Accueil > Courant Alternatif > 340 mai 2024 > Numérique, crétinisation, COP 28 et voiture autonome : vertement écolo

CA 340 mai 2024

Numérique, crétinisation, COP 28 et voiture autonome : vertement écolo

jeudi 23 mai 2024, par Courant Alternatif


Numérique partout… crétinisation et dépossession itou !

C’est Libé qui nous l’apprend (1) : les applis de randonnée pour téléphones dits intelligents se multiplient au point que la Fédération Française de Randonnée Pédestre s’y est mise car « cela a décomplexé le recours à la carte... ». C’est sûr, ne plus avoir besoin de savoir lire une carte est un grand progrès pour l’humanité : plus besoin de comprendre ces courbes de niveau qui symbolisent les pentes, plus besoin de repérer le nord, bref le bonheur parfait et une « connexion » (à double sens) maximale à la nature… sauf en cas de panne de couverture réseau. Alors là… vaudra mieux avoir et savoir lire une carte.

Autre gadget promis à un avenir radieux (?) : la gourde connectée    en métal (pour les vrais écolos conscients des enjeux climatiques et du cycle de vie des produits) d’HidrateSpark PRO STEEL qui vous signale en clignotant quand boire car elle « calcule et ajuste votre objectif d’hydratation personnalisé en fonction de votre corps et de votre niveau d’activité. Le capteur intégré à la gourde mesure la quantité d’eau que vous buvez... et l’enregistre ensuite dans l’application installée sur votre iPhone... ». Et, si vous êtes soucieux de votre santé quotidienne pour être toujours plus performant, la gourde peut se connecter avec l’application santé d’Apple qui- tout en siphonnant vos données pour les revendre - vous proposera de précieux conseils pour maximiser votre capital santé.

Ensuite d’éthiques start-up pourront vous proposer un monde toujours plus connecté, doté d’applis toujours plus à prêtes à répondre aux désirs que ces boîtes auront su créer.    Que pour faire tourner ce merdier, il faille toujours plus d’énergie, de serveurs, de puces, de batteries à lithium, d’usines, de matériaux et d’eau potable n’est jamais à l’ordre du jour. Mettre entre les pattes des capitalistes et idéologues du numérique la capacité de se repérer dans l’espace ou l’acte biologique basique de boire (pardon s’hydrater) quand on a soif c’est, par fascination technologue, aliénation consumériste, conformisme, paresse (l’animal humain comme tous les animaux est partisan du moindre effort), accepter d’être dépossédé un peu plus de son autonomie pour mieux gaver le capitalisme.

Léger retour de flammes sur la COP 28 de Dubaï

Y’en a qui aiment cracher dans la soupe… Voyez Valérie Delmotte-Masson membre du GIEC, ce GIEC qui a complaisamment accepté que la COP 28 se déroule dans la pétro-dictature émiratie (en attendant que la n° 29 se déroule à Bakou en Azerbaïdjan capitale d’une autocratie qui carbure à donf’ au pétrole). Sultan Al-Jaber, s’est félicité d’« un plan d’action solide pour maintenir l’objectif [de limitation du réchauffement climatique] de 1,5 °C à portée de main ». Pour Valérie « cet accord n’a rien « d’historique »(2). Pour elle « il faudrait une très forte baisse des émissions de gaz à effet de serre entre 2019 et 2030 (- 43 %) et des émissions mondiales de CO2 réduites à zéro vers 2050 pour limiter le réchauffement à près de 1,5 °C. »

Or, les engagements pris à Dubaï, permettraient au mieux une baisse « de l’ordre de 2 à 5 % », soit 10 à 20 fois moins que l’objectif prévu. Le texte final passe donc « sous silence ces implications de long terme ». Le « fonds de pertes et préjudices » destiné aux pays les plus pauvres et impactés par la réchauffement « n’est abondé … qu’à 700 millions de dollars » alors qu’il faudrait « 100 milliards par an » d’ici 2030. Et les échanges de crédits carbone qui devraient associer « à chaque tonne de gaz à effet de serre émise un financement des pertes et dommages » ne sont même pas évoqués. Champagne au gaz à effet de serre pour tout ce beau monde, et caviar de cailloux pour les autres.

Pourquoi tant de haies ?

Les haies ne sont pas une formation végétale naturelle, car la nature a horreur de la ligne droite et préfère les courbes, l’irrégularité et la sinuosité. Les haies anciennes sont les créations artificielles des paysans destinées à délimiter des parcelles, empêcher la divagation des troupeaux, protéger les chemins et les cultures du vent ou encore limiter l’érosion des terres arables. Les haies étaient aussi, à l’origine, pourvoyeuses de biens : fruits sauvages (mûres, noisettes, voire fruits d’arbres fruitiers) ou bois de chauffage à l’origine de la taille « en têtard » des arbres... »(3). Purement utilitaires donc, elles ont donné ces paysages de bocages qui ont été massivement détruits à partir des années 50 au nom du remembrement, préalable à la rationalisation, la mécanisation et l’industrialisation agricole. 70 % ont donc disparu et on continue d’« en arracher 24 000 kms par an depuis 2017 » (4).

Les agriculteurs ne sont pas les seuls responsables de leur disparition :conseils départementaux et services de l’État en charge de l’entretien des routes, SNCF mais aussi les installateurs de la fibre optique arrachent ou taillent à qui mieux, mieux cette végétation proliférante et anarchique.
Les haies favorisent une vie sauvage souvent utile pour les cultures : oiseaux insectivores, insectes pollinisateurs. Elle jouent aussi un rôle de corridor écologique permettant les déplacements des animaux et le brassage génétique du vivant qu’elle hébergent. Sans oublier le « bien-être des animaux domestiques en leur offrant un repos ombragé... » Leur arrachage favorise les risques de crues et d’inondations et détruit leur capacité à stocker l’eau utile en périodes de sécheresse.
Leur absence « favorise l’érosion des sols » dont les particules « augmentent la turbidité [la quantité de matière solide en suspension dans l’eau] des rivières    et c’est tout un écosystème    qui a besoin de lumière qui va en souffrir. Les dépôts de sédiments colmatent aussi les espaces entre les cailloux, qui servent de frayères pour les poissons. » Sans oublier les produits chimiques de l’agro-industrie qui ne sont plus retenus et vont pourrir encore plus les milieux aquatiques.

Théoriquement, les haies sont protégées et les agriculteurs reçoivent des subventions pour en planter. Mais tout cela ne fonctionne pas très bien et de nombreux agriculteurs (mais pas tous heureusement) se plaignent de la difficulté de faire circuler leurs super tracteurs pour lesquels ils se sont endettés, alors qu’elle occupent de l’espace au détriment de leurs productions agricoles. Autre plainte récurrente leur coût et le temps passé à les tailler. Alors que pour avoir une belle haie, il faut lui foutre la paix. Mais là on touche quelque chose de très profond chez une majorité d’agriculteurs : la haie c’est du désordre, c’est pas productif et elle les emmerde. Ceci rejoint une peur plus globale analysée, il y a déjà longtemps par François Terrasson, « la peur de la nature », peur que l’on combat en artificialisant en contrôlant à mort, le vivant et le sauvage.

Pourtant, même les technocrates et autres empoisonneurs du ministère de l’Agriculture ont promu    le « pacte en faveur de la haie » de 2023 doté de « 110 millions d’euros… pour développer et entretenir les haies et l’objectif est de donner la même somme les années suivantes. L’enjeu étant de planter 50 000 km de haies d’ici à 2030 ». Car « la préservation des haies anciennes est donc une urgence, au nom de la sauvegarde d’un patrimoine historique, culturel et naturel inestimable, non seulement compatible mais vital pour l’agriculture du 21ème siècle. » Hélas, suite au récent mouvement des agriculteurs le syndicat du crime organisé qu’est la FNSEA est passé par là et les les haies, ces pouilleuses empêcheuses de produire toujours plus, vont à nouveau pouvoir être massivement détruites.

En passant, un court extrait d’une vieille chanson (1977) de Gilles Servat qui n’a pas pris une ride :
« Mais pourquoi tant d’acharnement / À vouloir que tout on arrache / Mais pourquoi tant d’acharnement / À vouloir que tout on arrache / Est-ce que c’est pour le rendement / Ou pour que personne ne s’y cache. Refrain : Et l’eau s’enfuit, s’enfuit, s’enfuit / Dans les prairies, l’herbe était si belle / Et l’eau s’enfuit, s’enfuit, s’enfuit / J’entends taper le seau sur le fond du puits »(5)

Voiture autonome, clap de fin ?

Le projet « Titan » d’Apple devait révolutionner la conduite automobile électrique en supprimant volant, pédales afin de laisser toute la conduite à des super IA d’enfer qui laisseraient le passager libre de consommer musique et films, d’acheter de superbes objets inutiles, de travailler pour son patron (l’automobile était le seul lieu où un salarié ne pouvait pas charbonner), sur des routes truffées de capteurs assurant des trajets parfaitement sûrs. C’était la promesse d’un avenir radieux. Saint Macron nous l’avait dit en 2020 « n’ayez pas peur ». Mais patatras, Apple vient d’annoncer la fin de ce beau roman, de cette belle histoire après 10 ans d’expérimentation, des milliards de dollars dépensés et des centaines de licenciements à la clé (6).

Car, les fabuleuses voitures totalement autonomes expérimentées dans les rues américaines ont passé leur temps à écraser des piétons (pour préserver les passagers ?) ou percuter « un camion de pompiers… toutes sirènes hurlantes ». Quelques constructeurs s’acharnent encore : Honda, Mercedes, Xaomi (téléphones) pendant qu’Elon Musk se moque des déboires d’Apple. Pourtant ses voitures en mode autonome ont tendance à quitter la route en tuant leurs passagers    comme au Texas en avril 2021.

Et, le créneau de la voiture électrique commence à avoir des soucis variés. Premièrement, son juteux business sur les crédits carbone s’est effrité. Depuis 2019, Stellantis (Peugeot, Fiat, Chrysler…) qui fabriquait principalement des véhicules thermiques très polluants, rachetait les « droits à polluer » et les crédits carbone de Tesla (très importants chez Tesla car l’électrique, c’est décarboné comme chacun le sait) pour ne pas être soumise à d’importantes amendes (on parle de 2 milliards par an).    La magie de la finance verte a ainsi    permis à Tesla d’être bénéficiaire en 2021 « avec un bénéfice net de 438 millions de dollars et 500 millions de dollars de recettes liées aux crédits carbone, Tesla aurait terminé dans le rouge de 62 millions de dollars s’il n’avait pas trouvé des clients pour vendre ses crédits carbone. (8) » Tout cela vient de se terminer. De plus les ventes baissent depuis que les primes d’État diminuent et la concurrence chinoise est féroce. Enfin, les contestations contre sa giga-factory allemande sont impressionnantes : manifs contre son extension (occupation de sites), sabotage de son alimentation électrique(7) revendiqué par le « Vulkan gruppe » pour qui    Tesla « mange de la terre, des ressources, des hommes, de la main d’œuvre et crache pour cela 6.000 SUV, machines à tuer et monster trucks par semaine ».    Résultat : la production a été stoppée du 5 au 13 mars et Tesla affirme avoir perdu plusieurs centaines de millions d’euros. Snif. Heureusement, le milliardaire transhumaniste aux onze enfants a trouvé la parade : 10 % des effectifs seront licenciés soit 14 000 salariés.

Ne jamais se fier à des macronistes, jamais, jamais…

Nous allons vous narrer la triste histoire d’une loi voulue par des sénateurs Modem. Ces alliés culs-bénis de la Macronie avaient décidé de limiter l’engrillagement massif des forêts privées en Sologne. Cette fermeture appelée aussi « solognisation » résultait de la volonté des proprios de défendre leur sacro-sainte propriété privée contre les gueux et d’éviter que leur précieux gibier s’échappe car la chasse c’est sacré et c’est un sacré business dans la région. Cet engrillagement avait quelques défauts, « il piège [tue] les animaux sauvages et fait s’effondrer la biodiversité »(9). Il rendait aussi difficile, voire impossible l’intervention des pompiers en cas d’incendie en forêt.
La loi de février 2023 impose donc la réduction des grillages qui doivent être plus bas pour permettre à la faune de se déplacer. Wunderbar. Mais, pour rallier leurs électeurs - les humanistes propriétaires terriens – à cette loi, les élus ont voté un article stipulant « que le simple fait de se promener dans une propriété rurale ou forestière était puni d’une contravention de 4ème classe soit 135 € d’amende... ». Pour interdire la promenade, un simple panneau suffit. Cette disposition instaure « une inégalité face à la loi entre chasseurs et non-chasseurs. Les chasseurs ont, eux, « le droit de pénétrer dans quasiment toutes les propriétés sans jamais être inquiétés, à partir du moment où ils poursuivent un animal mortellement blessé. (10) » . Comme 75 % des forêts sont privées en France la machine à contraventions pour défendre la propriété privée et l’appropriation va se mettre à taper vite et dur !

Deux exemples. Deux marquis. Deux crevures. Le premier possède 700 ha sur la commune de Villeneuve-Loubet (le tiers de la surface de la commune et 90 % des espaces naturels). Il « a mis en faction des garde-chasse privés » pour en interdire l’accès. Le second possède 750 ha en Chartreuse : interdiction d’y circuler alors que sa « propriété » fait partie de la réserve naturelle de Haute Chartreuse. Des centaines de manifestants on dénoncé « l’accaparement du milieu naturel par quelques personnes pour des objectifs financiers, au détriment du reste de la population »(11). Deux députés écolos ont voulu faire abroger cet article de loi en faisant valoir que depuis l’Ancien Régime « prévalait une »zone grise » donnant à chacun libre accès à la nature... ». Leur proposition de loi a été présentée en commission : LR, RN, et macronistes ont rejeté cette initiative digne des partageux de 1848. Comme ceux-ci furent impitoyablement massacrés par le parti de l’ordre en 1851 on pourrait penser que Macron Imperator, le duc de Bayrou, le vicomte de Ciotti et la baronne Le Pen préparent le retour à la monarchie ou du Second Empire… Mais gare à la revanche, quand tous les pauvres s’y mettront.

Freux et Eugene the Jeep

Notes :

1. Applis, GPS… Les randonneurs en connexion avec la nature.F. Bardou. Libération du 02/10/2022
2. Valérie Masson-Delmotte et Sonia Seneviratne : « La faiblesse des engagements de la COP28 implique la poursuite du réchauffement au-delà de 1,5 °C ». Valérie Masson-Delmotte, Sonia Seneviratne. Le Monde du 29/12/2023 
3. Planter une nouvelle haie ne compense pas la destruction d’une haie ancienne. G. Decoq, Arnaud Mouly et al. The Conversation du 13/03/2024
4. Rendez-nous les haies. Antonio Fischetti. Charlie Hebdo du 28/02/2024
5. Madame la Colline. Gilles Servat. Chanson extraite de l’album « Chanter, la vie, l’amour et la mort ». 1977
6. La voiture autonome fait plouf. J-L Porquet. Le Canard enchaîné du 06/03/2024
7. Allemagne : Un incendie volontaire met à l’arrêt la seule usine de Tesla en Europe. 20 minutes du 05/03/2024
8. Tesla vient de perdre un client français pour ses crédits carbone. Presse Citron du 05/05/2021
9. Interdiction de forêt. J-L Porquet. Le Canard enchaîné du 10/04/2024
10. La limitation de l’engrillagement dans les espaces naturels actée. Lucile Bonnin. Maire info du 27/01/2023
11.Chartreuse : un marquis privatise la montagne, les randonneurs s’insurgent. Raphaëlle Lavorel. Reporterre du 16/10/2023

Répondre à cet article


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette