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CA 334 novembre 2023

Big Brother 334

mercredi 22 novembre 2023, par Courant Alternatif


Un média qui dérange l’Etat français, mais pas que…

Disclose est un site web d’investigation français créé en novembre 2018 par deux journalistes. Une opération de financement participatif avait atteint son objectif de 81 999 euros en décembre 2018. Le modèle de Disclose suppose de financer le journalisme d’investigation par la philanthropie, auprès de particuliers et de mécènes à l’exclusion de toute fondation d’entreprise. Ce média à but non lucratif enquête sur des sujets d’intérêt public. Un comité éditorial d’une quinzaine de personnes détermine les sujets d’enquête, choisis parmi six thématiques : les crimes environnementaux, les enjeux énergétiques, la délinquance financière, la santé publique, les industries agroalimentaires et les libertés fondamentales. Disclose conclut des partenariats avec Mediapart, Konbini, Marsactu, Arte, la cellule d’investigation de Radio France, Rue 89 Bordeaux, Strasbourg et Lyon, et The Intercept. Ces médias partenaires reçoivent les enquêtes de Disclose et s’engagent à les diffuser gratuitement.
La première enquête, publiée en avril 2019, se fonde sur une note du renseignement militaire français, qui indique que des armes fournies par la France à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis peuvent, en contradiction avec le discours officiel, être utilisées dans le cadre du conflit au Yémen, provoquer la mort de populations civiles et servir une « stratégie de la famine ». Les armes visées par cette enquête sont notamment les canons Caesar qui, bien qu’utilisés « en défensive », ont une portée telle qu’ils menacent plus de 400 000 civils yéménites. Après qu’une plainte a été déposée par le ministère des Armées, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire et deux journalistes, cofondateurs de Disclose, de même qu’un de leurs confrères de la cellule d’investigation de Radio France, sont convoqués par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en tant que suspects libres pour « compromission du secret de la défense nationale ». Ces journalistes vont recevoir l’appui et le soutien de nombreuses sociétés de journalistes et d’importantes ONG (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, Action contre la faim, Human Rights Watch, etc.). En janvier 2020, le parquet de Paris notifie un rappel à la loi aux journalistes, sans engager de poursuites.
En mai 2019, les exportations françaises d’armes vers l’Arabie saoudite se poursuivent2, au départ du port du Havre, avec le soutien de Macron.
Disclose va ensuite publier diverses enquêtes sur la pédophilie dans le sport en France, sur le groupe Lactalis et ses pratiques de mouillage du lait, sur le rôle joué par le groupe Carrefour dans la déforestation de l’Amazonie au Brésil, sur les lourdes conséquences des essais atmosphériques en Polynésie française…
Source : Wikipédia

La surveillance avec intelligence artificielle maintenue après les JO

La surveillance dite « automatisée » ou « algorithmique », ce sont des logiciels qui analysent en continu les milliers d’images de surveillance et envoient une alerte à la police s’ils détectent un « comportement suspect ». Un individu ou un groupe peut être identifié, tracé ; ses faits et gestes peuvent être analysés automatiquement dans l’espace public. A terme, ces technologies permettent par exemple l’identification par reconnaissance faciale instantanée et la massification de la vidéoverbalisation.
La loi autorisait déjà « à titre expérimental  » l’utilisation en temps réel de systèmes d’intelligence artificielle pour analyser les images des drones et des caméras de surveillance. C’est confirmé par la ministre des Sports, les Jeux olympiques seront bien une expérimentation gigantesque de cette technologie liberticide, qui sera ensuite généralisée après une évaluation sous le contrôle de la CNIL.
Source : Contre-attaque

« L’Attestation – Une expérience d’obéissance de masse,
printemps 2020 »

Cette étude de Théo Boulakia et Nicolas Mariot, publiée aux éditions Anamosa, rappelle l’ampleur des chiffres : en 55 jours de confinement lié à la pandémie de Covid-19, on dénombra en France 21 millions de contrôles et plus de 1 million de verbalisations, touchant notamment des populations qui sont très peu contrôlées d’habitude (personnes âgées, femmes, ruraux…).
Les trois départements les plus pauvres de France (Mayotte, Guyane et la Seine-Saint-Denis) figurent dans le top 5 des départements les plus verbalisés : des espaces aussi différents que Paris et les Alpes-Maritimes complètent le palmarès.
Les Alpes-Maritimes, qui détiennent le record des verbalisations par habitant adulte en France métropolitaine, détiennent deux autres records : le nombre de policiers municipaux par habitant et le nombre de villes équipées de caméras de surveillance. Ce n’est donc pas un hasard.
Des différences importantes existent entre zones de gendarmerie et zones de polices (municipale et nationale). Des départements comme la Sarthe ou le Lot figurent parmi les plus massivement contrôlés par une activité de gendarmerie intense, mais où seule une infime partie des vérifications donne lieu à verbalisation. Par contre, en Seine-Saint-Denis (93), les contrôles sont proportionnellement plus rares mais le taux de verbalisations beaucoup plus élevé : 17 % dans le 93 contre 2 % dans le Lot.
Les auteurs soulignent aussi à quel point le confinement ne fut pas homogène sur la planète. Certains gouvernements ont choisi un enfermement généralisé, tandis que d’autres s’y sont énergiquement refusés. Pour quels résultats ? Posant à partir de leurs données mondialisées la question provocatrice de savoir où « passer le prochain confinement », les auteurs en concluent que les pays qui ont connu un déficit de mortalité en 2020 par rapport aux années précédentes tout en n’ayant connu « aucune assignation à domicile générale  », à savoir le Danemark, la Lettonie, le Japon, Taïwan, la Mongolie, l’Allemagne, la Finlande, la Corée du Sud, l’Islande et la Slovaquie, seraient «  des destinations très recomman-dables  ». Et qu’il faudrait au contraire éviter « les pays à enfermement strict et situation sanitaire catastrophique » comme le Koweït, l’Equateur et le Pérou, et la France, l’Espagne et l’Italie ne viennent pas loin derrière ! La France faisait partie d’un tout petit groupe de pays qui avaient mis en place un système de surveillance de masse d’un type assez particulier. Bien sûr, dans des pays comme la Chine, la surveillance de masse était bien plus équipée. Mais la France s’est inscrite parmi les nations où ce qui était surveillé n’était pas le statut sanitaire des gens, mais le motif de leur sortie. La conclusion de cette étude est intéressante : « L’enfermement est moins le produit de bonnes intentions que de vieilles habitudes. » Au Danemark, il y a 190 policiers pour 100 000 habitants, en France 320 !
Sources : Politis et Mediapart

Le secret des sources journalistiques mis à mal

En 2021, Disclose publie une enquête basée sur plusieurs centaines de documents fournis par un informateur anonyme ayant décidé de « briser le silence » afin de dénoncer un potentiel scandale d’Etat, et qui constitue une fuite sans précédent de documents confidentiels issus de la Direction du renseignement militaire de l’état-major et du ministère des Armées français. Ces documents concernent l’opération Sirli, une mission de renseignement menée par l’armée française pour l’armée égyptienne, dans un objectif de lutte antiterroriste ; ils révèlent que les informations fournies par la France ont en réalité conduit à des frappes égyptiennes contre des civils, soit des exécutions extrajudiciaires menées par la dictature dirigée par le général Al-Sissi, dérive contre laquelle les militaires de terrain ont alerté jusqu’aux plus hauts niveaux de l’Etat et de la hiérarchie militaire. C’est l’absence de réponse à ces préoccupations qui aurait poussé la source anonyme à briser le secret-défense et à fournir les documents à Disclose. Le 19 septembre 2023, le domicile de la journaliste Ariane Lavrilleux est perquisitionné par la DGSI. Elle sera mise en garde à vue 39 heures, puis libérée sans poursuites pour l’instant. Nous allons connaître le but de cette opération de la DGSI très rapidement. Deux jours après, le 21 septembre, un ancien fonctionnaire du ministère des Armées, que la justice semble considérer comme une des sources d’articles publiés par Disclose, a été mis en examen pour détournement et divulgation du secret de la défense nationale par son dépositaire, deux infractions passibles d’un emprisonnement de sept ans et d’une amende de 1 million d’euros. Il a été placé sous contrôle judiciaire.L’objectif de l’Etat français via sa police politique (la DGSI) est d’intimider, mais aussi et surtout de traquer la confidentialité des sources.
Sources… diverses et multiples

Les grandes œuvres du Conseil d’Etat

Sollicité par des associations (LDH, Associations des chré-tiens…) et des syndicats (Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature), Amnesty International, etc., le Conseil d’Etat a rendu deux décisions sur les libertés publiques le 11 octobre.
La première concerne l’obligation pour les forces de l’ordre de porter leur numéro d’immatriculation dans leurs interventions, ce qui permet leur identification par les autorités policières et judiciaires en cas de plainte. Ce numéro est le RIO (référentiel des identités et de l’organisation) ; il est composé de sept chiffres imprimés sur une bande scratch que le policier ou le gendarme doit obligatoirement coller sur le devant de son blouson. Cette bande fait 50 mm de long sur 12 mm de large pour les policiers, et 45 mm sur 12 mm pour les gendarmes. Les caractères, eux, ne font que 7,6 mm de haut – illisible pour toute personne victime d’une violence policière (à moins qu’elle ait la chance d’avoir récupéré une photo), sans oublier qu’une fois sur deux le flic ou le gendarme s’est bien gardé de porter le RIO. A noter que son port est obligatoire en vertu du Code de sécurité intérieure voté voici une dizaine d’années, mais qu’il n’y a jamais eu la moindre sanction infligée aux délinquants qui ont oublié de le mettre. C’est ainsi que de nombreuses enquêtes ne peuvent aboutir en raison de l’impossibilité d’identifier la personne en infraction. Finalement, le Conseil d’Etat donne un an au ministère de l’Intérieur pour faire respecter cette obligation de porter le RIO.
La seconde décision concerne les contrôles d’identité au faciès. Là, aucune surprise, le Conseil d’Etat a refusé d’ordonner à l’Etat de mettre un terme à cette pratique policière. Pour lui, les contrôles au faciès n’ont pas de caractère systémique ou généralisé. A noter qu’une étude du Défenseur des droits avait établi, en 2017, qu’un jeune Noir ou d’origine arabe avait 20 fois plus de probabilités d’être contrôlé qu’un autre jeune !
Source : Mediapart

« Le Côté obscur de la force »

Ce livre d’un journaliste, Vincent Nouzille, paru chez Flammarion (512 pages, 23 €) le 11 octobre, est une enquête très fouillée sur ce qu’il appelle les « dérives du ministère de l’Intérieur et de sa police ».
En pleine crise des « gilets jaunes », les services de renseignement français ont mis sur écoute et géolocalisé des milliers de manifestants. Jamais une surveillance aussi massive n’avait été déployée. Jamais autant d’individus en même temps n’avaient été concernés. Jamais de tels moyens techniques n’avaient été combinés pour savoir où des citoyens allaient se rendre, et pour tenter d’interpeller en amont ceux qui étaient suspectés de s’apprêter à commettre des violences.
Selon les témoignages de plusieurs responsables de la police et du renseignement, si le cadre légal a été formellement respecté, certaines de ces surveillances ont été décidées et avalisées sur la base de critères flous et dans la précipitation. «  C’était la panique au sommet du pouvoir et dans les services, explique une source au ministère de l’Intérieur. Le mouvement des “gilets jaunes” se transformait chaque samedi en insurrection. Il fallait sauver la République… »
L’emploi des techniques de renseignement ne peut être justifié que pour la défense nationale, la protection des intérêts majeurs du pays, la lutte contre l’espionnage économique et scientifique, la prévention du terrorisme, du crime organisé et de la prolifération d’armes de destruction massive. Mais ces techniques sont aussi autorisées pour la prévention des « atteintes à la forme républicaine des institutions », de la « reconstitution de groupements dissous » ou des « violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ». C’est principalement ce dernier motif – appelé « 5-C », et déjà employé lors de l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) au printemps 2018 – qui va être utilisé à grande échelle lors de la crise des « gilets jaunes  ».
Dans le détail, le compteur des « géolocalisations », déjà en forte croissance les années précédentes, s’affole, passant de 3 751 demandes en 2017 à 5 191 en 2018, puis à 7 601 en 2019, soit un doublement en deux ans.
Quant aux écoutes, elles se multiplient aussi sur la même période, passant de 8 758 en 2017 à 12 574 en 2019, soit une croissance de 43 % en deux ans. Globalement, cette surveillance a concerné au moins 2 000 personnes entre fin 2018 et fin 2019.
La fin du mouvement des «  gilets jaunes » en 2020, suivie de la longue crise sanitaire, n’a pas stoppé cette surveillance ciblée. Au contraire : selon les données de la CNCTR (Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement), chargée de filtrer les requêtes des services, les demandes d’écoute et de pose de balise pour tous types de motif sont restées stables à un niveau élevé depuis 2020. Celles portant sur des intrusions dans des lieux privés ont fortement augmenté, tout comme celles sur la captation de données informatiques. Quant aux demandes de géolocalisation en temps réel, très prisées lors des manifestations, elles ont continué leur irrésistible ascension, de 7 601 en 2019 jusqu’à 10 901 en 2022, un nouveau record.
Source : Extraits d’un texte de Vincent Nouzille paru dans Le Monde.

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