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CA 338 mars 2024

Incendie dans un foyer à Montreuil

dimanche 17 mars 2024, par Courant Alternatif


Dimanche 28 janvier en fin d’après-midi, un incendie a éclaté au foyer Lenain de Tillemont dans le Haut Montreuil, quartier des Grands Pêchers, provoqué par le rechargement d’une trottinette électrique. C’est un foyer de travailleurs africains géré par l’ADEF. Les 3ème et 4ème étages d’un bâtiment ont entièrement brûlé. Un habitant a dû sauter par la fenêtre et est donc gravement blessé (un mois minimum d’hôpital annoncé). Alors que la police, et peut-être même déjà les pompiers, étaient sur place, ce blessé grave a dû être transporté aux urgences par un voisin du foyer dans sa propre voiture. Pas une ambulance pour lui.
La (non) prise en charge de cette situation est absolument scandaleuse. Entre 150 et 200 personnes se sont retrouvées à la rue, sans vêtements de rechange, sans papiers (qui avaient brûlé), sans rien à manger… La mairie ne s’est pas sentie concernée au prétexte de leur situation administrative. Une élue s’est déplacée semblerait-il, mais a trouvé qu’il n’y avait rien à faire. Normalement, dans toutes les communes, il y a un accueil d’urgence de prévu en cas de catastrophe. C’est un peu le minimum syndical des pouvoirs publics en matière de protection de la population. Mais à Montreuil, apparemment, les Africains non seulement ne sont pas des citoyens, mais ce ne sont même pas des usagers.
ADEF n’a proposé de relogement qu’aux 41 titulaires de bail présents sur place sur le moment, mais évidemment pas pour la nuit même. En état de sidération, dans un premier temps, les sinistrés ont voulu rester groupés et se sont rassemblés la journée du lendemain devant la mairie pour obtenir assistance. Sans aucune réponse. Tard dans la soirée, toujours sans réponse ni solution, ils ont envahi le cinéma municipal, seul espace ouvert. Ce dernier n’a pas appelé la police suite à l’intervention du député local LFI présent par hasard à un film débat. Le lendemain, la mairie ne les a toujours pas reçus. Des bénévoles et des cantines associatives leur ont offert à manger et des vêtements chauds, mais rien du côté des services sociaux ni même des grandes associations.
Le surlendemain, ils ont été manifester au siège d’ADEF à Ivry. Stupeur de la mairie d’Ivry, appelée au secours par la police débordée par les agriculteurs, quand elle a découvert la situation ! Elle les a hébergés et leur a offert des kits de toilettes pour deux nuits (je ne vous dis pas l’engueulade probable entre le maire, communiste, d’Ivry et le maire, communiste, de Montreuil…) et a tapé du poing sur la table. ADEF a subitement trouvé d’autres possibilités de relogement et s’est engagé à reloger y compris les sans-papiers ! Dans les foyers résident de nombreuses personnes qui n’ont pas de bail, soit parce qu’elles occupent le lit de quelqu’un d’absent sans que le gestionnaire n’aie fait le transfert de bail, soit parce qu’elles sont en plus. Ils ne sont donc pas tous sans-papiers. Il peut même y avoir des français qui n’ont jamais trouvé de logement.
Mais ADEF ne disposait pas des lits, et a donc sous-traité à d’autres gestionnaires. Il avait été convenu que chaque titulaire de ce nouveau bail (qui peut ne pas avoir été titulaire d’un bail dans le foyer) pourrait héberger un ou deux sans-papiers. Mais lorsqu’ils se sont présentés, les sans-papiers ont été refusés. Saluons le courage de ceux parmi les titulaires qui ont refusé leur bail dans ces conditions et préféré retourner à la rue.
La mairie de Montreuil n’accepte de parler qu’aux délégués du foyer qui se trouvent dans la partie non touchée par l’incendie, et refuse de recevoir des délégués des sinistrés. Elle a fait savoir par tous ses moyens de communication qu’elle s’était chargée de tout et qu’il n’y a pas de problème. Le seul problème serait celui de résidents qui auraient refusé leurs propositions ! Cette communication a évidemment empêché la solidarité de se manifester. Aucun service n’accepte de répondre aux sinistrés : ils ne sont soi-disant pas au courant.
Après toutes ces péripéties, les sinistrés se sont trouvés dispersés, ce qui rend l’organisation de la résistance encore plus difficile. Les soutiens font ce qu’ils peuvent, mais ils ne disposent ni de local ni de point public de rencontre. Difficile dans ces conditions de solliciter les solidarités individuelles. Des cantines tentent encore de suivre, mais les sinistrés eux-mêmes étant dispersés, et travaillant éventuellement, c’est compliqué.
On ignore le nombre effectif de personnes relogées. Les travaux de réhabilitation devraient durer un an. Cette histoire est donc loin d’être finie.
Evidemment, difficile de ne pas imaginer qu’en fait, en ces temps de rénovation-destruction des foyers (précisons que ce foyer-là n’est pas concerné par le plan en question) et de chasse aux pauvres accompagnant les J.O., les autorités ont pensé que 150 travailleurs africains en moins, c’est toujours ça de gagné…

Sylvie

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