CA 327 février 2023
mercredi 22 février 2023, par
La stratégie de la terre brûlée ne se refroidit pas malgré l’hiver
Nous parlerons ici uniquement du littoral de la Manche et de la Mer du Nord. Un plan grand froid existe sur le papier et il a été activé ces derniers jours mais il reste très ponctuel. En effet, plusieurs obstacles existent : le nombre de places est limité ; le timing entre l’annonce de la mise en place du plan et la prise en charge est court puisque les personnes n’ont qu’une heure pour rejoindre le bus les conduisant à l’hébergement ; la journée, les personnes restent dehors de 9h à 16h30, ce qui correspond aux horaires d’ouverture et de fermeture des centres d’accueil. De plus, les conditions climatiques n’ont pas mis de coup de frein aux différentes politiques « zéro campement » menées par l’État et des municipalités. Calais est l’exemple-type, les CRS y patrouillent sans cesse et évacuent un campement dans un délai de 48 heures, ce que permet la Loi. Pour dénoncer ces expulsions systématiques, une action a été menée le 18 décembre dernier à l’occasion de la journée internationale des migrant-es. Plusieurs dizaines de participant-es ont bloqué (voir photo) les véhicules d’une société en charge de nettoyer les lieux évacués – avec saisie des tentes et des affaires personnelles. Dans ce climat extrêmement dur physiquement et moralement, un jeune soudanais s’est suicidé le 3 janvier dernier. A Loon-Plage, près de Dunkerque, un campement a été expulsé le 7 décembre dernier et, depuis, la préfecture a fermé tous les accès à cet espace forestier. Les exilés se sont rassemblés le long d’une voie ferrée, dernier espace relativement sec, mais ça ne change rien aux températures glaciales. A Cherbourg, une clôture de 4 mètres de haut est en cours d’installation pour finir de bunkériser le terminal transmanche : il existe déjà une première clôture haute d’environ 3 mètres. La fin des travaux est prévue en mars et l’ensemble a été financé pour 3,2 millions d’euros par les Britanniques.
Source : PSM, plateforme des soutiens aux migrant-es du Nord de la France et du littoral de la Manche
En Bretagne, abandon d’un centre d’accueil face à l’extrême droite
Le conseil municipal du village de Callac (Côtes-d’Armor) avait voté un projet de centre d’accueil pour 7 familles de réfugiés. Cette décision s’inscrivait dans l’histoire longue de la commune car, après la guerre d’Espagne, des réfugiés espagnols républicains avaient été accueillis. Mais voilà, l’extrême droite qui ne se sent plus pisser depuis les dernières élections et par les débats nauséabonds qui circulent dans les médias (les chaînes Bolloré en tête : C8, Cnews) a organisé deux manifestations l’automne dernier. Face aux pressions, au clivage de la population et aux menaces de mort, la municipalité a dû faire marche arrière et abandonner le projet. Les contre-manifestations de soutien n’ont pas suffi.
Source : Ouest France, coordination sans papiers-ouest
OQTF pour des acteurs du film « Tirailleurs »
Avec en tête d’affiche l’acteur populaire Omar Sy, ce film retrace la mobilisation des colonisés d’Afrique subsaharienne pendant la 1ère guerre mondiale – ce que l’État français a appelé les tirailleurs sénégalais. Pendant la promotion du film, les grands médias se sont émus des attaques racistes subies par Omar Sy mais pas grand monde a évoqué un autre scandale : 4 jeunes figurants sont menacés d’expulsion. Vivant pour certains depuis 5 ans dans les Ardennes, ils sont originaires du Mali et de Côte d’Ivoire et viennent de recevoir une OQTF. C’est Darmanin qui va être content, lui qui veut une augmentation du taux de résolution de ces obligations de quitter le territoire dans le cadre de sa nouvelle loi Immigration. La loi doit être débattue à l’Assemblée nationale après le gros dossier de la réforme des retraites. Vivement un mouvement social fort pour dégager ces deux projets de loi à la fois.
source : Collectif ardennais pour la défense des jeunes majeurs étrangers (RESF)
L’appel d’air, c’est du vent !
Ce concept d’appel d’air est repris volontiers par le quidam un tantinet xénophobe qui dénonce des aides trop généreuses pour les personnes qui arrivent sur le territoire. Des chercheurs de l’institut Convergences Migrations - qui rassemble six cents chercheurs en sciences sociales – se sont penchés sur la question et viennent de publier leur conclusion qui va à l’encontre de ce préjugé. Au départ cantonné à l’extrême droite, le terme s’est généralisé dans les années 2000 lors des années Sarko et des polémiques notamment autour du camp de Sangatte, près de Calais. L’idée d’aide humanitaire inconditionnelle est depuis associée pour bon nombre de discours de droite et parfois de gauche à un « accueil débridé de toute la misère du monde » qu’il faudrait stopper. Or dans le travail de recherche cité ci-dessus, les facteurs dits « push » – c’est à dire les troubles politiques, économiques, sociaux ou religieux qui inSource : Ouest France, coordination sans papiers-ouestcitent les migrants à quitter leur pays – sont nettement plus puissants que les facteurs dits « pull » que sont une attractivité réelle ou fantasmée des pays de destination. Pour résumer, la qualité de l’accueil étatique pèse très peu dans le choix des migrants qui préfèrent choisir des destinations où une diaspora de leur communauté est présente et où il y a des possibilités d’emplois ou d’études. Dernier résultat paradoxal : la fermeté des politiques migratoires engendre l’effet inverse de celui escompté. En effet, quand il est de plus en plus difficile d’obtenir un visa, par exemple, les migrant-es renoncent à faire des aller-retours vers leur pays d’origine pour voir la famille ou re-tenter leur chance au pays.
Source : Le Monde
Les migrants sont exploités
C’est bon de le rappeler, car si « l’appel d’air » évoqué plus haut n’existe pas, l’exploitation par le travail est bien présente via des mafias capitalistes officielles ou officieuses. En Espagne, des réfugiés ukrainiens - en demande d’asile ou sans papiers - ont été réduits en esclavage dans un vaste réseau de trafic de tabac. Ils travaillaient dans des usines situées à Séville, Valence et Logrono. Ils étaient logés dans des préfabriqués avec interdiction formelle de sortir dehors pour ne pas éveiller les soupçons. Cela nourrissait un commerce parallèle et très lucratif de cigarettes qui concernait toute l’Espagne mais aussi les pays voisins ; 37 millions et demi d’euros ont été saisis. Au Royaume-Uni, c’est d’autres mafias qui ont profité d’une mesure gouvernementale qui vise à ne plus s’occuper des mineurs non-accompagnés (MNA). Normalement pris en charge dans des structures nationales, ceux-ci sont relégués dans des hôtels sans aide ni accompagnement. Selon la BBC, entre juillet 2021 et juin 2022, plus de 1 600 jeunes ont été ainsi placés aux quatre coins du pays. Du pain béni pour les réseaux en tout genre : drogue, fabrication, prostitution, etc. Ainsi à Brighton, dans le sud de l’Angleterre, 136 MNA ont été enlevés et 79 sont toujours introuvables. Enfin, il existe des mafias qui ont pignon sur rue - c’est l’exemple du BTP en France -, qui emploient allègrement des sans-papiers sur leurs chantiers. C’est surtout le cas en ce moment, avec les chantiers colossaux qui ont lieu à Paris et ailleurs pour les Jeux Olympiques, l’année prochaine. Parmi des milliers d’histoires, citons celle de Gaye Sarambounou, Malien qui fait des journées de 8 à 11 heures pour gagner 80 euros, les heures supplémentaires n’existant pas : « Si t’as pas de papiers, tu fais tout ce qui est difficile, toute la merde, t’as pas le choix ». Il loge dans une minuscule chambre qu’il partage avec quatre compatriotes et il est employé sous un « alias », c’est à dire avec un autre nom d’un proche qui a des papiers. C’est une pratique courante, tout le monde le sait, en premier lieu les employeurs qui en profitent. On est loin de l’exemplarité que veulent mettre en avant les organisateurs et la Solideo - société de livraison des ouvrages olympiques qui est l’établissement public chargé de la construction des sites.
Source : Infomigrants
Lutte dans les foyers de travailleurs migrants
On s’en fait l’écho régulièrement dans cette rubrique, les habitants des FTM surtout présents en région parisienne sont constamment menacés d’expulsion car le nombre de places diminue sous couvert de rénovation. A Boulogne-Billancourt, 3 bâtiments construits en 1974 avec le concours de la Régie Renault sont concernés. Avec 444 chambres individuelles ou partagées, ce n’est pas un palace mais, au fil du temps et des luttes pour bénéficier de ces logements bon marché, une solidarité s’est construite avec, par exemple, la mutualisation de la nourriture et la tenue d’un petit bar associatif. Mais les gestionnaires – Coallia, puis Adoma - ont laissé se dégrader les bâtiments et veulent supprimer l’entraide. En 2016 déjà, il y a eu une grève des loyers dans une résidence pour dénoncer le délabrement des locaux. Un incendie criminel s’est déclaré et a fait un mort. Depuis, c’est hyper tendu et Adoma veut faire le ménage et poursuit en justice 119 résidents. Ils sont menacés d’expulsion. Pour les soutenir, une manifestation a lieu le 2 février devant le foyer à Boulogne-Billancourt.
Source : COPAF, collectif pour l’avenir des foyers
Lutte aussi dans les CRA
Au centre de rétention du Mesnil-Amelot, en région parisienne, des détenues ont signé une pétition pour alerter sur la situation d’une femme d’une soixantaine d’années qui y est enfermée alors qu’elle devrait être hospitalisée. N’étant pas autonome, elle est pourtant laissée seule dans une cellule. Aussi, en ce début d’année, dans ce même secteur réservé aux femmes, une grève de la faim a éclaté pour dénoncer les agissements des gardes-chiourmes. Une fouille intégrale des cellules (par des hommes !) a été faite et les personnes sont changées de place pour casser les amitiés qui se lient. Les femmes dénoncent aussi les propos racistes des flics. Elles ont rédigé un communiqué, ont boycotté la cantine quelques jours et demandent un rendez-vous avec la direction.
Source : A bas les CRA