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LA CSI UNE NOUVELLE INTERNATIONALE SYNDICALE

lundi 1er janvier 2007, par Courant Alternatif

Début novembre 2006, portée par quelques 1500 délégué(e)s, la CSI, Confédération Syndicale Internationale, a vu le jour à Vienne en Autriche. Une naissance largement saluée dans les médias par la bourgeoisie.


Cette nouvelle internationale syndicale est le produit de regroupements de deux syndicats mondiaux aujourd’hui dissous, la CISL (dont FO est partie prenante dès les débuts, rejointe par la CFDT en 1989), et la CMT (dont la CFTC fait partie). Participent à l’avènement, d’autres organisations syndicales nationales non affiliées dont la CGT française.
La CSI revendique 190 millions de syndiqué(e)s, 360 syndicats, 150 pays représentés derrière une même bannière.

Une internationale de transformation sociale ?

La CISL (Confédération internationale des syndicats libres) était d’inspiration sociale- démocrate. Elle regroupait 150 millions d’adhérents.
La CMT (confédération mondiale du travail) était d’obédience chrétienne et revendiquait 30 millions de membres. Présents à leur côté pour porter cette naissance une quinzaine de syndicats nationaux indépendants dont la CGT française, la CTA argentine…Une naissance que commente le premier (et futur secrétaire ?) Guy RYDER : " Bien plus qu’une fusion d’appareils concurrents, la nouvelle confédération doit être le cadre où émergera un nouvel internationalisme syndical, face au capitalisme débridé de ces dernières décennies ". Gardons donc nos illusions, son objectif ne sera pas dirigé contre le capitalisme, l’exploitation des travailleurs et la barbarie qu’il engendre aux quatre coins de la planète. Cette internationale agira dans le cadre accepté du capital en luttant contre ses excès. Elle ne sera pas le fer de lance de la lutte de classe mais rejoindra la cohorte des organisations altermondialistes pour veiller à ce que l’exploitation capitaliste garde un visage humain et puisse être acceptée par tous les humiliés de la planète. Sont restés à l’écart de cet avènement les syndicats appartenant encore à la FSM (fédération syndicale mondiale). Syndicats soviétisés de l’ex- bloc de l’Est, ou ce qu’il en reste, depuis la chute de l’empire. N’y ont pas pris part, la Chine, la Corée du Nord ainsi que des fédérations nationales telles les COBAS en Italie, Solidaires en France…
Cette nouvelle internationale définit " le travail humain d’une valeur supérieure au capital ". Dans son programme une résolution : " Changer fondamentalement la mondialisation afin qu’elle fonctionne en faveur des travailleurs, des sans emplois et des pauvres " dans ce cadre une " gouvernance " de l’économie mondiale devra combiner les trois piliers du développement durable, économique et social. Générer du travail décent, mettre un terme à la pauvreté de masse et encourager une distribution équitable des revenus. Pure verbiage et langue de bois, car dans le cadre du capital, le travail humain est subordonné au capital et est un esclavage salarié. Quant au changement fondamental de la mondialisation elle a précisé : il faudra agir sur son côté débridé.

Par ailleurs, la CSI revendique la fourniture de services publics de qualité pour tous et leur exclusion des négociations commerciales et elle oeuvrera pour une réforme fondamentale des organisations internationales : FMI, OMC, Banque Mondiale…Elle réaffirme que les droits syndicaux constituent un élément clef des droits des travailleurs et mènera campagne pour mettre fin aux discriminations de toutes sortes : sexe, religion, couleur, identité de genre, opinion politique, handicap…L’internationale s’engage à œuvrer pour " établir un monde pacifique et sûr où les populations de tous les pays coexistent dans un climat de tolérance et de respect mutuel ".
D’ailleurs, contre les dubitatifs sur sa volonté d’engagement auprès des travailleurs contre le capital et contre les sarcastiques qui dénigrent sa langue de bois et le catalogue réformiste de ses objectifs, la CSI se donne l’objectif d’organiser : " une journée d’action mondiale sur l’emploi, afin de réclamer une action internationale immédiate pour formuler et mettre en œuvre l’agenda d’une nouvelle mondialisation. "

Un nouveau soutien pour la bourgeoisie

La Naissance de la CSI a été saluée par la bourgeoisie comme un événement de portée historique. Cela mettait fin à une division syndicale héritée de la guerre froide mais désuète depuis la chute du mur de Berlin. Il est vrai que celle-ci, réunit sous la même bannière les trois courants syndicaux : sociaux démocrates, chrétiens et staliniens relookés des pays de l’Est. C’est à dire, les forces d’embrigadement utilisées par le capital contre les travailleurs. Des forces idéologiques directement liées à l’état-parti dans l’ex empire soviétique ou d’opposition confortablement intégrées en partenaires sociaux des bourgeoisies occidentales, qui leur octroient de confortables rentes de situation telle la CES (confédération européenne des syndicats).
Personne ne sera surpris, si je dis, que cet événement historique est resté inconnu de nombreux salariés et s’est déroulé dans l’indifférence la plus totale et loin des préoccupations immédiates de nombre de syndiqués et de militants syndicaux. Il est fort probable que peu de ces derniers l’auront su ou pu y donner un avis lors des rares débats dans les syndicats.
Tel fut le cas à la CGT (française). Le principe d’adhésion à la CSI avait été adopté au congrès d’avril. Le principe en a été confirmé en septembre, par le comité confédéral national. Pourtant fin août, lors d’une réunion de l’union départementale Paris qui a regroupé plus de 90 participant(e)s, nombre d’entre eux ou elles se demandaient pourquoi ils n’avaient toujours pas reçu les textes sur la nouvelle internationale pour permettre un plus profond débat ? " J’ai l’impression que l’on fait par en haut un truc qui ressemble furieusement à la CES ", " Pourquoi nous demander notre avis si la décision est déjà prise " Comme le souligne ces paroles militantes, l’ambiance était plus qu’au scepticisme.
C’est au cours de cette même réunion, qu’un responsable confédéral (Europe et international) dévoilera : " si nous confirmons notre engagement lors du congrès d’ouverture en novembre, nous aurons une place dans les organismes de direction de cette nouvelle confédération ", mettant ainsi fin à la demande de débats réels et démocratiques.
Pour les heureux élus qui ont eu accès aux textes sacrés, les militants, notent, dans les statuts de la CSI à l’article XIII : " les organisations affiliées doivent soumettre au secrétaire ou à la secrétaire général(e), les noms de leur représentants au moins trois mois avant le congrès. " Soumettre et non transmettre ! Où est la souveraineté des organisations nationales affiliées ?
Article XIX : " Toutes les propositions ou projets de résolutions soumis par les organisations affiliées, après le temps limite fixé, sont soumis au conseil général. "
Article VII : " Si le, ou la présidente, décide qu’il n’y a pas de divergence d’opinion quant au fond, il lui sera loisible de prononcer la clôture des débats, et si la demande lui est faite, il ou elle procédera à un vote. "… " le ou la présidente pourra inviter un(e) oratrice à regagner sa place si ses observations ne rentrent pas dans le cadre du sujet discuté. " Ainsi C’est le conseil général, qui décide, seul, de soumettre une motion ou de ne pas prendre en compte un projet de résolution. De même que le ou la présidente décrète à tout moment qui reste bien dans le sujet ou non. Que reste-t-il alors de l’expression démocratique ?
L’article IV des projets des statuts stipule : " Le conseil général a le droit de suspendre et le congrès d’exclure, toute organisation affiliée qu’ils jugent coupable d’infraction aux présents statuts, ou d’action contraire aux intérêts de la Confédération, ou d’inaction. " Exclu pour inaction !!!
Dans l’article II (droits et obligations) il est dit : " Les organisations membres ont la responsabilité de prendre en compte la formulation de leurs politiques les décisions du congrès et des organes directeurs " prendre en compte (soulignent les militants en question) se traduit par : faire sien, endosser la responsabilité. Tel est le cadre démocratique, l’indépendance ou l’autonomie des organisations nationales affiliées à cette internationale de bureaucrates. Véritable maffia à la solde du capital. On comprend mieux au décryptage des statuts, la divulgation tardive et parcellaire de ceux-ci vers les militant(e)s qui tentent de se réapproprier un espace de démocratie contre leur confédération.

La CSI contre les travailleurs

Pour la bourgeoisie, la promotion médiatique de la CSI était indispensable. Il s’agissait d’illusionner les travailleurs du monde entier pour qu’ils se reconnaissent dans ce pseudo contre pouvoir auto proclamé. Comment faire croire aux travailleurs du monde entier qu’un contre pouvoir international de classe allait enfin se dresser pour terrasser l’hydre du capitalisme ? Il n’en sera rien, ces boutiquiers ne règnent que sur 10% de salariés syndiqués de par le monde.
La CSI se fixe pour mission " d’unir et mobiliser les forces démocratiques et indépendante du syndicalisme mondial " Que penser d’une telle déclaration lorsque l’on sait que figure dans ses affiliées parmi d’autres maffias, l’organisation syndicale vénézuélienne CTV issue de la CISL. Organisation corrompue devenue le quatrième groupe économique du pays, propriétaire d’une banque et qui a soutenu l’ex pouvoir en place durant ces quarante dernières années. Centrale syndicale dont le secrétaire s’affichait avec le patron des patrons vénézuéliens pour appeler à renverser Hugo Chavez " par tous les moyens ". Elle participera au coup d’état de 2002 et à la grève de décembre contre ce dernier.
La réalité se charge de démystifier la CSI au regard d’une autre transnationale syndicale à savoir la CES (confédération européenne des syndicats). Autre verrue syndicale dont les membres ont accompagné toutes les mesures anti- sociales contre les travailleurs. CES qui, a approuvé avec zèle le traité constitutionnel européen avec son lot de déréglementations et de directives anti-sociales dont la célèbre Bolkestein. Pas plus que la CES n’a été un moment porteuse des aspirations émancipatrices des travailleurs, la CSI ne le sera à son tour. En son sein, les mêmes bureaucraties y gagneront de nouvelles sources de financement et de nombreuses sinécures pour copains et coquins. Rappelons que la CES est financée à 75% par l’Union Européenne. Dans le cadre européen nous avons pu mesurer au cours de cette dernière décennie, le vide fédérateur des luttes de la part de la CES et sa complaisance lors de la mise en place des réformes anti-sociales dictées par l’Union Européenne avec ses traités successifs. Ainsi lors de la réunion des ministres de l’emploi de l’Union Européenne à Helsinki (6 juillet 2006) elle y déclarait " La CES fera valoir que les syndicats doivent pouvoir jouer un rôle plus actif dans l’anticipation et la gestion des restructurations à tous les niveaux. Il convient de permettre aux travailleurs d’anticiper et de préparer le changement " Il est vrai que ces pompiers des luttes sociales prennent de plus en plus de risques avec le nombre croissant, de conflits sans toujours être sûr d’être payer en retour par leurs maîtres.

Vers un lobby syndical international

Depuis deux décennies, le capital via ses institutions officielles bourgeoises (FMI, banque mondiale, OMC…) a mis au point sa nouvelle stratégie : la nouvelle gouvernance mondiale. Celle-ci vise à réorganiser l’ensemble de la société marchandisée sur de nouvelles bases permettant le règne du capital. Un des éléments de cette stratégie est l’appui de partenaires sociaux divers dont les organisations syndicales. La banque mondiale définit cette société civile. Elle intègre les ONG (organisations non gouvernementales), les groupements divers d’obédiences religieuses, les organisations syndicales, les groupes de population autochtones, les organisations caritatives, les fondations privées… Banque mondiale, ravie de voir sa stratégie s’appuyer sur " des partenariats entre la société civile, l’Etat et le secteur privé " Banque mondiale qui constate que les ONG (qu’elle subventionne grassement) sont passées de 6 000 en 1990 à 26 000 en 1999 et plus aujourd’hui. Elle se félicite de la promotion d’un consensus général avec un appui local aux réformes qu’elle orchestre. Dans ce cadre, l’objectif de la CSI est de reprendre une place partenariale de choix dans les instances internationales parmi ce fatras d’organismes ou d’associations de la société civile. Situation familière et rodée dans la CES où bureaucrates et technocrates syndicaux siégeaient dans les diverses instances et commissions de l’Union Européenne avec l’UNICE (syndicat du patronat européen) ; où ensemble, ils collaborent et élaborent les mesures anti-sociales qui aggravent l’exploitation des travailleurs au quotidien pour de plus grands profits patronaux. Une CSI, qui comme les organisations se réclamant de l’altermondialisme, se fixe pour objectif non le renversement de l’ordre capitaliste mais : " la tache de lutter pour la gouvernance démocratique de l’économie ".
L’avènement de ce lobby syndical mondial permettra au syndicalisme de redorer son blason bien terni par les corruptions des uns et les compromissions de tous. Le développement du mouvement altermondialiste et les puissantes manifestations qu’il a su entraîner, Seatle, Nice, Gènes, Bruxelles….ont grignoté l’espace syndical et fait une fois de plus la démonstration du degré de compromission des organisations syndicales avec les bourgeoisies au pouvoir. L’exemple du soutien de la CES au projet de constitution européenne a été un énième révélateur de l’intégration du syndicalisme au côté du capital. Souvenons-nous de la fracture opérée dans la CGT et des réactions de B. Thibault à la suite du NON adopté par le CCN lors traité européen soumis à référendum en 2005.

On comprend que la bourgeoisie ait saluée cette internationale qui lui est indispensable à un moment où partout dans le monde éclate des révoltes ouvrières. Celle ci lui est nécessaire comme force d’interposition dans les conflits de plus en plus nombreux d’une guerre de classe de plus en plus directe.
D’ailleurs, pour absoudre toute méfiance sur ses velléités anti- capitaliste et donner des gages aux maîtres qui la nourrissent, la CSI inscrit dans sa déclaration de principe " son soutien indéfectible aux principes et au rôle des Nations Unies, et à sa légitimité et son autorité uniques ". Un soutien indéfectible à la bourgeoisie pour enrôler les prolétaires dans les prochaines boucheries guerrières internationales valait bien une célébration et des faire-part de bienvenue dans les médias du capital.

15 12 2006 MZ. Caen

Lire " CES et Constitution Européenne. ", CA n°146, ; " Bruxelles, Bolkestein et la constitution européenne ", CA N°148

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