mardi 16 octobre 2007, par
Devant la désinformation médiatique concernant les régimes spéciaux de retraite et plus particulièrement celui des cheminots, il nous a semblé important de publier ce texte d’informations du syndicat « Sud-rail ». Le pouvoir est en train de tenter de casser ce régime, les cheminots sont bien décidés à se battre. Au cas où leur mouvement de grève viendrait à prendre une ampleur nationale, nous aurons certainement besoin de cette argumentation pour faire comprendre à nos entourages que si les cheminots sont attaqués aujourd’hui dans leur statut, ce n’est pas parce qu’ils sont des privilégiés. En effet, ce pouvoir vise, dès 2008, à s’attaquer aux retraites de tous et toutes afin d’obliger tous les salariés à travailler au-delà de 60 ans, pour amplifier la baisse des pensions … afin de rendre indispensable pour les jeunes générations de salariés la fameuse retraite par capitalisation qui a encore bien du mal de s’imposer aujourd’hui.
La C.J. de C.A.
Le régime de retraites des cheminots est souvent qualifié de régime "avantageux". Est-ce une réalité ? Ou bien, comme tous les régimes professionnels de retraites, présente-t-il tout simplement ses propres caractéristiques, adaptées aux métiers, avec des plus et des moins ?
• Ses origines
Le régime de retraites des cheminots date de 1850. Les compagnies de chemin de fer avaient offert un système de retraites à leurs employés pour deux raisons principales :
• recruter du personnel dans une activité nouvelle qui attirait peu les candidats ;
• et le maintenir à leur service sur une longue durée.
Les compagnies avaient préféré une telle solution à celle qui aurait consisté, dans le même but, à offrir des salaires plus élevés que dans les autres activités.
Depuis l’origine et jusqu’à aujourd’hui, le régime de retraite des cheminots est un élément indissociable de leur statut, "il fait partie du contrat de travail".
• Le droit à pension
Il est ouvert à 50 ans pour les seuls conducteurs de locomotives (environ 11 % des agents SNCF) et à 55 ans pour tous les autres agents. Pour bénéficier d’une pension normale, il faut compter au moins 25 ans de services. Contrairement au régime général, les services avant 18 ans et le temps d’apprentissage ne sont pas pris en compte, les années d’études ne peuvent pas être rachetées. Il n’existe pas non plus, contrairement au régime général et au régime des fonctionnaires, de majoration de durée d’assurance pour enfants ou pour enfant handicapé. Les périodes de chômage ne sont pas validées. Toutes les périodes prises en compte dans les services valables pour la retraite sont donc des périodes cotisées, contrairement à d’autres régimes.
• L’âge de cessation des fonctions des cheminots
L’âge moyen de départ à la retraite est actuellement de 55 ans 1 mois. C’est un âge précoce, mais il doit être comparé avec l’âge de cessation d’activité des salariés en France : 57,5 ans environ qui ne coïncide plus avec l’âge de la liquidation de la pension du fait du chômage, des préretraites, etc. L’écart n’est donc pas aussi important qu’il n’y paraît.
Par ailleurs, le Statut des cheminots permet à la SNCF de mettre ses agents à la retraite d’office, et l’entreprise a de tout temps usé de ce moyen pour adapter ses effectifs (456 700 agents en 1939, 167 000 aujourd’hui).
Le régime joue ainsi le rôle dévolu dans le secteur privé à d’autres dispositifs (chômage, préretraites, Fonds national de l’emploi, etc.), et en supporte donc les conséquences et les charges.
• Le calcul de la pension
Chaque année de service procure 2 % de la rémunération "liquidable" de fin de carrière. Cette rémunération est égale à 87,6 % de la rémunération de l’agent car certains éléments de rémunération (12,4 %) ne comptent pas pour la retraite. Le calcul des pensions des conducteurs est un peu différent, les primes prises en compte sont des primes réelles, et non forfaitaires, mais sur le fond, les principes sont identiques (rémunération de fin de carrière, 2 % par année,…).
Aujourd’hui, les pensions SNCF sont calculées sur une durée moyenne de service de 34 ans, soit un pourcentage de 68 %. Cette durée a tendance à diminuer régulièrement en raison de l’arrivée plus tardive des jeunes sur le marché du travail, et donc à la SNCF.
La pension brute moyenne est donc égale à 68 % de 87,6 % de la rémunération de fin de carrière, soit environ 59 % de cette rémunération.
On est loin des informations qui annoncent que les cheminots retraités touchent 75 % de leur dernière rémunération d’activité !
Des constats complémentaires viennent encore relativiser le prétendu niveau élevé des pensions des cheminots :
• Les systèmes de décote … et de surcote
Le régime général et le régime des fonctionnaires prévoient des systèmes de décote (diminution) du montant de la pension applicables aux retraités qui ne totalisent pas une certaine durée d’assurance. Pour le régime général, la décote est de 1,25 % par trimestre manquant.
Un tel dispositif n’existe pas dans le régime des cheminots et ne peut pas se concevoir du fait que la SNCF peut mettre à la retraite d’office ses agents.
De même, les dispositifs de surcote (majoration) du montant de la pension dont bénéficient les salariés du secteur privé qui retardent leur départ à la retraite alors qu’ils comptent le nombre de trimestres suffisant, n’existent pas dans le régime SNCF. Ils seraient, pour la même raison que ci-dessus, inadaptés et inopérants.
• La pension de réversion
Jusqu’à une époque encore récente, les conditions d’attribution des pensions de réversion SNCF étaient plus avantageuses que celles du régime général (pas de condition d’âge, pas de condition de ressources). Du fait des évolutions récentes du régime général, les différences s’atténuent : suppression progressive des conditions d’âge, suppression de la condition de durée de mariage, si des conditions de ressources demeurent, la situation n’est plus révisée à partir d’une certaine époque, le remariage ne fait pas obstacle à l’attribution de la réversion…
Certaines conditions du régime SNCF sont par contre plus restrictives : taux de 50 %, exigence d’une durée de mariage (2 ou 6 ans selon le cas), perte du droit en cas de remariage ou de vie maritale de l’ex-épouse divorcée, blocage de la pension en cas de remariage de la veuve, attribution de la pension à 55 ans dans certains cas, etc.
• Des discriminations qui demeurent
• La situation des agents interrompant leur carrière pour raison de santé
Ces agents bénéficient d’une pension calculée comme les autres (2 % par année de service) mais, bien entendu, la pension est plus faible car les intéressés n’ont pas pu terminer leur carrière. Cette pension est définitive et ne sera pas recalculée à 60 ans, contrairement :
• Le financement du régime
Les cotisations des agents (7,85 %) et de la SNCF (28,44 % + 5,18 %), soit au total 1,8 Md d’€, représentent environ 38 % des ressources de la Caisse des retraites. La contribution de l’Etat (2,5 Mds d’€) représente 54 % des ressources de la Caisse. Cette somme qui compense le déséquilibre démographique du régime est bien entendu une somme très importante. Elle doit cependant être comparée à d’autres interventions de l’Etat en faveur des entreprises, comme par exemple la compensation par l’Etat des mesures d’allègement des charges sociales des entreprises : environ 25 milliards d’euros par an et en constante progression.
• Le taux de remplacement net des pensions SNCF
Le "taux de remplacement" est le rapport entre le montant de la pension et le montant de la dernière rémunération d’activité.
Quel que soit le niveau hiérarchique (exécution, maîtrises, cadres), le taux de remplacement des pensions SNCF est moins élevé que celui des avantages de retraite des salariés du secteur privé constitués par la pension de la sécurité sociale et la ou les retraites complémentaires. Il est également moins élevé que celui des fonctionnaires.
Il faut rappeler que les cheminots ne perçoivent qu’une seule pension pour leur activité à la SNCF. Ils ne bénéficient pas de retraite complémentaire.
Taux moyen de remplacement
Secteur privé 84 %
Fonction publique 77 %
SNCF 67,5 %
• Quelques données chiffrées (2005)
• En conclusion
On le voit, le régime des cheminots est loin d’être aussi avantageux qu’on le prétend. Si, prises isolément, certaines dispositions du régime peuvent apparaître plus favorables (âge de départ à la retraite, calcul de la pension sur la dernière rémunération, ...), les cheminots perçoivent en définitive des pensions moins avantageuses que celles des salariés du secteur privé. Ceci est essentiellement dû au fait que la durée de service validée dans leur pension est inférieure du fait du départ à 55 ans notamment. Est-ce choquant ? Est-ce aussi indigne que certains le prétendent ?
Les caractéristiques du régime qui proviennent de l’histoire sont adaptées aux sujétions particulières de la profession : continuité du service, sujétions d’horaires, pénibilité des tâches, mobilité, contraintes liées à la sécurité des circulations, à la sécurité des personnes, …
Certaines tâches ont bien entendu évolué, par exemple la conduite des machines qu’on se plait à évoquer, mais d’autres sujétions sont apparues. Ainsi, le stress, la grande vitesse, la longueur des parcours, la délinquance et l’insécurité, le développement accéléré des techniques, la concurrence exacerbée entre les moyens de transport, etc., ont remplacé la pénibilité essentiellement physique de jadis.
SUD Rails