire, comme le demandent le Collectif et plusieurs associations, et qui plus est qu’il le décrète immédiatement (avant les semis 2007 ou en exigeant rapidement leur arrachage). De plus, bien d’autres coopératives sont impliquées dans la vente de semences OGM et le groupe américain Monsanto lui-même a une usine implantée à Peyrehorade, au sud des Landes, donc aux portes du Pays basque…
Aussi d’autres actions sont-elles en discussion et en préparation, et le Collectif du Pays Basque compte développer et renforcer ses liens avec les autres Collectifs qui mènent des actions similaires. Il affiche sa volonté de mobiliser tous les moyens pour arrêter la poignée d’industriels qui tentent d’imposer les OGM à l’ensemble de la société.
Site du Collectif : http://eh.anti-ogm.org
Kristine, Pays Basque,
le 24 avril 2007