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CA 322, été 2022

édito : L’espoir est dans les luttes, pas dans les urnes !

vendredi 8 juillet 2022, par Courant Alternatif


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La séquence électorale qui vient d’avoir lieu pourrait-elle nous donner des raisons d’espérer ? Macron a été réélu, plus difficilement qu’en 2017, et avec une perte de la majorité absolue, même en comptant ses supplétifs du Modem et d’Horizons.
Macron au soir de sa réélection dit « je vous ai compris, je vais changer de méthode » et quelques jours plus tard, il reprend pour une bonne part le même personnel (secrétaire général de l’Élysée, nombreux ministres) ; cela confirme qu’il ne veut rien entendre. Après les législatives, il pouvait avoir besoin de faire des alliances, mais il reste arc-bouté sur sa conception des réformes ; exécuter les missions que lui ont donné les capitalistes.

Il s’alliera donc le plus souvent avec la droite : d’abord sur le sécuritaire et l’immigration, comme l’a déjà suggéré Darmanin, mais aussi sur l’économie, le nucléaire, les retraites… Il n’y a que sur quelques sujets de société qu’il cherchera des appuis à gauche.
Le choix comme première ministre d’Élisabeth Borne qui s’est montrée nocive au ministère des transports (cadeaux aux sociétés d’autoroute, ouverture du ferroviaire à la concurrence privée…), inefficace au ministère de la transition écologique (soumise aux décisions contradictoires de Macron), nocive au ministère du travail (réforme du chômage de 2021, tentative de réforme des retraites) démontre que Macron a bien l’intention de continuer dans la même direction que son premier mandat.

Ce ne sont évidemment pas des batailles parlementaires de la NUPES que peuvent émerger quelque espoir puisqu’elles sont vouées à l’échec. Cependant, en étant optimistes, on peut espérer qu’une partie des électeurs qui ont « voté utile » pour Mélenchon et la NUPES, les gens de la base, militants syndicaux et associatifs, ne se contentent pas d’être spectateurs et reprennent les mobilisations.
Nous ne sommes pas dans une société fasciste mais dans un capitalisme de plus en plus autoritaire, avec un processus de fascisation progressive : la reprise de plus en plus fréquente des discours et valeurs de l’extrême droite par d’autres courants politiques. Cependant, on reste un pays où les valeurs humanistes sont fortes. Le terrain de la défense des immigrés et de leurs droits va être, au côté de la question des revenus, un lieu central d’affrontement politique. Il reste à faire comprendre aux classes populaires votant à l’extrême droite que celle-ci les trompe sur leurs ennemis qui ne sont pas les immigrés mais les patrons.

La « démission » ou les discours critiques de jeunes des grandes écoles (Agro-Paris-Tech, polytechnique, etc.) montrent que certains jeunes sont sensibles aux questions environnementales et aux conséquences dramatiques de l’exploitation capitaliste, mais cela reste très minoritaire dans ces milieux et ne suffira pas à changer la société.
Par contre, il y a dans les régions des luttes intéressantes : soulèvements de la terre, lutte anti-bassines, ZAD diverses, défense des forêts, luttes contre des projets nuisibles. Elles sont de plus en plus fréquentes et rencontre pas mal de sympathies.

Enfin, dans le monde du travail, on constate ces derniers mois, en pleine période électorale, qu’il y a une remontée des luttes de salariés pour de meilleurs salaires, des embauches, de meilleures conditions de travail. Certaines sont victorieuses. Il faut combattre les mesurettes liées au pouvoir d’achat (et sur ce point le RN promet au fond les mêmes choses que les macronistes) pour mettre en avant les revendications salariales. C’est ce qu’ont fait les salariés de Michelin en disant qu’ils ne voulaient pas d’une prime, même conséquente, mais préféraient une augmentation des salaires.
Si au niveau de la France ces luttes porteuses d’espoir sont encore faibles, elles se développent au niveau mondial : Inde, Sri-Lanka, Chine (malgré une répression sévère et le contrôle permanent des populations), Amérique du Sud. Il y a nécessité de construction d’une conscience de classe mondiale à travers les révoltes. Il y a eu depuis 30 ans une montée des nationalismes, avec la construction de nouveaux états. On peut espérer maintenant que les nouvelles révoltes soient sur des bases de classe comme dans la période antérieure à cette montée des nationalismes.
Ce qui est important en Inde et au Sri-Lanka, c’est le dépassement des clivages ethnico-religieux (que le pouvoir hindouiste en Inde tente de renforcer). C’est aussi le rôle important joué par les femmes dans ces mouvements et le dépassement des syndicats. Au niveau mondial, c’est aussi l’émergence de mouvements paysans qui est intéressant parce que cela touche à l’appropriation des moyens de production essentiels.
Par contre, en ce qui concerne les pays les plus pauvres, on peut se poser une question : Est-ce qu’on peut construire quelque chose de solide au niveau politique à partir de mouvements basés en grande partie sur l’accès aux subsistances ? Les révoltes des printemps arabes montrent que ces mouvements n’ont pas duré. Aujourd’hui, à nouveau, il y a des soulèvements en Libye (avec gilets jaunes  !), à la fois contre le pouvoir politique et contre les accapareurs qui créent la misère. Espérons qu’ils débouchent sur un renversement des régimes en place dans les différents territoires de ce pays.

Une autre raison d’espérer, paradoxalement, pourrait être la guerre que Poutine mène en Ukraine. Les mouvements de protestation, les sabotages, les actions antimilitariste, malgré le couvercle pesant pourraient s’étendre. Au-delà des proclamations officielles de certains mouvements politiques et intellectuels, il y a des actions qui sont menées. Il est difficile de dire aujourd’hui si elles peuvent prendre de l’ampleur et miner le régime.
Par contre, en Ukraine, l’Etat est vraiment géré par les militaires  ; Zelenski n’est qu’un communicant. Par exemple les internationaux qui y sont partis sont intégrés à l’armée et ne peuvent s’exprimer. Par contre les fachos (bataillon Azov) sont encensés. Le bilan des mobilisations ici contre cette guerre est très négatif. Les ukrainiens de France sont très nationalistes et pro occidentaux ; ils et rejetaient les discours révolutionnaires « ni Russie - ni Otan ».

Nous sommes à la fin d’une période 2002-2022 qui nous a assommé·es avec, ici et dans d’autres pays, une pacification (forcée) des rapports sociaux et la montée des nationalismes. On va peut-être entrer dans une nouvelle période.
Pour ici, on peut espérer que l’obstination de Macron dans ses réformes réactionnaires se retourne contre lui et remette les prolétaires dans la rue. Dans d’autres pays, les révoltes ont déjà commencé ; espérons qu’elles se transforment en révolutions.

Limoges le 3 juillet 2022

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