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Édito 337

Dans quel état est le monde  ?

lundi 5 février 2024, par Courant Alternatif


Édito de Courant Alternatif n°337

Dans quel état est le monde  ?

Une guerre à l’est de l’Europe qui n’en finit pas entre la Russie qui agresse l’Ukraine, ce dernier État soutenu par une coalition occidentale sur-armée, guerre qui piège une population prise en otage par son dirigeant et le puissant lobby des armements. Une autre guerre qui, elle, ne se fait pas entre deux États mais qui est menée par un État sur-armé (Israël) soutenu par cette même coalition occidentale contre une population palestinienne démunie qui n’a que le désespoir de la résistance à opposer.

Et des guerres qui n’ont pas de nom et détruisent à coup de bombardements « ciblés » des pays non belligérants comme le Yémen, le Liban,… et constituent des ingérences mortelles totalement décomplexées de la part encore de cette coalition occidentale. En France où la politique atteint le niveau en dessous de 0° en accord avec les températures hivernales, ce sont les SDF qui vont mourir de dénuement dans un des pays les plus riches grâce entre autres à ces exportations d’armes.
 Et pendant ce temps, le président nous abreuve d’un discours fleuve au ton guerrier, devant une cour de journalistes bien sages qui ne poseront que des questions déjà briefées, en temps voulu.


Réarmement généralisé et régénérescence

Répétés jusqu’à l’écœurement, ces appels de Macron censés réaliser l’unité nationale,- "faire nation" comme il dit-, ne sont pas sans rappeler les accents pétainistes de "travail, famille, patrie". Ils s’adressent à une population française considérée comme menacée par "l’ensauvagement", "la décivilisation", "la dégénérescence", tous concepts d’extrême droite. Quand le président, lors du premier conseil des ministres de son gouvernement en partie remanié le 12 janvier, exhorte les membres de son équipe à être des « révolutionnaires », on n’est pas loin de l’idéologie de la Révolution nationale de Vichy. Un rêve d’autorité et d’ordre, avec le soutien des puissances financières (à condition que leur soient garanties leurs libertés de manœuvre) et de la police et de l’armée, qui resteront choyées, bien évidemment. 

Réarmement à toutes les sauces  : civique, moral, économique, démographique...

L’école étant "le cœur de la bataille" idéologique, il s’agit de "rebâtir la France" sur le socle des plus jeunes, avec pour armes la refonte des programmes et le doublement des horaires d’enseignement moral et civique civique au collège, l’apprentissage de la Marseillaise en primaire, la généralisation du SNU (service national universel) pour tous les élèves de seconde - avec l’espoir de faire naître des vocations militaires-, l’ instauration progressive de l’uniforme -ça évitera l’abaya-, le retour des cérémonies de remise de diplômes au collège, le rétablissement de l’autorité et de la discipline. Tout cela, dans le cadre d’une "France forte", d’un État fort destiné à instaurer un esprit d’obéissance aux règles, un respect absolu des normes... celles-ci, pour la plupart, ne visant qu’à perpétuer les inégalités et injustices inhérentes à l’organisation de la société de classes.

La militarisation de la jeunesse ne va pas sans le « réarmement militaire », qu’illustre la loi de programmation 2024-2030 augmentant le budget des Armées, tous les ans, de 3 à 4 milliards d’euros, soit 413 milliards de dépenses militaires sur la période. Des armes évidemment destinées à enrichir les industriels qui les fabriquent et à entretenir les guerres dans plusieurs régions du monde.

Il s’agit pour le gouvernement de revivifier le nationalisme, la "fierté française", comme si nous avions "un destin commun", riches et pauvres, exploiteurs et exploités, les mêmes intérêts à défendre. Le gouvernement compte bien que les JOP organisés à Paris (et un peu sur le territoire) – ainsi que la sainte cathédrale de Notre-Dame en partie reconstruite- contribueront à redresser l’image de la nation dans le monde, en produisant un élan d’attractivité de grande ampleur. Avec évidemment des espoirs d’enrichissement, des attentes d’accumulation du capital … et en oubliant les coûts économiques, sociaux et environnementaux de cette énorme machine.

Nationalisme encore.
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... quand Macron entonne les refrains natalistes du siècle dernier, sujet fétiche, là aussi, de l’extrême droite. Un appel à faire plus d’enfants, pourvu qu’iels soient français, et qu’il n’y ait pas recours à l’immigration pour éviter le déclin démographique  ; un projet martial de "réarmement démographique" qui se déploie sur le corps des femmes et contre leur autonomie.

Une société productiviste et/ou guerrière a besoin de bras pour faire tourner les usines au profit de la classe dominante…


Économie de guerre


Là encore la métaphore est belliqueuse. La direction est la même : augmentation salariale des fonctionnaires « au mérite », lutte contre les « normes inutiles » et pour l’innovation, éloge rendu à « la France des classes moyennes », industrie du nucléaire et de l’armement... Guerre aussi contre l’environnement, avec une politique destructrice de l’eau, la fabrication et le recours aux produits chimiques et dangereux ...

Quant à la guerre sociale, la guerre des riches contre les pauvres, du capitalisme contre les exploité.es, elle se poursuit et s’amplifie : chasse aux chômeurs, France du "travail", de "l’engagement" et du "mérite". L’objectif du "plein emploi", affiché pour 2027 et au nom de la valeur "travail", est utilisé comme un horizon pour assurer la répression sociale. Il s’agit là d’un prétexte pour faire des économies budgétaires en réduisant les dépenses sociales (est annoncé un nouveau tour de vis de 12 milliards d’euros), pour obliger des chômeur·ses à accepter des emplois extrêmement précaires, pénibles et mal payés, pour rassurer les marchés, soutenir les profits, réduire les droits des travailleur.ses et les discipliner.

Il est clair que la guerre sociale va s’intensifier, au service de la croissance et du profit, avec le soutien accru au capital au détriment du travail. « Notre administration ne doit pas être “face” aux entrepreneurs, elle doit être “avec” eux (…), elle doit se mettre à “leur” place » a déclaré le ministre, B. Le Maire. L’État est plus que jamais le bras armé du capital, son soutien le plus sûr.

Mécontentements et colères  : quelles luttes  ?

Mais ce monde d’en bas, contre vents et marées, continue de lutter, sans rien attendre des institutions syndicales censées les représenter. On observe des grèves, des manifs, des soutiens, des occupations et diverses formes de mobilisation locales, ponctuelles, pour dire non au projet d’exploitation, pour exiger une vie digne contre l’injustice sociale. A l’heure où nous écrivons, des barrages d’agriculteurs en colère se multiplient sur les grands axes routiers ; le gouvernement, très compréhensif car craignant des démonstrations de force qu’il juge insuffisamment contrôlées, a donné ordre aux préfets de « ne pas intervenir  », sauf en cas de danger pour la vie d’autrui. Dans le sud toulousain, le mouvement s’est déclaré en dehors du syndicat officiel (FNSEA) et il continue à douter de l’efficacité de ce syndicat pour résoudre les problèmes de survie des paysan·nes. Mouvement populaire s’il en est, venu de la base des exploité·es, leurs revendications interrogent le système d’achat et de distribution de leur production, les inégalités et injustices dont ils sont victimes et reçoit un large soutien de la population qui comprend d’autant plus leur colère qu’elle fait écho à leur, déjà exprimée par les Gilets Jaunes, par les manifs contre la réforme des retraites, contre la loi Travail, etc.

Mais que serait ce monde de riches, de puissants, d’actionnaires, sans toutes ces populations prolétarisées, ces émigré·es exploité·es, sans une jeunesse qui cherche une raison de mieux vivre  ? Avec quel argent les capitalistes pourraient-ils se goinfrer si production, reproduction, plus-values se tarissaient suite à une démission massive des véritables producteur·trices de richesses  ?

L’analyse des stratégies en œuvre pour développer leurs profits avec encore plus d’inégalités est une nécessité pour pouvoir « s’armer » intellectuellement et physiquement et mener sans relâche des résistances et des luttes à tous niveaux de la société. 
Si la « France » doit se réarmer, comme le claironne son vice-roi-président, ce sera un réarmement des luttes qui émergent contre l’exploitation, l’humiliation, l’ordre et ses violences.


CJ Sud-Ouest,
28 janvier 2024

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