CA 346 janvier 2025
Insubordination salariale 346
mercredi 29 janvier 2025, par
Lundi 14 octobre, le patron du constructeur automobile franco-italo-américain Stellantis, Carlos Tavares, a fait savoir qu’il n’excluait pas des fermetures d’usines dans les prochains mois, invoquant la concurrence chinoise dans un contexte de transition vers le tout-électrique. Suite à cette déclaration, des centaines de salariés de Stellantis, Renault et de leurs sous-traitants ont répondu à l’appel de la branche métallurgie de la CGT et manifesté jeudi 17 octobre devant le Salon de l’auto à Paris pour dénoncer l’accélération de la casse sociale dans le secteur. Outre les suppressions d’emplois, les syndicalistes dénoncent aussi la délocalisation de la production.
Depuis la fusion entre Peugeot-Citroën et Fiat Chrysler en 2021, les effectifs de Stellantis en Italie ont été réduits de plus de 10 000 personnes, à environ 40 000. En France aussi, dans les usines de Poissy, Douvrin, Caen, les jours de chômage partiel se sont multipliés depuis le début de l’année avec le ralentissement du marché automobile. Selon les syndicats, qui ont appelé à une grève dans l’ensemble du secteur automobile, les employés de Stellantis et de ses fournisseurs étaient 20 000 à battre le pavé pour réclamer des garanties sur l’emploi et la production de nouveaux modèles le vendredi 18 octobre en Italie.
La direction de Stellantis a indiqué le 26 novembre qu’aucune fermeture d’usine n’était prévue à court terme en France, et a réaffirmé son engagement "à maintenir une activité industrielle dans ses usines françaises jusqu’en 2027", a souligné le syndicat CFE-CGC à l’issue d’un comité paritaire sur la stratégie du groupe, qui concerne les activités des trois prochaines années. A Poissy (Yvelines), les SUV DS3 Crossback et Opel Mokka restent produits et n’en sont qu’à la "moitié de leur carrière", a indiqué une source au sein du groupe. Avec un nouveau cycle de 4 ans, cela pourrait laisser espérer une activité jusqu’en 2029. Les salariés du site de Douvrin (Pas-de-Calais), qui fabrique des moteurs thermiques et dont le sort inquiète, seront transférés progressivement vers l’usine de batteries voisine d’ACC, la co-entreprise de Stellantis. La candidature de 50 salariés n’a pas été retenue chez ACC mais Stellantis s’est engagée à leur trouver une solution. L’usine anglaise Vauxhall de Luton employant plus de 1 100 personnes, qui fabrique des utilitaires, dont la production sera reprise par l’usine française de Hordain (Nord) va fermer.
En avril 2023, le constructeur automobile lance un important plan de suppressions de postes aux Etats-Unis et au Canada. Ainsi, aux Etats-Unis, des départs volontaires seront proposés à 33 500 salariés.
Débarqué avant la fin de son mandat, le directeur général du groupe Stellantis, Carlos Tavares, démissionne « avec effet immédiat » de son poste le 1er décembre, a annoncé l’entreprise dans un communiqué. Carlos Tavares ne partira pas les mains vides. Déjà auréolé d’un salaire délirant à 36,5 millions d’euros pour l’année 2023, le puissant patron de l’automobile devrait en plus empocher « quelques dizaines de millions d’euros ».
Le groupe Volkswagen a lancé le 25 septembre 2024, sous les sifflets de milliers de salariés, des négociations cruciales pour l’avenir du premier constructeur européen qui menace de fermer trois usines en Allemagne, du jamais-vu dans l’histoire du groupe. Plus de 3 000 manifestants venus de différentes usines du pays, selon le puissant syndicat IG Metall, se sont rassemblés devant le centre de conférence où ont débuté les discussions sur un plan d’économies sans précédent. Les représentants des salariés, qui disposent d’un pouvoir de co-décision sur la stratégie de l’entreprise se sont engagés à combattre ces plans, menaçant de grèves qui pourraient paralyser le plus gros employeur industriel d’Allemagne. Le premier groupe automobile européen a dévoilé un plan de réduction de 10 % des salaires et une révision du système de primes qui lui permettraient de réaliser une partie des milliards d’économies visés pour redresser sa compétitivité. Le groupe Volkswagen emploie plus de 680 000 personnes dans le monde, dont environ 120 000 pour la marque principale VW en Allemagne. Trois séances de négociations entre direction et syndicat ont eu lieu, sans résultat. Les salariés de Volkswagen ont donné le 2 décembre le coup d’envoi des grèves dans les usines du groupe en Allemagne pour s’opposer aux milliers de suppressions d’emplois envisagées, avec le risque d’un conflit social majeur en pleine campagne électorale. "Vous voulez la guerre, nous sommes prêts", affiche une banderole dans la foule de salariés en grève devant l’usine de Hanovre. Des arrêts de travail ont lieu dans tout le pays. Les deux parties doivent se retrouver le 9 décembre à Wolfsburg pour un quatrième tour des négociations.
L’équipementier automobile allemand Schaeffler a annoncé la suppression de 4 700 emplois en Europe ainsi que la fermeture de deux sites, un nouvel exemple des difficultés du secteur confronté à des plans sociaux en cascade. Cette annonce intervient un mois après sa fusion avec l’équipementier Vitesco, fabricant de transmissions, dont Schaeffler avait prévenu qu’elle entraînerait des suppressions d’emplois. Ce plan d’économies correspond à 3 % de la masse salariale du groupe, qui emploie 120 000 personnes depuis la fusion.
Le leader mondial des équipementiers automobiles Bosch vient d’annoncer un nouveau plan de réduction des effectifs, un plan qui devrait impacter quelque 5 500 emplois dans le monde. L’essentiel des suppressions devrait toucher l’Allemagne avec 3 850 emplois concernés, notamment dans les usines de Hildesheim (nord) et Schwäbisch Gmünd (sud). Ces coupes visent principalement la division automobile, qui génère près des deux tiers du chiffre d’affaires du groupe. Après avoir supprimé environ 7 000 postes ces derniers mois, notamment dans sa division automobile, le groupe Bosch explique dans un communiqué que la production mondiale de voitures stagne autour de 93 millions d’unités.
L’usine de La Suze-sur-Sarthe (72) de Valeo était dans le collimateur de la direction. Les salarié.es de l’usine ont manifesté le 23octobre puis ont démarré la grève le 28, pour des réponses précises et une prime immédiate. La réponse est tombée le 27 novembre avec l’annonce de Valéo de la fermeture de 2 sites (La Suze-sur-Sarthe et La Verrière (78)) et 694 départs contraints et 174 départs volontaires. Selon le syndicat Force ouvrière (FO), le total serait en fait de 1 282 suppressions de postes, sur 13 500 salariés en France, si les salariés refusent leur transfert et si l’on prend aussi en compte des postes vacants supprimés. Le groupe Valeo, spécialisé dans les systèmes électroniques et d’éclairage, avait déjà annoncé en janvier qu’il envisageait de supprimer 1 150 postes dans le monde, dont 235 en France, principalement dans des fonctions d’encadrement, sur 109 900 salariés dans le monde.
Les salariés ont bien coché dans leur agenda la date du mercredi 11 décembre où débuteront, sur le site de Valeo Reims, les négociations avec la direction et où devraient être connus précisément les postes menacés. D’ici là, aucune action concrète n’est prévue par les syndicats.
À l’aube du XXIe siècle, le site rémois spécialisé dans les systèmes électroniques et d’éclairage comptait près de 2 000 salariés. Dix fois plus que ceux qui devraient subsister d’ici quelques mois. Une majeure partie des salariés titulaires, 90 % d’entre eux d’après l’intersyndicale, débrayait fin octobre pour s’opposer aux nouvelles conditions de travail mises en place par la direction. Outre leurs huit heures de travail effectif par jour, ces salariés de l’équipementier automobile doivent effectuer des heures supplémentaires tous les jours, même sur leur jour de repos du lundi et pendant le week-end pour certains. Il leur a aussi été demandé de travailler les 1er et 11 novembre, jours fériés. Pour compenser, les grévistes souhaitaient une prime de 150 euros par mois jusqu’à la fin de cette période d’efforts et une prime de 500 euros en fin d’année. Cet allongement du temps de travail aurait été mis en place à la suite d’un problème de pièces défectueuses, qui pourraient présenter un risque auprès des constructeurs automobiles.
Alors que 398 salariés et ex-salariés rémois de Valeo espéraient que leur exposition à l’amiante sur leur lieu de travail entre 1960 et 1997 soit enfin reconnue, le conseil des prud’hommes de Rambouillet en a récemment décidé autrement. Il a été considéré que la reconnaissance du préjudice d’anxiété demandée par les plaignants ne pouvait être actée, car ils ont engagé leur procédure judiciaire après le délai de prescription qu’ils devaient respecter. Les intéressés contestent et comptent faire appel de cette décision.
Walor, qui appartient depuis fin 2023 au groupe allemand Mutares, a repris en novembre 2018 les ex-Ateliers des Janves à Bogny-sur-Meuse et AMI à Vouziers, alors en dépôt de bilan. Moins d’un an après le rachat du fabricant de pièces automobiles par le fonds d’investissement allemand Mutares, les dirigeants demandent l’ouverture d’un plan de sauvegarde pour le site de Bogny-sur-Meuse (Ardennes) qui compte 127 salariés, et le placement en redressement judiciaire pour l’unité de Vouziers (Ardennes) et ses 90 employés. Face à l’avenir incertain de l’usine métallurgique Walor, dont deux des sites sont dans les Ardennes, à Vouziers et Bogny-sur-Meuse, des salariés sont entrés en grève le 4 avril. La grève n’a pas été suivie par la CGT.
Forgex, spécialiste français de la forge, implanté à Monthermé, propose de racheter Walor, et prévoit de conserver 83 salariés sur les 198 en poste. Le ton est monté à l’usine Walor de Bogny où une partie du personnel a débrayé pour protester contre les propositions de la direction dans le cadre du plan de licenciement qui accompagne la reprise de la société par le groupe Forgex. 101 seront finalement conservés, 97 verront leur poste supprimé dans les jours à venir. Initialement, deux postes sur trois devaient sauter, ce sera finalement un sur deux. Le 25 novembre, le tribunal de Sedan a acté le rachat des deux sites de Vouziers et Bogny-sur-Meuse par Forgex. les deux usines sont cédées à l’euro symbolique, ce que les mandataires judiciaires retenus pour Vouziers ont trouvé « choquant ».
« La direction propose 2 500 € de prime supra légale et 1 500 € d’accompagnement aux salariés licenciés, très loin de nos revendications », explique le délégué syndical CGT de Walor Bogny. La direction a proposé « un montant global de 805 000 euros, soit 7 000 euros par salarié. C’est très loin des attentes, c’est une proposition indigne », estime le délégué syndical CGT de Walor Bogny. Les syndicats demandent 18 mois de salaire et 2 000 euros par année d’ancienneté.
À l’annonce de la cession, les salariés de l’usine de Bogny-sur-Meuse ont reconduit la grève. Ils se réunissent tous les jours afin de faire le point sur le plan de sauvegarde de l’emploi proposé par Walor et décider des actions à mener. « On ne lâchera pas, on ne peut plus reculer, on ne veut pas des queues de cerise qui nous sont proposée ».
Le 5 novembre, l’annonce de la fermeture des usines de Michelin de Vannes (qui compte 299 salariés) et Cholet (qui emploie 955 salariés) a provoqué une onde de choc sur ces deux sites de production employant plus de 1 200 salariés. Au lendemain de ce coup de massue, les travailleurs de l’entreprise dans le Maine-et-Loire ont décidé de poursuivre le 6 novembre leur mouvement de protestation contre cette décision, et d’organiser une manifestation à Cholet.
Des centaines de milliers de salariés dans toute l’Allemagne ont participé à des grèves d’avertissement au cours des dernières semaines. IG Metall avait initialement demandé une augmentation de salaire de 7 % sur une période de douze mois, ainsi qu’une plus grande flexibilité en termes d’horaires de travail. Le nouvel accord conclu par le syndicat IG Metall, stipule que les salaires seront augmentés en deux étapes d’un total de 5,1 %, ainsi qu’une augmentation permanente de l’indemnité supplémentaire convenue collectivement. L’augmentation salariale finale sera donc de 5,5 %, l’accord ayant une durée de 25 mois. 3,9 millions de salariés d’entreprises telles que Mercedes-Benz, BMW, Siemens et ThyssenKrupp sont concernés par l’accord.
Sources : Médiapart, la presse régionale, la CGT