Accueil > Textes > Textes OCL > Compte rendu d’une séance de comparution immédiate dédiée aux « gilets jaunes »

Compte rendu d’une séance de comparution immédiate dédiée aux « gilets jaunes »

Paris - lundi 3 décembre 2018

mardi 4 décembre 2018, par admi2


Compte rendu d’une séance de comparution immédiate
dédiée aux « gilets jaunes »

Les arrestations consécutives à l’émeute de samedi auront rempli les tribunaux. 111 personnes ont été déférées lundi. Pour résoudre ce problème insoluble de place, le pouvoir a trouvé une solution qu’il connaît bien : la justice d’abattage. Compte rendu des saloperies du tribunal hier.

Quand on arrive devant l’une des cinq chambres de comparution immédiate ouvertes pour l’occasion, ce qui marque d’abord c’est la présence des journalistes. Les journalistes de télévisions qui veulent filmer tout le monde, et surtout les proches des victimes qui pleurent. Mais les journalistes de la presse écrite seront désagréables toute la séance. Ces imbéciles sont comme au spectacle. Ils se permettent des petites remarques sympas du genre : « Ah bah, aujourd’hui, vu le nombre d’arrêtés y aura pas de mal à faire un papier » ou alors : « Ils ont vraiment arrêté tous les cas sos ». Superbes de professionnalisme et d’humanité, ces pisse-froid de scribouilleurs.

A 14 heures, le juge entre dans la salle et on est obligé de s’humilier à se lever.
Les accusés commencent à arriver.
Petit point, d’abord. Il paraît très vite clair que les PV d’interpellation ont été écrits avant toute interpellation et défiant toute logique. Tous les inculpés n’ont pas participé à la manifestation. Il s’agit d’arrestations menées en préalable à cette manifestation, à partir de fouilles. Il s’agissait visiblement d’une stratégie policière menée en lien avec le parquet. Tous les inculpés ont été arrêtés entre 8 heures et 10 heures le samedi matin alors qu’ils se rendaient sur les lieux de la manifestation. Ils sont tous accusés du même délit :
« Le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. » https://www.legifrance.gouv.fr/affi...;;jsessionid=99B2DE2796B457749EA6CB054E07F226.tpdila14v_3?idArticle=LEGIARTI000021926074&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20170611&categorieLien=id&oldAction
Accusation floue, mais pratique pour faire du chiffre.

Début de la loterie

Les procès s’ouvrent sur les demandes de délai.
Le premier à passer a 31 ans, chauffeur poids lourd en CDI, il habite en Seine-et-Marne. Jamais condamné, il s’est fait pincer en allant à la manif avec un masque à gaz, des lunettes et un couteau. Comme dans la plupart des cas, les flics n’ont pas pu donner de retour d’enquête au tribunal (« trop d’affaires », selon le juge). Il n’a donc pas de garantie de représentation, et le juge doit statuer en fonction de son simple témoignage. « Inséré socialement » (comme la totalité des prévenus, on le verra) et père d’une gamine de 15 mois, il demande un délai avec contrôle judiciaire (CJ). Le débat porte sur la question de savoir s’il faut lui interdire de visiter Paris ou non. En effet, en tant que routier, il est amené à des missions sur Paris. La procureure plaide pour la première fois et c’est tout de suite désagréable, car sa voix traduit une excitation sadique assez peu conforme à son prétendu statut. Elle demande un CJ avec interdiction de Paris. Le prévenu sera interdit de Paris juste le dimanche jusqu’à son procès.
Le deuxième est un routier de 29 ans, déjà condamné pour des violences à un mois avec sursit. Il est accusé d’avoir eu dans son sac une pierre, des protège-tibias et un masque. Lui aussi travaille, en tant que cadre dans une boîte de transport, et il est père de deux enfants. Il gagne quand même 4 000 euros par mois en CDD (ce qui va beaucoup plaire à la procureure), et on ne s’étonne donc pas qu’il soit le seul à ne pas avoir d’avocat commis d’office. La procureure demande un CJ avec interdiction de Paris, mais insiste vraiment sur le fait qu’il est « bien intégré ». Entre gens qui gagnent 4 000 balles par mois, on se reconnaît. Le juge suivra la procureure.

« Il n’y a pas eu de manifestation pacifiste »

Le premier à accepter de se faire juger est J, intérimaire de 27 ans dans le Nièvre. Lui aussi est accusé d’attroupement pour avoir eu un casque de vélo, un lance-pierre et un masque de ski dans son sac. Il sort de prison puisqu’il s’est fait prendre samedi matin très tôt et qu’un prolongement de garde à vue n’était pas nécessaire. Le JLD (juge des libertés et de la détention) a donc demandé à ce qu’il passe la nuit à Fresnes avant de se faire juger.
S’il avoue la présence d’un lance-pierre dans son sac, il nie toute volonté de violence (rappelons qu’il n’a jamais vu la couleur de la manifestation) et ne s’explique pas pourquoi il a pris cette fronde. Il tente d’argumenter qu’il était contre la politique du gouvernement et qu’il galère en intérim, qu’il est obligé de vivre chez sa mère… Evidemment, le juge en fait des tonnes sur la présence de ce lance-pierre, qui est une « arme par destination ». Malheureusement pour lui, les PV étant remplis à l’avance, le monsieur n’est pas jugé pour port d’armes mais pour ce fameux « fait de participer sciemment à un groupement, même temporaire », blablabla. Par contre la présence d’un masque à gaz et de lunettes, il dit « la comprendre ». Nous, on comprend rien pour le coup. L’accusé ne trouve pas de réponse et on craint la réquisition de la procureure. Celle-ci est étonnamment douce. Elle insiste quand même sur le contexte, « il n’y a pas eu de manifestation pacifiste » et donc on peut douter de la véracité des déclarations du monsieur. Elle demande des jours-amende (210 à 5 euros, ce qui fait une amende de 1 000 euros). Vient l’avocat de l’homme, qui est très offensif et commence à attaquer notamment la procureure sur l’indépendance de la justice. Sous-entendu : « On sait que les déclarations de Macron, vous allez les appliquer à la lettre. » Il plaide le fait que la fronde était au fond du sac et qu’elle « interroge mais ne caractérise pas ». L’avocat cible les violences économiques dont on ne parle jamais et les conditions d’interpellation floues. Il est vrai qu’on ne saura jamais où la personne a été interpellée, quand et dans quelles conditions.
Cette intervention de l’avocat aura comme conséquence que la procureure, pour l’instant assez endormie et relativement clémente, va se ressaisir et comprendre le vrai sens de sa mission : punir. Désormais, toutes les réquisitions vont être plus lourdes. Et ça pèsera sur tout le monde. Ce prévenu sera par exemple condamné à 3 mois de prison avec sursis, une peine allant beaucoup plus loin que les réquisitions de la procureure.
Au tour d’un autre accusé, 27 ans, cadre dans une société de sous-traitance de la SNCF, habitant Villeurbanne dans la banlieue lyonnaise. Toujours accusé du même délit, celui-ci a moins de chances face à la justice : il est noir et la procureure a été échaudée par le discours de l’avocat précédent. L’homme s’est fait toper avec une quinzaine de pétards et de fumigènes en se rendant à la manifestation. Il a tout avoué en garde à vue, même les choses qu’il n’a pas faites. Sa défense n’est pas très heureuse car il joue l’honnêteté devant le tribunal. Grave erreur ! Le tribunal est le territoire du mensonge ! Il avoue avoir ainsi apporté les pétards pour « se défendre » contre la violence des flics. Il explique qu’il s’est retrouvé le samedi 24 sur les Champs-Elysées avec sa maman et qu’il n’a pas supporté de subir des gazages gratuits de la part des forces de l’ordre. Le juge lui rappelle qu’il n’y a pas de gazage gratuit et que la force de l’ordre est légitime dans tous les cas (ben voyons). Et en plus il ne peut avoir aucune foi dans son témoignage car on ne sait pas ce qui s’est passé le 24 et que ce qu’il dit est probablement un bobard. Ce témoignage est pourtant vrai : j’en ai parlé avec la maman avant d’entrer dans la salle, et elle m’a confirmé ces dires. En tout cas, il regrette et « doute qu’il aurait eu le courage de faire ça ».
La procureure est aux anges et va enfin pouvoir exercer son pouvoir. Elle rappelle les trois condamnations précédentes de la personne pour conduite sous l’empire de stupéfiants. Le mec a visiblement eu des problèmes d’addiction au cannabis. C’est un angle d’attaque nouveau, qui va être particulièrement dégueulasse. Elle développe un discours hygiéniste social digne des bourgeois dans Zola, expliquant qu’une addiction est un phénomène aggravant et que, quand on est addict, on se soigne et on va pas en manifestation. En gros, si t’es toxicomane, tu arrêtes de vivre et puis c’est tout. Elle rappelle que les pétards, c’est interdit ; qu’il a le « manuel du petit artilleur « et qu’il n’y a pas de défense acceptable face à la police ». Elle invente également des problèmes d’alcool du prévenu, chose qui ne sera pas contredite par l’avocate commise d’office, particulièrement nulle. 3 mois de prison avec mandat de dépôt requis. Le juge le condamnera à 6 mois de prison ferme sans mandat de dépôt.

« J’étais un peu l’infirmière »

Passe ensuite un mec manœuvre, dans la Nièvre encore. Il est possible qu’ils soient venus en groupe. Il avait un masque à gaz, des gants de protection et un poing américain dans son sac. Mais il avait aussi du sparadrap, des compresses et du sérum physiologique. Interrogé par les flics, il répondra qu’il « était un peu l’infirmière » et qu’il avait apporté ça pour protéger les manifestants en cas de blessures. Nice ! Plutôt souriant et détendu, ce manœuvre en usine à Nevers gagne 1 400 euros par mois et a un enfant à charge. Le juge le cuisine sur le poing américain, évidemment ; il répond qu’il voulait « se défendre contre d’éventuels casseurs (sic) ou pilleurs, durant la manifestation mais aussi dans le métro ». Eh oui, on peut pas promouvoir l’autodéfense chelou sur BFM et s’étonner ensuite que des gens deviennent paranos !
Et là, coup de théâtre, un avocat gâteux se réveille dans l’assemblée pour dire que la Mairie de Paris se constitue partie civile dans les cas de dégradation. Bon, ici il n’est question d’aucune dégradation, du coup tout le monde rigole dans la salle et le juge renvoie l’avocat à ses pénates.
De retour sur l’affaire, la procureure dit que l’inculpé n’avait pas de papier d’identité, ce qui est aggravant visiblement, et surtout « indicateur de son état d’esprit ». C’est n’importe quoi. Elle insiste beaucoup sur le port d’arme, mais là encore c’est con pour elle : le port d’arme n’est pas retenu comme une charge. Dommage, hein. Comme « élément de contexte » elle ajoute que le côté infirmier de l’individu « part d’une intention louable mais dénote une bonne connaissance du terrain ». Bravo, Einstein, il suffit d’avoir vu BFM dix minutes cette semaine pour comprendre qu’on risque de se faire ravager la gueule en allant en manif. Elle est pas très fine mais requiert quand même 2 mois ferme. L’avocat répond coup pour coup : l’inculpé avait une pièce d’identité, la procureure a donc menti. Il n’est pas accusé de port d’arme, donc ne peut logiquement pas être condamné sur cette base, ce qui revêt une certaine logique. Il plaide donc la relaxe. La procureure est en PLS, mais de toute façon elle était sur son smartphone toute la plaidoirie de l’avocat et elle a pas entendu. Après tout, qu’est-ce que ça peut foutre d’envoyer des gens en taule, hein ? On s’attend à ce que le juge soit clément avec celui-ci. Nous sommes naïfs, il sera quand même condamné à 3 mois avec sursis.

« Ils étaient froids, alors j’ai voulu les réchauffer »

C’est au tour d’un autre prévenu d’apparaître avec une énorme œil au beurre noir. Il s’est visiblement fait casser la gueule pendant sa GAV ou durant son interpellation. Il est ouvrier dans un abattoir, a 45 ans, une gamine de 16 ans qu’il élève, est divorcé. Il a été interpellé car il « fonçait sur une ligne de CRS en espérant être suivi par la foule ». Il était 8 h 50 samedi, au moment où la foule de gilets jaunes tentait de rentrer sur les Champs. C’était sa première manifestation de cette ampleur. Il explique ne « pas avoir pu se retenir ». « J’ai parlé pendant quarante-cinq minutes aux CRS. Ils me répondaient pas, ils étaient froids, alors j’ai voulu les réchauffer et j’ai foncé dans le tas. » Les flics, dans le PV, lui ont demandé pourquoi il avait fait ça. « Parce que je suis con », a-t-il répondu. Evidemment, les rires fusent dans la salle, mais il y a rien de drôle. On sait tout de suite que cette personne va être condamnée. Mais, paradoxalement, et c’est une des absurdités de la journée, il ne sera pas jugé pour violence sur agent (tant mieux pour lui) mais toujours pour cette connerie d’attroupement. Il est donc poursuivi pour avoir eu sur lui un couteau, une lampe-torche (???) et un casque (qu’il ne portait pas sur lui au moment de l’interpellation). On veut savoir pourquoi il avait un couteau. Il répond avec sagesse : « Pour couper le saucisson et le fromage. Je suis d’un milieu agricole, où on a toujours un couteau sur soi. » Cette réponse quand même pleine de bon sens ne satisfait pas le juge, qui ne voit la vie qu’à travers son code pénal.
Le prévenu se lance ensuite dans une charge politique contre le gouvernement. Il a visiblement des problèmes d’argent, et les taxes lui pèsent très lourd. Il appelle tout le monde à la révolte.
Un peu paniqué, le juge lui rappelle qu’il ne s’agit pas d’une tribune politique et que les fonctionnaires ont un droit de réserve. Bien sûr, quand le juge se permet de dire les pires infamies de la bourgeoisie, là ça va : c’est pas politique.
Le prévenu confie être au bord du suicide. Les journalistes rigolent dans la salle. Il y a pourtant rien de drôle là non plus.
La bourgeoise de procureure va encore étaler son hygiénisme social lors d’une séance de questions à l’accusé :
« Monsieur, vous avez l’habitude de manger du saucisson et du fromage, c’est bien (on note le ton paternaliste affreux), mais est-ce que pour le petit déjeuner vous aviez bu ?
– Oui.
– Ah oui, car c’est mentionné. Vous avez l’habitude de boire ?
– Oui.
– Au petit déjeuner aussi ?
– Non, pas quand je vais travailler. »
Rumeur dans la salle, tout le monde se rend bien compte que la proc dépasse les bornes en se permettant de juger les problèmes d’alcool du monsieur. Ces problèmes d’alcool qui l’ont amené à un surendettement, également. On a en face de nous un prolo qui arrive pas à joindre les deux bouts, qui est en train de plonger et qui se fait humilier par une blonde de 30 ans bien propre sur elle. C’est dégueulasse.
Elle continue en insistant sur le fait qu’il a des problèmes d’alcool. Visiblement, c’est important pour elle que les pauvres soient sobres et vivent dans l’hygiène. La bienfaiteuse des pauvres. Elle insiste encore sur le port d’arme, même si c’est pas le délit indiqué. Elle demande 6 mois ferme avec mandat de dépôt.
Le juge, lui, se cure le nez.
L’avocate plaide les difficultés financières et explique que la politique a tout à voir avec les affaires de l’après-midi. On a droit au discours habituel qu’on entend sur les chaînes de télé : « Ce n’est pas un casseur et je vous pose la question : où sont les casseurs ? » Visiblement elle était pas dans la rue samedi, car même les journalistes sont perplexes.
L’homme est condamné à 4 mois ferme sans mandat de dépôt. Il lui faudra voir avec le juge d’application des peines.

La DGSI rentre en jeu

Passe ensuite M. Dreadeux – avec un style teuffeur, il dénote un peu par rapport aux autres accusés. Il est SDF mais n’a pas l’air dans la galère. Lui c’est un nomade, son trip c’est d’aller de communauté en communauté dans le Sud et de vivre de petits chantiers ou des retapages de camions. Il s’agit visiblement d’un choix de vie qui le rend assez sympathique. Ses parents sont médecin et patron d’agence immobilière, mais il semble en rupture avec sa famille.
C’est le procès qui va durer le plus longtemps. Il faut dire que son cas est un peu particulier.
Il s’est en effet fait arrêter sur réquisition du procureur le vendredi matin à la gare de Lyon, alors qu’il venait de Chambéry. Les réquisitions portaient sur un signalement des renseignements (très probablement la DGSI) concernant un message envoyé par lui sur une page se revendiquant du black bloc. Probablement une page du type https://www.facebook.com/Black-Bloc... ou https://www.facebook.com/BLACK-BLOC.... On peut remercier les connards qui s’organisent sur Facebook de manière aussi explicite et servent d’appât pour la répression d’Etat. Vous vous sentez à l’aise, d’alimenter les fiches des renseignements ? Je vous jure, y a des claques qui se perdent.
Parce que, du coup, M., deux jours avant sa venue, envoie sur Messenger un message qui est évidemment intercepté par les flics, du genre « Comment c’est chez vous ? Moi et les copains on va monter et on est déter comme jamais ! C’était bien, la guerre samedi. » Et c’est normal que des gens fassent ça, avec des pages comme ça.
Du coup, M. s’est fait pister via son téléphone puis a été intercepté gare de Lyon à son arrivée. Circonstance aggravante, M. a la totalité de son Facebook visible. Cela permet de voir ses selfies où il pose cagoulé avec un tee-shirt ACAB. La procureure se fera un plaisir de le rappeler.
Donc, oui, les flics sont très présents sur Facebook ; visiblement, voir les messages privés ne les dérange pas. On ne le répétera jamais assez : Facebook n’est pas un espace d’organisation et c’est une grosse poucave.
Donc M. est accusé d’attroupement en vue de… Mais aussi de port d’armes. Les flics ont trouvé sur lui un lance-pierre et 250 billes de fonte, en plus d’un casque et d’un foulard. L’enquête est mieux ficelée que les autres. Il y a eu une vraie recherche, notamment autour des téléphones. Le juge précise qu’il est en lien téléphonique avec des individus de la mouvance black bloc et qu’il a le « parfait attirail ».
En face le mec se défend bec et ongles. Il parle bien et essaie vraiment de mettre en difficulté l’accusation. Il rappelle qu’il est nomade et n’a donc pas de maison. Il porte donc toute sa maison sur le dos. Rien d’étonnant alors à ce qu’il ait un lance-pierre, avec lequel il joue avec les gamins de ses potes. D’ailleurs, ce lance-pierre il voulait pas l’emmener à la manif mais le laisser chez la copine qui l’hébergeait sur Paris. Dans sa défense, tout se tient. Il faut dire que l’accusation particulièrement foireuse comme quoi on veut participer à une manifestation alors qu’on est ni sur le lieu ni le jour de la manif ne tient pas la route.
Sur la conversation Facebook : il voulait faire le malin, mais franchement il fait pas partie des black blocs, et d’ailleurs c’est plutôt « un hippie ». « Vous verriez mes potes, ils ont tous les fleurs dans les cheveux. » Il dit comprendre que le faisceau de preuves est en sa défaveur, mais il explique qu’il y a vraiment pas de preuves ! Il rappelle qu’il est malade, qu’il a des besoins d’intervention.
La procureure, fidèle à elle-même, l’attaque sur sa prétendue toxicomanie (il a le look et elle a le nez). Il a dit qu’il était sobre « même de cannabis » depuis un an.
Sa condamnation pour trafic de stupéfiants en 2009 : « J’ai payé pour ça et j’ai eu aucun souci avec la justice depuis. »
Alors, forcément, le juge est obligé de dévoiler ses valeurs de merde. Un mec qui traîne, un zonard, un zadiste, il ne comprend pas. Ça l’exècre. Il le fait sentir :
« Mais là il faut vous fixer, monsieur. (…) A 30 ans, c’est le moment de se construire une vie, un projet, hein. » Heureusement que papa le juge est là pour rappeler ce qui est bien ou pas dans la norme. C’est clair que lui et son pavillon de banlieue, son taf où il met des gens en prison, ça fait rêver. Elles sont belles tes valeurs, hein !
Pour la procureure c’est du tout bon. Un marginal ! On avait pas ce profil-là ! Il va payer, ce crasseux ! Pour elle, c’est un « vrai casseur ». Il s’agissait d’un contrôle préventif et « heureusement qu’on a des contrôles préventifs, c’est là pour éviter des débordements graves ». La salle rigole. Elle a réalisé que Paris avait été ravagé sans l’aide de ce mec samedi dernier ou pas ?
Elle demande 8 mois de prison ferme avec mandat de dépôt.
L’avocate fait une défense presque aussi affreuse que le réquisitoire de la procureure. Elle est dégoulinante de paternalisme. Pour elle, c’est un nomade perdu. Il est « immature », une brebis égarée d’une famille bourgeoise. Il faut que la justice le fasse rentrer dans le droit chemin, mais pas par la répression. Elle promet qu’il va retourner chez ses parents. Il est sans défense. C’est vraiment dégueu à entendre, même si c’est probablement une technique de défense qui se tient devant un tribunal.
Mais c’est de toute façon une technique qui va être peu payante puisque le prévenu va être condamné très lourdement : 3 mois ferme avec mandat de dépôt, assorti d’une mise à l’épreuve de 2 ans. En cas de problème, il se tapera 3 mois supplémentaires. Il a également obligation de se trouver un logement et une formation, et 150 euros d’amende. Clou du spectacle et de l’ignominie, tous les scellés (autant dire son sac avec toute sa vie dedans) seront confisqués et détruits.

En bilan, on peut donc dire que la justice reste égale à elle-même. Le SDF et le mec noir sont ceux qui ont pris le plus cher et, globalement, les peines ont été immensément lourdes comparativement à la faiblesse des dossiers. Les comparutions immédiates restent des parodies de justice.
Enfin, il s’agissait ici que d’une partie des dossiers qui reflétaient les arrestations préventives. Il n’y a pas eu d’arrestations pour dégradations ou violences. Il y a donc fort à parier que les peines les plus lourdes vont tomber le mardi 4 décembre, où seront jugés les faits datant de samedi après-midi et en soirée. Courage aux inculpés !

Répondre à cet article


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette