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CA 336 janvier 2024

Vertement écolo 336

mardi 30 janvier 2024, par Courant Alternatif


Gros ralentissement d'automne sur la RN 88 de Wauquiez

Depuis plusieurs années le collectif « La lutte des Sucs »(1) s’oppose au projet de Lolo Wauquiez qui souhaite, dans « son département » la Haute-Loire (sa Vierge du Puy et ses scandales municipaux), transformer 10 km de la RN 88 en 2 fois 2 voies.
Comme d’hab, pour cela il faut détruire 140 ha de zones humides et de terres cultivables, plus de 100 espèces protégées, construire des ponts, détourner plusieurs cours d’eau au nom du désenclavement et du progrès avec la complicité des autorités (DREAL, Préfecture).
Coût prévu : 226 5 millions d’argent public, dont 87 % de la Région AuRA. Dans le vrai monde, ce sera sans doute plus de 600 millions tellement le projet a été mal ficelé pour complaire au führer de la droite de droite régnant sur la Région. Exemple : à ce jour la, Région n’a toujours pas pu acheter la totalité des terrains nécessaires pour construire la route. Alors elle tente de passer en force.
Ce projet suscite bien évidemment de fortes oppositions de terrain malgré les pressions sur les élus (Lolo tient les cordons de la bourse de certains financements et le fait bien sentir), les intimidations régulières, l’envoi systématique de gendarmes (arrestation et garde à vue d’un élu régional écologiste lors d’une manif, que Mister W. et « ses » complaisants gendarmes on voulu faire passer pour un éco-terroriste..)
Récemment une action de terrain très légaliste mais déterminée, a permis de bloquer les travaux en cours jusqu’au printemps 2024. Depuis la fin septembre, militantes et militants se sont relayés quotidiennement au Rouchas lieu où doit être construit un pont stratégique pour le projet.
Munis de bonnes chaussures et de l’arrêté préfectoral concernant les travaux, ils ont exigé l’application stricte de celui-ci : interdiction du passage des machines sur des propriétés privées ou dans des zones naturelles prioritaires, rappel qu’un recours sur la Déclaration d’Utilité Publique est toujours en attente de jugement…
Pour que les travaux puissent vraiment commencer, il était obligatoire que les archéologues chargés des fouilles préventives interviennent sur le site. Le 14 novembre, les chtars du PSIG (Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, chargés des interventions en milieu sensible et de missions de renseignement) sont donc intervenus pour laisser la voie libre à la pelleteuse des archéologues engagée sans autorisation sur un terrain privé. Bilan : gazage de la trentaine de manifestants et 7 interpellations.
Le lendemain, remobilisation des opposants et face aux tensions sur le terrain, les archéologues décident de suspendre leurs fouilles. À partir de là, tout s’enraye car ceux-ci doivent quitter le coin pour mener ailleurs d’autres fouilles.
Bref, il n’y aura pas de travaux possibles avant le printemps 2024 et c’est toujours cela de gagné.
Argh, toutes ces réglementations et agences administratives qui entravent la bonne marche du profit. Heureusement Larcher et Macron qui se sont rencontrés en février sont sur la même ligne : une commune détestation des autorités administratives indépendantes. La liquidation de l’IRSN (nucléaire) est déjà en bonne voie et le reste devrait suivre…

De l'art de se faire mousser sans risque

Pour le respect du reste des lois environnementales on peut faire confiance à Wauquiez qui a décidé tout seul de refuser d’appliquer le processus Zéro Artificialisation Nette (ZAN) inclus dans la loi « Climat et Résilience » de 2021.
Lolo est encore et toujours à l’avant-garde de la réaction contre une « loi ruralicide » même si celle-ci ne fait au mieux, que ralentir la bétonisation des sols.
Lolo fait sa com’ électorale et présidentielle et rien d’autre. Il connaît bien les rouages de la machine étatique et législative qui fait voter des lois dont les décrets d’application ne sortent pas ou qui contiennent toutes les exceptions permettant de réduire à néant leur portée ou qui n’ont aucun financement pérenne.
Il y a un autre cas de figure : faire croire que l’on avance dans le bon sens en utilisant des chiffrages tout pourris.
Le « budget vert » de l’État consacré à la transition écologique en est un bon exemple. D’abord il es tout riquiqui : au maximum 40 milliards soit à peine 7 % des 570 milliards du budget 2023.
18 autre milliards « marrons » sont considérés comme « défavorables à l’environnement ». Le reste, 518 milliards est « gris » car« neutre sur l’environnement ».(2)
Comment cela a-t-il été calculé ? Par un groupe de travail interne à l’administration formé de fonctionnaires en poste. Un gage d’impartialité (!) et surtout une vaste fourre-tout de n’importe quoi et de n’importe comment.
Un exemple : le financement d’éoliennes est-il « vert » parce qu’elles produisent de l’énergie décarbonée ou »marron » car elles utilisent pour leur fabrication du béton, de l’acier, des plastiques ? Mystère insondable et pas de réponse.
Les « dépenses de personnels des ministères liés à l’environnement [sont] vertes… celles des autres ministères grises ». Pourquoi ? Pas de réponse.
Les « recettes vertes » prévues dans le budget 2024 ont fondu comme neige au soleil : finie la taxe sur les billets d’avion (plusieurs centaines de millions d’€), Maintenue la subvention au gazole non routier (les agriculteurs). Liquidée la taxe autoroutes (600 millions)…
Avec tous ces lobbys à l’œuvre et avec le cynisme étatique, Lolo Wauquiez et ses copains coquins n’ont pas trop de souci à se faire pour leur entrepôt Amazon, leur lotissement de luxe en montagne, leurs lacs artificiels pour fabriquer de la neige artificielle pour permettre à Mister W. d’avoir SES JO d’hiver 2030 dans SA Région à lui.

Pandore et Nemrod volent encore au secours des campagnes

Dans la torpeur d’un été brûlant d’incendies de forêts, Darmanin, le feu aux fesses, annonce en août 2022 « la création de 3000 postes de gendarme vert » (3). Problème : ils ne figurent pas au budget 2023 (ni 2024 d’ailleurs).
Que les destructeurs de la nature se rassurent. Dans les faits il ne s’agit pas de créer 3000 postes mais de former quelques cognes dans quelques brigades de gendarmerie. Ils pourront toujours causer avec ceux de la cellule DEMETER au service de la FNSEA ou avec « les chasseurs vigilants » co-fabriqués avec les fédérations de chasse et les Préfectures.
Couverts d’aides et de subventions, chouchouté politiquement et électoralement, auto-promus meilleurs défenseurs de la nature et de la ruralité menacée par des hordes de bobos à vélo, nos Nemrod alcooliques se sentent en position de force dans l’ambiance sécuritaire et stigmatisante actuelle.
Ainsi, le 23 août 2023, le président de la fédération de chasse de la Moselle « Pierre Lang, invite ses adhérents à être l’arme au pied à compter du 3 septembre et jusqu’au 11. »(3)
Pourquoi ? Parce que 30 000 gens du voyage ont prévu un rassemblement évangélique près de chez lui.
Face à ces (forcément) voleurs de poules et de métaux, Lang qui est aussi maire et ancien député UMP, sonne le tocsin. La mission des GROCCS (GROs Cons de ChasseurS) est - en accord avec l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et la gendarmerie - de repérer et épier « toute personne ou véhicule suspect… sans éveiller les soupçons... » pour ensuite prévenir les autorités « en cas d’évènements suspicieux », bien sûr sans « stigmatiser une population. »(4)
Problème. Ni l’OFB, ni la gendarmerie ne sont au courant. Mais comme il y a 5 ans les chasseurs avaient été sollicités pour signaler les dégradations au milieu naturel à l’occasion d’un autre rassemblement, Lang s’est senti pousser des ailes de perdreau casqué.
Normal, quand l’État vous donne le pouvoir exorbitant de fliquer vos concitoyens dans la nature, cela donne des idées pour maintenir l’ordre. Les chefs de ces 800 000 hommes en armes veulent toujours plus de responsabilités, eux qui sont aux avant-postes de la défense de la ruralité et de la République face aux hordes sauvages qui mugissent dans les campagnes.
C’est ce qu’a tenté de faire Lang. En cela, il ne fait que suivre comme un fidèle chien d’arrêt, la trace bleuâtre de son éternel président national, Willy Schraen qui déclarait en 2021 « que ses adhérents avaient un rôle à jouer en matière de police de proximité ».
Nous reviendrons prochainement sur la vie trépidante des chasseurs qui à leurs turpitudes habituelles, ont décidé d’ajouter celle de chiens rabatteurs pour Macron à l’occasion des élections européennes.

Des campagnes électriques pour faire du blé

L’agrivoltaïsme consiste depuis 2011 à installer des panneaux solaires assurant « une production électrique significative » sur une terre agricole, un bout de forêt ou de lande en les faisant coexister avec des « productions agricoles significatives ».
En 2018, l’ADEME a estimé que cela n’avait aucun intérêt puisque les capacités photovoltaïques des toitures (parkings, toits agricoles et industriels, immeubles, maisons…) et des friches industrielles, dépassaient largement avec 176 GigaWatts les besoins décidés par Macron pour 2050 (100 GW).
Mais, elle change brusquement d’avis quand les industriels du secteur (concepteurs, installateurs, producteurs d’électricité) font remarquer en haut lieu que c’est beaucoup plus facile et profitable d’installer du photovoltaïque industriel sur des sols agricoles que sur des toits (qu’il faut parfois renforcer).
La loi sur « l’accélération de la production d’énergies renouvelables » adoptée en janvier 2023 leur donne raison. C’est « un copié-collé de la proposition de loi soufflée aux sénateurs par l’industrie du panneau solaire. »(5) Et merveille des merveilles le lobby des industriels, « France agrivoltaïsme » a réussi à « exclure les panneaux solaires de la loi contre l’artificialisation des sols. »
C’est l’explosion : 200 projets sont dénombrés. Et vas-y que te je projette de découper des îlots de production d’énergie verte dans les forêts autour de Loulle dans le Jura (75 ha), de détruire un espace renaturé avec ses espèces protégées (projet de la Compagnie Nationale du Rhône près de Lyon). Déjà plus de trente hectares de la forêt Daigny (Ardennes) ont été ravagés par les avides industriels des énergies vertes, parfois aidés par certaines associations de protection de la nature, au nom de la transition énergétique et du moindre mal.
Tous ces projets se font maintenat avec l’appui de la FNSEA devenue vice-présidente du lobby déjà cité. Pourquoi les mafieux massacreurs de l’environnement se sont-ils convertis au photovoltaïque ?
C’est simple à en pleurer : cela rapporte du blé, les énergies vertes. C’est déjà le cas dans les grandes plaines céréalières où les éoliennes plantées dans les champs assurent de confortables « compléments de revenus » aux gros céréaliers.
Et, la plantation de panneaux solaires dans le Tarn-et-Garonne, rapporte par exemple, 2500 à 5000 € par an à l’hectare au lieu de 1400 € pour du blé.
Seul problème : il n’y aura plus de production de céréales… Car malgré les discours mensongers, comment cultiver sous des panneaux solaires (absence de lumière et d’eau) ? Coment labourer avec le vaste réseau de câbles et capteurs enterrés ? Les terres agricoles deviennent industrielles.
Cette arnaque a été vendue par Macron disant vouloir « travailler avec les agriculteurs pour leur permettre d’avoir, par l’écologie, une réponse à la baisse des rendements : par l’agrivoltaïsme, la biomasse, les carburants durables. » Bref tout ce que l’on déteste et combattons.
Cela se fait au nom d’un progrès qu’on peut pas refuser (car le progrès progresse, chacun le sait), de choix imposés sournoisement par l’État, les industriels du numérique (dont Xavier Niel) (6), les bandits de l’agro-industrielle, les land grabbers (accapareurs et spéculateurs fonciers) et la FNSEA.
La Confédération Paysanne a clairement dénoncé ce projet « qui relève du marketing et vise à légitimer un opportunisme foncier et financier dans un contexte difficile pour le monde paysan. »(7)
Il « éloigne de l’autonomie... Ses effets pervers sont multiples : atteinte à la vocation nourricière de la terre du fait de l’artificialisation... moindre disponibilité foncière, précarisation des paysan·nes, manne financière générant des conflits d’intérêts, perte de la qualité de vie au travail, dégradation des paysages, atteinte à la biodiversité... »
En cette fin d’année, le décret encadrant l’agrivoltaïsme n’est toujours pas paru. En revanche le « ministère de la transition écologique soumet à consultation du public jusqu’au 24 novembre un autre texte réglementaire : celui qui permettra de faciliter la destruction d’espèces protégées par les promoteurs d’énergies renouvelables. » Avec celui-ci « tous les projets dépassant une certaine taille seront automatiquement considérés comme répondant à « raison impérative d’intérêt public majeur », dès lors que les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie ne sont encore pas atteints. » (8)
Et, le pendant inévitable de l’agrivoltaïsme c’est la robotisation et la numérisation de l’agriculture, pilotée à distance par des IA bouffeuses d’énergie toujours plus« verte » et décarbonée.
Cultiver la terre ou cultiver des kilowatts, nourrir les populations ou gaver les bandits de l’industrie, le choix devrait est clair.
Mais, le syndicat du crime qu’est la FNSEA tient toujours la boutique avec ses lobbys, ses chambres d’agriculture, ses pesticides, sa sécurité sociale, sa banque, ses vols d’eau, ses coopératives multinationales des semences (Limagrain) et du bio-diesel (groupe Avril), ses relais politiques et étatiques, ses violences publiques couvertes par les pouvoirs publics… alors qu’il cogère sciemment avec l’État la mise à mort lente du monde paysan voire agricole.
Une anecdote. Il y a quelques années la FNSEA dirigée à l’époque par l’agro-affairiste Xavier Beulin (Sofiprotéol, CETIOM, Crédit Agricole…) avait organisé une série de manifestations aussi grandiloquentes que violentes contre les importations de viande à bas prix. Problème. Au même moment, une filiale de Sofiprotéol (Farmor) organisait l’importation de poulets à bas prix.(9)
Cela s’est su mais n’a ni conduit à la démission de Beulin, ni freiné les ardeurs destructrices et autophages des syndiqués de la FNSEA.
Autant dire que pour avoir du pain (mangeable) et des roses (parfumées) comme le réclamaient au début du 20ème siècle les socialistes étatuniens, va falloir mouiller la chemise et le reste !

Freux et Eugene the Jeep

Notes
1 - https://laluttedessucs.noblogs.org
2 - Bercy réduit la transition écologique à la portion congrue. G. Tournillon. Canard Enchaîné du 15/11/ 202
3 - Les gendarmes verts ne sont pas mûrs. Canard Enchaîné du 24/08/2022
4 - Les chiens de chasse aboient, les caravanes passent. D. H. Canard Enchaîné du 30/08/2023
5 - Une agriculture survoltée. Canard Enchaîné du 08/02/2023 et Les campagnes tombent dans le panneau. J-L Porquet. Canard Enchaîné du 20/07/2023
6 - voir « Robots, coaching et intelligence artificielle... l’agriculture selon Xavier Niel ». Reporterre. Et, les sites des salons d’agri-robotique : World FIRA à Toulouse ou le SIMA (Salon International des Mutations Agricoles) salon professionnel en parallèle du salon de l’agriculture
7 - Nous ne tomberons pas dans le panneau de l’agrivoltaïsme ! Positionnement quant au photovoltaïque sur les terres agricoles naturelles et forestières. Confédération paysanne
8 - La transition énergétique ne peut se faire au détriment de la souveraineté alimentaire et de la biodiversité. Confédération Paysanne. Communiqué du 23/11/2023. Voir aussi la pétition « Photovoltaïque sur des terres naturelles, agricoles ou forestières : nous ne tomberons pas dans le panneau ! » parue sur Mediapart
9- Qui est Xavier Beulin, patron contesté de la FNSEA, reçu mercredi par Manuel Valls ? Samuel Laurent. Le Monde du 28 juillet 2015. Et l’enquête en 5 volets de Reporterre : « La grande enquête sur le maître caché de l’agriculture française » publiée en 2015

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