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Total - Yara - Cargill
L’industrie consomme l’eau comme s’il en pleuvait encore !

lundi 8 mai 2023, par Courant Alternatif


La construction des bassines a fait émerger la question de l’appropriation de l’eau par l’agro-industrie. Mais elle est aussi une question d’industrie tout court. Illustration à l’échelle de la communauté d’agglomérations de Saint-Nazaire, la CARENE.

Le bassin nazairien est riche d’eau  : la Loire et ses zones humides, le marais de Brière, des nappes phréatique et des pluies océaniques abondantes. Pourtant à l’été 2022, la sécheresse et les restrictions ont sévies.

La CARENE compte 10 communes et 127 000 habitants, qui consomment annuellement près de 6 millions de m3 d’eau potable, soit 47m3 par habitant. En regard de cette consommation domestique, une trentaine de gros industriels consomment pour leur part également 6 millions de m3 de cette même eau potable [1].

Le premier et plus gros consommateur se trouve être la raffinerie Total de Donges. L’autorisation préfectorale d’exploitation lui accorde une consommation annuelle de 4 millions de m3 pour le raffinage des différents carburants. La « raf » en utilise actuellement 3,8 millions.
La décarbonation des carburant fait que depuis 2018 Total projette deux nouvelles unités à Donges : l’une de désulfuration permettant de produire des produits moins soufré (projet horizon), et une unité de production d’hydrogène, le carburant de l’avenir (?), confiée à Air liquide.

Mais ce «  lessivage vert  » [2] à besoin d’eau  : cette modernisation «  durable  » nécessitera 533 000 m3 d’eau supplémentaire par an, et explosera le quota autorisé. La réponse de la Préfecture est toute trouvée, une augmentation de la consommation d’eau sera accordée dès la mise en place effective des nouvelles unités.

Total prétend réfléchir à des solutions incluant des eaux issues de stations d’épuration pour réduire le gaspillage d’eau potable, ce qui nécessitera plusieurs années. En attendant l’entreprise bénéficie d’un tarif préférentiel auprès de son fournisseur, la CARENE, qui pour satisafaire la mutinationale doit acheter de l’eau en Vilaine et à Nantes agglomération, pour ne pas épuiser ses ressources propres....

Autre gros consommateur local, l’usine Cargill de Saint-Nazaire, qui traite et raffine un tiers de la production française de tournesol, pour en faire de l’alimentation pour le bétail et de l’huile. 250 000 m3 d’eau nécessaire pour 250 000 tonnes d’huiles (2017). Cargill déclare que sa consommation aurait baissé de 20% depuis 2017, notamment en utilisant l’eau d’une station d’épuration interne qui recycle les effluves des différents traitements. Mais confesse le responsable du site «  l’investissement reste élevé par rapport au prix de l’eau qui reste bon marché aujourd’hui  ». Ces économies d’eau ne sont donc dictées que par la conscience vertueuse d’un industriel à haute responsabilité environnementale...

Mais Cargill est un petit joueur de l’agro alimentaire comparativement à YARA, dont l’usine de production d’engrais de Montoir est autorisée par arrêté préfectoral d’exploitation à consommer 1 million 250 mille m3 d’eau par an (2015). Le problème c’est que YARA en consomme bien davantage, sans jamais dire combien, et surtout rejette directement en Loire ses effluents pollués en azote et phosphore à des taux explosant toutes les normes en vigueur. L’affaire est connue, et l’Etat veille. Depuis 2019 l’entreprise est astreinte à des amendes de 150 euros par jours de dépassement pour ses rejets. Somme qui la fait d’autant plus rigoler qu’à ce jour elle n’a toujours pas versé un sous, utilisant tous les recours possibles.

Si l’on additionne les consommations de total, de Yara et de Cargill nous sommes déjà à 5,5 millions de m3 de consommations pour 6 millions annoncés  ! Faut-il croire que les 27 grosses boites restantes se partagent seulement 500 000 m3  ?

Donc pour préserver l’eau, n’oubliez pas de faire pipi sous la douche, c’est un peu comme pisser dans un violon  ! Pendant ce temps les industriels se gavent d’eau potable à petits prix, mais font des efforts pour améliorer tout ça. D’ici à ce qu’il y parviennent, pas sûr qu’il y ait encore de l’eau à couler sous les ponts.

Saint-Nazaire,
le 21 avril 2023.

Notes

[1Selon Ouest-France des 25/26 mars 2023. Chez moi on consomme moins de 30 m3 par tête, sans efforts particuliers, mais la moyenne nationale de la consommation domestique serait autour de 54m3 par personne...

[2Greenwashing dans le texte

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