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CA 330 mai 2023

Sans Frontières

vendredi 26 mai 2023, par Courant Alternatif


La lutte des sans-papiers de RSI reprend !

C’est un long et grand combat puisqu’il dure depuis plus d’un an dans cette boîte d’interim du BTP à Gennevilliers et s’articule avec d’autres piquets de grève franciliens, ceux de Chronopost à Alfortville(94) et de la plate-forme DPD du Coudray-Montceaux spécialisée dans la livraison de colis. Depuis octobre dernier pourtant, la victoire semblait proche avec une rencontre entre les délégués de la lutte et le ministère de l’intérieur, sous la houlette de la députée du coin. A l’issue des discussions, 83 dossiers de demande de régularisation avait été déposés à la préfecture de Nanterre et dans l’attente de leur traitement, les personnes ont obtenu des récépissés avec autorisation de travail. Le piquet de grève avait été levé et les participants ont retrouvé du travail ailleurs, toujours dans le bâtiment ou dans le nettoyage. Malheureusement, le récépissé n’est valable que 6 mois et il vient de prendre fin, replongeant dans la clandestinité la quasi-totalité des 83 individus qui ne s’avouent pas vaincus et reprennent la lutte. En effet, le collectif reste soudé notamment autour du CTSPV (collectif des travailleurs sans papiers de Vitry sur Seine dans le 94) et des syndicats Sud. Extrait d’un tract du mois d’avril : « nous demandons la délivrance d’une vraie carte pérenne pour les 83 ex-détenteurs d’un récépissé ainsi que pour les 26 non convoqués d’octobre. ». Et de rajouter : « par notre grève, nous avons dénoncé un système où RSI fournissait en main-d’œuvre des entreprises du bâtiment, ECM, BJF, COBAT, LEON GROSSE, GUY DOYERE etc.. Ces sociétés étaient elles-mêmes sous-traitantes de grosses entreprises comme EIFFAGE, BOUYGUES, VINCI. Les profits réalisés par ces grandes entreprises sur le dos des Sans-papiers, se retrouvaient en quelque sorte transférés et "blanchis" à travers des cascades de sous-traitance. » La bataille n’est donc pas qu’individuelle mais bien politique, car les premiers concernés ne sont pas dupes des profits engrangés sur leur dos par les grands bétonneurs qui sont, notamment, en train de se gaver sur les chantiers des futurs JO de Paris.

Ailleurs, les autres piquets de grève d’Alfortville (94) et de Coudray-Montceaux (91) tiennent toujours. Dans ces filiales de La Poste, entreprise d’État, des centaines d’intérimaires sans-papiers trient les colis à toute heure du jour et de la nuit et réclament leur régularisation comme les RSI. Mais rien n’a été obtenu pour le moment. Des rassemblements et des manifestations ont lieu régulièrement et la solidarité s’organise, notamment pour contribuer financièrement à la lutte :

source : tracts du collectif de lutte

A Mayotte, l’État prépare l’opération Wuambushu

Toujours très inventifs pour trouver des noms à la con d’opération, les flics ont cherché dans le vocabulaire mahorais un mot qui signifie « reprise » ou « s’aventurer dans l’inconnu ». Ce double-sens laisse planer le doute sur les conséquences de ce genre d’opération sécuritaire. Car il s’agit bien pour l’État de chasser du sans-papiers et de reprendre le contrôle du territoire avec la mobilisation de plus de 500 condés – ce qui double les effectifs policiers sur place. En tant qu’opération policière pilotée par Paris et un Darmanin qui se lepennise, les objectifs sont chiffrés : d’une part, expulser plus de 250 étrangers par jour en majorité des comoriens pour les envoyer vers l’île voisine d’Anjouan ; d’autre part, de mener une vaste opération de « décasage » c’est-à-dire de destruction massive de bidonvilles, ce qui représenterait environ 10% de l’habitat informel de l’île. Au total, d’ici le mois de juin, ce seraient environ 17 000 personnes qui seraient expulsées de Mayotte qui compte environ 300 000 habitants. Le début des opérations doit commencer le 20 avril, juste après la fin du ramadan mais le suspense perdure sur le début réel des interventions. Dans sa novlangue en perpétuelle évolution, le pouvoir macronien parle d’une opération pour réduire la délinquance « hors norme » : terme qui s’appuie sur une étude de l’INSEE en 2021 qui par exemple note qu’il y a 3 fois plus de vol à Mayotte qu’en métropole. Cette statistique n’évoque pas le passé colonial de ce jeune département français où les inégalités sont les plus importantes, 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté (chiffre de l’observatoire des inégalités) . En effet, cette île comorienne -rattachée à la France par un référendum unilatéral en 1974 et même condamné par l’ONU - est un territoire d’exception qui impose la force pour maintenir une position stratégique dans l’Océan Indien. Depuis 2018, hors période de COVID, 25 000 personnes en moyenne sont expulsées chaque année - « un chiffre qui équivaut à la moitié de toutes les expulsions réalisées en France », selon le Canard enchaîné. Des résistances existent et se réactivent depuis l’annonce de l’opération Wuambushu. Des humanitaires comme l’ONG Utopia 56 ou encore des personnels de santé de l’île redoutent la rupture du lien social et médical qu’ils ont avec une population comorienne sans-papiers très précaire. Côté politique, le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, Jean-Marie Burguburu , des associations comoriennes et même le président des Comores demandent à Darmanin d’abandonner ce projet. En métropole, il faut noter aussi la naissance du collectif "Stop Wuambushu à Mayotte" qui organise une manifestation le 16 avril dans 6 villes en France : Moroni, Saint-Denis, Paris, Marseille, Lyon, Nice et Nantes. A suivre.

Sources : Libération, révolution permanente, communiqué du collectif "Stop Wuambushu à Mayotte"

Contre la loi Darmanin, le retour !

Elle a été déclarée reportée « sine die » en mars dernier, juste après l’usage du 49-3 pour calmer le jeu avec les parlementaires mais visiblement elle va revenir dans le calendrier politique de la macronie, si on en croit les déclarations du chef de l’État sur les 100 jours à venir. Comme pour les retraites, il est vital de garder le contrôle du temps et de l’espace de la lutte, d’où le maintien de la mobilisation par des collectifs comme : l’UCIJ (uni-es contre l’immigration jetable), la marche des Solidarités et les collectifs de sans-papiers, qui appellent à organiser dans tout le pays une nouvelle journée nationale de manifestations le samedi 29 avril. Le tract d’appel à cette journée est à retrouver sur le blog mediapart de la marche des solidarités et il a le mérite de faire le lien avec toutes les colères du présent : le mouvement contre la réforme des retraites, l’opération d’ampleur d’expulsion à Mayotte (voir plus haut), les blessé-es de Sainte-Soline, les déclarations de dissolution de l’« ultra-gauche » faites par Darmanin. C’est ensemble, dans la convergence, que le rapport de force sera suffisamment puissant pour contrer toutes ces saloperies et proposer des modalités d’action qui réussissent à déborder le pouvoir et ses supplétifs associatifs ou syndicaux. Ainsi, le 8 avril dernier, l’AG des luttes issue du mouvement social en cours s’est coordonnée pour bloquer et occuper un des chantiers des Jeux Olympiques au carrefour Pleyel à Saint-Denis. On lâche rien !

Source : blog de la marche des Solidarités

Situation de plus en plus tendue en Tunisie

Nous l’avions évoqué dans le numéro précédent, il y a de plus en plus de départs depuis la Tunisie du fait de la crise économique importante : inflation, chômage, quasi faillite de l’état, etc. Les propos du président Kaïs Saed – en février dernier - contre les migrants subsahariens avaient fini par mettre le feu aux poudres et ont provoqué des expéditions punitives contre ces migrants. Un double phénomène est alors en marche. D’un côté, des tentatives de traversées vers l’Italie et plus particulièrement l’île de Lampedusa distante de 150 kms du littoral de Sfax dans l’est du pays s’accompagnent de leur lot de tragédies. Au cours du mois d’avril, il y a eu trois gros naufrages : le 11 avril avec 24 victimes, le 7 et le 8 avril avec 27 disparitions selon les chiffres des gardes-côte tunisiens. De l’autre côté, une volonté de certains migrants subsahariens de repartir vers le sud via une relocalisation dans un pays tiers africains définis par des traités binationaux. Depuis février, le siège du HCR (haut commissariat aux réfugiés) à Tunis était occupé par des centaines de migrants qui organisaient un sit-in devant. Mais les tensions sont apparues quand l’agence onusienne a annoncé la suspension de l’examen des nouveaux dossiers de relocalisation vers un pays-tiers. Le délai de prise en charge atteignait 2 ans. Les 200 personnes restantes sur le piquet d’occupation se sont révoltées entraînant l’intervention de la police qui a répondu par la force. Une émeute a eu lieu et les portes du HCR ont été enfoncées. La répression a été immédiate : 80 interpellations, une trentaine de garde à vue tandis que le HCR s’est fendu d’un communiqué en disant que ce n’était pas bien d’être violent et de défoncer des portes…. Comment leur dire qu’il y a urgence ?

Source : Infomigrants

En Italie, des réactions politiques mais une exploitation économique crasse

Face à ce nouveau phénomène migratoire, le gouvernement d’extrême droite de Georgia Meloni sort les gros moyens pour tenter de juguler les arrivées sur son territoire. Selon les chiffres officiels, elles s’élèvent à 31 000 depuis un an, contre 8 000 les deux dernières années. Ainsi, l’état d’urgence a été décrété pour six mois dans le pays, le 11 avril dernier. A noter que ce n’est pas la première fois qu’il y a ce genre de mesures coercitives contre les migrations car en 2011, le gouvernement Berlusconi avait fait de même. Cette fois-ci, plusieurs mesures sont prises : désignation d’un commissaire spécial aux migrations avec des pouvoirs étendus ; une enveloppe de 5 millions d’euros pour « décongestionner » le centre d’accueil – et de rétention ! - de Lampedusa qui enferme parfois 10 fois plus que sa capacité initiale ; la création d’un nouveau centre de tri des demandes d’asile pour en réalité expulser plus facilement et rapidement. Le tout est décidé dans le but aussi de faire pression sur l’Union Européenne pour tenter d’obtenir des quotas de répartition sur l’ensemble des pays-membres. Cette mesure est un vieux serpent de mer qui n’a jamais abouti encore. Dernier effet d’annonce, le ministre des affaires étrangères italien a demandé au FMI d’accorder à la Tunisie des financements - sans conditions de réformes libérales - pour tenter de réduire la crise économique du pays, endetté à 80 % de son PIB. Un accord de principe d’un prêt de 2 milliards d’euros a été passé mais cela suscite des remous politiques en Tunisie avec encore des propos contestataires du président Saed qui veut refuser les ingérences étrangères.

Toute cette agitation politico-médiatique ne doit pas faire oublier les conditions de vie difficiles des migrants. A défaut de se répéter, il ne fait pas bon d’être un sans-papier en Italie et plus largement en UE. Quelques affaires récentes sont là pour le rappeler. En mars dernier, la CEDH – cour européenne des droits de l’Homme – a condamné l’Italie pour traitements dégradants et rétention illégale envers 4 migrants tunisiens qui avaient porté plainte en 2018, sous l’ère déjà très droitière de Mattéo Salvini. Plus proche, un rapport de l’ONG Human Rights Watch vient de sortir et dénonce les conditions de vie déplorables d’environ 10 000 migrants – majoritairement sans-papiers – dans des exploitations agricoles qui n’ont jamais aussi bien portées leur nom. Plus de 150 campements de fortune ont été référencés, surtout dans le sud du pays, où il n’y a ni eau courante, ni électricité. C’est aussi tout un système concentrationnaire qui est documenté avec les « caporali » qui sont souvent d’anciens migrants africains et qui font l’intermédiaire entre la main d’œuvre corvéable à merci et les employeurs qui cherchent à moindre prix. Par exemple, dans une ferme à tomates, le capo est payé entre 7 et 8 euros de la caisse remplie de légumes de 300 kg tandis que l’ouvrier agricole est payé 3,50 euros de la caisse. Autant dire que le capitalisme n’a que faire d’un état d’urgence politique sur les migrations car elles lui sont bien utiles. Néanmoins, criminaliser les sans-papiers est un excellent moyen pour discipliner cette main d’œuvre et la payer le moins possible.

Source : infomigrants

Au Royaume-Uni, mettre des migrants sur une barge

Pour réduire les coûts bien sûr ! C’est ce qu’expliquent benoitement, le premier ministre Rushi Sunak et son ministre de l’intérieur qui avancent le chiffre de 2,3 milliards d’euros par an pour « s’occuper » des demandeurs d’asile. Pour économiser de l’argent et aussi « réduire la pression sur les hôtels », une barge va être inaugurée dans le port de Portland, au sud de l’Angleterre pour y loger 500 hommes afin d’étudier leur demande d’asile. L’expérience va durer 12 mois et fera peut être des émules par la suite. En parallèle, deux camps militaires désaffectés seront aussi alloués à enfermer des sans-papiers dans l’attente de leur asile ou de leur expulsion. L’idée d’une barge pour y entasser des étrangers n’est pas nouvelle, récemment il y en a eu aux Pays-Bas et en Écosse pour « accueillir » des réfugiés ukrainiens. En Italie pendant le COVID, il y a même eu des bateaux de croisière qui ont servi de prisons flottantes. En tout cas, ces derniers mois, le gouvernement britannique nous habitue à des annonces anti-migratoires toutes plus folles que les autres : déportation au Rwanda, machine à vague dans la Manche, etc.

Source : Infomigrants

A Paris, 200 mineurs non accompagnés occupent une école abandonnée

L’action a commencé le 4 avril et se poursuit à l’heure de l’écriture de cette rubrique. L’école en question se situe en plein 16eme arrondissement, quartier huppé de Paris. En 2021, il y avait déjà eu ce même genre d’occupation soutenues par plusieurs associations dont ici : Utopia 56, TIMMY, TARA et les Midis du MIE. Les occupants et leur soutien dénoncent une pression policière constante qui empêche toute installation dans des tentes ou des squats. Ils réclament aussi une prise en charge par l’aide sociale à l’enfance prévue par la Loi pour tout mineur quelque soit la situation administrative. Mais l’État ne reconnaît pas la présomption de minorité et cela lui permet d’outrepasser ses règles. La plupart des occupants sont des migrants qui n’ont pas été reconnus mineurs par le département et qui intentent un recours en justice. Mais le temps de cette procédure, ils ne sont pas pris en charge et sont livrés à eux-mêmes. En plus de l’occupation, des actions de visibilisation sont faites devant plusieurs bâtiments publics (mairie, département en charge de l’ASE, etc).

Source : infomigrants

La belle pour 6 évadés du centre de rétention de Sète

Dans la nuit du 1er au 2 avril, six enfermés du CRA de Sète ont réussi à se faire la malle. Profitant d’un verrouillage magnétique des portes défectueux, ils ont réussi à sortir de leur chambre, ouvrir le bâtiment au niveau de la cour de promenade et escalader le mur d’enceinte de 3 mètres de haut. Un des évadés a été malheureusement rattrapé au niveau d’Agde mais les 5 autres sont aux dernières nouvelles encore libres. Respect à eux et bonne chance pour la suite.

Source : Infomigrants

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