samedi 1er avril 2006, par
Largement plus de 2 millions de manifestants sont descendu le 28 mars 2006 dans la rue. Cela constitue un record en France pour la période contemporaine. Ce nombre de manifestants dépasse même les manifs du 12 décembre 1995 contre le plan Juppé. Dans les manifs, une immense majorité de jeunes scolarisés s’est dégagée, ce qui est en soi un espoir car ils et elles se sont mobilisés contre une loi qui les concerne directement, sans oublier tous ceux et toutes celles, de plus en plus nombreux et nombreuses, pour qui le combat contre le CPE n’est devenu qu’un combat parmi tant d’autres (CNE, loi sur “ l’égalité des chances ”, futures lois sur l’immigration choisie et la prévention de la délinquance, les lois sécuritaires, l’amnistie des personnes condamnées lors du mouvement des lycéens du printemps 2005 et des révoltes des banlieues pendant l’automne 2005, …). N’oublions pas que plus ce mouvement dure, plus les gens en mouvement, en particulier des jeunes, s’informent, débattent, prennent conscience des méfaits du système capitaliste, “ se prennent la tête ” sans oublier de faire la fête, se solidarisent, s’ouvrent à tous les aspects de la vie. Rien ne peut remplacer un mouvement à caractère social !
A ce jour, la comparaison avec 1995 s’arrête là car même si beaucoup d’universités sont bloquées depuis des semaines, même si de nombreuses manifs ont vu défiler des cortèges imposant de travailleurs des secteurs public et privé, même si le lendemain de ces manifs a vu un nombre croissant de lycées bloqués (plusieurs centaines) ; aucun secteur économique n’est touché par une grève reconductible de travailleurs mettant en danger la reproduction du capital. Mais, nous ne devons pas oublier qu’en 1995, la SNCF fut le seul secteur à être paralysé plusieurs semaines par une grève massive. La grève générale interprofessionnelle, seule capable, aux yeux de beaucoup de militants, de contraindre le pouvoir à abandonner ses réformes au service du capitalisme, sera –t-elle encore une fois absente à ce grand rendez-vous, comme en 2003 contre les retraites ? Il est inutile, encore une fois, de pleurer sur l’absence de mot d’ordre clair de grève générale reconductible des centrales syndicales, elles qui sont les meilleurs défenseurs de l’ordre économique existant. Dans l’histoire du mouvement ouvrier, les rares fois où le syndicalisme reconnu par l’Etat et le Capital a appelé à la grève générale, c’est parce qu’il y était contraint afin de ne pas perdre sa fonction de contrôle du mouvement social et le faire rentrer, le moment venu, dans les clous de l’ordre existant. Les syndicats ne trahissent jamais puisque leur fonction n’est pas de détruire l’exploitation dans toutes ses facettes mais de l’accompagner dans des limites contractuelles négociées. Alors, si demain les centrales syndicales appellent à une grève générale, il ne faudra pas s’en réjouir mais s’en méfier ! D’autant plus que les salariés encadrés par les appareils syndicaux prendront alors très certainement la tête du mouvement. Le mouvement actuel de la jeunesse risquerait alors de perdre toute son autonomie, toute sa spontanéité, tous ses débordements. Ce mouvement n’a pas à se mettre à la remorque des syndicats et nous espérons qu’il va continuer, par lui-même, à se généraliser à d’autres secteurs d’activité, à d’autres lieux de vie, à d’autres personnes. L’auto organisation de ceux et celles qui luttent est plus que jamais d’actualité.
Cela fait déjà des années, qu’un nombre croissant de personnes, de familles, est exclu dans tous les domaines, que ce soit économique, social, politique, culturel. Dans de multiples lieux de survie, il n’y a plus aucun repère d’appartenance au prolétariat, plus aucun repère de classe. Il n’y a plus d’activité et de présence militante dans nombre de cités plus ou moins délabrées qui vous font raccrocher à une réelle collectivité solidaire. Le phénomène de “ bandes ” s’attaquant aux manifestants en est une des conséquences. Ce phénomène a toujours plus ou moins existé, manipulé là par l’extrême droite, ici par les flics. Ce sont des bandits du bitume, des purs produits de l’évolution du système capitaliste dans nos pays dits développés manipulables à merci.
Ce mouvement social et encore plus les suivants (car ce phénomène ne peut que s’amplifier) doit impérativement prendre en compte collectivement ce problème sans la protection des “ papa ” et autres responsables syndicaux en liaison permanente avec la police qui, naturellement, d’une autre main manipule ces bandits.
Là aussi, c’est l’auto organisation des collectivités en lutte qui peut apporter des réponses. Un service d’ordre doit avoir pour seule fonction de protéger les manifestants des agressions extérieures venant de fachos, de bandits et de flics (c’est à dire des mêmes !), sans oublier, n’en déplaise à certains, qu’un degré de violence ciblé, assumé en actions ou en pensées, par tous et toutes, suivant ses capacités physiques contre ce système de merde est une nécessité incontournable et inévitable de tout mouvement social d’envergure.
Denis, OCL Reims le 30 mars 2006