dimanche 29 décembre 2024, par
Voir en ligne : « Têkoşîna Anarşîst » Revolutionary anarchist organization working in NE Syria (Rojava)
Nous publions 2 textes du groupe Têkoşîna Anarşîst [1] basé au Rojava :
• Un appel aux révolutionnaires du 7 décembre 2024 suite à la chute du régime d’Al Assad,
• Un entretien sur la situation syrienne paru le 23 décembre sur le site castillan Regeneración Libertaria.
« Nous portons un monde nouveau dans nos cœurs ! »
Les rêves révolutionnaires de millions de Syriens qui ont envahi les rues en 2011 sont enfin devenus réalité : le régime est tombé. Après des décennies de dynastie Assad, nous nous sommes réveillés aujourd’hui dans une Syrie sans gouvernement central fonctionnel. L’État syrien s’est effondré.
En tant qu’anarchistes et révolutionnaires, nous ne pouvons rien faire d’autre que de célébrer un tyran de moins. Bravo pour cela ! Mais après plus de 7 ans de vie dans la révolution, nous avons appris une leçon impopulaire : cette victoire n’est qu’un premier pas vers la transformation sociale nécessaire. Car chaque victoire n’est qu’une étape vers le prochain combat.
Heureusement, le Mouvement de libération kurde a des décennies d’expérience pour atout, qu’il est enthousiaste de partager avec nous. Et ce n’est pas tout, ils ont aussi 12 ans d’expérience pratique à la tête d’une société révolutionnaire dans le nord-est de la Syrie, avec la libération des femmes, l’écologie sociale et la confédération des gouvernements locaux comme boussole pour construire un socialisme libertaire. Ce n’est pas sans défauts, ni sans erreurs, mais c’est déjà beaucoup plus que ce que d’autres révolutions libertaires ont jamais réalisé.
Dans le même temps, les succès militaires de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) contre le régime, ainsi que leur gouvernance islamiste autoritaire à Idlib, ont donné l’occasion à leur chef de faire les titres des agences de presse mondiales. La société de l’information du XXIe siècle oublie aussi vite que défilent ses écrans. Aujourd’hui, qui se souvient de la libération de Manbij des griffes d’ISIS [2] ? Qui parle encore des djihadistes qui ont kidnappé les femmes yazidis de Sengal pour en faire commerce dans tout le monde salafiste [3] ? Et qui se souvient des femmes qui ont proclamé la victoire des FDS sur Raqqa, autrefois capitale du califat [4] ?
Pour ceux qui ont oublié, nous vous rappelons que les YPJ [5] se battent toujours, menant le front de la révolution des femmes au Rojava. Un front qui est une fois de plus attaqué par les forces supplétives de l’État turc, rassemblées sous le nom ironique d’Armée nationale syrienne (ANS), une coalition de gangs criminels contrôlée par la Turquie. Elles menacent aujourd’hui la ville multiculturelle de Manbij, un grand exemple de pluralisme et de gouvernance locale intégrée dans le système de l’Administration autonome démocratique du nord-est de la Syrie (DAANES).
La révolution du Rojava ne concerne pas seulement les Kurdes, mais aussi les Arabes, les Arméniens, les Assyriens, les Syriaques, les Turkmènes, les Circassiens et bien d’autres groupes ethniques présents ici. Les forces arabes du Conseil militaire de Deir Ezzor ont été acclamées par la population locale lorsqu’elles sont entrées dans la ville de Deir Ezzor [6], prenant en charge le vide sécuritaire que les soldats du régime en fuite avaient laissé derrière eux. Le système confédéral du nord-est de la Syrie est un modèle testé qui peut servir de base à une Syrie révolutionnaire. Omar Aziz [7], un éminent anarchiste de Damas, a œuvré en faveur d’une alliance confédérale de conseils locaux, qu’il proposait comme colonne vertébrale de la révolution syrienne. Il a été arrêté et est mort dans les prisons du régime Assad en février 2013. Nous ne l’avons pas oublié, et nous chérissons ses mots et son expérience en tant qu’anarchiste et révolutionnaire ici, en Syrie.
Tous les révolutionnaires syriens en exil, les Arabes, les Kurdes et bien d’autres, ont la responsabilité de s’assurer que leur révolution réussisse. Les anarchistes, les communistes, les féministes, les écologistes et les autres révolutionnaires internationalistes doivent également se sentir responsables de la défendre. Nous avons une belle occasion de servir d’exemple aux mouvements révolutionnaires du monde entier, du Kurdistan à la Birmanie, du Chiapas à la Palestine. Les États-nations sont la pierre angulaire de la modernité capitaliste. Seule une confédération mondiale de mouvements révolutionnaires populaires peut la remettre en cause, est constituer une alternative à l’autoritarisme, à l’occupation impérialiste et à la haine fondamentaliste. Nous ne laisserons pas faire.
Vers une nouvelle révolution syrienne !
En tant qu’anarchistes, nous devons également apporter des réponses à la question de l’État-nation. Tout en appelant à la fin des États et des frontières, nous devons mettre en avant non seulement nos critiques, mais aussi nos propositions et nos solutions. Nous devons le faire non seulement en théorie, mais aussi en pratique, en nous organisant avec les communautés locales et les mouvements sociaux pour renforcer le pouvoir populaire.
Les formations autoritaires, comme les HTS ou la Turquie d’Erdogan, utiliseront toujours la force pour imposer leur contrôle en période d’instabilité. Le seul moyen de les contrer est l’organisation populaire, une société civile éthique et politique forte, la construction d’une autodéfense populaire et d’une culture révolutionnaire. Avec la solidarité internationale, pour défier le nationalisme et le chauvinisme qui nous divisent et qui servent trompeusement à légitimer le système d’État-nation de la modernité capitaliste. Avec la gouvernance locale et les modèles confédéraux, pour défier les systèmes centralisés et les frontières des États-nations, qui ne font qu’engendrer l’oppression et la violence contre les minorités. Avec les organisations de femmes et de queers en première ligne, pour défier l’oppression patriarcale dont découlent tous les modèles autoritaires.
Depuis le printemps arabe de 2011, nous avons assisté à de nombreuses tentatives révolutionnaires au Moyen-Orient, mais aucune d’entre elles n’a débouché sur une libération, renforçant encore et toujours de nouvelles formes d’oppression tyrannique. Que faire après la chute d’un tyran pour éviter qu’un autre ne le remplace ? Il existe une petite fenêtre d’opportunité lorsqu’un régime s’effondre. Une brève période révolutionnaire, où le peuple peut reprendre le pouvoir entre ses mains, empêchant une nouvelle autorité centralisée de s’imposer. Nous devons être prêts à saisir ces opportunités lorsqu’elles se présenteront.
Faisons en sorte que la révolution syrienne, ainsi que le mouvement de libération kurde qui a été le fer de lance d’une résistance démocratique dans la région, deviennent un exemple pour nombre de révolutions à venir ! Luttons ensemble pour construire le nouveau monde que nous portons dans nos cœurs !
Têkoşîna Anarşîst media center,
7 décembre 2024
Le site publie des mises à jour quotidienne sur la situation :
extrait de la Mise à jour quotidienne du 28/12# Analyse de l’agitation des minorités ethniques
et de la nécessité d’un projet de "nation démocratique"Un mois après le début de l’offensive de HTS, nous disposons désormais d’une meilleure base pour évaluer ce qui se passe en Syrie. L’effondrement inattendu du régime d’Al-Assad a été suivi de célébrations et de rêves d’une transition facile et sans effusion de sang en Syrie. Mais c’est quelque chose que l’on ne voit que dans les films et les livres d’histoire. Dans la réalité, la plupart des révolutions sont suivies de périodes d’instabilité et de guerre, où différentes factions luttent pour imposer leur hégémonie. Les récentes protestations des chrétiens, ainsi que les soulèvements des alaouites, sont des événements complexes qui se polarisent sur les réseaux sociaux. Ces deux groupes sociaux ont bénéficié de certains privilèges sous le régime d’al-Assad, privilèges qui ont été en partie établis avec l’ancienne domination coloniale française, les favorisant par rapport aux Arabes sunnites ou aux Kurdes. Mais ces privilèges sont également limités à certaines classes supérieures, et tous les membres de ces groupes n’étaient pas alignés sur le régime.
Ces soulèvements ne sont pas simplement le fait d’"éléments/agents incontrôlés du régime, de l’Iran et d’Israël", comme les HTS aiment à le dire. Il s’agit également d’une réaction aux attaques d’"éléments incontrôlés des HTS", comme l’incendie de l’arbre de Noël à Hama et la profanation de la tombe d’un important érudit alaouite. Ces attaques sont des manifestations de rancunes ethniques que de nombreux Arabes sunnites peuvent partager, mais lorsque des simplifications ethniques comme celle-ci sont utilisées pour appeler au nettoyage ethnique, les choses peuvent très facilement échapper à tout contrôle. De nombreux Alaouites et chrétiens occupaient des postes de pouvoir au sein du régime, mais de nombreux Arabes sunnites également. Les Kurdes savent très bien ce que signifie faire partie d’une classe secondaire, être au bas de la pyramide sociale. C’est pourquoi il a été si important pour les DAANES de développer des méthodes respectueuses et inclusives pour tous, permettant l’autonomie et l’auto-organisation de tous les différents groupes sociaux. Les visions sectaires du HTS, avec le fondamentalisme islamique comme base pour construire une fausse unité nationale, constituent de sérieuses menaces pour la diversité de la Syrie.
Le DAANES lance déjà des appels pour faire cesser les attaques contre les Alaouites, pour mettre fin à la violence sectaire, pour construire la nation sur la base de la diversité et du respect de l’autre. L’appel à un "projet de nation démocratique" doit être compris dans ce sens, comme faisant partie d’un projet plus large de confédéralisme démocratique, remettant en question les anciens modèles de tribalisme, de patriarcat et d’État-nation. C’est un appel à poursuivre la révolution dans toute la Syrie et au-delà.
Salutations révolutionnaires !
Que pouvez-vous faire ?
- Rejoignez votre organisation locale de solidarité avec le rojava.
- Écrivez dans les médias, attirez l’attention sur la crise des personnes déplacées, et présentez une image plus précise de toutes les forces impliquées dans les combats.Ceci s’applique particulièrement si vous travaillez déjà dans les médias et que vous avez accès à des publications plus importantes.
- Créez des œuvres d’art et des visuels qui peuvent être diffusés. Essayez de les relier à des brochures, des écrits, des campagnes de solidarité, etc.
- Organisez et rejoignez des manifestations, tenez des discours publics.
- Préparez des campagnes contre les compagnies aériennes turques et pour la fermeture de l’espace aérien au-dessus de la Syrie. Dans le passé, les attaques aériennes ont été le plus grand problème pour les FDS, si nous en arrivons là, ce sera à nouveau un facteur important.
- Faites un don à Heyva Sor.
- La frontière de Semalka est ouverte aux journalistes. Venez au Rojava !
- Si possible, réunissez-vous avec vos camarades/amis/famille et faites les choses mentionnées ci-dessus ensemble. Formez vos propres groupes ou rejoignez ceux qui existent déjà.
Entretien de Regeneración Libertaria avec Têkoşîna Anarşîst sur la situation actuelle en Syrie
Face à la succession continue d’événements en Syrie après la chute du régime de Bachar Al-Assad, Régénération libertaire s’est entretenue avec le groupe de combat Tekoşîna Anarşîst (Lutte anarchiste). L’organisation libertaire analyse la situation dans le reste de la Syrie et comment elle peut affecter la révolution du Rojava dont elle est parte prenante. [8]
1.- Tout d’abord, comment allez-vous au Rojava et quelle est l’ambiance ?
La situation est en constante évolution, avec des moments d’euphorie dus à des victoires sporadiques et des moments de terreur dus aux atrocités qui se produisent autour de nous. Notre organisation est en état d’alerte et une grande partie de nos forces sont déployées pour défendre les lignes de front, à la fois en tant que combattants et en tant qu’unités médicales de combat. Nous avons également créé un bureau d’information provisoire pour surveiller la situation militaire et politique, maintenir une bonne coordination de nos forces et évaluer nos prochaines étapes.
Dans ces conditions nous essayons également de maintenir du mieux possible la communication avec d’autres camarades et organisations, en partageant des informations sur la situation en cours et en nous coordonnant pour apporter des réponses collectives aux attaques actuelles. L’ambiance est tendue, avec un étrange mélange de joie face à la chute du régime et de peur de la suite. Il y a de l’espoir dans l’avenir d’une nouvelle Syrie sans la dynastie Al-Assad, mais aussi de nombreuses personnes très inquiètes quant à la suite des événements. Les Kurdes sont attaqués par des groupes salafistes depuis le début de la guerre, et ce n’est un secret pour personne que l’État turc recrute autant de combattants de l’EI (Etat islamiste) que possible dans ses groupes supplétifs. Aujourd’hui les menaces sont très sérieuses, Erdogan semble déterminé à attaquer Kobané coûte que coûte et menace même Raqqa. Nous risquons de perdre tous les progrès et tous les sacrifices consentis dans cette révolution depuis de nombreuses années.
2.- Au moment où nous faisons cet entretien, quelle est la situation politique et militaire sur le territoire syrien ?
Nous essayons de nous tenir régulièrement au courant de la situation et avons récemment commencé à partager ces mises à jour sur notre site Web rudimentaire. De nouveaux événements critiques surviennent chaque jour et la situation sera probablement déjà différente au moment de la publication de ces informations.
Dans l’ensemble, nous pouvons voir à quel point l’effondrement du régime d’Assad a créé une situation fragile pour la Syrie. Différentes puissances locales et régionales veulent en profiter. Hayir Tahrir al-Sham (HTS) est le nouveau nom de la branche syrienne d’Al-Qaïda. Ils ont désormais le dessus dans les principales villes après leur offensive militaire réussie contre l’armée du régime, lancée le 27 novembre à Idlib (leur fief). Ils ont mis en place un gouvernement provisoire et prennent le contrôle de la transition du pouvoir dans l’État syrien, tout en présentant une image d’islam modéré aux médias occidentaux. Ils bénéficient depuis longtemps du soutien de la Turquie et obtiennent rapidement le soutien de nombreux États étrangers.
De son côté, la Turquie utilise ses forces satellites, connues sous le nom d’Armée nationale syrienne (SNA), pour attaquer les zones sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS), la coalition militaire de l’Administration autonome démocratique du nord-est de la Syrie (DAANES), région également connu sous le nom de Rojava. Ces forces satellites comptent dans leurs rangs d’anciens combattants de l’État islamique et commettent déjà d’horribles brutalités dans les zones qu’elles occupent. Ils occupèrent et prirent le contrôle de Shehba et de Manbij, menaçant désormais d’envahir Kobané.
Dans le même temps, Israël bombarde la Syrie dans ce qu’il prétend être la plus grande opération aérienne jamais menée, affirmant avoir détruit plus de 500 cibles et 90% des capacités militaires syriennes. Les Forces de défense israéliennes (FDI) étendent également leur zone occupée dans le sud de la Syrie sous prétexte de « zone de sécurité », déplaçant des troupes et des chars le long de la frontière avec le Liban. La Russie retire ses forces de Syrie, ne conservant que ses bases militaires stratégiques à Lattaquié et Tartous. L’Iran a également retiré ses forces. Des débats politiques sur l’avenir de la Syrie ont lieu dans de nombreux endroits, certains devant des caméras et d’autres à huis clos. Les Syriens qui ont fui la guerre commencent à revenir, notamment depuis la Turquie et le Liban voisins, dans l’espoir de reconstruire un nouveau pays après la chute de la dynastie Assad. Il se passe beaucoup plus de choses, mais nous resterons brefs.
3.- Depuis l’Occident, nous avons suivi avec étonnement la chute du régime de Bachar Al Assad. Il est difficile de croire qu’une dictature héréditaire de 54 ans se soit effondrée en 10 à 11 jours. Pour ceux d’entre vous sur le terrain, quelles sont les circonstances qui ont provoqué cette chute ? pourquoi si vite ?
Après plus d’une décennie de guerre, l’armée du régime était épuisée. Elle comptait largement sur le soutien de la Russie et de l’Iran, mais en raison de l’invasion de l’Ukraine pour la Russie et de l’occupation israélienne de Gaza et du sud du Liban pour l’Iran, leur soutien s’est récemment affaibli. HTS préparait également ses forces à Idlib depuis longtemps, et leur offensive s’est transformée en effet domino dès qu’ils ont pris Alep, la deuxième plus grande ville de Syrie. Les soldats de l’Armée arabe syrienne (AAS) étaient pour la plupart des recrues. Ils avaient à peine assez de nourriture pendant leur service militaire obligatoire et étaient souvent idéologiquement peu intéressés à défendre Assad. Leur motivation à se battre était donc quasiment nulle. Dans de nombreux endroits, ils ont simplement fui dès que les forces « rebelles » ont commencé à attaquer leurs positions.
De nombreuses personnes en Syrie en avaient assez du régime, notamment les minorités ethniques comme les Kurdes au nord ou les Druzes au sud, ainsi que la population majoritairement arabe sunnite. Dans de nombreux endroits, les milices locales ont lancé des soulèvements contre le régime, attaquant des points de contrôle et des casernes militaires à travers la Syrie. Le DAANES a également joué un rôle clé dans l’effondrement du régime, en maintenant un tiers du pays sous une autonomie révolutionnaire qui remettait en cause le pouvoir de la dynastie Assad. La situation politique étrangère était également prête à changer. De nombreux pays arabes souhaitaient un gouvernement sunnite en Syrie, et les puissances occidentales (notamment Israël) envisageaient depuis longtemps de se débarrasser d’Assad et de son soutien russe et iranien. C’était le moment propice.
4. Avec Bachar Al Assad, le dernier bastion baasiste / nassérien tombe dans un monde arabe où ils étaient censés remplacer les régimes tribaux, monarchiques et théocratiques et les unir à travers le socialisme panarabe. Comment cette vague réactionnaire est-elle comprise dans le monde arabe ? La Syrie peut-elle devenir un État en faillite comme la Libye ?
Pour l’instant, nous sommes occupés principalement sur le front, nous n’avons pas beaucoup de capacité pour donner des perspectives organisationnelles au-delà de nos déclarations déjà publiées. Comme nous l’avons dit, de nombreuses forces ont intérêt à un changement de régime. Nous devons souligner une fois de plus le rôle de la Turquie et d’Israël dans ce qui se passe. Quoi qu’il arrive, la Syrie sera un pays gravement paralysé, doté d’une force militaire dépourvue de tout type d’armement avancé et sans aucun partenaire politique solide ni soutien international.
Seule la Turquie peut soutenir fermement HTS, poursuivant ses espoirs d’étendre son influence en Syrie et de détruire le Mouvement de libération kurde. Mais les ambitions néo-ottomanes d’Erdogan provoquent déjà des contradictions avec le nationalisme qu’affiche désormais HTS. Sous son visage modéré et favorable à l’Occident, HTS revendique une Syrie pour les Syriens, ouvrant le dialogue avec les délégations diplomatiques que les partis politiques kurdes envoient déjà à Damas. Mais la saveur islamiste de HTS inspire la méfiance chez de nombreux révolutionnaires. Ils réclament déjà la création d’une police des mœurs religieuses et de tribunaux islamiques ; il est donc facile de comparer leurs démarches à celles des talibans en Afghanistan. Mais de nombreux Syriens qui ont fui à l’étranger pendant les années de guerre, principalement vers la Turquie et le Liban, mais aussi vers l’Europe, reviennent avec l’espoir d’une Syrie démocratique qui ne correspond peut-être pas aux projets de HTS. Il est difficile de prédire comment tout cela va se dérouler.
5.- Après le retrait de l’armée arabe syrienne de nombreux territoires, la zone occupée par les FDS s’est considérablement étendue. Comment valorisez-vous l’entrée de nouveaux territoires et de nouvelles villes ? Cela signifie-t-il un renforcement de la révolution ?
Cette question est déjà dépassée, la réalité sur le terrain évolue rapidement. Il est vrai qu’avec l’effondrement de l’AAS, les FDS ont pris en charge la défense militaire de certains territoires au sud de Raqqa ainsi que de la ville de Deir Ezzor. Depuis, la ville de Deir EzzorDeir [9] et les territoires environnants ont été remis à la salle des opérations militaires du HTS à la demande de la population locale. Les zones au sud de Raqqa restent sous le contrôle des Forces d’autodéfense pour empêcher la résurgence de l’État islamique. Dans le même temps, l’importante ville de Manbij, libérée de l’État islamique par les FDS en 2016, est désormais sous influence turque suite à l’occupation des groupes islamistes du SNA. Dans les territoires occupés par les FDS depuis seulement quelques jours, on n’a pas eu le temps de développer des conseils locaux et d’autres structures démocratiques, donc non, ce n’est pas un renforcement pour la révolution. Il s’agissait simplement d’une mesure visant à empêcher l’EI de s’emparer du matériel militaire du régime qui aurait pu l’aider dans la résurgence qu’il tente déjà de tenter. Dans le même temps, les instances politiques du DAANES collaboraient avec des groupes politiques locaux d’autres régions, notamment en Soueida [10].
Avec la chute du régime, un nouveau terrain s’ouvre pour le travail politique et les alliances, ce qui peut constituer un renforcement important pour la révolution. Il existe également des risques : certains groupes arabes sunnites intégrés aux FDS font également défection vers le HTS, mais il est encore tôt pour analyser comment cela va évoluer. La plupart des forces arabes des FDS font déjà des déclarations réaffirmant leur soutien aux FDS et à une Syrie fédérale. Un autre élément important sur lequel nous devons tendre la main maintenant est de tendre la main à tous les cercles libertaires de la révolution syrienne et d’honorer l’héritage d’Omar Aziz, un anarchiste révolutionnaire syrien décédé le 16 février 2013 après avoir été emprisonné par le régime [11]. Rapprocher ces forces libertaires du projet socialiste libertaire du Rojava peut constituer une alliance cruciale pour défier le projet islamiste autoritaire du HTS.
6.- Le DAANES a-t-il des contacts avec la population du sud de la Syrie et l’idée de la confédération pourrait-elle s’étendre à ces régions ? Les conseils sont-ils revenus à un moment donné en Syrie ou le pays tout entier est-il dominé par des islamistes de différents courants ?
Comme nous venons de le mentionner, oui, il existe des relations politiques qui datent de plusieurs années, notamment en Suède. Le coprésident du Conseil démocratique syrien (DDC, instance politique « nationale » syrienne du DAANES) s’appelle Evin Sweida. Dans plusieurs régions, notamment dans le sud, les conseils locaux n’ont jamais vraiment disparu, même si leur travail était très limité et souvent clandestin.
Il s’agit maintenant de savoir quelle sera la relation du gouvernement intérimaire HTS avec ces conseils. HTS a son fief à Idlib. Le Premier ministre par intérim lui-même est originaire d’Idlib, mais dans d’autres régions, HTS devra négocier avec les forces locales s’il veut construire un système de gouvernement stable. L’auto-administration de la SNE [12] est un exemple d’intégration de différentes régions dans un modèle confédéral, et la proposition d’une Syrie fédérale est sur la table.
HTS veut réorganiser le modèle centralisé du régime Baas avec eux au sein du gouvernement central, et leur comportement à Idlib ces dernières années donne des indications claires sur ce à quoi ressemblerait leur modèle idéal. Leur politique consistant à diviser pour régner, en arrêtant les dirigeants d’autres groupes islamistes et en collaborant même avec les États-Unis pour éliminer les dirigeants des groupes les plus extrémistes, leur a permis d’y construire leur hégémonie en tant que force dominante. Cela a également été facilité par le soutien turc, qui leur a fourni des routes d’approvisionnement à travers la frontière turque et a placé des bases militaires pour les protéger des attaques du régime.
De nombreuses minorités ethniques et religieuses ont continué à organiser leurs conseils locaux et ne seront probablement pas très intéressées par un gouvernement HTS centralisé. Ces conseils locaux peuvent facilement s’intéresser davantage à un modèle confédéral inspiré de ce que fait la SNE. À l’heure actuelle, HTS a le dessus et vise à construire un État islamiste autoritaire, mais de nombreuses personnes en Syrie ne l’accepteront pas. DAANES peut devenir le fer de lance des transformations révolutionnaires et d’une Syrie confédérale, mais HTS, La Turquie, et d’autres forces islamistes s’y opposeront. À l’heure actuelle, on ne sait pas exactement ce qui sera discuté à la table politique et ce qui sera résolu sur le champ de bataille.
7.- Nous avons été surpris de constater la volatilité des tribus bédouines, qui changent de camp très rapidement. Pensez-vous qu’ils peuvent se retourner contre DAANES et rejoindre HTS ?
Oui, comme nous l’avons déjà dit, cela se produit déjà. Certains groupes à Deir Ezzor et à Raqqa font des déclarations en faveur de leur adhésion au HTS, mais la plupart des groupes et tribus réaffirment leur soutien aux FDS. Pour l’instant, le groupe de Raqqa appelant à rejoindre HTS n’est pas ouvertement opposé au DAANES. Ils souhaitent uniquement négocier leurs conditions de transition politique directement avec HTS, dans l’espoir d’obtenir un meilleur accord s’ils quittent les FDS et négocient directement avec le gouvernement provisoire.
Deir Ezzor est une histoire un peu différente. Certaines tribus de la région étaient affiliées à l’Etat islamique et avaient déjà affronté le Conseil militaire de Deir Ezzor. Cela est dû aux conflits tribaux locaux, car ces tribus étaient engagées dans des luttes de pouvoir avant même le début de la guerre. Pendant la guerre, ils avaient changé d’affiliation entre le régime, l’ASL (Armée Syrienne de libération), l’Etat islamique et les Forces d’autodéfense, et les différentes tribus ont pris des côtés différents et ont poursuivi leurs luttes internes. HTS va probablement tenter de profiter de cette situation, et les FDS en sont bien conscientes. Le retrait des forces des FDS de la ville, pour la remettre aux HTS, était probablement une décision diplomatique négociée visant à montrer leur volonté de coopérer avec le gouvernement de transition.
HTS tente de se présenter comme le sauveur de la Syrie, en essayant de capitaliser sur les rêves des premières manifestations de 2011. Ils ont également une stratégie médiatique étrangère bien conçue, récoltant la sympathie que les médias occidentaux ont montrée pour l’opposition à Bachar al Assad. Se présenter comme des « rebelles modérés » est une habile manœuvre pour se légitimer en tant que détenteurs de l’État, dans le but de s’affranchir de l’étiquette de terroriste et des sanctions qui leur sont imposées par les puissances occidentales. Son chef fait désormais des déclarations intégratrices en faveur d’une Syrie plurielle et démocratique, avec des descriptions d’un modèle étonnamment similaire à celui que DAANES met en œuvre. Ils entretiennent des relations diplomatiques avec le monde entier, discutent avec l’ONU et d’autres diplomates étrangers, promettent une Syrie pacifique et stable. Mais comme nous l’avons dit dans notre première déclaration sur cette guerre, leur objectif n’est pas différent de ce que font les talibans en Afghanistan et ils ne garderont probablement pas longtemps le masque amical.
8.- Maintenant que le SNA accepte Manbij et que la Turquie le soutient par l’aviation et l’artillerie, d’abord, combien de temps pourra-t-il résister ? Et puis, dans quelle situation se trouve le Kurdistan de Bakur ?
Les choses vont vite ces jours-ci, Manbij est désormais sous l’occupation des groupes du SNA. La résistance a été forte, avec les combats les plus durs que la Syrie ait connus ces dernières années, bien plus forts que tout ce que HTS a combattu pour renverser le gouvernement. Les FDS ont également publié pour la première fois des vidéos utilisant des drones FPV [13] ce qui semble être la nouvelle norme pour tout champ de bataille depuis l’invasion de l’Ukraine. Mais même si les FDS rattrapent leur retard dans la guerre des drones, elles ne peuvent pas lutter contre l’armée de l’air turque car elle ne dispose d’aucun système de défense aérienne.
De plus, nous ne pouvons pas le prouver avec des chiffres, mais le budget annuel de l’ensemble des FDS est probablement inférieur à ce que dépense l’armée turque en quelques jours seulement. Il est déjà impressionnant de constater qu’une force de défense légèrement armée, mais bien préparée et disciplinée, a été capable d’infliger des pertes aussi lourdes à un attaquant beaucoup plus grand et mieux équipé, même lorsque l’attaquant disposait d’une suprématie aérienne totale. Ce n’est pas nouveau si l’on regarde non seulement Bakur [14], mais aussi les montagnes de Bashur [15], où les guérilleros kurdes défient l’armée turque depuis des décennies, sans avoir grand-chose d’autre que leurs mains et une poignée d’AK-47, de PKM [16] et quelques type d’armes à longue portée fabriquées par nos soins, telles que le fusil Zagros.
Mais si l’on s’éloigne de l’aspect militaire pour s’intéresser à la situation sociale et politique, les implications pour Bakur restent à voir. Erdogan présentera le résultat de ces nouvelles opérations comme une victoire, soulignant la « réussite » du retour en Syrie d’une partie des 3 millions de réfugiés vivant en Turquie. Erdogan a également soutenu HTS dans son accession au gouvernement syrien, se débarrassant ainsi d’un Al-Assad antipathique à la tête du pays voisin. Il demandera sûrement au nouveau gouvernement un retour sur investissements avec des faveurs politiques. L’ambassade de Turquie ayant récemment ouvert ses portes à Damas après 12 ans d’absence.
La répression contre l’organisation civile du mouvement de libération kurde s’intensifie également à Bakur. Des maires élus de municipalités kurdes, ainsi que des dirigeants politiques et des organisateurs civils, sont arrêtés et emprisonnés sur la base de prétendues accusations secrètes non communiquées aux avocats. Ce type d’arrestations a commencé quelques jours avant le début des opérations militaires et se poursuit encore aujourd’hui, avec des dizaines de nouveaux détenus de temps en temps. Un camp de protestation a été installé des deux côtés de la frontière entre la Turquie et la Syrie, dans les villes jumelées de Nusaybin-Qamishlo, et une marche pour la paix a également commencé depuis la ville d’Amed (Diyarbakir) vers Ankara. De jeunes révolutionnaires liés au mouvement de libération ont également mené des actions directes, incendiant différents bâtiments de l’État turc.
9- Israël a avancé ses positions à Quneitra en profitant du chaos syrien. Aujourd’hui, la ligne d’approvisionnement du Hezbollah est interrompue. Dans quelle mesure la chute d’Al Assad signifie-t-elle une possible liquidation de la Palestine et du Hezbollah ?
Avec l’effondrement du régime d’Assad, l’Iran a retiré ses milices, perturbant ainsi les lignes d’approvisionnement du Hezbollah au Liban. Mais sont déjà engagées des négociations diplomatiques avec le gouvernement intérimaire HTS qui semblent optimistes quant aux perspectives de rétablissement de ces lignes d’approvisionnement. Comme nous l’avons déjà mentionné, HTS adopte désormais une approche très diplomatique envers tout le monde, et il reste à voir dans quelle mesure les promesses qu’ils font probablement aux diplomates iraniens seront tenues.
Il est clair qu’Israël tentera d’influencer autant que possible l’avenir de la Syrie. Ils profitent déjà de cette situation d’instabilité pour étendre leurs zones occupées à proximité du plateau du Golan, avec des chars et des troupes de Tsahal à moins de 30 km de Damas avec sa nouvelle « zone de sécurité » élargie. La destruction par Israël de presque toutes les capacités militaires syriennes est également un avertissement quant à ses intentions et à ses capacités. HTS affiche également un visage amical envers Israël, affirmant qu’il n’a pas l’intention d’entrer en conflit avec eux.
Cela affecte également la manière dont le nouveau gouvernement intérimaire syrien entretient des relations avec les groupes militants palestiniens. Récemment, les médias syriens ont rapporté que HTS avait déclaré que les groupes palestiniens ne seraient pas autorisés à détenir des armes, leur interdisant ainsi de mener un entraînement militaire sur le sol syrien. Nous ne savons pas clairement dans quelle mesure ces mesures constituent des mesures diplomatiques visant à apaiser Israël ou dans quelle mesure elles reflètent réellement les intentions de HTS.
Quoi qu’il en soit, pour l’instant, les routes et lignes d’approvisionnement syriennes sont coupées vers l’Iran, et toute activité militante palestinienne en Syrie sera probablement restreinte et étroitement surveillée par Israël. Le Hezbollah libanais a été la cible d’attaques très médiatisées, notamment l’assassinat de son chef Hassan Nasrallah et l’infiltration (et l’explosion) de ses systèmes de communication. Après cela, le Hezbollah a continué à résister à l’occupation israélienne dans le sud du Liban et, compte tenu des coups durs subis, la résistance offerte est remarquable. Le cessez-le-feu au Liban signé le 27 novembre (le jour même du début de l’offensive HTS) prévoyait que les combattants du Hezbollah se retireraient à 30 km des frontières avec Israël. Couper ses lignes d’approvisionnement avec l’Iran dans ces conditions ajouterait sans aucun doute de sérieuses difficultés à sa réorganisation.
10.- Enfin, en ce qui concerne la chute du régime d’Assad, c’est l’État sioniste qui semble en bénéficier le plus. De nombreuses voix en Israël appellent à une alliance avec les DAANES ou même à l’envoi d’armes pour contenir à la fois « l’Axe de la résistance » et le fondamentalisme islamique qui gouverne déjà la Syrie. La politique d’alliance des DAANES a été très pragmatique, concluant des accords avec les États-Unis, la Russie, le régime ou certaines milices locales lorsque cela leur convenait. Comment voyez-vous ces relations et une éventuelle alliance avec Israël ?
En tant qu’anarchistes et révolutionnaires, nous sommes totalement opposés aux politiques génocidaires de l’État d’Israël. Toute alliance avec eux sapera nécessairement le projet révolutionnaire de la NES, comme l’a déjà fait toute alliance avec les États-Unis. Mais comme vous l’avez dit, le pragmatisme du DAANES a fait en sorte que les mouvements ne visent pas tant à protéger une ligne révolutionnaire qu’à assurer la survie de l’autonomie acquise. C’est quelque chose que nous devrons évaluer et réfléchir sur le long terme, en considérant dans quelle mesure il est possible de compromettre les valeurs révolutionnaires pour assurer la continuité des progrès réalisés.
Historiquement, les anarchistes donnent la priorité à la ligne idéologique et révolutionnaire plutôt qu’à la survie, ce qui a souvent conduit à l’anéantissement de toute révolution anarchiste. Nous ne disons pas que nous approuvons toujours les mesures prises par l’autogestion, mais cela nous oblige sûrement à réfléchir sur ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire dans le cadre d’un processus révolutionnaire en cours. Et bien, c’est toujours une décision très difficile de choisir entre vos principes révolutionnaires ou l’éventuelle extermination de votre peuple et de votre mouvement politique.
Nous sommes venus au Rojava pour soutenir et défendre cette révolution, en tirer des leçons et transférer les expériences que nous apprenons ici à d’autres mouvements anarchistes.
Le Mouvement de libération kurde n’est pas un projet anarchiste, même si l’on peut facilement affirmer que son projet politique vise à construire un socialisme libertaire. Nous avons notre voix, comme eux, et nous pouvons les critiquer autant qu’ils peuvent nous critiquer. Pour l’instant, ils ne manifestent aucun intérêt sérieux pour une quelconque coopération avec l’État d’Israël, et ils n’oublient pas leurs racines lorsque le Mouvement de libération kurde a trouvé refuge dans les camps d’entraînement des forces révolutionnaires palestiniennes dans la vallée de la Bekka. [17]
Il est vrai qu’aujourd’hui le mouvement révolutionnaire palestinien n’est plus que l’ombre de ce qu’il était autrefois, et nous savons tous à quel point l’État d’Israël y a contribué. La résistance palestinienne est désormais dirigée par des forces islamistes, politiquement très éloignées de nos objectifs révolutionnaires. Néanmoins, il est de notre devoir de nous tenir aux côtés du peuple palestinien, dans l’espoir qu’une force révolutionnaire solide émergera, prête à lutter contre l’oppression dont il souffre. Il est également de notre devoir d’être aux côtés du peuple syrien, en particulier des Kurdes, qui se voient refuser leur identité depuis si longtemps, mais aussi des Arabes qui ont été brutalement réprimés par le régime d’Assad, ainsi que de nombreux autres groupes comme la Syrie. Arméniens, Assyriens, Syriens, Druzes, Yézidis, etc.
Le modèle d’État-nation imposé par les puissances occidentales a causé des dommages irréparables aux populations du Moyen-Orient. Les cicatrices de l’occupation et du colonialisme, toujours associées au pillage des ressources et à l’extraction pétrolière, continuent de saigner sur ces terres arides. Le modèle de confédéralisme démocratique que le mouvement kurde met en pratique propose une proposition radicale pour y faire face, en s’éloignant des gouvernements centralisés et des frontières entre États-nations, les nouvelles normes mondiales imposées par le colonialisme européen. En outre, ils mettent également au premier plan la révolution des femmes et la lutte anti-patriarcale, en soulignant le lien profondément enraciné entre la domination masculine et la mentalité d’État.
L’écologie sociale est également mise en avant comme une nécessité, construisant des alternatives qui échappent au modèle destructeur du capitalisme. Ce sont toutes des valeurs que nous, en tant qu’anarchistes et révolutionnaires, avons toujours défendues. C’est pourquoi nous sommes aux côtés de nos collègues kurdes et arabes pour défendre cette révolution. Bien sûr, nous avons nos lignes rouges, et si les choses évoluent dans une direction que nous ne pouvons pas accepter, nous devrons reconsidérer notre rôle ici. Pour l’instant, après plus de sept années de combat ici, nous sommes convaincus que cette révolution est la plus grande opportunité dont nous disposons pour remettre sérieusement en question le capitalisme, le patriarcat et le modèle d’État-nation. C’est la meilleure opportunité dont nous disposons pour construire une vie libre.
11.- Ajoutez ce que vous jugez approprié.
Il n’y a pas grand chose à ajouter. Merci pour cette opportunité de partager nos réflexions et nos perspectives. L’anarchisme ibérique a été une référence pour les mouvements libertaires et la révolution espagnole est un exemple que nous étudions en profondeur. Nous sommes heureux de construire ce dialogue et sommes impatients de continuer à développer nos relations. Nous traversons actuellement des moments difficiles ici et nous devons nous concentrer sur la terre que nous défendons. Comme nous l’avons dit dans notre dernière déclaration, le régime est tombé, la guerre continue. Nous devons renforcer nos relations entre les organisations anarchistes et collaborer plus étroitement avec les anarchistes syriens qui, comme Omar Aziz, ont travaillé à construire une voie libertaire dans la révolution syrienne. La révolution du Rojava dans le nord-est de la Syrie peut être un modèle pour une nouvelle aube, non seulement pour la Syrie, mais pour l’ensemble du Moyen-Orient, voire pour le monde entier. Nous sommes prêts à nous battre pour cela, prêts à être une goutte d’eau dans la tempête à venir. Assurez-vous que vous l’êtes aussi.
Source originale : Regeneracion libertaria, Entrevista a Tekoshina Anarsist sobre la situación en Siria
du 2024/12/23
Traduction et notes OCL-ST-NAZ
De nombreux textes sur le kurdistan et le Rojava en suivant ces mots clés sur le site et en vous référant à Courant Alternatif.
[1] "Lutte" ou Combat anarchiste
[2] Manjib : de Mai a Août 2016, les FDS s’emparent, avec l’aide des Forces US, de la ville de Manjib près d’Alep, et libère 2000 otages civils des griffes de l’Etat Islamique (ou ISIS ou DAESH).
[3] 2) Le 3 août 2014, l’État Islamique (DAECH ou ISIS) envahissait la région yézidie de Shengal et commettait un massacre de masse, en plus de réduire en esclavage des milliers de femmes et d’enfants. Dix ans après le génocide yézidi, la majorité des rescapés yézidis vivotent toujours dans des camps de fortunes du Kurdistan irakien, en attendant que la justice leur soit rendue. Mais la communauté internationale ne semble pas se préoccuper du sort des Kurdes yézidis… cf Kurdistan au féminin
[4] En octobre 2017 les FDS et leurs alliés chassent l’Etat islamique de Raqqa considéré comme sa capitale. Les YPJ (force de défense des femmes kurdes) ont pris une part déterminante dans cette victoire militaire. https://kurdistan-au-feminin.fr/201...
[5] YPJ unité de protection (défense) de la femme. Force armée du kurdistan syrien exclusivement féminine. Composante Spécifique des YPG unités de protection du peuple au Rojava/ Nord est syrien->https://fr.wikipedia.org/wiki/Unités_de_protection_du_peuple]. Ces forces kurdes composent avec d’autres groupes les FDS forces démocratiques syriennes.
[6] Deir Ezzor : Ville de l’est Syrien prise par les forces anti-Assad le 5 décembre 2024 dans la cadre d’une offensive de HTS négocié avec les forces kurdes
[7] Omar Aziz (1949 -2013), également connu sous son nom de guerre Abu Kamel, était un révolutionnaire anarchiste syrien. Il est connu pour son implication dans les comités locaux de coordination au début de la guerre civile syrienne et pour ses écrits prônant une organisation politique et sociale horizontale
[8] Régénération libertaire est un portail à tendance anarchiste révolutionnaire, concrètement un courant spécifique (especifista) particulier à la péninsule ibérique.
[9] Ezzor : Ville de l’est Syrien prise par les forces anti-Assad le 5 décembre 2024 dans la cadre d’une offensive de HTS négocié avec les forces kurdes
[10] Ville Druze du sud Syrien
[11] Omar Aziz (1949 -2013), également connu sous le nom de guerre ou Abu Kamel, était un révolutionnaire anarchiste syrien. Il est connu pour son implication dans les comités locaux de coordination au début de la guerre civile syrienne et pour ses écrits prônant une organisation politique et sociale horizontale
[12] SNE=Syrie du Nord Est ou Rojava
[13] les drones SPV, First Person View, sont équipés de caméra qui permettent une transmission en direct des images filmées
[14] Kurdistan du Nord
[15] Kurdistan du Sud, (Nord de l’Irak, Est de l’Iran)
[16] AK-47 fusil d’assaut kalachnikov, PKM mitrailleuse Kalachnikov
[17] Au Liban