Accueil > Courant Alternatif > *LE MENSUEL : anciens numéros* > Courant Alternatif 2020 > 305 décembre 2020 > La Covid et les mensonges de la politique gouvernementale

Courant alternatif 305 - décembre 2020

La Covid et les mensonges de la politique gouvernementale

lundi 14 décembre 2020, par admi2


{{La Covid et les mensonges de la politique gouvernementale

« On ne va pas créer des postes et des lits parce que la « Covid  » est là, c’est impossible (...). Ce n’est pas une question de moyens, c’est une question d’organisation  ». E. Macron début octobre 2020 lors d’une visite à l’hôpital Rothschild.

Débrouillez-vous

Une médiatisation dramatisée du retour du virus, un confusionnisme instrumentalisé entre les cas testés et détectés, les hospitalisés, les réanimés et le nombre de décès... Cette ambiance mortifère permet au président et à son gouvernement d’imposer des mesures anti-sociales. Des mesures nécessaires pour aider le « capital  » français à résister, à tenir face à ses concurrents internationaux. Il ne s’agit pas de venir en aide aux soignant.es, aux populations, mais de limiter la casse pour que l’économie fonctionne dans cette période de crise économique qu’est venu télescoper le virus.
Il en va ainsi. « C’est une question d’organisation  » répètent Macron et ses subordonnés aux soignant.es ! Donc, débrouillez- vous avec les moyens déjà alloués.
La Covid apparue fin 2019 révélait, dans l’urgence et avec la brutalité d’un virus dangereux qui se propage, les insuffisances de l’hôpital public et l’état de délabrement de notre système de Santé. Cette incurie dont elle n’est pas la cause, est inscrite dans les politiques d’austérité menées depuis des décennies contre le système de Santé public dans son ensemble. Durant ces dernières décennies, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse d’attaquer ce service public via l’hôpital. « Méchants réacs  » de droite et « gentils socialistes  » de gauche y sont allés avec la même détermination idéologique pour démanteler, privatiser, en faire une entreprise rentable financièrement et en livrer des pans au privé. Fusions, fermetures de lieux donc de sites et de lits, restrictions financières et humaines... Après la poste, les télécoms, la SNCF, c’était l’hôpital public qui était dépecé. Une politique « austéritaire  » orientée depuis Bruxelles par les capitalistes européens. Situation dénoncée et combattue au fil des attaques par les soignant.es et salarié.es, mais aussi par des « pontes  » hospitaliers dont le professeur Grimaldi. Une résistance opiniâtre portée, menée encore ces deux dernières années, par les soignant.es des admissions avec leurs coordinations inter-services, inter-hospitalières, tandis que les fédérations syndicales acquiesçaient, voire soutenaient ces politiques libérales. Soignant.es à bout, qui réclamaient encore et toujours plus de moyens matériels et humains, de meilleures conditions de travail pour assumer leur mission auprès des patients et une revalorisation conséquente de leurs salaires. Ils et elles pointaient les insuffisances matérielles et humaines du quotidien mais aussi alertaient d’une prochaine catastrophe qui pourrait survenir. Comme leurs prédécesseurs, droits dans leurs escarpins cirés, le président, le gouvernement les ont ignoré.es et méprisé.es.

Une solidarité pour pas un sou

Si le virus est bien là entraînant problèmes et angoisses dans la population « otage  », il révèle par les mesures incompréhensibles et contradictoires l’orientation politique des décideurs. Président et gouvernement obéissent davantage aux besoins économiques « du marché et de la bourse  » qu’aux réalités sanitaires nécessaires aux populations désorientées et soumises aux injonctions du pouvoir par la peur, la menace et la répression.
Aujourd’hui, acculés, nombre de scientifiques et chefs de service sonnent le tocsin de la paupérisation de l’hôpital. Le virus se propage de nouveau nous dit-on, du Nord au Sud, et de l’Est à l’Ouest, avec des variantes. Ils, elles semblent découvrirent enfin les limites de l’hôpital à prendre en charge les dégâts causés par l’attaque du virus  : les manques de moyens matériels et humains. Ils, elles voient les capacités d’accueil dans « les réa  » saturées, des patients dirigés vers d’autres hôpitaux d’autres régions, et, lorsque celles-ci sont frontalières, vers d’autres pays limitrophes. Avec l’extension de l’épidémie, on apprend ici ou là que d’autres interventions sont reportées ou déprogrammées faute de lits, faute de place  : des dégâts collatéraux sans doute  ! Un mauvais « remake  ».
Morbide réalité qui illustre le déni et l’hypocrisie de ceux qui nous gouvernent. « Vous allez souffrir, je le sais, c’est comme ça  », répondait J. Castex, le nouveau premier ministre, le 3 novembre au personnel soignant du Centre hospitalier de Corbeil-Essonne, qui lui faisait part de sa fatigue et des difficultés pour trouver du renfort face à la deuxième vague de Covid-19.
De plus, le plan blanc national a été déclenché par le ministre de la Santé  : cela signifie pour les personnels que leurs congés et vacances peuvent être supprimés sans préavis et qu’ils doivent rejoindre l’hôpital où ils, elles travaillent dès qu’on les réquisitionne. Les étudiant.es en santé sont également réquisitionné.es pour aider dans les hôpitaux avec des salaires avoisinant les 1 à 2 euros de l’heure pour les étudiant.es infirmier.es.
Face à cette situation, à ces détresses, le ministre de la Santé saura trouver les mots et le réconfort  : « Le meilleur moyen de remercier les soignants, c’est de faire attention à nous, aux autres, d’être solidaires les uns avec les autres dans cette période difficile.  » C’est sûrement moins coûteux que d’ouvrir des lits, de trouver du personnel en nombre suffisant et de lui octroyer un salaire conséquent !

Il faut savoir garder le cap

Il semble que les leçons de la première vague virale n’ont en rien infléchi la politique du président Macron, et que poursuit son ministre de la santé O. Véran.
Environ, 5800 lits de réanimation pour une situation normale, pourrait-on dire, si l’on ne se réfère qu’aux pathologies annuelles et habituelles. Une capacité insuffisante, déjà dénoncée par des urgentistes, qui évaluent à 8 000 ou 9 000 le nombre de lits nécessaires hors situation d’urgence. Aussi, quand l’imprévu redouté s’invite, c’est l’improvisation qui s’installe avec son lot de doute, de panique et l’incompréhension au sein d’une population sidérée et en attente. Improvisation gouvernementale traduite par des injonctions contradictoires entre membres du gouvernement, face aux inexistences ou insuffisances de masques, de tests et, évidemment, face aux manques structurels de moyens en lits et personnels. Et alors que le pic de la deuxième vague du Covid est là, nous dit-on, le président Macron pérore sur les écrans avec un argumentaire qui sera repris par tous ses serviteurs, ministres et éditocrates  : « Il ne pouvait en 6 mois remédier à l’incurie de ces décennies qui ont vu en 15 ans la fermeture de plus de 75 000 lits d’hospitalisation. Cette situation, dont il dit « hériter  », ne pouvait s’avérer qu’intenable lors d’une quelconque crise sanitaire. En effet cette situation résulte des cures d’austérité passées. Cures politico-économiques que l’hôpital public a dû subir : politique à flux tendus, du chiffre d’affaire, de la rentabilité et de privatisations etc. Et, s’il est vrai que le président n’est pas responsable de tout ce passif, il n’a rien fait contre pour redresser la situation. Comme ses prédécesseurs, sa ministre de la santé A. Buzyn a poursuivi la même politique. C’est ce que confirme un rapport du ministère de la Santé du 29 septembre 2020 qui pointe la fermeture de 3400 lits en 2019. Ainsi, pendant la crise « pandémique  », le « cap austéritaire  » cher à Bruxelles a été maintenu. Pire, en cette remontée de propagation du virus, 12 hôpitaux sont menacés de fermeture de lits d’hospitalisation(1). Ce sont ces réalités anti-sociales que tentent de faire oublier le président et son gouvernement en prenant des mesures de confinement, de couvre-feu et de répressions. La crise qui frappe les hôpitaux n’a donc pas pour cause le virus tant incriminé mais l’insuffisance des moyens matériels et humains sacrifiés durant ces décennies et maintenue par ceux qui nous gouvernent.
Rappelons les banderoles dressées voici peu par les soignant.es en lutte à l’encontre du président et de son ex-premier ministre E. Philippe  : « Vous comptez vos sous, on comptera les morts  ».

Politiciens, entre cynisme et mensonges

« Il faut sortir du dogme de la fermeture des lits  » déclarait O. Véran, alors qu’il remplaçait au pied levé A. Buzyn perdue dans la confrontation électorale pour la mairie de Paris. Un Ministre de la Santé et des Solidarités qui ne cesse, sur les plateaux de télévision et autres média, de répéter son argumentaire fallacieux mais bien rodé « de la difficulté rencontrée à former médecins et infirmiers en 6 mois.  » L’intervalle de répit que nous aurait accordé le virus avant sa nouvelle propagation. Et, le ministre de continuer  : « On ne peut pas construire des unités de réanimation du jour au lendemain  ». Ce qui est vrai  ! mais les 4000 lits promis en juillet 2020 dans le cadre du « Ségur de la Santé  » ne semblent pas encore être arrivés dans les services.
Le Conseil national des professionnels de médecine de réanimation explique que sur un parc national de 5 000 lits recensés, 500 à 600 lits sont en permanence inoccupés, fermés par manque de personnel. Des personnels tant réclamés par les soignant.es épuisé.es, écœuré.es, qui démissionnent las.ses de tout. Des personnels de Santé qui, comme n’importe quel.les travailleur.euses ne s’avère être que de simples variantes d’ajustement économique pour le Président, le ministre et les directeurs d’hôpitaux en quête de toujours plus d’économies.
En Île-de-France, selon les dires de l’Agence Régionale de Santé, les services de « réa  » disposeraient de 100 lits d’avance de plus qu’avant la première crise sanitaire de janvier/ février, mais ce qu’omet de préciser cette agence gouvernementale de la Santé c’est que ce sont des lits empruntés à d’autres services pendant la première vague du Covid. Des lits évidemment non rendus entre temps.
Notons par ailleurs, que dans la même panade sanitaire, le gouvernement italien a annoncé embaucher 5000 médecins, 10 000 infirmier.es et 5 000 aides- soignantes . Annonce démagogique ou une réalité suivie d’effets ? (2).
L’on comprend mieux la colère des personnels de Santé en écoutant M. Hirsch le directeur des hôpitaux de Paris (APHP) sur France-Inter le 9 novembre. Il se félicitait de « l’amorce d’infléchissement  » de la pandémie et, par ailleurs, se « réjouissait du couvre-feu, et de la mise en place du confinement...  ». Et dans sa béatitude de serviteur zélé, « lissait  » sur la fermeture des urgences de l’hôpital Hôtel-Dieu à Paris dont le personnel, « d’accord  », est allé renforcer d’autres hôpitaux, notamment en Seine-Saint-Denis. Mais, il omettait de préciser aux auditeurs de France-inter que, lors d’un rassemblement de protestation à l’appel de la CGT qui dénonçait cette fermeture, la police avait verbalisé des manifestant.es au motif de « rassemblement illégal dû au contexte sanitaire  ». Et ce directeur de se féliciter de ce que les personnels fassent des « heures supplémentaires  » et renoncent à leurs congés. Là encore, il oubliait de rappeler la mise en place du « plan blanc  » et omettait préciser qu’une note de service « directive  » précisait et imposait les modalités de ce qu’il nomme du « volontariat  ». Rappelons qu’en Île-de-France, ce sont près de 15000 lits qui ont été supprimés ! Mais, comme conclura M. Hirsch ce matin-là, « il y a de vrai sujets sociaux à trouver  ».
Mais au delà de ce serviteur zélé, c’est bien LA politique de restructuration et d’austérité qui se poursuit. Ainsi le 6 novembre à l’Assemblée Nationale, était discuté le Plan de Financement de la Sécurité Sociale (PFLSS). Il établit le montant des dépenses de Santé dont celles des hôpitaux. Or, s’il est bien mentionné que l’évolution des dépenses de santé s’établit autour des 4 % par an, l’évaluation des dépenses pour l’hôpital ne variait qu’entre 2 % et 2,5 %. L’on mesure la cure d’austérité demandée aux personnels et indirectement à la population. Ainsi, de 2008 à 2017, 10 % des établissements ont disparu. D’après le syndicat national des professions infirmier.es, sur 10 ans près de 8,4 milliards d’euros d’économie ont été réalisé. Pour 2021, Il manquera cette fois encore 2 milliards pour la Santé. Mais, O. Véran le ministre de la Santé et des solidarités se félicite de « ce budget de responsabilité  ».

Ordre et nationalisme

Le Président -car il en va aussi de son avenir électoral- et son gouvernement veulent freiner l’épidémie. Mais les mesures prises répondent plus à des besoins économico-politiques qu’à des mesures sanitaires, pour prévenir ou venir en aide aux populations. Après l’annonce d’un futur « bout du tunnel  » avec un vaccin virtuel, la bourse s’envole mais les licenciements se multiplient. Ils prêchent la solidarité mais les petits commerces sont fermés et les grandes surfaces continuent leurs affaires... Ainsi derrière un pseudo « ordre sanitaire  », la bourgeoisie nous conduit vers un ordre militaire et policier. Mais jusqu’où aller dans les mesures à prendre (confinement, couvre-feu, répressions...) pour favoriser le grand patronat  : -les enfants à l’école, les parents au boulot- et éviter de s’attirer les foudres de certaines « couches  » moyennes. Cet électorat utile que sont les petit.es commerçant.es, les artisan.es, sera sacrifié avec les populations précaires, bien sûr  ! Or, en ces temps de révoltes, le capital n’a qu’une recette  : son ordre. Un ordre qui ne passe que par la soumission des travailleurs.euses, des précaires et des futur.es laissé.es pour compte. Une soumission qu’il voudrait draper de Bleu Blanc Rouge, au nom de la solidarité nationale car, nous dit-il, Il en va de la grandeur de la France.
Tel était le devoir de rappel télévisé du premier ministre J. Castex dans sa prise de parole du 6 novembre pour une politique plus générale. On garde le cap  : métro ou auto, mais, boulot dodo et conso. Une solidarité nationale mais sous un regard policier toujours plus intrusif et répressif. Un programme qui ne peut que plaire au MEDEF.
Toutefois, les contestations en France, ou, les révoltes de par le monde, laisse entrevoir pour qui veut s’en saisir, l’espoir qu’un autre monde est possible . Le mouvement gilets jaunes ouvert des brèches  ! Écartons les  !

MZ 15 11 2020 Caen

Notes.

1./. A Caen, en discrétion avec le projet de la future reconstruction du CHU, près de 200 lits disparaîtront. Mais ailleurs, en pleine crise sanitaire, à Nancy, Marseille, Toulouse etc, il en va de même. L’abattage continue. Voir pour plus d’info le site  : Bastamag.net/Carte des suppressions de lits à hôpital.
2/ .Voir Courant Alternatif N°304  : Italie  : la pandémie et la médecine de territoire.

Encart.

Le « Ségur  » de la santé, tient son nom des rencontres entre gouvernement et syndicats, au ministère de la santé, avenue de Ségur. Ces concertations initiées par le gouvernement d’E. Philippe ont été finalisées par un plan et des mesures signés le 21 juillet 2020 par la CFDT, FO et l’UNSA. Certains personnels de Santé ont obtenu une prime et une augmentation salariale de 180 euros en deux fois  : une moitié dès 2020 puis le reste pour 2021. Bien moins que les 300 euros pour tous et toutes demandés par les salarié.es en lutte. Derrière cette mascarade de concertation, le président a pu garder son « cap austéritaire » et le gouvernement poursuivre sa politique anti-sociale contre les soignant.es et, en dégât collatéral, contre la population. Notons que le syndicat SUD-Santé dénonçait la farce en s’abstenant de participer au « Ségur de la santé  » dès les premières réunions.

Répondre à cet article