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CA 340 mai 2024

Auchan, vignerons d’Épernay, Yara :
chroniques de la lutte des classes

Insubordination salariale 340

lundi 27 mai 2024, par Courant Alternatif


FRANCE

Sur le site de Barat-Sofanor à Crespin , équipementier, sous-traitant d’Alstom, une trentaine de salariés – sur les 70 environ que compte l’entreprise – ont cessé le travail en soutien à deux de leurs collègues sous le coup de licenciements jugés « abusifs ». Pour la CGT : « On a démonté tous ces arguments sans queue ni tête face à la direction. Rien ne justifiait ce licenciement et pourtant… » Un autre salarié serait aussi visé par une procédure similaire. « On va aller aux prud’hommes, c’est certain. Mais ce qu’on veut surtout, c’est la réintégration des collègues. »    La mobilisation se poursuivra « autant de temps qu’il le faudra ».

Après l’annonce de la fermeture de RDM à Blendecques, Xavier Bertrand, président de la Région Hauts-de-France, a demandé qu’une table ronde soit mise en place par l’État, avec les élus du territoire, la direction et les représentants du personnel pour travailler à un projet de reprise du site.    Bertrand Petit, député, en a fait autant. De même que Cathy Apourceau-Poly, sénatrice communiste du Pas-de-Calais. Pour l’instant, cette table ronde n’a pas encore été installée. L’activité continuait au sein de RDM Blendecques, mais a minima. Depuis que l’annonce de la fermeture est tombée, la production est arrêtée.

Musique et pétards en guise d’ambiance devant les grilles du Millenium d’Épernay (Marne). C’est ici qu’une trentaine de personnes, notamment des ouvriers viticoles, s’est rassemblée le 11 avril au matin, alors que se tenait dans la salle, la réunion annuelle du syndicat général des vignerons de Champagne. Les manifestants voulaient se faire entendre pour dénoncer les excès de certains de leurs employeurs et réclamer des salaires plus élevés. Ils ont insisté sur leurs conditions de travail, notamment pendant les vendanges, rappelant que l’an dernier, quatre personnes étaient mortes dans les vignes. Autre aspect relevé aussi : les conditions d’hébergement pendant les vendanges.

Vignerons à Épernay


Environ 70 personnes à Auxerre ont répondu à l’appel national lancé par la CGT le 4 avril. Un mouvement destiné à dénoncer les conditions de travail des travailleurs sociaux et le manque de moyens pour la protection de l’enfance, en particulier dans l’Yonne. 
"Actuellement, il y a dix enfants dans l’Yonne qui font l’objet d’une mesure de placement, qui sont en danger chez eux et pour lesquels il n’y a pas de place d’accueil", déplore une cadre à la protection de l’enfance au Conseil Départemental de l’Yonne. Elle estime que les équipes sont en souffrance : "les professionnels s’épuisent et perdent le sens de ce qu’ils doivent faire. Le sens de notre métier, c’est de protéger les enfants et les familles, alors quand les moyens ne sont pas là, ils ont le sentiment de ne plus savoir pourquoi ils font ce métier." Un chiffre pour illustrer le manque de moyens dans la protection de l’enfance : en dix ans, l’Yonne a perdu 100 assistantes familiales (en passant de 350 à 250), l’année dernière il y a eu seulement neuf recrues.

Après plus de 40 jours de conflit au sein de l’entreprise Vedettes Tropicales, salariés, syndicat, direction de l’entreprise et représentants de Martinique Transport ont enfin signé un accord.
Les liaisons maritimes entre Fort-de-France, les Trois îlets et Case-Pilote ont pu reprendre le 8 avril au matin. Les salariés ont reçu l’engagement de percevoir les primes réclamées depuis 2016.
"Ce combat est exemplaire pour tous les salariés de Martinique", a souligné le secrétaire de la CGTM.

Le directeur de la rédaction du quotidien régional « La Provence » a été mis à pied et convoqué pour un entretien préalable à son licenciement le 22 mars, en raison d’une Une parue la veille sur la visite d’Emmanuel Macron à Marseille et l’opération "place nette XXL" : celle-ci avait été jugée "ambiguë" par la direction du journal. Emoi au sein de la rédaction : les salariés du journal ont voté, à une très large majorité, dans la journée, une grève illimitée, affirmant qu’aucune faute déontologique n’avait été commise et réclamant la réintégration immédiate du directeur de la rédaction. Les syndicats de La Provence soupçonnent aussi de possibles pressions de la part de l’actionnaire principal, l’armateur CMA CGM Rodolphe Saadé, la Une du vendredi 22 affichant par ailleurs des mots d’excuse de la part du directeur de la publication.

Après la grève illimitée votée par les journalistes de La Provence, la rédaction de La Tribune, également propriété de l’armateur CMA CGM, s’est prononcée à son tour pour une grève le 26 mars. La rédaction de La Tribune-La Tribune Dimanche a, comme celle de La Provence, adopté une motion de défiance. Les sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV et RMC et les syndicats SNJ, CGT et SNME-CFDT d’Altice Media ont dénoncé, dans un communiqué commun, les "décisions scandaleuses" prises à La Provence et réaffirmé "leur attachement indéfectible à l’indépendance des rédactions de tous pouvoirs, et à la liberté éditoriale". Les signataires ont rappelé "les engagements de pluralisme, d’indépendance et d’éthique journalistiques" annoncés par l’actionnaire CMA CGM. Les organisations ont appelé à un "rassemblement symbolique" des rédactions à Paris et en régions le 25 mars au matin pour défendre la liberté d’informer. À la suite de cette fronde des journalistes, la direction du quotidien régional a annoncé la réintégration du directeur de rédaction et son retour aux fonctions dès le lundi 25. A noter aussi qu’après la crise intervenue au quotidien La Provence, près de soixante-dix sociétés de journalistes, médias, syndicats et collectifs ont appelé, dans une tribune parue dans Le Monde du 26 mars, la ministre de la culture à soutenir la proposition de loi transpartisane visant à protéger la liberté éditoriale des médias.

Jamais Auchan n’avait affronté une telle mobilisation de ses salariés ! Le 29 mars, c’était le 3ème jour de grève depuis le début du mois de mars. Ce conflit social, par le niveau de mobilisation est inédit. C’est la première fois que le mouvement est suivi par les quatre syndicats de l’entreprise (CGT, CFDT, FO et CFTC).    Plusieurs magasins et entrepôts de la région Hauts-de-France étaient perturbés. "Quasiment tous les magasins du Nord sont concernés : les hypermarchés de Roncq, Faches-Thumesnil, Dunkerque, Calais, Boulogne, Petite-Forêt, Louvroil. Et aussi des entrepôts perturbés comme Lesquin ou Amiens", déclare la CDFT. Dans le Nord, les grévistes ont manifesté au magasin Auchan le plus grand de la région, à Roncq. Les salariés ont déambulé dans les rayons devant des clients médusés. La prime trimestrielle est passé de 700€ l’an passé à 200€ cette année". La rémunération sous forme d’actionnariat s’est également effondrée : elle représentait jusqu’à 1 mois de salaire il y a quelques années, ce n’est plus que 17€. Les salariés critiquent aussi sévèrement les orientations de la direction, les choix stratégiques notamment l’investissement massif dans des caisses automatiques qualifiées de passoires : les vols sont plus nombreux qu’avant, cela représenterait plus d’un million d’euros depuis le début de l’année dans cet hypermarché.

Greve Auchan à Noyelles

La mobilisation a été bien suivie à Pérols dans l’Hérault où la clientèle a été plutôt réceptive aux revendications des salariés. A Tours Nord, on comptait une centaine de grévistes. La négociation annuelle obligatoire sur les salaires n’a pas satisfait les syndicats. La direction, dans un communiqué, précise avoir proposé 1,5% d’augmentation pour les employés et +1,2% pour les cadres. Les syndicats réclament, eux, 5% d’augmentation cette année : "Nous demandons que les salariés pauvres ne soient pas encore plus pauvres en 2024 quand on sait que la richesse des Mulliez, ce sont les salariés d’Auchan qui l’ont faite". S’ils ne sont pas entendus, les syndicats n’excluent pas "un acte 4" plus fort. Un autre point, très controversé, c’est le futur accord temps de travail proposé par la direction. Un accord qui prévoirait entre autres, d’obliger les salariés à travailler certains week-ends, dimanches matins et jours fériés selon les syndicats.

Un barbecue pour mettre la pression ! Alors qu’environ 350 salariés de Veuve Clicquot sont en grève depuis cinq semaines, une nouvelle action a eu lieu le 28 mars devant le siège social de la maison de champagne à Reims. Les syndicats veulent maintenir la pression sur la direction pour obtenir une revalorisation des salaires de 4,9%. L’intersyndicale a appelé, à cette occasion, toutes les maisons de champagne à les soutenir.
"17 millions de bénéfice net chez Veuve Clicquot en 2023. On ne demande pas grand-chose mais on demande notre dû, c’est-à-dire 200 euros par an pour être au niveau de l’inflation", explique le délégué CGT.

C’est la suite d’un combat entamé il y a plusieurs années mais sans doute pas la fin. 200 anciens marins de la compagnie transmanche SeaFrance viennent de recevoir une somme de 5 000 euros en moyenne. Lors de la dernière vague de licenciements en 2012, ils n’avaient pas perçu l’intégralité de leurs indemnités. La SNCF, propriétaire de la compagnie calaisienne, avait fini par les payer mais avec plusieurs années de retard. C’est ce retard qui est aujourd’hui compensé, à hauteur d’un million d’euros."12 ans c’est trop long, certains sont peut-être décédés aujourd’hui", déplore un ex-salarié. 
Le dossier SeaFrance n’est pas encore refermé car une autre procédure judiciaire est en cours. Il s’agit, cette fois, d’obtenir des indemnités pour 60 anciens salariés, notamment des officiers, pour un montant de 2,5 millions d’euros,

Une cinquantaine de manifestants sont venus le 12 avril devant le conseil départemental à Avignon, pour protester contre la fermeture du laboratoire départemental d’analyse du Vaucluse. Celui-ci se charge des contrôles sanitaires dans les cantines scolaires, les élevages, l’industrie agro-alimentaire. Le conseil départemental a annoncé aux salariés et aux prestataires vouloir fermer ce laboratoire en septembre 2024, en promettant aux agents territoriaux du laboratoire un reclassement. Face à cette fermeture annoncée, laissant 25 salariés sur le carreau, la CGT monte au créneau et critique la Présidente du département. Mais le syndicat n’est pas seul : il est rejoint par la Confédération Paysanne. Le syndicat agricole critique la perte d’un service de proximité pour les éleveurs. "On a des contrôles obligatoires, que ce soit pour les œufs ou pour ceux qui font de l’élevage bovin, de chèvres etc. On nous a dit de nous tourner vers des laboratoires privés, mais ils sont loin, cela coûtera plus cher, sans parler des frais de port pour envoyer les analyses..."
Le laboratoire d’analyse départemental sert aussi à expertiser les dépouilles d’animaux pour vérifier la présence de maladie dans les élevages. « On ne va pas non plus aller jusqu’à Marseille avec un animal mort dans la voiture" ajoute une éleveuse, "tout le monde est perdant".

Des palettes, deux grandes banderoles et des tracts : des salariés de Brico Privé se sont à nouveau mobilisés le 10 avril pour protester contre les 174 licenciements annoncés dans cette entreprise spécialisée dans la vente en ligne de matériels de bricolage crée en 2012 à Toulouse. Les entrées et les sorties de camions ont été bloquées à l’entrepôt situé à Castelnau-d’Estrétefonds avant un nouveau Comité social et économique (CSE) qui doit se tenir pour discuter du plan de sauvegarde de l’emploi, quatre ans seulement après le rachat de l’enseigne par le groupe les Mousquetaires. L’hypothèse d’un éventuel repreneur rend la situation encore plus confuse pour les salariés de Brico Privé.    Ils n’y croient pas et se préparent à un licenciement prévu en juillet prochain au beau milieu de l’été. La priorité pour les représentants CSE et les salariés, c’est donc de négocier les conditions et les indemnités de départ. Avec un objectif minimum : obtenir un congé de reclassement de 12 mois. "On veut juste partir dignement,", précise un salarié, depuis 8 ans chez Brico Privé, qui a connu les grandes heures de l’entreprise toulousaine quand elle a été élue start-up de l’année…

YARA Montoir de Bretagne

Après des années de sous-investissement, de mises en demeure régulières pour des rejets hors-normes dans la Loire et dans les airs (sans jamais se mettre aux normes), des pannes, et des grèves pour dénoncer des conditions de travail de plus en plus dangereuses du fait de la non-conformité d’installations obsolètes, la multinationale norvégienne Yara avait annoncé, début novembre 2023, la fermeture de son usine de fabrication d’engrais de Montoir-de-Bretagne pour en faire un simple point logistique de stockage des engrais chimiques… avec au passage le licenciement « économique » de 139 salariés sur 171.
Les salariés ont proposé un plan B le 15 mars à la direction du site. 
Les syndicats ont travaillé avec les experts du cabinet Secafi pour mettre au point un plan alternatif présentant le double avantage de maintenir les emplois et de fabriquer des fertilisants moins polluants. Ce plan sous-entend de fait quelques investissements pour remettre aux normes et réhabiliter l’usine pour en faire un site « exemplaire » en terme de sécurité et de respect des normes environnementales.

Concrètement, les salariés ont eu dans l’idée de reprendre toutes les grandes promesses non tenues de l’industriel : sécuriser la salle de contrôles, installer des filtres pour traiter les poussières de nitrates de la tour de prilling (ce qui s’est fait dans l’usine de Ravenne en Italie assure un délégué CGT) et enfin mettre au point une usine de microalgues , des algues chargées de « manger » les polluants émis par l’usine. Ces algues deviendraient à leur tour des fertilisants. Le plan est évalué à 80 millions d’euros. « Autant, sinon moins, que le démantèlement de l’usine de production et la création d’une immense zone de stockage. Même la direction est d’accord avec nos chiffres » ajoute la déléguée CFDT. Malgré cela, la direction a refusé.
Et puis, coup de théâtre : fin mars, une panne de courant sur le site classé « Seveso » aurait pu avoir de graves conséquences ! Pourquoi le groupe électrogène de l’usine de fabrication d’engrais n’a pas fonctionné comme il aurait dû ?... Les cuves d’ammoniac sont montées en pression le 29 mars. Sans les salariés encore sur le site et les pompiers, c’était la catastrophe assurée.
Le Bureau d’Enquêtes et d’Analyses est saisie et le 11 avril, la commission de suivi du site s’est réunie de manière exceptionnelle à la mairie de Montoir. Pour la première fois, le risque d’explosion a été clairement exprimé.
Même si l’usine doit fermer, le sous-préfet de Saint-Nazaire a annoncé qu’une nouvelle astreinte financière de 360 000 euros allait tomber, ainsi qu’un nouvel arrêté préfectoral pour que Yara vide ses cuves d’ammoniac dans les règles, pour que l’industriel se mette aux normes sécuritaires également. Il a confié aussi que le ministre de l’Industrie était en train d’étudier sérieusement la question. Et si les salariés reprenaient les usines en main ? 


INTERNATIONAL

En Grèce, les employés des plates-formes téléphoniques se mobilisent contre leur précarisation. Le 13 mars, les salariés des quatre grandes plates-formes téléphoniques de Grèce (Teleperformance, Webhelp, TTEC et Foundever) étaient appelés pour la troisième fois depuis février à se mobiliser pour réclamer des augmentations de salaires, la réintroduction des conventions collectives (supprimées en Grèce pendant la crise financière de 2010-2018) et une généralisation des CDI alors que la règle dans ces entreprises est la multiplication des CDD.
L’augmentation des salaires, qui sont inchangés depuis 2010 alors que la Grèce était frappée par des mesures d’austérité imposées par les créanciers du pays (Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international), est plus que nécessaire. Le salaire moyen dans l’entreprise est d’à peu près 850 euros net, et 30 % des employés touchent 780 euros.    En 2022, l’inflation en Grèce a atteint presque 10 %    et se situait encore à 3,7 % en décembre 2023.
Teleperformance n’a cessé de grandir en Grèce. En 2018, elle comptait environ 7 000 salariés. Désormais, elle est le quatrième plus grand employeur en Grèce avec plus de 12 000 employés, dont 45 % qui viennent de l’étranger. L’entreprise recrute ces dernières années dans les pays du Maghreb pour les sections en français et en arabe. Après avoir embauché les candidats qui ont passé des tests à distance, l’entreprise prend tout en charge et délivre aux nouvelles recrues un visa spécial leur permettant de travailler uniquement dans les centres téléphoniques. Les travailleurs nord-africains se retrouvent souvent pris en otages, car ils ne peuvent pas partir chercher du travail ailleurs de peur de perdre leurs papiers pour rester légalement en Grèce.
Entre 2022 et 2024, le salaire minimum mensuel en Grèce est passé de 713 euros brut à 780 euros. Mais, pour éviter que le salaire augmente trop, l’entreprise augmente le salaire de base, comme le requiert la loi, tout en diminuant la partie de notre rémunération liée à la maîtrise des langues étrangères .

ALLEMAGNE


Le temps des grèves ferroviaires s’achève Outre-Rhin. La compagnie des chemins de fer allemande Deutsche Bahn et le syndicat des conducteurs de trains ont trouvé un accord sur leurs négociations salariales a annoncé le syndicat GDL lundi 25 mars.
Depuis novembre 2023, les conducteurs allemands avaient fait grève pendant plusieurs jours d’affilée. Outre des augmentations de salaire, le syndicat GDL demandait une semaine de travail réduite à 35 heures pour les travailleurs en horaires décalés, sans diminution de revenu. L’une des dernières offres de la Deutsche Bahn prévoyait notamment jusqu’à 13% d’augmentation de salaire, ainsi que la possibilité de réduire la semaine de travail à 37 heures à partir de 2026.

Sauf indication contraire, sources : Voix du Nord, France Bleu, Le Monde.

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