CA 315 décembre 2021
Un montluçonnais nous raconte
vendredi 24 décembre 2021, par
La répression a son côté spectaculaire : violences policières en manifestation, abattage judiciaire et passage par la case prison, mais aussi un côté beaucoup plus insidieux qui consiste à rendre la vie impossible à qui s’oppose un tant soit peu à l’ordre dominant. Témoignage depuis une commune rurale de l’Allier.
Cet entretien répond à l’enchaînement de faits, qui mène à une répression dans nos vies et surtout à la paupérisation des plus précaires d’entre nous. Où la solidarité paraît absente face à l’arbitraire.
Cette journée a commencé par une coupure d’électricité, en effet je devais me rendre au bureau de tabac (ouvert que le matin), mais suite à cette coupure de courant, mon réveil n’a pas tinté. Ce fut pour moi le début de mes ennuis.
Décalant en début d’après-midi mon déplacement au bureau de tabac, ce qui allait s’avérer catastrophique. Arrivée dans la ville, où se trouve un bureau de tabac ouvert toute la journée, deux motards de la gendarmerie me dévisagent soupçonneux, suite à mon écart pour éviter un véhicule faisant un peu n’importe quoi, un des motards me fit signe de me garer et l’autre de le rejoindre.
Suite à une interprétation non fondée, le gendarme m’ayant arrêté dit que mon écart lui étant suspect, pensant que mon acte étant dans l’intention de les éviter, procéda à une vérification de papiers, mais se prolongea avec un contrôle de substances illicites.
Ma salive me dénonça, car le test s’avéra positif. J’entamais la négociation, où j’appris que contrairement à l’alcool qui s’estompe, selon les individu.e.s, entre 6 à 8 heures après la dernière absorption, le cannabis lui était décelable de trois jours à plusieurs semaines selon la fréquence de son utilisation.
Puisque nous étions dans les confidences, je lui demandais si mon véhicule était dans le collimateur de la gendarmesque, car il me revenait en mémoire une anecdote qui s’était déroulée quelques semaines plus tôt, alors que j’allais pour m’occuper des chiens d’un copain, dans une ville non loin de chez moi, deux véhicules de la gendarmerie sont devant moi, l’un tourna à droite et l’autre gauche. Mon chemin étant sur la droite, je m’engage donc à droite, et surprise les gendarmes sont là, ils m’attendent, contrôle et soufflage dans le « ballon », le test est négatif, mais entre-temps, le second véhicule nous a rejoint. D’où mon interrogation auprès du motard, c’est alors que celui-ci, dit qu’il lui semble me connaître, qu’il m’a déjà vu, etc., faisant partie de la brigade de Montmarault, là je sens l’embrouille et coupe court à son investigation, et lui fait part que ce n’est pas réciproque.
J’ai été escorté, tel un président, à la gendarmerie du bled. Dans l’attente qu’une dépanneuse vienne transporter ma voiture à la fourrière, les gendarmes m’invitent à un entretien sur les raisons de mon interpellation. Après le départ de la dépanneuse, une deuxième invitation m’est faite pour une perquisition à mon domicile, je fais donc le voyage avec un de leurs véhicules, mais pas en tant que conducteur, pendant ce déplacement non choisi, les gendarmes chouinent sur la vétusté de leur matériel en l’occurrence leur véhicule, ah ! La misère des services publics quand tu nous tiens.
Arrivé à mon domicile, étant parti comme un voleur, je n’avais pas pris le soin de ranger mon matériel de forfaiture. Un petit gramme de substance illicite était en évidence sur la table basse du salon. Ayant trouvé ce qu’ils cherchaient, la perquisition s’arrêta là. Mais pas les tracasseries.
Les convocations s’enchainèrent, toutes plus lointaines les unes que les autres. Car j’habite un village où les transports en commun, ne sont pas communs, la première boulangerie se situant à six kilomètres et pour ce qui est des services administratifs entre quinze et vingt kilomètres. Rappelez-vous, je n’ai plus de permis, le préfet de département dans une lettre pas très amicale, m’a fait part de sa décision de me sucrer mon permis de conduire pour une durée de quatre mois, ce qui va pas arranger ma recherche d’emplois, plus loin dans l’entretien vous en saurez un peu plus sur ce sujet.
Mais pour l’instant restons sur les démarches administratives et médicales qui ne vont pas manquées. Convocation à la gendarmerie où j’apprends de la bouche des pandores que la trace de ma garde à vue sur Paris lors d’un samedi festif avec les gilets jaunes est apparue dans leur fichier, alors que j’en suis sorti sans poursuite, j’en conclus que sur leur ordinateur, ils n’ont pas la touche supprime. Après sept jours, déplacement à la fourrière avec deux conducteurs.euses pour récupérer ma voiture, avec les premières dépenses, qui seront moins onéreuses que prévues, mais plus de 200 euros. Convocation auprès de la procureure, où là, il m’est indiqué que je n’ai pas le droit à un avocat pour m’assister lors de mon passage devant le juge. Je vous passe le mépris de ce personnage. Dans la foulée, citation à comparaître au tribunal, où les frais, entre amende et frais de justice, s’élèveront à près de 600 euros, 591 euros pour être exact, la greffière me fait remarquer que si je paie avant un mois, je peux profiter d’une réduction de 20 %, quand je lui demande si cela fait partie du Black Friday, je vois bien que l’humour est éloigné de l’administration judiciaire. Le coté médical maintenant, une visite médicale est prévue 10 jours après le jugement, ah oui ! j’oubliais, lors de mon passage auprès des institutions judiciaires, que je pourrais qualifiées d’abattage, car convoqué à 13h00, la séance commencera 15 minutes plus tard, dans la salle nous sommes 13 personnes convoquées, j’en sortirais une demi-heure plus tard, donc en moins d’une heure 13 personnes se verront sanctionnées sans possibilité de se défendre, et cela se répétera tout au long de la journée. Une autre chose, les frais de justice entre conduite en état d’ébriété et conduite sous l’emprise de matières illicites ne sont pas de même valeurs, 31 euros dans le premier cas et 291 euros dans le second cas. J’en conclus que nous devons protéger nos vignerons, mais aussi participer au déficit du commerce extérieur.
Je dois amener avec moi tout un tas de paperasses, que l’on doit se procurer sur internet et pour certains en faire des photocopies, mais quid, pour celles et ceux qui n’ont ni ordinateur et/ou photocopieur, sachant qu’elles/ils n’ont plus de permis de conduire, mais bon elles/ils n’avaient pas à fauter. Par ailleurs, il m’est demandé d’amener 2 fois 25 euros en espèces, car le paiement par carte ou chèque bancaires ne sont pas acceptés et pour bien marquer notre différence, cette dépense n’est pas prise en charge par la sécurité sociale, mais il n’est pas dit, si les 50 euros déboursés seront déclarés auprès de la recette fiscale. Le jour J, ce n’est pas un spécialiste, mais deux qui sont présents, un actif et l’autre non, le butin sera donc partagé entre les deux professionnels. Il m’avait prévenu qu’il ne mettait pas permis d’arrivée en retard sous peine d’annulation de la consultation et sans doute du pécule. Cette consultation devant durée 10 minutes, ben oui ! en tenant compte de l’abattage opérélors du jugement, cela doit se poursuivre côté médical, pour la paperasse pouvant poser problèmes à certain.e.s, je compris que si je ne les avais pas, cela n’aurait pas vraiment entravée la bonne marche de la justice médicale.
Courant du mois de septembre, je reçois une lettre de pôle emploi, pas celui de Montluçon, mais celui d’Andrézieux-Bouthéon près de Saint-Etienne à plus de 200 kilomètres. Cette missive m’indique que je dois sous quinzaine renvoyer les justificatifs de ma recherche d’emplois, sous peine d’une radiation et de la cessation de mes indemnités chômage et dans le cas où je serais bénéficiaire du RSA (Revenu Solidarité Active), mon dossier serait envoyé au président du conseil départemental en vue de la suspension de celui-ci.
C’est la première fois que je reçois ce genre de courrier, car je suis classé parmi les travailleurs précaires qui enquille, contrats CDD (Contrat à Durée Déterminée), missions d’intérim, contrats de réinsertion, etc. entrecoupés d’indemnisation chômage. Je suis en contacts répétés avec mon conseiller sur Montluçon, j’ai répondu à toutes les convocations et contacts proposés par pôle emploi.
Je réponds à ce courrier dans les temps impartis, en indiquant que je suis inscrit dans différentes sociétés d’intérim et que pendant la pandémie, les offres ne se sont pas bousculées dans le montluçonnais et alentours et de plus que je venais de perdre mon permis de conduire, habitant une localité sans moyens de transport et qu’une des intérims ayant appris cette perte de permis n’avait pas crue utile de poursuivre sa recherche de mission à mon encontre.
Avant la réception de la missive stéphanoise, je suis informé que je suis bénéficiaire de l’ASS (Allocation Solidarité Spécifique), pour six mois et dont le montant est 16.91 euros par jour, correspondant à un peu plus de 500 euros par mois.
Le 5 octobre, j’ai un rendez-vous téléphonique avec mon conseiller pôle emploi de Montluçon, où je lui fais part de la perte de mon permis. Comme c’est une personne que je connais depuis longtemps, et oui c’est l’avantage des petites villes, il compatit à mes tracas.
Mais, dans la première quinzaine d’octobre, je reçois une seconde lettre de pôle emploi de Saint- Etienne qui m’informe de ma radiation de demandeur d’emploi et la suspension de mes indemnités pour une durée d’un mois, du 18 octobre au 18 novembre. Et boum ! Prend ça dans les dents.
Oui, j’ai fait des recherches sur les articles mentionnés dans la lettre de résiliation. Dans ces articles les causes nécessaires à ma radiation ne correspondaient pas à ma situation.
J’ai donc décidé de retéléphoner à l’agence stéphanoise, car entre la réception de la première lettre et la seconde je mettais entretenu, par téléphone, avec le signataire de la lettre qui n’était autre que le directeur de l’agence, à la fin de l’entretien je me doutais qu’il y avait anguille sous roche, pour le second appel le ton de la discussion est vite monté dans les octaves, la personne me disant dans un premier temps qu’il n’avait pas reçu mon courrier justificatif de recherche d’emploi, suite à mon insistance le fameux document est réapparu sur leur radar. Mais peine perdue, la distance faisait que la disette allait m’assaillir pour deux mois, puisque ma radiation avec coupage des vivres était à cheval sur deux mois et quand le chef à parler !
J’ai pu contacter mon conseiller, qui m’a dit qu’il ne pouvait rien faire, car l’agence stéphanoise était toute puissante en radiation, que c’était sa spécialité. Je lui demandais, s’il avait été contacté par cette agence, une des clauses nécessaires à la radiation, sa réponse fut négative.
J’ai contacté par réseaux sociaux interposés, les copains de Saint-Etienne pour préparer une intervention sur l’agence de leur cité. Après plusieurs contacts, téléphones et adresses données, dont celles de Paris. L’action était repoussée au calandre grecque.
Je décidais de contacter, sur le montluçonnais les copains de la CNT-SO et la CGT où une de mes connaissances est le responsable des « chômeurs précaires » à la CGT. Premier appel, une secrétaire remplaçante, m’indique que je ne peux avoir personne car ils/elles sont tous en séminaire. Je lui demande le téléphone du responsable et là elle me dresse un tableau du camarade, comme quelqu’un de pas très fiable, sur qui il ne faut pas compter… La secrétaire me demande de rappeler la semaine suivante pour plus d’information. La CNT-SO montluçonnaise me répond en me donnant les coordonnées de CNT-SO de Poitiers qui pourront me fournir une lettre type d’opposition à la décision de radiation, lettre que j’enverrais mais après le délai de 10 jours autorisé, cette lettre deviendra de fait une lettre de demande gracieuse de surseoir à cette décision. Mais c’est toujours mieux que rien.
En début de semaine suivante, je rappelle le secrétariat de la CGT, ouf, la vraie secrétaire, Je raconte mon histoire pour la seconde fois et là surprise, toujours au sujet du camarade responsable, le discours enflammé, comme quoi, le camarade n’est pas fiable, vous vous rendez compte, il ne cherche pas de travail et patati et patata, des tirades sur les mérites du travail salarié et qu’il fallait que je trouve un job et si nécessaire en achetant une mobylette, voir y aller à vélo, elle est pas belle la vie, vue des instances des « partenaires sociaux ».
Déjà régler quelques comptes avec le secrétaire départemental de la CGT, qui est par ailleurs une de mes connaissances par des actions communes dans certaines entreprises. Que je comprends beaucoup plus avec mes péripéties, le pourquoi nous en sommes encore là, bien que je n’avais pas beaucoup d’illusions sur les instances montluçonnaises. Qu’il va falloir revoir notre façon d’appréhender la situation sociale avec un retour aux racines, qui n’est autre que la lutte des classes et non pas l’aménagement de notre exploitation.
Pour ce qui est du travail, va se poser de la vaccination qui est demandé, étant obligatoire, sur les annonces que j’ai pu consulter. Sans être anti-vaccin, je suis anti-passe, je trouve anormal qu’il n’y pas de solidarité entre les travailleurs à ce sujet. Alors que des exemples nous sont donnés en Guadeloupe et ailleurs.
Depuis, j’ai pu me réinscrire à pôle emploi, affaire à suivre, car je récupère mon permis que début janvier 2022…
Propos recueillis par l’OCL Moulins