Accueil > Courant Alternatif > *LE MENSUEL : anciens numéros* > Courant Alternatif 2022 > 325 décembre 2022 > Répression dans l’éducation, une nouveauté ?

CA 325 Décembre 2022

Répression dans l’éducation, une nouveauté ?

samedi 10 décembre 2022, par Courant Alternatif

Le cas de Kai Terada, prof au lycée de Nanterre et syndicaliste à SUD, a été le plus médiatisé des cas de répression de travailleurs de l’éducation nationale ces derniers mois. De nombreux autres cas de procédures contre des militants syndicaux ont eu lieu sous Blanquer, venant en partie en réponse à l’accroissement des mobilisations contre sa politique d’attaques répétées accélérées sur le bac et l’école primaire. Cela vient nous rappeler que la relation entre le ministère (et donc l’État) et les enseignants, n’a jamais été un long fleuve tranquille...


*** Une pluie de procédures récentes

Dimanche 4 septembre 2022, veille de la rentrée scolaire, Kai Terada, enseignant au lycée Joliot-Curie de Nanterre (92), se voit notifier par le rectorat de Versailles une suspension de 4 mois. Pour l’administration, Kai Terada présente le tort d’être un militant syndical actif au niveau local, régional comme national, depuis de nombreuses années.
Le 22 septembre, reçu par le rectorat de l’Académie de Versailles, il apprend qu’il fait l’objet d’une « mutation dans l’intérêt du service » dans un autre département. Aucune faute professionnelle ne lui est reprochée, et son dossier administratif, consulté en fin d’année scolaire 2021-2022 et début 2022-2023, est vide de tout motif.
L’arrêté de mutation évoque une activité « en dehors des instances de dialogue social de l’établissement ou de l’exercice normal d’une activité syndicale » et affirme que « le lycée Joliot-Curie connaît une situation préoccupante (...) en ce qui concerne (...) la continuité du service public d’éducation ». Derrière cette continuité, le rectorat de Versailles ne fait pas allusion au manque de moyens pour le remplacement des personnels mais semble bien s’attaquer au droit de grève, un droit constitutionnel, et à la possibilité d’opposer une résistance aux politiques ministérielles.
Avant Kai Terada, en 2020, quatre enseignants du lycée de Melle, opposés comme d’autres à la reforme du bac du ministre Blanquer, sont traduits en conseil de discipline. Une des enseignantes, mutée d’office en novembre 2020, n’est réintégrée à son poste qu’en avril 2021 sur décision du Conseil d’État qui balaye tous les arguments du rectorat et du ministère. Sous Blanquer, la liste des réprimés est affreusement longue : 
Melle, mais aussi Dole, Clermont, Cahors, Strasbourg, Rennes, Bobigny, Saint-Denis ou Bordeaux, et plus récemment à Reims et à Nanterre avec les cas de Frédéric Bianic, de la CGT Educ’action, et de Kai Terada. 
Remontons de quelques années. Mars 2009, sous le ministère de Xavier Darcos - le ministre de d’éducation (1) qui ne sait pas faire une règle de trois - Jean-Yves Le Gall est démis de ses fonctions de directeur d’école au prétexte qu’il refuse de renseigner « base-élèves ». Base pourtant critiquée par le comité des droits de l’enfant des Nations-Unies. Le ministre « socialiste » Vincent Peillon n’annulera aucune des sanctions prises par ses prédécesseurs.
Ces affaires, parmi bien d’autres, montrent le renforcement de la répression des syndicalistes et de ceux qui n’acceptent pas les réformes délétères qui se succèdent depuis 20 ans. Si elles émeuvent - à juste titre - sont-elles vraiment nouvelles ? Et quelles sont, précisément, les méthodes de l’administration pour parvenir à ses fins ?

*** L’État, un patron comme les autres

Avec ses lois de 1881 et 1882, Jules Ferry institue une école à deux vitesses. Gratuite dans le premier degré pour les pauvres (la communale) et payante dans le second degré pour l’élite (le lycée). Il définit aussi le rôle qu’aura cette école : « L’instituteur prussien a fait la victoire de sa patrie, l’instituteur de la République préparera la revanche » et « Dans les écoles confessionnelles, les jeunes reçoivent un enseignement dirigé tout entier contre les institutions modernes. On y exalte l’Ancien Régime et les anciennes structures sociales. Si cet état de chose se perpétue, il est à craindre que d’autres écoles se constituent, ouvertes aux fils d’ouvriers et de paysans, où l’on enseignera des principes diamétralement opposés, inspirés peut-être d’un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre comprise entre le 18 mars et le 28 mai 1871. ». L’instituteur, hussard noir de la République, est le représentant de l’État dans chacune des communes de France. Recruté parmi les enfants du peuple, formé dans les écoles normales à inculquer les principes qui renforcent la République (comme les leçons de morale), il fait partie des personnalités importantes du village. Toutefois, sa mission s’avère parfois difficile, car il soustrait les enfants à l’autorité de leurs parents (les enfants travaillent souvent aux champs très jeunes) et il peut être en conflit avec les notables de la commune, prônant la laïcité dans une France majoritairement rurale et catholique, et les principes républicains qui sont loin d’être consensuels. 
Le 21 mars 1884, la loi Waldeck-Rousseau autorise les syndicats mais les instituteurs et institutrices ne pourront légalement se regrouper en « Amicales » (sous la tutelle de l’administration) qu’à partir de 1899 et en syndicats en 1924. En parallèle des Amicales, à partir de 1903, ce sont les Émancipations qui rempliront le rôle d’organisations cherchant à s’émanciper de la coupe de l’État, notamment pour la liberté de l’enseignement, et impulsant un rapprochement avec les organisations ouvrières, au nom d’un combat commun des travailleurs exploités. Les Émancipations chercheront à radicaliser - en vain - les Amicales. Eugène Spuller, ministre de l’Instruction publique de 1893 à 1894 écrivait : « L’autonomie des fonctionnaires a un autre nom, elle s’appelle l’anarchie ; et l’autonomie des sociétés de fonctionnaires, ce serait l’anarchie organisée. »
Avant et pendant la première guerre mondiale, instituteurs et institutrices sont déplacés d’office, révoqués ou emprisonnés par dizaines pour leur opposition à la guerre. Un grand nombre d’entre eux y participera tout de même, et mourra sur le champ de bataille. Mais après la guerre, l’Union sacrée derrière la Nation et l’École commence à se fissurer. En effet, le ministère de l’Instruction publique voyait avec beaucoup d’inquiétude le militantisme naissant d’une minorité d’instituteurs se structurer à la suite du Congrès de Tours (création du Parti Communiste). « Par une circulaire de juillet 1921, le ministre d’alors, Léon Bérard, avait menacé les instituteurs communistes et révolutionnaires de sanctions disciplinaires [...]. » Et, dans la foulée, cela a permis aux « peurs de s’accroître et [...] aux instructions de surveillance politique de se multiplier (2). »

*** Célestin Freinet, un cas d’école

Blessé mais pas tué sur le Chemin des Dames, Célestin Freinet, nommé instituteur dans les Alpes-Maritimes en 1920, est un cas d’école de la répression dans l’éducation. Son engagement politique au Parti Communiste Français - Parti qui le traînera ensuite dans la boue - et dans le syndicalisme, son anticléricalisme, son ouverture internationaliste dans la pédagogie et sa posture d’éducateur prolétarien aux méthodes alternatives lui valent d’avoir à lutter toute sa vie pour continuer à enseigner comme il l’entend - voire même à enseigner tout court. De même, il écrit beaucoup à l’inspection : « il rappelle à sa hiérarchie le manque d’air et de surface de travail, la cour minuscule, l’absence d’eau et les cabinets infects (une simple fosse) dans l’école. Non seulement ces conditions mettent, selon lui, la santé des enfants en péril (3), mais elles sont pénibles et infamantes pour l’instituteur ancien-combattant, écrit-il à plusieurs reprises. Il rédige aussi plusieurs courriers pour informer sa hiérarchie du manque de moyens, du défaut de gestion des autorités départementales, puis communales. Il conteste son tableau de classement ou tente de modifier sa situation administrative. Enfin, il écrit aux autorités académiques pour se plaindre, et de plus en plus vivement, de ses conditions d’enseignement et de l’absence totale d’engagement municipal envers l’école primaire publique (2). » Cela lui vaudra un conflit ouvert avec la mairie, ce qui, à l’époque comme aujourd’hui, rend la tâche d’enseignement particulièrement délicate (4).
En 1931, Célestin Freinet refuse de transmettre son rapport d’inspection à son collègue d’école (dont il est malgré lui directeur), car celui-ci, décacheté et donc "public" devrait être transmis directement à l’intéressé, sans passer par lui : « […] conformément aux décisions syndicales, je me refuse à prendre connaissance d’une pièce confidentielle, dont la divulgation est considérée par nous comme une atteinte à là dignité des instituteurs adjoints. » L’inspecteur écrira que Freinet cherche « à se dérober aux devoirs administratifs attachés à sa fonction ». Cela occasionnera une première menace de déplacement d’office. Célestin Freinet fait également à l’époque l’objet de divers rapports de police et d’une surveillance rapprochée dès 1930.
Puis, affaire qui aura un écho important du fait de la notoriété d’Elise et de Célestin Freinet (les époux travaillent et militent ensemble), à Saint-Paul-de Vence, la petite bourgeoisie anticommuniste (notamment le coiffeur, dont le fils est dans la classe de Freinet) et le parti de la réaction local, puis, quand l’affaire devient nationale, l’extrême-droite, parviennent à obtenir sa mutation d’office par le pouvoir politique et administratif (5). C’est sa correspondance avec l’URSS ainsi que l’accueil de pédagogues étrangers, qui mettent le feu aux poudres, dans une situation déjà particulièrement tendue avec le maire et l’inspection. Il est soutenu par son syndicat, mais les parents sont partagés : « De part et d’autres, injures, invectives, dénonciations se multiplient. Dans les deux camps, on se plaint avec constance auprès des autorités, qu’elles soient policières, judiciaires, préfectorales, ou académique. » L’affaire prend des proportions terribles puisqu’une manifestation est organisée par le maire contre l’enseignant, qui arrive, menaçante, devant l’école, où Freinet l’attend, un revolver à la main. Freinet doit se mettre en marge de l’enseignement et demande plusieurs congés. Le dossier de demande de mutation remonte jusqu’au Conseil d’État après la contestation de Freinet : « Cependant, malgré la défense de Freinet qui note les vices de procédure quant à la disposition de son dossier, les pièces manquantes, le motif politique de son déplacement, la double peine que cela représenterait puisque sa pédagogie a déjà subi la peine de censure..., les réfutations faites par le Ministre sont retenues. La requête de Freinet se voit donc rejetée (3). » À la suite de cette campagne, il demande sa retraite anticipée et fonde sa propre école. Cette campagne rappelle étrangement celle menée contre les enseignants de l’école Pasteur de Saint-Denis, très impliqués dans les pédagogies alternatives, qui a débouché sur 6 mutations, et qui impliquait une directrice d’école d’extrême-droite. Elle rappelle aussi celles qui sont remontées jusque sur le bureau du ministre, que celui-ci a balayé d’un revers de la main. Enfin, sous Vichy, Freinet est arrêté, interné puis placé en résidence surveillée, l’école est fermée et dévastée.

*** Nouvelle offensive

Après la seconde guerre mondiale, avec les « trente glorieuses » et les révoltes de 1968, se succèdent des années moins répressives qui font oublier la nature du rapport de l’État avec l’institution scolaire. Nous vivons la fin de cette période avec en particulier la loi Blanquer dite « école de la confiance » qui comporte dans son article 1 : «  Par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique également le respect des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire et de l’ensemble de ses personnels. » Une façon floue de dire « Sois prof et tais-toi », que l’administration risque d’utiliser en masse prochainement. Pour l’instant, elle parvient parfaitement à ses fins, par la peur maladive qu’ont en général les profs de leur hiérarchie, par l’intimidation, par l’exemple (la multiplication des cas récents aide beaucoup), et si besoin, par le rappel à l’ordre au nom d’un supposé - et très exagéré - « devoir de réserve ».

*** Méthodes de l’administration

En plus de cette intimidation à bas bruit, il faut souligner le pouvoir renforcé du chef d’établissement dans le second degré et l’attribution d’un échelon hiérarchique supplémentaire dans le premier degré avec la loi Rilhac(6). À terme, il faut craindre que dans les écoles, le directeur puisse, comme dans les collèges et lycées, émettre un avis sur la façon dont l’agent remplit ses missions, convoquer l’enseignant... Dans le second degré, la répression prend la plupart du temps la forme de punitions par le biais des attributions « organisationnelles » des chefs. Les fortes têtes, ou ceux qui ne sont pas dans leurs petits papiers vont avoir un emploi du temps pourri (des « trous » entre les heures de cours, des changements de salles permanents), un refus de demande d’être professeur principal ou de prendre tel ou tel niveau - comme les terminales (7). Le harcèlement moral est également devenu une grande mode, car les quelques chefs qui tiennent encore à peu près la route démissionnent devant les contradictions de leur rôle d’intermédiaire ; ne restent plus que les maboules (voir encadré sur Mozart), couverts par l’administration. Enfin, demander la venue d’un inspecteur et transmettre des documents à joindre au dossier administratif complètent la panoplie classique.
Le contexte légal, maintenant. La fonction publique ne connaît ni délégué du personnel, ni délégué syndical : les syndicalistes ne sont donc pas protégés, contrairement au droit salarial privé. Dans le cadre d’une procédure disciplinaire « classique » menée par l’administration, toutes les sanctions supérieures à une exclusion temporaire de 3 jours (et allant jusqu’à la révocation) doivent faire l’objet d’un examen en conseil de discipline, composé de représentants des personnels et de l’administration. Son avis n’est pas décisionnaire, et l’administration peut très bien s’asseoir dessus, et même poser une sanction supérieure à celle demandée (c’est le cas à Melle par la Rectrice de Poitiers, désavouée ensuite par le Tribunal Administratif - TA). Mais il offre des garanties de défense, de transparence et de communication. De plus, le juge exerce un contrôle important sur la procédure. L’administration doit faire la démonstration que les garanties statutaires ont été respectées et que la sanction est proportionnée à la faute reprochée à l’agent. Toutefois, l’administration arrive à passer outre ces garanties légales. Dans le cas de Melle, les PV d’audition n’ont jamais été communiqués dans les dossiers des agents convoqués en conseil de discipline... Les décisions peuvent ensuite être attaquées, leur légalité remise en question, car parfois complètement hors des clous. Il reste encore quelques maigres garde-fous.
Il en est différemment pour les procédures hors cadre disciplinaires, les désormais fameuses mutations « dans l’intérêt du service », prises à Nanterre, à Bobigny et Saint-Denis (8). La loi de transformation de la Fonction Publique (2019) a mis fin au contrôle exercé par les représentants élus du personnel réunis en commission paritaire administrative sur les mutations et les promotions. Si ces commissions n’avaient qu’un rôle consultatif, leur réunion obligeait toutefois l’administration à motiver ses décisions de mutations, et permettait aux organisations syndicales d’organiser une riposte. Ainsi, dans le cas d’une mutation dite dans l’intérêt du service, le contrôle du juge est désormais bien plus faible. Ce dernier se limite dans les faits à vérifier que l’agent a pu consulter son dossier. Il suffit que l’administration argue d’un dysfonctionnement dans le service, quand bien même ce dysfonctionnement a été constaté par l’agent lui-même, pour que la décision soit entérinée. Qui plus est, l’administration refuse désormais de communiquer à l’agent les pièces sur lesquelles elle se fonde pour motiver sa décision, ce qui est illégal. Elle procède désormais par des enquêtes administratives menées dans des cadres flous et sans aucun respect du principe du contradictoire, qu’elle commande auprès des corps d’inspection ou de l’inspection générale. Et pour cause : il a pu être établi que ces enquêtes reposent sur des entretiens dans lesquels l’administration cherche à connaître les affiliations syndicales et politiques des agents. On comprend pourquoi, vu la difficulté à contester ces décisions, l’administration y a tant recours. Il y a fort à parier que ce type de sanction déguisée ait de beaux jours devant lui.

*** Et les précaires dans tout ça ?

Ici, on n’a parlé que de la répression contre les enseignants titulaires, certes les plus nombreux et les plus mobilisés et médiatisés dans la durée, mais certainement pas les plus exposés. Rappelons que les contractuels précaires (surveillants, accompagnantes d’élèves en situation de handicap, profs contractuels...) sont sur un siège éjectable à chaque renouvellement de contrat (la majorité est en CDD). Ouvrir un peu trop sa gueule, faire grève, s’organiser, c’est risquer le non-renouvellement du contrat, qui peut se faire avec des motifs assez vagues. C’est comme dans le privé. Le cas des enseignants titulaires est donc particulier, un statut les protège encore. 
Pour que cela puisse durer et que des victoires puissent être emportées sur le terrain de la lutte contre la répression, il faudra un peu plus que le niveau de mobilisation actuel. De nombreux rassemblements ont eu lieu depuis Melle, souvent intersyndicaux, et avec appels à la grève associés. Mais les mobilisations peinent à rassembler. Déjà, car la période n’est pas à la lutte dans l’éducation, mais aussi parce que la répression est souvent un combat de militants, assez peu rassembleur (pas que dans l’éducation). Le rapport de forces devra donc nécessairement jouer aussi sur d’autres tableaux. 

CJ de Saint-Nazaire

(1) Voir « Pratiques du blanquerisme : Surveiller et punir », Extraits de École publique et émancipation sociale de Laurence de Cock, publiés dans Courant Alternatif 322, été 2022
(2)La part du rêve : Freinet, psychanalyse et Guerre scolaire 1928-1933, Jacqueline Carroy, Emmanuel Saint-Fuscien, Dans « Cahiers Jaurès » 2016/3 (N° 221), pages 85 à 108
(3) Courriers d’une actualité particulièrement frappante, à l’heure du délabrement de nombreux établissements et de la surcharge des classes : « Puisque Monsieur l’Inspecteur d’Académie insiste pour me faire admettre 49 élèves dans une classe construite pour 27 élèves, je me vois dans l’impérieuses
nécessité de penser à ma santé rudement éprouvée par plusieurs mois de travail dans l’atmosphère irrespirable de notre petite classe », cité dans Célestin FREINET ou la révolution par l’école, mémoire de maîtrise d’Histoire de LAFON Delphine
(4) Rappelons que les locaux et certains moyens humains (assistantes maternelles, personnel de nettoyage et de cantine) dépendent de la mairie pour l’école primaire. Depuis les lois de décentralistation, les collèges sont gérés par le département et les lycées par les régions.
(5) C’est le cas ailleurs en France, pour d’autres instituteurs engagés.
(6) Loi Rihac de décembre 2021 qui crée la fonction de directeur·trice d’école, avec un statut administratif spécifique.
(7) Voir le cas édifiant de Michel Rodriguez, enseignant désormais à la retraite, raconté sous le titre « Rentrée des clashs » sur un blog de Mediapart
(8) Source : Saisine par SUD éducation de la défenseure des droits au sujet de l’abus de procédures de mutations dites dans l’intérêt du service au sein du ministère de l’Éducation nationale et de la répression syndicale à l’encontre des adhérent⋅es et militant⋅es de SUD éducation

Un exemple de méthode de répression : le lycée Mozart au Blanc-Mesnil

Le lycée Mozart subit depuis la rentrée 2021 un proviseur harceleur, visiblement envoyé pour « mater » l’équipe enseignante. Depuis son arrivée, les arrêts maladie pour souffrance au travail se multiplient, 2 CHSCT (Comité Hygiène Santé et Conditions de Travail) départementaux se sont tenus, et même un CHSCT national. Il y a eu plusieurs grèves et plusieurs rassemblements devant la DSDEN (Direction Départementale de l’Éduction Nationale). Les enseignant·es n’ont jamais été reçu·es, le rectorat soutenant le proviseur et indiquant que les enseignant·es devaient dialoguer avec lui. Il y a eu aussi deux alertes de la médecine du travail. L’équipe enseignante de son précédent établissement a pourtant fait aussi remonter ses témoignages et les avait transmis aux collègues dans l’espoir que le rectorat entende enfin.
On imagine dans quelle atmosphère a eu lieu la rentrée 2022. Cerise sur le gâteau, alors que le dernier Conseil d’Administration avait refusé à l’unanimité des représentants du personnel, des parents et des élèves le passage à la journée continue, celle-ci était appliquée dans les nouveaux emplois du temps, sans parler de la désignation comme professeurs principaux d’enseignant·es qui avaient explicitement refusé cette mission, sous peine de retraits de salaires.
Le décor étant planté, je peux maintenant vous expliquer les événements particulièrement graves de la semaine dernière. Bien sûr, alors que ce lycée se caractérisait par de bonnes relations entre élèves et profs, et une bonne réussite au regard des caractéristiques sociales du Blanc Mesnil, l’atmosphère avait commencé à se dégrader. Vendredi 14 octobre, juste avant la sonnerie de début du cours de milieu de matinée, quatre élèves ont fait irruption dans une classe pour en tabasser un (c’était bien un tabassage prémédité et non une bagarre). Cet événement est sans précédent dans ce lycée. Le proviseur n’a rien trouvé d’autre que de leur proposer d’appeler leurs parents ou sinon de retourner en cours. Une équipe adverse armée d’une quinzaine de personnes est venue attendre sur le parvis pour des représailles. Le proviseur, qui appelle la police dès la moindre rumeur de blocus, n’a appelé personne et a même obligé à sortir sur le parvis un élève qui souhaitait rester réfugié dans le lycée. Deux lycéens ont été hospitalisés. Le proviseur a refusé les droits de retrait, refusé de fermer l’établissement, indiqué aux parents qu’il y avait eu des incidents sans gravité. Toute cette semaine, les collègues étaient en grève soutenus par les parents et les élèves. Le rectorat a refusé de les recevoir en délégation et indiqué que le proviseur avait bien géré la situation, malgré quatre plaintes de parents élus pour mise en danger de la vie d’autrui. Hier, les enseignants ayant peur de se voir retirer leur salaire pendant les vacances ont repris, et ce sont les parents qui ont bloqué le lycée avec les élèves. Le mot d’ordre de tous : il doit partir. 
La morale de l’histoire : pour mater des enseignants un peu trop grévistes, le rectorat est prêt non seulement à détruire un lycée, mais même à favoriser l’insécurité sur une ville.

22 octobre 2022

Répondre à cet article


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette