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CA 337 février 2024

Big Brother 337

samedi 24 février 2024, par Courant Alternatif


« SISPoPP », un nouveau fichier judiciaire inquiétant

Début mai, Médiapart révélait que certains tribunaux judiciaires avaient constitué des fichiers sauvages de personnes placées en garde à vue après avoir été interpellées lors des grandes manifestations contre la réforme des retraites. L’un de ces fichiers a été déclaré illégal par le tribunal administratif de Lille, qui a ordonné sa destruction le 19 mai.
Mais dans le même temps, le ministère de la justice travaillait à la mise en place d’un nouvel outil plus perfectionné qui commence à être mis en œuvre, et inquiète encore plus les défenseurs des libertés. Il s’agit du « système informatisé de suivi de politiques pénales prioritaires » (SISPoPP). Un traitement automatisé de données à caractère personnel, dont plusieurs organisations demandent d’ores et déjà l’interdiction. C’est ainsi que le Syndicat de la magistrature (SM), le Syndicat des avocats de France (SAF), la Ligue des droits de l’Homme (LDH), la CGT, Solidaires, La Quadrature du Net et SOS Homophobie ont, le 11 décembre, déposé une requête au Conseil d’État contre le décret autorisant ce fichier.
Déjà lancé dans quelques tribunaux, ce fichier informatique doit être progressivement mis en œuvre dans chaque tribunal judiciaire et au sein de chaque cour d’appel. Il est censé permettre aux magistrat·es de différents pôles de partager les données, et d’éviter le travail en silo (fonctionnement cloisonné où les services travaillent de manière isolée sans interactions entre eux ni partage d’informations).
Mais ce fichier pourrait comporter des informations très personnelles, en fonction de la nature des infractions. Selon les cas, des « données relatives aux opinions politiques », « données relatives à l’appartenance syndicale », « données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique », « données relatives aux convictions religieuses », « données de santé », « données révélant l’origine raciale ou ethnique » et « données génétiques et biométriques » pourraient être compilées, selon les annexes du décret du 10 octobre autorisant le SISPoPP.
Pour les organisations qui demandent son annulation, ce fichier géant ne présente pas de garanties de confidentialité suffisantes, sans parler de la liste impressionnante des personnes pouvant y avoir accès.
A noter que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a donné son feu vert au projet car elle semblait être rassurée par le fait que le fichier serait renseigné et contrôlé par des magistrat·es ! A suivre la décision du Conseil d’Etat.
Source : médiapart.fr

En prévision des JO, la SNCF a testé des algorithmes de vidéosurveillance

L’ensemble des voyageurs et voyageuses est soumis au regard des 70 000 caméras installées par la SNCF en France : 17 000 dans les gares et 45 000 embarquées dans les trains.
Lors des Jeux olympiques, en plus du regard de ces yeux numériques, les citoyen·nes fréquentant les halls des gares pourront être soumis·es à des algorithmes de vidéosurveillance. La loi « Jeux olympiques » du 19 mai 2023 a fixé un cadre à l’expérimentation de ces logiciels jusque-là illégaux. Jusqu’en mars 2025, lors d’événements sportifs et culturels – dont les JO –, la police, la gendarmerie, mais aussi les services de sécurité de la SNCF peuvent coupler ces Intelligences Artificielles aux caméras pour identifier la présence d’objets abandonnés, un mouvement de foule ou le port d’une arme.
Des systèmes que le groupe ferroviaire connaît bien. En effet, il a déjà testé entre 2017 et 2021, avec l’accord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), 19 logiciels de vidéosurveillance algorithmique en conditions réelles sur les citoyen·nes fréquentant ses gares. Des projets menés avec les plus grandes multinationales du secteur comme Thales et Atos, les PME françaises Aquilae et XXII ou les sociétés étrangères Anyvision et Briefcam. Sur ces dix-neuf tests, dix ont obtenu un niveau de performance jugé inférieur à 50 % par la SNCF.
Initialement, la SNCF a même voulu, pour identifier les comportements, tester une technologie illégale, la reconnaissance faciale. Mais elle n’a pas obtenu de dérogation de la Cnil, qui a rappelé le côté intrusif de cette technologie biométrique. Désireuse de mener son projet à bien, la SNCF s’est donc tournée vers le logiciel de vidéosurveillance algorithmique d’Anyvision (firme israélienne), car il n’examine pas, selon elle, une donnée biométrique – le visage d’un individu – mais d’autres caractéristiques parait-il non biométriques comme la démarche ou la tenue vestimentaire !
D’ailleurs, d’après Amnesty International, « il y a un vrai débat sur le caractère biométrique ou non de ces technologies de vidéosurveillance algorithmique. Une démarche ou un vêtement est un élément qui permet d’identifier concrètement quelqu’un. C’est donc une donnée biométrique. »
Le nom du partenaire choisi interroge également. La société Anyvision est connue pour ses liens avec le monde militaire israélien. En 2020, son président est Amir Kain, ancien chef du département de la sécurité au ministère israélien de la défense. Tamir Pardo, l’un de ses conseillers, est un ancien chef du Mossad, l’agence de renseignement israélienne. La même année, Microsoft a même décidé de revendre ses parts dans la société, à la suite de la publication d’une enquête de NBC News qui pointe le rôle de l’entreprise dans un programme de surveillance en Cisjordanie. Mais qui n’a pas dissuadé la SNCF de mener une expérimentation avec l’entreprise. En 2017, la SNCF a testé un logiciel d’aide à l’investigation d’une autre firme née en Israël, Briefcam. Il y a quelques semaines, le tribunal administratif de Caen a estimé que le recours à ce logiciel par la communauté de communes de Deauville « portait une atteinte grave et manifestement illégale au respect de la vie privée », selon les termes de la décision. La même année, la SNCF a également testé une solution de détection « d’anormalités » du géant français Thales. Un logiciel à l’usage flou, dont les algorithmes, couplés à des caméras de vidéosurveillance, pourraient détecter des citoyens et citoyennes adoptant des « comportements dangereux » dans les gares. Interrogé sur la nature de ces comportements, Thales refuse d’entrer dans le détail, par souci de confidentialité…
« Ces outils dont le rôle et l’usage sont définis par des termes flous sont particulièrement dangereux », réagit Noémie Levain, juriste au sein de l’association de défense des libertés numériques La Quadrature du Net. Cela signifie que la SNCF délègue la définition d’un comportement anormal d’un citoyen en gare à un algorithme, qui plus est développé par des sociétés pour la plupart issues de l’industrie militaire, dont la définition de la sécurité est nécessairement subjective, politique et repose sur la base d’une vision répressive et discriminante. »
Depuis juillet 2022, la Cnil s’inquiète des conséquences potentielles du développement massif des outils de vidéosurveillance algorithmique. « Une généralisation non maîtrisée de ces dispositifs, par nature intrusifs, conduirait à un risque de surveillance et d’analyse généralisées dans l’espace public susceptibles de modifier, en réaction, les comportements des personnes circulant dans la rue ou se rendant dans des magasins », note l’autorité administrative.
Pourtant quelques semaines après la publication des interrogations de la Cnil, dans la nuit du 20 au 21 octobre 2022, la SNCF a mené trois nouvelles expérimentations de vidéosurveillance algorithmique. L’une avait vocation à identifier l’entrée à contresens d’un individu ou son franchissement d’une zone interdite, la seconde une personne se mettant au sol et la dernière le port d’une arme.
Néanmoins, à ce jour, nous pouvons affirmer que cette vidéosurveillance algorithmique, dangereuse en soi, n’a pas prouvé une quelconque efficacité excepté le comptage d’un flux de personnes ou le repérage d’un individu dans une zone interdite.
Source : médiapart.fr

Le livret A ne financera pas, pour l'instant, l'industrie militaire

Dans un communiqué de presse, le Conseil Constitutionnel a estimé que l’affectation de l’épargne réglementée (Livret A, LDDS...) au financement de l’industrie de défense n’avait pas sa place dans une loi de finances, sans exclure pour autant l’adoption d’une telle mesure dans un autre texte. « La censure de ces différentes dispositions ne préjuge pas de la conformité de leur contenu aux autres exigences constitutionnelles. Il est loisible au législateur, s’il le juge utile, d’adopter à nouveau de telles mesures » par un autre vecteur qu’une loi de finances, conclut le Conseil constitutionnel.
Selon la Caisse des dépôts, l’encours cumulé du Livret A et du LDDS atteignait 550,4 milliards d’euros au 31 août dernier (dont 400 milliards pour le seul Livret A). Une manne jamais vue, portée notamment par le taux d’intérêt de ces deux livrets (3%) qui a été gelé jusqu’au 31 janvier 2025.
Source : Capital avec l’AFP   

Affaire Legay : ils ont tous menti, Macron le premier

Le 23 mars 2019, Geneviève Legay, 73 ans, est grièvement blessée à Nice lors d’une manifestation des Gilets jaunes. Macron, Estrosi et le procureur de la République se précipitent pour disculper les policiers : Geneviève Legay a dû trébucher ; ou être renversée par un journaliste… 
Mme Legay va porter plainte et le jeudi 11 janvier 2022, fait rarissime, c’est le commissaire Souchi qui avait ordonné aux forces de l’ordre de charger qui est jugé alors que le policier qui l’a renversé n’a pas été poursuivi.
Au cours de son procès, le commissaire va affirmer que charger cette foule était « légal », mais l’un de ceux qui a appliqué ses ordres l’a mal fait. Le procureur a pointé le manque de « discernement » d’un commissaire qui « a perdu ses moyens » et qui doit être condamné pour cet ordre qu’il « n’aurait jamais dû donner ». Au cours de l’audience, les témoignages ont accablé le commissaire, seul sur le banc des prévenus, une rareté en matière de violences policières.
Les avocats de Geneviève Legay estiment que le délit a été commis en réunion et avec armes, des circonstances aggravantes, qu’ils souhaitent voir retenues par la juge, et demandent que Rabah Souchi soit également condamné à verser 100 000 euros prévisionnels pour le préjudice subi par Geneviève Legay. Le parquet du tribunal correctionnel de Lyon a requis six mois d’emprisonnement avec sursis contre le commissaire. Le délibéré sera rendu le 8 mars. A suivre !
À ce jour, le commissaire Rabah Souchi exerce toujours, il n’est pas encore passé en conseil de discipline, alors même que l’IGPN a déjà conclu à une charge « inadaptée » et « disproportionnée ». Tous les fonctionnaires n’ont pas bénéficié de la même clémence de la part du ministère de l’intérieur. Ludovic F., le policier qui a permis de faire la lumière sur les violences commises à l’encontre de Geneviève Legay, a été mis à pied.

Violences policières jugées en assises

Il est rare que des policiers soient jugés devant une cour d’assises pour des violences, même mortelles, commises dans l’exercice de leurs fonctions. Il est encore plus rare que ces procès devant un jury populaire donnent lieu à une condamnation. 
En 2017, le gardien de la paix Damien Saboundjian a écopé de cinq ans de prison avec sursis devant la cour d’assises d’appel de Paris pour des coups mortels sur Amine Bentounsi, tué d’une balle dans le dos. Malgré sa condamnation définitive, il n’a jamais été sanctionné par son administration. 
En 2019, après douze ans de procédure judiciaire, un policier poitevin a été acquitté à Bordeaux pour un tir mortel survenu en 2007. Le parquet général n’a pas fait appel. 
En 2020, deux policiers poursuivis pour des violences à Villemomble, pendant lesquelles une femme touchée par une grenade de désencerclement a perdu un œil, ont été définitivement acquittés devant la cour d’assises d’appel de Paris. 
En octobre 2022, le policier Christophe Mercier, qui avait éborgné un supporteur bastiais six ans plus tôt avec sa matraque télescopique, a été condamné à deux ans de prison avec sursis. Il a fait appel. 
En décembre 2022, le CRS qui avait éborgné le syndicaliste Laurent Théron lors d’une manifestation contre la loi travail, en 2016, a été acquitté. La cour d’assises de Paris a retenu la légitime défense. Le parquet général n’ayant pas fait appel, cette décision est définitive. 
En janvier 2024, trois des quatre policiers intervenus le 2 février 2017 à Aulnay-sous-Bois et blessant grièvement Théodore Luhaka (dit « Théo ») comparaissaient devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis, à Bobigny. La cour d’assises a estimé que Marc-Antoine C., Jérémie D. et Tony H. s’étaient rendus coupables de violences illégitimes, mais a écarté la qualification criminelle.
Des peines de prison avec sursis ont été prononcées. Les policiers écopent de peines relativement légères, en dessous des réquisitions, qui ne devraient pas entraver davantage leur carrière !
Sources : Médiapart.fr, lemonde.fr, TF1.info, …

La participation à une manifestation interdite

Par les temps qui courent, cela peut servir !
Participer à une manifestation est l’exercice d’une liberté fondamentale, qu’elle ait été déclarée ou non, Aucune infraction n’est commise du seul fait de la participation à une manifestation non déclarée mais, lorsqu’elle a été interdite, y participer est illégal.
L’autorité de police compétente peut en effet prendre un arrêté d’interdiction, qui doit être notifié aux organisateurs ayant déclaré la manifestation ou à défaut, affiché (en principe aux portes de la préfecture) suffisamment tôt pour permettre l’exercice d’un référé-liberté devant le tribunal administratif, ou publié au recueil des actes administratifs.
Cet arrêté peut viser la manifestation déclarée, ou un appel sur les réseaux sociaux à manifester sans déclaration préalable, ou seulement délimiter un périmètre interdit.
Participer à une manifestation interdite par un tel arrêté est constitutif d’une contravention de la 4ème classe, éligible à la procédure d’amende forfaitaire dont le montant est de 135€. Peu importe que la manifestation ait été déclarée ou non .
Il n’est pas possible d’être interpellé pour une simple contravention, ni placé en garde à vue.
Pourtant, de nombreuses interpellations sont effectuées, du seul fait (en pratique) d’une participation à une manifestation interdite.
Source : Observatoire des libertés et des pratiques policières (le club de Médiapart) ou le site de la LDH.

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