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CA 338 mars 2024

Voyagez en train… Mais « Tenez-vous informés » !

lundi 18 mars 2024, par Courant Alternatif

La déstructuration de l’entité SNCF a des répercussions sur la façon dont sont traités les « usagers » lorsqu’il s’agit d’acheter un billet et, plus encore, de se le faire rembourser. Un témoignage concernant les lignes Limoges-Toulouse et Bordeaux-Marseille.


Certes, sur le réseau « non-TGV », on trouve tout comme sur les lignes TGV un-e « commandant de bord », un-e « barista » et un-e « agent de propreté », mais la comparaison entre la « qualité du service » proposée par la SNCF en général et par exemple celle qu’offre Air France s’arrête bien là. Les Intercités sont ainsi à l’abandon, en particulier leurs voitures-compartiments, qui souvent ne sont pas chauffées ou climatisées, et leurs W.-C., où l’eau, le savon et le PQ viennent souvent à manquer. Lorsque vous « bénéficiez » d’une carte de réduction et que vous voyagez dans un de ces trains, vous vous demandez forcément, à un moment ou un autre, si c’est elle qui vous vaut d’être aussi fréquemment placé-e dans les pires compartiments.
Mais la dégradation du « service » SNCF est plus visible encore concernant les voies ferrées. Leur absence d’entretien provoque ainsi nombre d’incendies en été. Et puis il y a les multiples « problèmes de signalisation », et autres « perturbations possibles… en raison de travaux sur la voie », qui vous vaudront d’arriver à destination avec plus ou moins de retard – surtout si vous avez une correspondance, car entre un TER et un Intercités celle-ci n’est pas automatiquement assurée.

Le piège de l'info « en temps réel »

Avant d’être monté-e « à bord » de ce TER ou de cet Intercités, vous aurez peut-être la joie d’être bombardé-e de SMS du type : « Le retard de votre train est maintenant estimé à… » Il n’est pas rare d’en recevoir cinq ou six à la suite, le « retard estimé » devenant un véritable accordéon sur lequel la SNCF joue sa partition de « grande communicante » à peu de frais.

En revanche quand, en consultant l’heure la nuit sur votre téléphone, vous y découvrez que votre train prévu dans la matinée a été supprimé, la compagnie « oublie » de vous indiquer les moyens de surmonter ce « désagrément » – que ce soit pour prendre un autre train ou pour vous faire rembourser votre billet.
Les retards et les suppressions de train sont devenus d’une si grande banalité que cela lui paraît peut-être une perte de temps de les évoquer ? Je peux pour ma part témoigner que, sur 10 trains pris récemment, deux ont circulé « normalement » : partis à l’heure et arrivés de même, incroyable ! Gardez à l’esprit un tel score, et vous aurez l’impression de vous en tirer à bon compte si, en accédant à un quai, vous recevez sur votre téléphone – encore lui – l’information suivante : « Votre train YZ pourrait être impacté par des travaux sur les voies. De ce fait, nous anticipons un allongement de temps de parcours estimé entre 5 et 15 minutes. » Si peu ? Bagatelle !
Mais d’autres messages sont beaucoup moins plaisants, quand ils vous apprennent peu avant le début de votre voyage : « Votre train XX est supprimé suite Défaillance de matériel » – variantes : « en raison de l’indisponibilité d’un matériel », « en raison d’un incident survenu lors de travaux en gare », ou mes préférés : « en raison de Conditions de départ non réunies » et « pour Réutilisation de matériel » (?).
Une « ALERTE liO Train SNCF » suivie de l’injonction « Tenez-vous informés » vous met au garde-à-vous devant votre téléphone – toujours lui – tandis que des pensées contradictoires vous agitent : « Je reste à faire le pied de grue devant le panneau d’affichage ou je vais boire un café ? Je filerais bien au bistro, mais si le train rattrapait un peu de son retard, et que du coup je le loupais ? » Parce que, si par bonheur c’était le cas… eh bien ce serait pour votre malheur : non seulement vous auriez loupé votre voyage, mais vous n’auriez droit à aucun dédommagement.

Quand l'exceptionnel devient de l'ordinaire

Mais consolez-vous : sur cette question du dédommagement, de toute façon, il est fort probable que vous n’aurez droit à rien… si vous vous êtes comporté-e comme un gagne-petit en achetant quelque billet « pas cher ».
Déjà, vous pourrez vous estimer heureux si la SNCF vous donne comme indication, en vous annonçant la suppression de votre train, qu’il vous faudra passer par votre « canal de vente habituel » (traduction : sur internet ou aux guichets) pour demander un dédommagement. Autrement, vous devrez aller à la pêche aux infos sur les forums d’internet pour savoir comment procéder afin de l’obtenir.

Ensuite, il vous faudra avoir quelques loisirs pour vous consacrer au remplissage du formulaire G30 (soit la « Garantie 30 Min »), car vous devrez passer par « TOUTOUI, le chatbot chargé de vous aider à déposer et suivre votre demande ou de vous orienter vers le bon service », et, sauf à vouloir recommencer plusieurs fois l’opération de zéro, vous aurez intérêt à vous être préalablement muni-e de TOUS les numéros de votre dossier. Votre dédommagement n’étant pas proposé « spontanément » par la SNCF, le document n’est bien sûr pas prérempli ; et par ailleurs la dissociation des sociétés TER et Intercités implique que vous présentiez autant de dossiers que votre billet comprend de portions de trajet.
Enfin, si vous avez réussi à envoyer votre demande, ne vous croyez pas au bout de vos peines.
Certes, « normalement » vous allez recevoir un accusé de réception, mais précisant : « En raison d’un flux important, le délai de traitement des réclamations risque d’être rallongé. Toutes nos équipes sont mobilisées pour vous répondre au plus vite. » Variante éventuelle : « Le temps de traitement de votre demande G30 peut être momentanément allongé du fait de difficultés techniques. » Toutefois la SNCF vous remerciera « par avance de [v]otre compréhension » – car nous n’avons aucune raison de nous comporter autrement à son égard, bien sûr… et nous ne pourrions de toute façon le faire, en l’absence d’un interlocuteur.
Quelques jours après, vous recevrez peut-être aussi : « Nous souhaitons vous informer que nous sommes toujours en cours de traitement de votre demande. »
Egalement possible – et surtout fréquent : « A la suite du retard subi au cours de votre voyage, vous nous avez adressé votre billet pour demander une compensation financière. Avant toute chose, nous souhaitons vous faire part des regrets de SNCF Voyageurs pour ce retard et les désagréments qu’il a pu vous causer. Après analyse de votre dossier, nous ne pouvons cependant répondre de manière positive à votre attente. Le montant de la compensation calculé étant inférieur à 4 euros. » En effet, sachez-le, la SNCF ne rembourse pas les personnes qui n’ont pas payé… assez cher. C’est dans ses CGV (conditions générales de vente), écrit en corps 4 je suppose, et la loupe n’est pas fournie.
Ou alors tombera ce genre de verdict en chinois : « Je ne peux malheureusement pas répondre favorablement à votre demande. Le jour de votre voyage, le report sur un autre train a été possible pour pallier l’absence de votre train. Le voyage ayant été effectué, le remboursement n’est pas possible. » Là, les bras vous tomberont aussi parce que vous vous souviendrez soudain de ce qui s’est passé ce jour-là : pour arriver à prendre un train deux heures AVANT celui que vous aviez choisi, vous avez été obligé-e de faire une demi-heure de queue à l’extérieur de la gare, en plein hiver, afin d’accéder aux guichets – au risque donc de louper ce nouveau train que vous n’aviez pas choisi de prendre ; puis vous avez dû racheter en catastrophe un billet couvrant la TOTALITÉ de votre trajet, parce que le TER que vous deviez prendre d’abord avait été remplacé par un bus qui mettait deux fois plus de temps et ne vous permettait donc pas d’attraper l’Intercités prévu pour finir votre voyage.

Le rappel de ce bon moment vous incite à contester avec indignation la réponse de la SNCF et à reformuler votre demande de remboursement ? Pas de problème : la SNCF vous redemande juste TOUS les détails pour réétudier votre cas… puis – c’est du vécu – elle vous annonce que vous allez recevoir « un bon exceptionnel de 1 EURO (…) dans un second mail, dans un délai de 24 h - 48 h ».
Vous protestez de nouveau tandis que se forme dans votre crâne une bulle pleine d’« Ectoplasme ! Bachi-bouzouk ! » et force têtes de mort, façon capitaine Haddock, et vous qualifiez son « geste commercial » d’aumône ? Eh bien, vous avez tout faux parce que vous n’aviez qu’à pas choisir ce trajet pour miséreux, un point c’est tout : par mesure de représailles face à votre manque de bienveillance à son égard sans doute, la SNCF désactive aussitôt le « 1 euro » qu’elle vous avait si généreusement octroyé…

Cependant, si vous voulez poursuivre ces fructueux échanges avec son personnel, l’« enquête de satisfaction » que vous recevrez sûrement par mail dans la foulée vous en donnera l’occasion : « Vous avez cinq minutes ? Dites-nous tout. Votre avis compte pour nous. Comment s’est passé votre voyage à bord du train UV ? »

V

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