Courant Alternatif n°309 d’avril 2021
mercredi 31 mars 2021, par
Il y a cent cinquante ans, le peuple de Paris proclamait « la commune ». Les prolétaires montaient alors à l’assaut du ciel et renversaient l’ordre social bourgeois. C’était la première fois que la classe ouvrière s’affirmait avec force sur la scène de l’histoire et montrait ses capacités d’autonomie et d’auto organisation. Ouvriers, artisans, boutiquiers etc..., le peuple se révélait comme la seule force capable de remettre en cause l’ordre capitaliste. Après 72 jours d’insurrection : du 18 mars au 28 mai 1871, après le massacre de plus de 20 000 personnes lors de la semaine sanglante la bourgeoisie mettait fin à cette expérience révolutionnaire.
Un autre soulèvement prolétarien, en Russie le 2 mars 1921, 50 ans après la commune, doit continuer de nous inspirer. Il s’agit de Kronstadt, dont le mot d’ordre était « tout le pouvoir aux soviets ». Là aussi, marins, paysans et ouvriers, frères d’armes des bolcheviks , fer de lance de la révolution de 1917 s’étaient auto organisés en « soviets », avec un profond désir d’autonomie de liberté et de justice. Tenaillés par le froid, la misère et la famine, le soulèvement éclate le 2 mars à bord du cuirassé « Pétropavlovsk ». La commune révolutionnaire de Kronstadt survivra 16 jours avant d’être anéantie par une répression sanglante du pouvoir bolchevik. Les rebelles seront exécutés sur place ou déportés dans des camps. Pour effacer ses méfaits et toutes traces, le pouvoir rebaptise la place d’Ancre ; elle devient place de la révolution. Quant aux cuirassés Pétrospavlovsk et Sébastopol, foyers de l’insurrection, ils seront rebaptisés, « Mara » et « Commune de Paris ». Ce massacre pour « raison d’état » n’empêchera pas, Lénine, Trotski et les bolcheviks de célébrer le 18 Mars, soit deux jours après, le cinquantenaire de la Commune de Paris. Les massacreurs d’hier voulaient préserver leur état, leur pouvoir, leur ordre : Bourgeois pour l’un, Partidaire pour l’autre.
Il est évident que les héritiers « français » de « monsieur Thiers » le massacreur des communards poursuivent leur offensive de classe contre les travailleurs-euses et la population. Aujourd’hui, encore ils cherchent à convaincre les prolétaires et surtout les plus jeunes qu’un monde meilleur peut se construire sans détruire le capitalisme. Or, il n’en est rien. Face à la barbarie et à la misère du monde actuel les enseignements à tirer des communards, doivent nous redonner confiance pour les combats à mener aujourd’hui et pour l‘avenir. Rappelons les méfaits sanglants et la répression acharnée du gouvernement contre les Gilets Jaunes en révolte en 2019-2020 ou les agissements des polices impunies dans les cités ouvrières.
La bourgeoisie instrumentalise la situation que génère le virus pour protéger son système d’exploitation et de domination. Pourtant la pandémie progresse malgré les mesures prises. Mais avec elle, progressent aussi le chômage, les licenciements, les fermetures d’entreprises avec ou sans subventions étatiques. Hier, les soignant.es en première ligne face au virus, sans moyens pour se protéger, étaient salué.es, applaudi.es. Aujourd’hui, les-mêmes sont dénoncé.es par le pouvoir et les médias comme menaçant de propager le virus, par refus de se faire vacciner. D’autant plus que c’est le vaccin le moins fiable qui leur est proposé. Cette dénonciation permet au pouvoir de masquer sa calamiteuse gestion d’approvisionnement des vaccins. Dans la culture, à cause de la pandémie, la misère et la précarité frappe le monde du spectacle vivant, les théâtres, les cinémas... R. Bachelot, leur ministre veut « moderniser » le secteur. Elle envisage de casser le « statut public » des protégés, à savoir les titulaires de formations permanentes, opéra, orchestres... Et que penser du dernier cafouillage ministériel ? Seize pages de recommandations qui ont couvert de ridicule ses auteurs et nous laissent dubitatifs quand à la pertinence des nouvelles mesures sanitaires préconisées. Ainsi, malgré les incompétences et incohérences technocratiques en matière de lutte contre le covid, le gouvernement poursuit ses attaques contre le monde du travail.
Une fois encore, la bourgeoisie nous demande « civisme » et « sacrifice de nos libertés » pour préserver « son essentiel ». Il faut nous dit-elle garder la compétitivité de la France contre les concurrents économiques. Pendant que les médias aux ordres nous déverse des tombereaux d’informations et de communications, nous restons incertains, sur les attitudes ou mesures à prendre pour réagir et défendre nos intérêts de classe, pour envisager un avenir autre que celui que nous impose le système capitaliste. Cette situation anxiogène permet aux patrons de se débarrasser des travailleurs jugés inutiles : 30 000 licenciements à venir dans la zone aéroportuaire de Roissy. Pendant la pandémie, tandis que travailleurs.euses et populations précaires crèvent de misère ou du covid, les entreprises du CAC 40 ont tout de même distribuer 23 milliards d’euros à leurs actionnaires
Comme personne n’a pu sauver les insurgés de la commune ou de Kronstadt, personne ne nous sauvera de la barbarie capitaliste qui risque de nous engloutir. Pourtant, malgré les chausses trappes tendus pour nous empêcher de nous exprimer : confinements, couvre feu... malgré les répressions « démocratiques » ou sanglantes à Rangoon au Myanmar (ex Birmanie), les peuples, les travailleurs-euses n’ont pas dit leurs derniers mots. Certes les rapports de forces, de classe nous semblent défavorables mais les bourgeoisies sont fébriles. Comment faire régner leur ordre capitaliste sans provoquer de soubresauts violents qui engendreraient de nouvelles « communes » ou « soviets » ou des « Printemps d’espoir » ?
Ce rapport de force peut être inversé par nos manifestations, nos luttes, nos désirs collectivisés dans l’auto-organisation, l’autonomie ouvrière, la démocratie directe. Ce rapport de force ne viendra pas des isoloirs électoraux chers aux partis qui nous étouffent ni des bureaucraties syndicales qui ont autant à perdre que leurs partenaires bourgeois dans cette guerre de classe.
Notre force est dans les luttes, dans la rue, tous, toutes ensemble.
OCL Caen 26 03 2021