dimanche 6 mars 2005, par
L’Europe prétend aujourd’hui incarner les plus hautes valeurs de l’humanité, c’est au nom de ces valeurs que les états européens essaient de convaincre leurs citoyens de valider le projet de constitution d’une « nouvelle » identité politique, dotée d’institutions de gestion économique, sociale, culturelle…
Si histoire commune de l’Europe il y a, c’est bien celle de l’esclavage, de la colonisation, des pillages des richesses des autres continents, du massacre des populations, de la destruction et de la disparition des langues, des cultures, des structures économiques et sociales locales ; c’est aussi deux guerres mondiales sur son territoire et de multiples guerres non comptabilisées, la production de régimes totalitaires, l’horreur des camps de la mort, et la course à l’armement des bombes atomiques au nucléaire civil et militaire…
La base de l’Europe flotte sur un océan de sang, illustré d’une symphonie composée par les plus glorieux généraux aux sons des bombardiers, des canons et des gémissements et cris venant des salles de torture ; symphonie illuminée par le feu des incendies des villes et des campagnes brûlées au napalm ou par des bombes en tout genre, c’est au nom de ce cauchemar qu’on demande aux citoyens européens de recommencer. En effet, on oublie tout grâce aux commémorations et on recommence … puisque le monde manque de démocratie, il faut propager « les droits de l’homme » là où c’est encore possible.
Une des valeurs fondamentales de l’occident est la « liberté », un mot qui désigne une multitude de significations contradictoires. G.W.Bush dans un discours récent a prononcé ce mot « liberté », 26 fois ! Le mot liberté devient une arme de destruction massive car c’est en son nom qu’on massacre des populations entières sur toute la surface du globe ; c’est au nom de la liberté qu’on jette les ouvriers dans la misère, au nom de la liberté qu’on construit de plus en plus de prisons, etc.
Le monde occidental, avec son arsenal de machines économiques et idéologiques mène une guerre totale sur tous les fronts : dans le monde du travail, sur la retraite, la santé, les transports, l’éducation ; au travers de lois, décrets et circulaires relayés par les médias, lieu des combats idéologiques acharnés contre toute parole ou discours divergent des valeurs capitalistes.
Tout ce noir bilan est présenté comme un sacrifice nécessaire, douloureux certes, mais nécessaire pour que les enfants puissent manger leur macdo en toute sécurité, aller à l’école et ne pas avoir froid. Car le sacrifice moral est plus fort et plus difficile à réaliser quand on est civilisé et conscient de l’horreur commise. Quant aux autres, les esclaves, les déporté-es, les massacré-es, les bombardé-es, les torturé-es, les affamé-es, ils/elles n’existent que comme des obstacles naturels à surmonter, à vaincre, comme une montagne, une falaise à franchir… Ils/Elles n’existent comme sujets de l’histoire qu’après coup : on demande pardon à certaines personnes survivantes et on en achève d’autres.
La civilisation occidentale n’a pas terminé sa mission et elle procède par étapes successives, par stratégie militaire mais toujours avec cet air de curé horrifié par le péché de l’homme égaré.
L’emballage démocratique est une étape de trop sur le chemin du cynisme sans limite non seulement des politiciens ou des capitalistes mais aussi des intellectuels, des philosophes, des artistes et des idéologues et spécialistes de tout poil : vendre la barbarie la plus sanglante de l’histoire de l’humanité sous l’étiquette du respect des droits de l’homme, vendre le patriarcat sous l’étiquette de l’égalité, de la parité, de la défense des droits des femmes, vendre le capitalisme le plus sauvage sous l’étiquette de la « liberté ». Et l’escroquerie ne s’arrête jamais, le fait même de dénoncer ce cauchemar est en-soi un sceau de validation de ce système comme « démocratique ».
Tout ce qui gêne la démocratie doit disparaître, la bonne marche de la démocratie ne doit pas être entravée par des résistances archaïques, des crispations obsolètes sur des droits négociés des années auparavant, et si des difficultés apparaissent il faut mettre en place un dispositif d’encadrement et de prévention, c’est ce à quoi les différents gouvernements s’activent successivement ajoutant à la loi de l’un des décrets ou autres lois qui renforcent, spécialisent, réorientent mais conservent toujours le même principe de surveillance des mouvements sociaux, des velléités de rébellion. Mais ce qui semble déranger en ce moment ce sont les ouvriers, du secteur public ou privé, les sans grades, les gagne-petit qui s’accrochent qui à leur usine, qui à leur 35 heures ou leur retraite… alors on casse on liquide les usines, les patrons déménagent les outils, vident les lieux, en douce sous 48h de week-end de préférence, ou bien on cadenasse l’accès avec force de vigiles et de verrous et soudures pour faire comprendre à ces ouvriers qu’ils doivent faire des sacrifices nécessaires pour la démocratie (capitaliste) ! Quant aux petits fonctionnaires - ceux qui paient leur loyer ! – ils devront eux aussi disparaître en pliant sous les contraintes de la privatisation des services, en lâchant leurs petits privilèges de temps de travail allégé, en acceptant le gel des salaires, en optant pour des départs anticipés sans contre partie indemnitaire. Bref, la classe ouvrière doit comprendre que c’est le patronat qui est garant de sa liberté dans ce paysage de liberté d’entreprendre, ce monde d’actionnaires rentiers où la petite, moyenne et grande bourgeoisie s’accorde à augmenter ses profits, son confort et cela sur le dos des autres, ici ou dans les pays plus pauvres, qui doivent se soumettre toujours plus pour espérer survivre dans un monde à l’image si paradisiaque, d’un meilleur à venir….
Survivre dans des bidonvilles, relever la tête après la rupture brutale d’un contrat de travail vieux de 20 voire 30 ans, résister aux sirènes de la morale qui veut censurer pour protéger à l’opposé d’un projet d’émancipation, ne pas croire aux paroles rassurantes des analystes mondiaux qui trouvent toujours des solutions pour maintenir debout le vieux monde du capital, et dénoncer la domination de classe imposée par la justice, l’éducation, est un besoin vital. Surtout ici dans des pays dits « démocrates », là où elle le moins visible et pourtant la plus pesante et efficace de perversité. C’est une survie de luttes quotidiennes, de résistance nécessaire pour ne pas désespérer totalement, pour développer des forces de révolte qui finiront bien par en venir à bout de cette exploitation.
Pour commencer ou recommencer, il faut rappeler sans relâche que :
la démocratie n’est pas démocratique
la justice est une justice de classe
le capitalisme ne peut pas avoir un visage humain
le nucléaire est une machine à favoriser le totalitarisme
le culturel et l’artistique sont des industries capitalistes
etc.
et que la seule réforme possible de ce système dans sa globalité, c’est son anéantissement total, mais en même temps gardons-nous de tomber dans le mysticisme d’un « autre »monde ou d’un « autre » futur possible…. C’est un monde autre qui est possible et pas dans un au-delà temporel d’un futur réformé épargnant le présent. S’il faut faire table rase, c’est bien celle qui nous est servie actuellement dont il faut se débarrasser par une lutte sociale.
OCL Figeac - fin février 2005