CA 330 mai 2023
lundi 15 mai 2023, par
En janvier dernier, nous avions déjà réalisé une interview du collectif des précaires en colère de Lille qui mène le combat contre la réforme du RSA qui conditionne l’obtention des allocations à l’obligation de faire du travail – de 15 à 20h hebdomadaire ! - gratuit et obligatoire. Cela s’accompagne d’une surveillance plus accrue de l’armée de réserve que les patrons souhaitent exploiter un peu plus. Pour maquiller cet esclavage moderne, l’État met en avant la valeur travail qui serait là pour redonner de la dignité aux gens …. Les bourgeoisies politiques et économiques n’ont peur de rien et poursuivent leur offensive tout azimut contre l’« État social » fruit d’un compromis avec le mouvement ouvrier. Contre leur monde, heureusement, des personnes résistent. Donnons leur la parole.
Avez vous des premiers retours de la mise en place du dispositif « RSA activité » dans le département du Nord ? Il s’agit de la nouvelle réforme du RSA qui conditionne le versement de l’allocation à 15 ou 20h de travail hebdomadaire, obligatoire et gratuit ! Quelle est sa mise en place concrète ? Comment ça fonctionne ? Avez vous des témoignages ? Des résistances ?
Pour l’instant ce n’est toujours pas mis en place et le département communique très peu dessus, sûrement parce qu’ils savent qu’il y a des oppositions fortes à ce dispositif. Mais en interne il semble que les choses s’accélèrent, notamment dans le recrutement du personnel. Attendons-nous à des annonces prochainement. Pour le moment nous savons juste qu’ils ont ciblé deux quartiers de Tourcoing (la ville de Darmanin) pour commencer leur expérimentation, et que les MNE (Maison Nord Emploi, nouveau nom donné aux MDIE, Maison Départementale de l’Insertion et de l’Emploi) vont peu à peu se transformer pour devenir les locaux de France Travail. Coté résistance nous avons appris que la façade des locaux du département spécialement dédiés au harcelement des allocataires de Tourcoing a été repeinte avec des inscriptions hostiles à leurs contrôles.
Le collectif est toujours vivace et vous avez fait des actions depuis la dernière fois. On peut commencer par celle contre la société Tingari, le 15 février. Pouvez vous expliquer de quoi il s’agit ? Comment ça s’est passé ?
L’action du 15 février dernier était une action coordonnée entre plusieurs collectifs précaires de différentes villes contre les prestataires privés de Pôle Emploi et pour visibiliser les techniques capitalistes de précarisation. Il y a eu Marseille (Aksis), Paris (Solerys), Brest et à Lille on a envahi Tingari qui avait déjà été occupé à Toulouse. Ce sont des boites qui font leur beurre sur la précarité et le chômage. Force est de constater que le chômage n’est pas le résultat d’une « crise » passagère mais d’un système qui utilise la peur de perdre son boulot comme moyen de faire accepter des conditions de travail toujours plus minables, et des emplois toujours plus usants, inutiles, absurdes, et néfastes. Nous avons donc ciblé ces prestataires grassement payés par l’État via Pôle emploi pour nous fliquer et nous radier. Par exemple Tingari touche entre 500 et 1200e par chômeur.euse que Pôle emploi leur envoie (rdv obligatoire pour les chômeur.euses sous peine de radiation). Business juteux emporté à l’époque par le directeur de Tingari (sans même répondre à un appel d’offre) qui n’était pas moins que l’ex-directeur de l’Assedic de Haute-Normandie...Ils ne reculent devant rien pour nous faire les poches !
Dernièrement vous avez chatouillé les oreilles du président du département du Nord, Christian Poiret via le syndicat SUD département qui a défendu votre cause et a lu une lettre brûlante contre le dispositif RSA-activité. Pouvez-vous raconter comme ça s’est passé ? Et quels ont été les retours ?
Oui, dans le cadre du mouvement contre la réforme des retraites il y a pas mal de gens qui se rencontrent, c’est sûrement une des belles choses de ces moments là. Le syndicat SUD du Département du Nord qui avait fait un communiqué de soutien à notre première action (Cf courant alternatif janvier 2023) voulait nous rencarder et nous on était curieux de savoir comment ça ce passait de l’autre coté des bureaux. Ça nous a permis de mieux comprendre l’organisation du flicage qu’on se prend dans la gueule et lorsqu’on a su qu’il y avait la possibilité qu’on envoie une petite missive au président du département et qu’elle serait lu devant tous ses collaborateurs on a pas hésité. Il n’y a bien-sûr eu aucun retour, d’ailleurs on en attendait pas, mais au moins ces raclures on du se taper la lecture publique de toute notre lettre.
Quoi de neuf concernant l’action du 31 octobre dernier contre la MDIE (maison départementale de l’insertion et de l’emploi) de Lille ? Pour rappel, vous étiez rentrés dans les locaux pour distribuer un tract aux usager-es et aux contrôleurs sociaux pour revendiquer l’arrêt du harcèlement et la dénonciation de la nouvelle réforme. Des poursuites ?
Non pas poursuite, en tout cas rien pour l’instant. Vraisemblablement c’était un coup de bluf de la préfecture pour nous tenir au calme par la peur. Par contre on a reçu de plus en plus de soutient de salarié.e.s qui bossent au département et qui se rendent bien compte de la merde a laquelle on leur demande de participer de plus en plus activement. On a senti de la solidarité de classe et ça fait du bien. En plus de SUD, la CGT aussi a apporté son soutien, la répression ou les tentatives d’intimidation peuvent parfois produire l’inverse de l’effet escompté.
Tout ça se passe dans le contexte du mouvement social contre la réforme de la retraite. Y-a-t-il des liens et des convergences qui ont eu lieu ? Pour la suite, quelles sont vos perspectives de mobilisation et d’actions contre la réforme du RSA ?
Des liens, des convergences ? Bien sûr, c’est la force des mouvements sociaux, sortir de ces catégories et se reconnaître comme classe avec des intérêts communs. D’autant que la lutte contre la réforme des retraites dépasse maintenant largement la réforme des retraites et que l’on sait que la suite ça sera de taper encore plus fort sur celles et ceux qui galèrent déjà : Macron l’a annoncé, son prochain chantier sera la réforme du RSA et celle de la loi travail qui va servir à faire bosser les allocataires gratos, ça va inévitablement tirer le reste des salaires vers le bas. On en cause dans les AG de cheminots, d’étudiants, etc.
Concernant les perspectives, à court terme ne pas lâcher la pression du mouvement actuel et enchaîner pour barrer la route à la loi travail, et à France Travail, et à un peu plus long terme l’abolition de la société de classe nous parait un bon début.