CA 341 juin 2024
De l’eau pas des puces. : Grenoble ne peut pas accueillir tous les ingénieurs du monde !
samedi 15 juin 2024, par
Les 5, 6 et 7 avril 2024, le collectif grenoblois StopMicro (1) organisait un week-end de mobilisation. Il faisait suite à une importante manifestation l’année précédente.
Le vendredi était consacré à plusieurs présentations et prises de paroles sur les facettes mortifères surtout militaires du numérique. Un moment a été dédié à la présentation du livre « des treillis dans les labos », publié par les éditions du Monde à l’Envers, qui met en lumière les liens entre le CEA de Grenoble, l’industrie de la microélectronique et le secteur de la défense. Toujours sur le thème du militaire, la Coordination Anti Armement et Militarisme (CRAAM) a parlé du tissu industriel militariste en région Rhône- Alpes Auvergne. Une question particulièrement actuelle, à l’heure du « réarmement » macronien. Sur un autre pan de la question numérique, La Quadrature du Net a abordé les enjeux autour du droit, les libertés fondamentales et la finalité de contrôle des outils numériques.
Le programme était un peu dense pour une seule après-midi, mais les échanges ont été riches.
Le soir, François Jarrige, historien des techniques et de l’environnement, a déroulé devant plus de 300 personnes, un panorama historique de la question de l’accaparement des ressources en eau en France : des débuts de l’industrie textile avec le « rouissage » (macération des tiges de lin), les tanneries, puis le XIXème siècle et les machines à vapeur pour en arriver à l’époque actuelle avec, entre autres, l’industrie de la microélectronique.
Une présentation passionnante, qui donne une perspective historique - trop souvent absente - aux enjeux écologiques actuels.
Les échanges suite à cette présentation, ont surtout tourné autour de questions de stratégies de lutte : comment faire face à ce colosse qu’est l’industrie ? Sabotages, Soulèvements de la Terre, contexte local grenoblois, etc., mais comme parfois dans ce genre de discussions, ces thèmes n’ont pu être abordés que superficiellement. Quelques personnes du groupe Anti Tech Resistance (ATR) ont pris la parole plusieurs fois au sujet des luttes actuelles qu’ils et elles considèrent peu efficaces au vu des enjeux écologiques et de la nécessité, selon eux, d’agir pour la précipitation d’un « effondrement ». L’aspect « avant-gardiste » de leur mouvance est assez claire dans le discours, et on ne peut pas dire que leurs opinions faisaient consensus, mais il y a eu plusieurs échanges constructifs avec elles et eux suite au débat, notamment avec des personnes d’Écran Total.
Samedi c’était jour de manifestation : départ à 14 h du Parc Mistral, direction la presqu’île scientifique, où se trouvent le CEA et les bureaux de STMicroelectronics – soit environ cinq kilomètres, une belle balade à laquelle se sont jointes 2000 personnes. Le cortège était animé d’une belle énergie, avec chars, slogans et chants divers et variés bien repris par la foule. Un groupe avait préparé en amont, cinq ou six immenses banderoles qui ont été accrochées en hauteur en divers points du parcours avec l’aide de crochets et de longues perches. Les banderoles étant toujours en place le lundi suivant, on peut donc dire que cette action n’a pas été négligeable !
Un cortège pro-palestinien était aussi présent (il tenait une table de presse, la veille), mais il est regrettable qu’il n’ait de bout en bout repris que ses propres slogans centrés sur la question palestinienne, et jamais ceux de l’organisation sur STMicroelectronics le vol de l’eau et l’industrie, ce qui a pu poser problème vu leur amplitude sonore.
L’incident a fait l’objet d’un échange entre l’orga et ce comité, espérons que les deux œuvrent en bonne entente dans l’avenir ! Les collusions entre STMicroelectronics et Israël doivent être dénoncées, et le désastre en cours à Gaza rend compréhensible l’émotion et la volonté d’agir tous azimut, mais cela ne dispense pas la nécessité d’échanger avec les organisateurs d’un événement ami lorsque l’on décide d’y intervenir de manière extensive...
À l’arrivée devant le centre de recherche de STMicroelectronics, la police en barrait l’accès. Apparemment, les quelques tags faits sur le chemin n’ont pas plu aux autorités, qui auraient ainsi voulu montrer leur mécontentement…
Dimanche, rendez-vous était donné dans un parc de Crolles, à proximité des usines STMicroelectronics et Soitec, pour diverses discussions sur la question de l’eau et le monde paysan, une visite guidées des alentours – le « Mordor » de la microélectronique – par l’Office de Promotion de l’Avenir et la remise des prix Greenwashing Trophies 2024.
Étaient présents l’Atelier Paysan, la Confédération Paysanne, Nature & Progrès et les Faucheurs Volontaires. Plusieurs centaines de personnes ont suivi les discussions. la cantine était efficace et de bonne qualité, et les tables de presse nombreuses. Gendarmes et flics en civils rodaient le nez au vent, avides de s’informer afin de pouvoir mieux lutter en interne contre la société industrielle.
Ce week-end se concluait sur une belle réussite, et nous étions déjà élogieux envers StopMicro pour la qualité de ces trois jours. Mais ce n’était pas fini : lundi matin, les collectifs StopMicro, Action Autonome Isère et le comité grenoblois des Soulèvements de la Terre sont allés bloquer les accès routier à la presqu’île scientifique de Grenoble,qui concentre l’essentiel de la recherche et de l’industrie de l’électronique, du numérique et des bio-technologies. Une centaine de personnes étaient présentes, et le blocage a tenu une heure.
Rendez-vous l’an prochain pour la prochaine manif. Et, d’ici là plein de luttes de terrain autonomes à Grenoble et ailleurs !
Z. dans le métro de Grenoble
(1) Pour rappel, ce collectif lutte contre les agrandissements des usines de puces électroniques STMicroelectronics et Soitec situées à Crolles, en périphérie de Grenoble, et de manière générale contre l’industrie de la microélectronique et le monde qui va avec. Une tournée d’information dans la moitié sud de la France avait précédé ce week-end de mobilisation.