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CA 328 mars 2023

« Mise au travail » des allocataires du RSA : une attaque de plus contre les plus précaires

samedi 18 mars 2023, par Courant Alternatif


Le ministre du Travail Dussopt a dévoilé en décembre la liste des 19 territoires [1] qui vont expérimenter, dès le début de l’année 2023 et en attente d’élargissement en 2024, le versement du revenu de solidarité active (RSA) [2] sous condition de travail, mesure qu’avait annoncée Macron en mars 2022.

Il s’agit d’obliger les allocataires du RSA d’exercer 15 à 20 heures d’"activités" hebdomadaires au profit d’une entreprise ou d’une collectivité, ou bien pour de la formation, ceci afin de "renforcer (leur) insertion ".
Les départements pourront décider du nombre d’heures minimum de travail hebdomadaires ainsi que des sanctions à appliquer en cas de non-respect des mesures d’obligation, à savoir une suspension du versement de l’allocation...
C’est une véritable déclaration de guerre aux plus précaires, qui ne perçoivent qu’une allocation de survie de 598,54€ par mois pour une personne seule.

Derrière cette mesure, le gouvernement tente d’éveiller tous les préjugés qui stigmatisent les allocataires du RSA et des minima sociaux, et cherche à faire porter la responsabilité de leur situation aux seuls individus : l’accès à l’emploi ne dépendrait que de la motivation des personnes qui en sont privées  ; elles font le "choix" de l’assistanat au détriment d’une activité  ; ce sont des "fainéantes qui profitent du système" et qu’il faut « mettre au travail »....

Conditionner solidarité et activité est insupportable.

Le RSA    est un droit social qui ne doit être soumis ni à conditions ni à sanctions. Loin de se soucier, comme le prétend le gouvernement, de renforcer l’ accompagnement des personnes très éloignées de l’emploi, on constate le désengagement croissant de la société dans ce domaine [3].

En réalité, outre de glorifier idéologiquement l’emploi quel qu’il soit, le but de cette réforme est de combler à moindre coût un besoin de main d’œuvre corvéable à merci dans des secteurs "en souffrance".    Ainsi la réforme du RSA ouvre à nouveau la voie à la création d’un type d’emploi ultra précaire : un salariat à 6 € de l’heure, sans droits syndicaux, ni validation de droits à la retraite.
C’est ce même type de politique qui est appliquée avec l’obligation faite aux chômeur.ses et aux sans-papiers d’accepter n’importe quel travail, mais parmi les plus durs, pour survivre. C’est donc un levier de plus pour le patronat dans la réduction du coût du travail par une précarisation toujours plus accrue de l’emploi, par un détricotage des droits du travail et des statuts qui permet de créer sans cesse de nouvelles catégories de travailleur.se.s pauvres [4].

*** Une nouvelle machine à gaz  : France Travail

Le nouveau dispositif RSA s’inscrit dans le cadre de « France Travail », sous la direction du haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, Thibaut Guilluy. France-Travail sera une sorte de superstructure à la place de Pôle emploi, pour créer un guichet unique (Pôle emploi, Cap emploi, missions locales...) au plan national et avec des déclinaisons en régions  ; elle sera censée mieux coordonner tous les acteurs qui s’occupent des chômeur.se.s sur un territoire donné. Ceci d’une part avec la perspective unique et forcée que ces dernier.e.s acceptent, sanctions à l’appui s’iels refusent, n’importe quel boulot répondant aux besoins des patrons. Et, d’autre part, avec des obligations fortes pesant sur les salarié.e.s de cette nouvelle organisation, ceci sans moyens ni effectifs supplémentaires, bien au contraire.
De ce fait, dans chacun des territoires "pilotes", tou.te.s les allocataires du RSA, anciens et nouveaux, doivent être identifiés, et orientés, après diagnostic réalisé en un mois maximum, "vers le meilleur parcours selon leur vécu et leurs besoins".
Ainsi, le RSA nouvelle mouture s’avèrera être plus encore qu’aujourd’hui un moyen sournois d’intensifier de façon inédite le niveau de flicage des allocataires et de leurs obligations. La chasse aux "assisté.e.s" est ouverte.
Les bénéficiaires du RSA, de même que tous ceux et celles qui subissent la précarité, ne sont pas une main d’œuvre corvéable à merci assujettie aux besoins du Patronat. Faisons-le savoir  !

Kris, le 14 janvier

Notes

[1Il s’agit de l’Aisne, l’Aveyron, les Bouches-du-Rhône, la Côte-d’Or, la Creuse, l’Eure, l’Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique, le Loiret, la Mayenne, la Métropole de Lyon, le Nord, les Pyrénées-Atlantiques, La Réunion, la Seine-Saint-Denis, la Somme, les Vosges, l’Yonne et les Yvelines.
La formule RSA contre travail séduit à l’évidence puisque, dès    fin octobre, 43 des 101 départements français s’étaient portés candidats pour l’expérimenter...

[2Près de 2 millions d’allocataires en France

[3Dans un récent rapport sur l’évaluation du RSA, la Cour des comptes pointe qu’en vingt ans, les dépenses d’accompagnement des allocataires sont passées de 20 % à 7 % du budget dédié. Résultat : fin 2019, seul un tiers des allocataires a retrouvé un emploi sept ans après l’entrée dans le RSA, et seulement un tiers d’entre eux dans un emploi stable.

[4En parallèle, sont multipliés au nom de « l’insertion » des emplois comme les services civiques, rémunérés seulement 473 euros par mois, l’apprentissage où les travailleurs sont payés en pourcentages du SMIC, ou encore les contrats d’engagements jeunes

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