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CA 324 novembre 2022

Migrants, la « traite » des illégaux

jeudi 24 novembre 2022, par Courant Alternatif

Le 24 novembre 2021, 27 migrant-e-s embarqué-e-s sur un pneumatique périssaient en mer, dans la Manche. Le 22 août 2022, 1 295 personnes traversaient avec plus de succès le Channel et rejoignaient illégalement les côtes anglaises. Ces traversées périlleuses auraient atteint, ces derniers temps, « des niveaux impressionnants », selon le journal Ouest-France.


*** Des chiffres, de la détresse et des morts

D’après l’Agence France-Presse (AFP), au 20 novembre 2021, 31 500 migrant-e-s avaient quitté les côtes françaises depuis le début de l’année. Côté britannique, ils en décomptaient 26 000 pour cette même période.
Selon la préfecture de la Manche, depuis janvier 2022, 18 763 migrant-e-s ont tenté de rejoindre l’Angleterre en « bateau  ». C’est 50 % de plus que l’année précédente à la même période. Le 23 août, ils étaient plus de 1 300 répartis dans 27 embarcations de fortune ; pour la journée du 3 septembre, 960 personnes, etc.
Tout cela dans un « détroit » très fréquenté et dangereux, une véritable autoroute de la mer où tankers, porte-conteneurs, cargos se suivent ou se croisent. Soit plus de 400 navires par jour. D’après l’association de Calais « L’auberge des migrants », ces traversées sont favorisées par les conditions météo optimales de ces dernières semaines. Cette augmentation est aussi la conséquence de la surveillance militaro-policière drastique autour de Calais et du tunnel, ainsi que des conditions ignobles infligées aux migrant-e-s, de Cherbourg à Ouistreham ou à Dunkerque, par les polices du ministre Darmanin. Une situation de désespoir qui favorise le recours aux mafias des passeurs en tous genres et qui accroît les risques.
Combien de mort-e-s, combien de disparu-e-s ? Selon l’OIM (Organisation internationale pour les migrations), 203 personnes sont mortes ou ont été portées disparues en tentant de passer le Channel. 7 800 ont été secourues, toujours selon l’AFP. Ces différents chiffres illustrent l’échec des politiques répressives menées par Paris et Londres.

*** De la sous-traitance capitaliste

Un rapport parlementaire britannique estime que le total pour cette année 2022 pourrait atteindre les 60 000 entrées, malgré les promesses du gouvernement de Boris Johnson qui, depuis le Brexit, a fait de ce sujet une préoccupation et une priorité constante et majeure de sa politique (politicienne). L’éviction de Johnson et son remplacement (éphémère) par une Première ministre conservatrice et « thatchérienne », Liz Truss, n’ont infléchi en rien la traque des migrant-e-s. Et il en va de même en France, où le ministre Darmanin prépare des nouvelles mesures, de nouvelles attaques contre les sans-papiers.
C’est dans le cadre de cette politique répressive qu’en avril 2022 le gouvernement de Londres a sous-traité ses « illégaux » avec celui de Kigali : ils ont signé un accord de transfert de l’Angleterre vers le Rwanda. Le Rwanda, ancienne colonie britannique en Afrique de l’Est, a été le théâtre en 1994 d’un génocide qui a fait plus de 800 000 morts, en majorité dans la communauté tutsie. Pour accueillir et « intégrer » ces indésirables, Kigali a reçu du Royaume-Uni 144 millions d’euros.
Cet accord conclu pour cinq ans a aussitôt été dénoncé par des associations humanitaires et politiques dans les deux pays. A ce jour, aucune expulsion n’a pu avoir lieu. Le premier vol, prévu en juin 2022, a été annulé suite à une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme. Un répit en attendant qu’au Royaume-Uni la justice examine un recours déposé par des associations anglaises contre le projet du gouvernement.
Durant cette période, feu la « queen Elizabeth II », patronne du Royaume-Uni et du Commonwealth, pilier du colonialisme et de l’impérialisme anglais, tant célébrée lors de ses funérailles par ses pairs du monde entier, restait perchée sur son trône (voir l’encadré).

*** Des précédents

C’est l’Australie qui, dès les années 2000, a ouvert la voie dans l’art et la manière de se débarrasser des indésirables. Les clandestin-e-s demandeurs d’asile ont été envoyés et parqués sur les îles de Nauru et de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. La Papouasie-Nouvelle-Guinée a signé en 2012 un accord avec Cambéra, suite à l’afflux massif de migrant-e-s venant d’Irak, du Sri Lanka, du Pakistan, d’Iran, etc. Les conditions d’hébergement ont été telles qu’une plainte a été déposée par 750 demandeurs-euses d’asile devant la Cour pénale internationale pour crime contre l’humanité. La Cour suprême de Papouasie-Nouvelle-Guinée a ensuite dénoncé la détention des migrant-e-s comme « illégale et anticonstitutionnelle ». L’Australie a alors démarché le Cambodge, puis la Malaisie, les Philippines...
De semblables accords ont été établis en 2014 entre Israël, qui voulait se débarrasser de ses illégaux (Erythréens, Ethiopiens...), et l’Ouganda, puis le Rwanda. Face au tollé général, ils n’ont pas été reconduits.
En Europe, le Danemark a quant à lui tenté en août dernier, après des contacts infructueux avec la Tunisie et l’Ethiopie, d’externaliser, ses débouté-e-s vers le Rwanda. Face aux protestations, le gouvernement de Copenhague a dû renoncer. Notons qu’il ne s’agit pas là de l’initiative d’un affreux gouvernement réactionnaire, mais bien d’un gouvernement social-démocrate.
Rappelons que l’Union européenne, dont la France, soudoie des pays méditerranéens pour refouler les migrant-e-s ou au contraire les garder sur leurs territoires. Des réfugiés syriens sont parqué-e-s dans des camps, comme en Turquie ; des sub-Sahariens sont bloqués en Tunisie, en Libye, etc.
Tant pour les parasites de l’aristocratie que pour ceux des bourgeoisies républicaines, la vie des migrant-e-s cherchant refuge et désirant des conditions de vie dignes ne vaut bien sûr pas grand-chose. Mais, fuyant la misère, les répressions, etc., ils et elles n’en passeront pas moins encore et toujours.

MZ, Caen

« Pourquoi les ouvriers doivent détester la royauté »

« Qu’est-ce que la monarchie ? D’où tient-elle son autorité ? Qu’a-t-elle offert à l’humanité ? (…) Nous ne (…) blâmerons pas [l’un ou l’autre des monarques dont le roi George revendique fièrement la descendance] pour les crimes de ses ancêtres s’il renonce aux droits royaux qu’ils lui ont légués. Mais tant qu’il prétend à ces droits en vertu de sa naissance, alors en vertu de sa naissance il doit endosser la responsabilité de leurs crimes (…). »

Extraits du texte écrit par le socialiste révolutionnaire irlandais James Connolly en 1910 lors de la venue de George V en Irlande, alors que la royauté britannique colonisait l’ensemble de l’île (voir le texte complet sur le site de Révolution permanente). Un propos qui reste d’actualité concernant le règne de sa petite-fille Elizabeth II, voire celui du nouveau Richard III.

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