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CA 322, été 2022

Rubrique Sans Frontières CA 322, été 2022

lundi 5 septembre 2022, par Courant Alternatif


Mourir sur les barrières européennes

C’est littéralement ce qui s’est passé le 17 juin dernier, entre l’enclave espagnole de Melila et le Maroc où 23 personnes sont mortes en tentant de franchir les barrières qui marquent les frontières de l’espace Schengen. C’est le bilan humain le plus lourd à cette frontière terrestre !    Environ 2 000 migrant·es se sont réuni·es et ont organisé une action de passage en force des postes frontières, il y a eu alors des pierres contre des lacrymos. Le défoulement policier et militaire a été spectaculaire. Vidéo à l’appui, des nuages de lacrymo ont asphyxié les personnes majoritairement originaires du Darfour qui essayaient de passer. Cela a créé des bousculades, des mouvements de panique et des chutes de plusieurs mètres du haut des barrières. Aussi, ce sont des images glaçantes de flics qui tapent au sol des personnes et qui les allongent de force tel un trophée de chasse morbide. Au-delà de ce drame, c’est l’aboutissement des politiques migratoires menées en collaboration entre l’Espagne et le Maroc. Au passage, la brouille sur le Sahara Occidental a été enterrée au profit de la lutte contre l’immigration. Ainsi, côté marocain mais avec de l’argent espagnol et européen de programmes bilatéraux, la pression policière est infernale contre les migrants africains qui fuient la misère, la guerre, les changements climatiques. La ville frontalière de Nador est tout simplement interdite aux migrant·es et assimilé·es. Une famille n’a par exemple pas la possibilité de se loger pour quelques jours afin de prendre du répit. Tout est verrouillé. De ce fait, des milliers de personnes sont obligées de survivre dans les forêts environnantes du mont Gourougou. La semaine avant le drame de Melila, une bataille rangée a eu lieu dans ces bois face au harcèlement policier, il y a eu plus d’une centaine de flics blessés et un nombre indéterminé chez les migrants, d’après les chiffres officiels. Les abris de fortune sont détruits, les migrants pourchassés et enfermés dans des camps s’ils sont arrêtés. On comprend alors la rage des individus qui, démunis, partent à l’assaut des barrières de Melila. Droits dans leurs bottes, le doigt sur la matraque, les États marocains et espagnols crient à l’invasion. Le premier ministre socialiste espagnol, Pedro Sanchez parle « d’une attaque contre l’intégrité territoriale » de son pays. Du délire quand on sait que seulement 130 personnes ont franchi les barrières et qu’elles ont de grande chance d’être refoulées à la frontière comme cela s’est vu à Mélila ou Ceuta – l’autre enclave espagnole au Maroc. Côté marocain, les associations humanitaires dont l’association marocaine des droits de l’Homme (AMDH) réclament l’ouverture d’une enquête « transparente et sérieuse » sur le drame. Chose intéressante, le grand syndicat marocain ODT (organisation démocratique du travail) s’associe au recours juridique, reste à espérer que les militants de base soient mobilisés et sollicités. Les frontières tuent, abattons-les !

Source : infomigrants

Des bracelets électroniques pour les sans-papiers

Encore une idée britannique. Après la déportation au Rwanda (voir numéro précédent), le gouvernement britannique vient d’annoncer la mise en place de bracelets électroniques pour les migrant·es arrivé·es illégalement dans le pays. Les porteurs du bracelet devront pointer dans un commissariat ou un centre de détention. Un pas supplémentaire est franchi dans la criminalisation de la migration. Pour le moment, c’est un « projet pilote » d’un an qui sera appliqué aux personnes visées par une procédure d’expulsion ou des demandeurs d’asile qui arrivent par des « routes dangereuses et inutiles » selon le gouvernement c’est à dire à bord des petits bateaux qui traversent la Manche. Si non-respect du pointage, il y aura mise en détention ou imposition d’un couvre-feu. Au sujet des départs vers le Rwanda, le 1er avion prévu le 14 juin n’a pas pu décoller car à la dernière minute la CEDH (cour européenne des droits de l’Homme) a bloqué la procédure. De son côté la justice britannique était passée outre les recours des associations qui avait été toutes déboutées. A l’avenir, pour contrecarrer ce droit européen, le gouvernement britannique a présenté fin juin au Parlement le projet de loi « Bill of Rights » qui permettrait au gouvernement d’ignorer les injonctions de la CEDH. "Cette déclaration des droits renforcera notre fière tradition de liberté", a commenté le ministre de la Justice, Dominic Raab. "Elle assurera un plus grand respect pour nos institutions démocratiques et protégera mieux le public tout en rétablissant une saine dose de bons sens dans le système judiciaire." Sous-entendu, protéger des étrangers… Derrière ces effets d’annonce, l’urgence migratoire est toujours là et ça ne décourage pas les candidat·es à la traversée de la Manche. Entre le 1er janvier et le 13 juin, 777 traversées et tentatives de traversées impliquant 20 132 personnes ont été recensées (chiffres du Ministère de l’intérieur). Cela représente une hausse de 68 % par rapport à la même période en 2021.

Source : Infomigrants

Sit-in de demandeurs d'asile à Tunis

Cela s’est passé devant les locaux du HCR – haut-commissariat aux réfugiés. Ce n’est pas la première fois qu’il y a ce genre d’action, nous en avions déjà parlé dans cette rubrique à propos du Niger. Mais cette fois-ci, cela se passe en Tunisie. Le mouvement de contestation a débuté en février à Zarzis dans le sud du pays. Environ 200 demandeurs d’asile avaient été expulsés de leur logement géré par l’agence onusienne. Cette dernière s’est justifiée en disant que son budget annuel avait baissé de 30 à 40 %, ce qui ne permettait plus « l’assistance financière et matérielle fournie aux demandeurs d’asiles et aux réfugiés ». Mais ce n’était pas l’avis des expulsé·es qui sont majoritairement des femmes accompagnées d’enfants, la plupart originaires du Soudan. Comme ailleurs, les conditions de vie des réfugiés en Tunisie sont extrêmement difficiles. En plus de la crise économique du pays qui fait qu’aucun fond n’est alloué à ces personnes, les réfugié·es ont du mal à trouver des logements et travaillent dans les emplois les plus précaires : le bâtiment, l’agriculture notamment. Dégoûté·es et démoralisé·es, les occupant·es du HCR réclament leur évacuation dans un pays-tiers. Pour rendre leur combat plus visible, ilset elles se sont déplacé·es à la mi-avril dans la capitale Tunis. Aujourd’hui, c’est une demi-victoire de ce mouvement, car une bonne partie des personnes mobilisées ont obtenu un relogement mais des personnes sont restées sur le carreau et ont été évacuées manu militari. Sur leur volonté de partir du pays, aucune garantie n’est donnée, le HCR leur dit que la démarche est compliquée et qu’en 2021, seuls 76 réfugié·es ont pu repartir. Finalement, ces personnes se retrouvent coincées entre une exploitation économique forcenée et une impossibilité de quitter le pays.

Source : Infomigrants

Le ministère du travail refuse d'aider un de ses agents sans-papiers

Une intersyndicale large - FSU, CGT, Solidaires et CNT - demande la réintégration de leur collègue dont le contrat de 2 ans n’a pas été renouvelé en raison de l’expiration de son titre de séjour. L’employeur, ici le ministère, aurait pourtant pu faire une demande d’admission exceptionnelle au titre de séjour, une régularisation par le travail qui rappelons-le est possible avec la circulaire Valls de novembre 2012. Une journée de mobilisation a eu lieu au ministère à la mi-juin avec un rassemblement devant le ministère, une déambulation dans les locaux et une rencontre avec le directeur. Une pétition a aussi été signée par 98 % des agent·es selon l’intersyndicale. Les syndicats espèrent qu’elle atterrisse sur le bureau d’Olivier Dussopt, le nouveau ministre du travail car l’ancienne est devenue première ministre. En effet, pour beaucoup, cette situation est le fruit de la décision – à l’époque - d’Élisabeth Borne de refuser la régularisation de l’agent. Qui plus est, l’agent - diplômé en droit et faisant fonction de fonctionnaire -a été viré sans préavis, sans délai et sans indemnités ; balèze le ministère du travail pourtant en charge de faire respecter le droit ! Alors qu’il a cotisé, il n’a pas non plus droit aux allocations chômage. Pour pallier à l’urgence, le logement et les factures, une cagnotte a été mise en place par les collègues. De son côté, l’employeur ne fait aucun effort pour arranger la situation. La non-reconduction de son titre de séjour est ubuesque. Souhaitant passer un concours pour être avocat, la personne travaille à côté. Pris par le travail, il échoue deux fois et ne se présente plus à la 3eme session d’examen. Cela a suffi à la préfecture du Val d’Oise pour révoquer en janvier 2021 le titre de séjour et s’en est suivi une OQTF (obligation de quitter le territoire français).

Source : Mediapart

Incendie dans un foyer ADOMA

Cela s’est passé à Ivry-sur-Seine, le 19 juin. Parti du sous-sol du foyer de travailleurs immigrés, l’incendie a endommagé aussi le rez-de-chaussée et le premier étage. 4 personnes ont été intoxiquées et emmenées à l’hôpital. Pour les autres personnes touchées par la destruction de leurs logements de 7m2, c’est le système D pour se reloger. Cet accident est la conclusion de plusieurs années d’abandon de ce foyer par l’ADOMA, le gestionnaire. A regarder les photos, même des autres logements non touchés par les flammes, les conditions de vie sont dégueulasses et les résidents alertent depuis des mois sur les problèmes d’insalubrité et d’insécurité alors qu’on leur demande chaque mois, un loyer de 400 euros. Ils se sont constitués en association « du gourbi à la dignité » et réclament des travaux et un relogement décent. En janvier 2021, une manifestation avait été organisée mais rien n’a vraiment bouger. Ils continuent de demander à être reçus par la direction ADOMA mais aussi par la Mairie d’Ivry qui traîne à rendre public le rapport des services d’hygiène de la ville qui ont fait leur inspection en février 2020 ! Il est urgent que ça bouge et seule la mobilisation peut réussir à accélérer les procédures de rénovation et reconstruction qui pour l’instant sont programmées seulement en 2023.

Source : communiqué du COPAF

Le conseil d'État retoque le « tout en ligne »

Enfin ! Nous nous étions fait écho à plusieurs reprises des mobilisations d’étrangers et d’association d’aide devant les préfectures, en particulier celles d’Île de France, pour dénoncer la dématérialisation complète des demandes d’asile et des cartes de séjour à l’instar de la crise sanitaire. La saisie du conseil d’État remonte au printemps 2021 par des associations d’aide aux étrangers et le SAF (syndicat des avocats de France). Rappelons, que cette politique du « tout en ligne » est programmée par le plan Action publique 2022 qui fixe cette année comme objectif pour dématérialiser l’ensemble des demandes administratives et ainsi faire des économies substantielles en personnel. Mais pour les personnes illectronisées (pas d’accès à internet ou ne sachant pas faire), c’est la galère pour trouver un interlocuteur au guichet, en premier lieu desquelles les étrangers. Victoire donc, le 3 juin dernier avec la décision rendue par la plus haute juridiction administrative qui annule l’imposition de la dématérialisation complète des demandes. Dans le texte, ça donne ça : « pour certaines démarches particulièrement complexes et sensibles, le texte qui impose l’usage obligatoire d’un téléservice doit prévoir une solution de substitution : tel est le cas pour les demandes de titres de séjour. » Le distanciel n’est pas interdit mais il ne peut pas être imposé et donc il doit y avoir des « garanties suffisantes pour permettre un accès normal aux services publics ». Ces prescriptions doivent désormais s’appliquer partout sur le territoire et vont permettre l’étude de milliers de demandes de séjour, laissées en souffrance par le découragement des personnes face à des écrans qui disaient « Il n’existe plus de plage horaire libre pour votre demande de rendez-vous. Veuillez réessayer ultérieurement. » Mais cette victoire restera de papier s’il n’y a pas plus de disponibilités en préfecture. Actuellement, il faut attendre des heures et parfois des jours devant une préfecture pour pouvoir avoir accès à un guichet. Sans moyens humains supplémentaires, la bureaucratie restera violente pour les étrangers avec comme objectif non-avoué de dissuader les personnes à faire des démarches pour qu’elles restent ou deviennent sans-papiers et in fine, cela fait baisser les chiffres de l’immigration officielle.

Source : Mediapart

Départ d'une caravane de migrants du Mexique vers les États-Unis

Début juin, plusieurs milliers de migrant·es originaires d’Amérique centrale mais aussi du Venezuela se sont mis en marche du sud du Mexique, à la frontière avec le Guatemala vers la frontière états-unienne. Pendant les 3 000 kilomètres qu’ils doivent parcourir, les participant·es veulent dénoncer la fermeture des frontières et leur criminalisation par une police qui les chasse. « Les migrants ne sont pas des criminels, ce sont des travailleurs internationaux » peut-on lire sur une banderole. Cette mobilisation coïncide avec la tenue du Sommet des Amériques, à Los Angeles. C’est une instance de discussion et de partenariat politico-économique dirigée par les États-Unis avec ses « partenaires » sud américains. Mais pour cette édition, Cuba, le Nicaragua et le Venezuela n’ont pas été invités car jugés peu démocratiques par l’administration Biden. Cela a suscité la colère du président mexicain de gauche Obrador qui a boycotté la réunion. Biden perd momentanément son meilleur collaborateur dans la gestion des flux transfrontaliers. Le président américain, comme ses prédécesseurs, cherche à rediscuter les accords de coopération régionale qui en gros, contre des espèces sonnantes et trébuchantes visent à retenir les migrants de l’autre côté du Rio Grande ou de laisser passer que ceux qui ont de la valeur ajoutée. Échec donc pour le volet politique publique mais cela n’a pas empêché des engagements de la part du secteur privé. 1,77 milliards d’euros sont mis sur la table par des grandes entreprises pour créer des emplois en Amérique centrale et décourager les tentatives de migration. En 2021, il y avait déjà eu 1,2 milliard promis aux pays dits du triangle du Nord – Salvador, Guatemala et Honduras - pour l’implantation d’industrie textile, automobile. Le capitalisme étatsunien y trouve une main d’œuvre pas chère, de son côté l’État rend possible en espérant retenir les migrants. Mais avec une caravane de 3 000 personnes, c’est loupé. Affaire à suivre.

Source : Le Monde

Roya : Victoire pour Raphaêl

Le 25 juin 2017, Raphaël, 19 ans, a transporté, entre la gare de Saorge et Breil-sur-Roya, quatre demandeurs d’asile. Il a décidé de les conduire chez Cédric Herrou afin qu’ils puissent être accueillis et accéder à leurs droits. Il est contrôlé alors qu’il n’a franchi aucune frontière, puis mis en garde à vue et poursuivi en justice. Il est condamné à trois mois de prison avec sursis. Cinq ans après, il vient d’être relaxé totalement par la cour d’appel de Lyon - et les scellés devraient être rendus... pour une fois.

Source : Roya citoyenne

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