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CA 323 octobre 2022

Vers un nouveau massacre des Kurdes ?

vendredi 28 octobre 2022, par Courant Alternatif

Les Kurdes réfugié.es en Suède ou en Finlande risquent d’être sacrifié.es et livré.es à une extradition en Turquie négociée entre dirigeants politiques, en échange de l’élargissement de l’OTAN rendue soi-disant urgent par la guerre en Ukraine. L’OTAN, outil de l’impérialisme américain, n’a fait qu’apporter la guerre. Cette guerre qu’Erdogan veut mener à tout prix en Syrie contre les Kurdes.


*** Le chantage turc

Rompant avec leur tradition de "non-alignement", la Suède et la Finlande souhaitent désormais rejoindre l’Alliance atlantique, à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, qu’ils perçoivent comme une menace directe pour leur sécurité. C’est donc par peur des russes que ces 2 pays ont décidé de rejoindre l’OTAN, mais depuis le début de la guerre en Ukraine ces 2 Etats étaient sortis de leur neutralité militaire en fournissant des armes à l’Ukraine. Notons comme l’a dit une députée d’origine kurde au parlement suédois : « L’OTAN n’a jamais créé la sécurité »
Ce souhait exprimé officiellement le 18 mai a suscité aussitôt des réactions de rejet de la Turquie, membre de l’OTAN depuis 1952. La Turquie comme tout autre membre de l’OTAN, a un droit de veto ; en effet toute nouvelle adhésion à l’OTAN doit se faire à l’unanimité de tous ses membres (30 actuellement). Elle a donc sauté sur l’occasion pour adresser à ces 2 pays un chantage public concernant leur accueil sur leur sol de réfugiés kurdes recherchés en Turquie et la levée de l’embargo sur les exportations d’armes par ces 2 pays après son offensive lancée en octobre 2019 contre l’YPG, dans le Nord-Est de la Syrie.
Des tractations ont aussitôt débuté qui devaient aboutir à un accord le 29 juin, date d’un sommet de l’OTAN à Madrid. La Turquie a fini par lever son veto la veille, le 28 juin, d’où la question : qu’a-t-elle obtenu en échange ?
D’après le document signé par ces 3 parties, la Suède et la Finlande ont accepté de renforcer leur coopération avec La Turquie en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, via un « mécanisme structuré à tous les niveaux », y compris entre « les services de sécurité et les services de renseignement », et d’enquêter sur « toute activité de financement et de recrutement du PKK et de toutes les autres organisations terroristes ».
Enfin, le document indique que la « Finlande et la Suède traiteront les demandes d’expulsion ou d’extradition de personnes soupçonnées de terrorisme de manière rapide et approfondie, en tenant compte des informations, preuves et renseignements fournis » par Ankara et « établiront les cadres juridiques bilatéraux nécessaires à la coopération en matière de sécurité avec la Turquie, conformément à la Convention européenne sur l’extradition ».
Quant aux restrictions sur les ventes d’armes et d’équipements militaires, la Turquie a obtenu qu’elles soient levées. La levée de l’embargo est le feu vert d’une nouvelle guerre prochaine car la Turquie parle de lancer une autre offensive contre les milices kurdes syriennes. « Nous lancerons une nouvelle opération en Syrie dès que nos préparatifs seront terminés », a encore répété M. Erdogan, le 27 juin…

*** Un processus long

En mai-juin, les Kurdes pouvaient espérer que le blocage de la Turquie durerait, surtout au niveau de la Suède. En effet, afin de sauver sa majorité qui ne tenait alors plus qu’à une voix, la cheffe du gouvernement social-démocrate, Magdalena Andersson, venait de promettre à Amineh Kakabaveh, une députée d’origine kurde, que Stockholm ne céderait pas sur les exigences exprimées par M. Erdogan, celui-ci ayant notamment demandé l’extradition d’une trentaine de personnes soupçonnées d’être liées au PKK. En novembre 2021, cette même parlementaire avait obtenu une déclaration de soutien des sociaux-démocrates suédois aux milices kurdes syriennes… Mais une sociale-démocrate reste une sociale-démocrate ! Il a fallu un mois et demi pour que le pouvoir suédois cède aux exigences de la Turquie et trahisse les Kurdes. Rappelons ici que la Suède fut le premier Etat après la Turquie à avoir placé le PKK sur la liste des organisations terroristes dès 1984 et c’était déjà un social démocrate, un certain Olaf Palme, qui était aux commandes de la Suède.
La procédure d’adhésion de la Suède et de la Finlande qui a officiellement débuté le 5 juillet va durer quelques années. Pour accéder à l’OTAN il faut accomplir ce qu’on appelle le « Membership action plan" qui comporte 8 chapitres. IL faut aussi que les 30 parlements des Etats membres de l’OTAN acceptent par un vote ces 2 nouvelles adhésions ; “Il ne faut pas s’étonner que la Russie ne soit pas si critique par rapport à cette adhésion”, a indiqué Emmanuel Dupuy, directeur de l’institut prospective et sécurité en Europe. Pour lui, cela s’explique par le temps que prennent ces adhésions et en quelques années des tas d’évènements peuvent surgir et redistribuer les cartes et par le fait aussi que “le poids militaire de la Finlande et de la Suède sont relativement Le chantage turc
Rompant avec leur tradition de "non-alignement", la Suède et la Finlande souhaitent désormais rejoindre l’Alliance atlantique, à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, qu’ils perçoivent comme une menace directe pour leur sécurité. C’est donc par peur des russes que ces 2 pays ont décidé de rejoindre l’OTAN, mais depuis le début de la guerre en Ukraine ces 2 Etats étaient sortis de leur neutralité militaire en fournissant des armes à l’Ukraine. Notons comme l’a dit une députée d’origine kurde au parlement suédois : « L’OTAN n’a jamais créé la sécurité »
Ce souhait exprimé officiellement le 18 mai a suscité aussitôt des réactions de rejet de la Turquie, membre de l’OTAN depuis 1952. La Turquie comme tout autre membre de l’OTAN, a un droit de veto ; en effet toute nouvelle adhésion à l’OTAN doit se faire à l’unanimité de tous ses membres (30 actuellement). Elle a donc sauté sur l’occasion pour adresser à ces 2 pays un chantage public concernant leur accueil sur leur sol de réfugiés kurdes recherchés en Turquie et la levée de l’embargo sur les exportations d’armes par ces 2 pays après son offensive lancée en octobre 2019 contre l’YPG, dans le Nord-Est de la Syrie.
Des tractations ont aussitôt débuté qui devaient aboutir à un accord le 29 juin, date d’un sommet de l’OTAN à Madrid. La Turquie a fini par lever son veto la veille, le 28 juin, d’où la question : qu’a-t-elle obtenu en échange ?
D’après le document signé par ces 3 parties, la Suède et la Finlande ont accepté de renforcer leur coopération avec La Turquie en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, via un « mécanisme structuré à tous les niveaux », y compris entre « les services de sécurité et les services de renseignement », et d’enquêter sur « toute activité de financement et de recrutement du PKK et de toutes les autres organisations terroristes ».
Enfin, le document indique que la « Finlande et la Suède traiteront les demandes d’expulsion ou d’extradition de personnes soupçonnées de terrorisme de manière rapide et approfondie, en tenant compte des informations, preuves et renseignements fournis » par Ankara et « établiront les cadres juridiques bilatéraux nécessaires à la coopération en matière de sécurité avec la Turquie, conformément à la Convention européenne sur l’extradition ».
Quant aux restrictions sur les ventes d’armes et d’équipements militaires, la Turquie a obtenu qu’elles soient levées. La levée de l’embargo est le feu vert d’une nouvelle guerre prochaine car la Turquie parle de lancer une autre offensive contre les milices kurdes syriennes. « Nous lancerons une nouvelle opération en Syrie dès que nos préparatifs seront terminés », a encore répété M. Erdogan, le 27 juin…

*** Un processus long

En mai-juin, les Kurdes pouvaient espérer que le blocage de la Turquie durerait, surtout au niveau de la Suède. En effet, afin de sauver sa majorité qui ne tenait alors plus qu’à une voix, la cheffe du gouvernement social-démocrate, Magdalena Andersson, venait de promettre à Amineh Kakabaveh, une députée d’origine kurde, que Stockholm ne céderait pas sur les exigences exprimées par M. Erdogan, celui-ci ayant notamment demandé l’extradition d’une trentaine de personnes soupçonnées d’être liées au PKK. En novembre 2021, cette même parlementaire avait obtenu une déclaration de soutien des sociaux-démocrates suédois aux milices kurdes syriennes… Mais une sociale-démocrate reste une sociale-démocrate ! Il a fallu un mois et demi pour que le pouvoir suédois cède aux exigences de la Turquie et trahisse les Kurdes. Rappelons ici que la Suède fut le premier Etat après la Turquie à avoir placé le PKK faible”.

*** Bras de fer juridique et politique

Conscient de l’influence grandissante de son opposition en dehors de ses frontières, le pouvoir turc a multiplié ces dernières années les procédures judiciaires pour tenter d’obtenir l’extradition de ceux qu’il considère comme des adversaires politiques. De nombreuses requêtes ont été déposées en Suède, en France, en Allemagne ou bien encore aux États-Unis, sans succès ou … presque. C’est ainsi qu’il faut noter qu’un jeune homme kurde du nom de Yaser Örnek vient d’être arrêté en Allemagne sur la base d’une demande d’extradition de la Turquie, alors même qu’il est reconnu réfugié politique en Suisse depuis 4 ans. Son avocat a annoncé que la Turquie demandait son extradition. On attend la décision finale de l’Allemagne.
Même les demandes concernant les membres présumés du PKK, pourtant considérés comme une organisation terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, étaient jusqu’ici pour la plupart rejetées, les juges craignant que ces militants ne puissent pas bénéficier d’un procès équitable en Turquie. Mais attention cela peut changer ! Pour la Suède, il y a déjà eu des précédents. C’est ainsi qu’en 2020 La Suède a collaboré avec les renseignements turcs (MIT) pour l’extradition de Resul Ozdemir, qui a survécu aux massacres de Cizre de février 2016 et qui avait été condamné à 15 ans de prison par la « justice » turque.
À peine l’accord passé entre la Turquie et les 2 prétendants à l’OTAN, le ministre de la Justice turque Bekir Bozdag a annoncé que la Turquie réclamait à la Finlande et la Suède l’extradition de 33 personnes, issues des mouvements PKK et Gülénistes (voir encart). 
L’Union européenne a pour l’instant une position très critique vis-à-vis de la justice turque, dont elle sait qu’elle est complètement contrôlée par l’AKP, le parti d’Erdogan. La Suède et la Finlande s’appuient sur cette unanimité européenne, affirmant qu’elles ne changeront pas leurs procédures sur la question des droits humains. Cet argument leur permet de contrer la question des extraditions turques, d’autant plus que nombre de ces affaires ont déjà été rejetées par le passé dans les deux pays. Il paraît donc très peu probable que la Suède et la Finlande accèdent pour l’instant à ces demandes, à l’exception peut-être de quelques cas particuliers qu’il ne faut pas négliger. Mais cela dépendra largement de la mobilisation de la diaspora kurde et de leurs soutiens concernant leur droit d’asile. Sur 10 millions d’habitants, la Suède compte aujourd’hui environ 100 000 Kurdes originaires de Turquie, d’Irak, d’Iran et de Syrie. Une diaspora bien moins nombreuse en nombre qu’en Allemagne (près d’un million de personnes) ou qu’en France (250 000), mais particulièrement active politiquement puisque huit députés du Parlement suédois sont d’origine kurde.
Le 9 juillet, des milliers de kurdes et de suédois solidaires ont manifesté à Stockholm contre le mémorandum conclu entre la Turquie, la Suède et la Finlande dans le cadre du sommet de l’OTAN à Madrid. Le slogan « Erdogan assassin » a souvent été scandé lors de cette manifestation. En marge de l’action, des signatures ont été récoltées pour que le PKK soit retiré de la liste des organisations terroristes de l’UE qui est effectivement la lutte immédiate à gagner !
Néanmoins, il est certain que des mesures vont probablement être prises pour réduire l’influence du PKK dans ces pays et surtout taper à ses tiroirs caisses. Cela devrait passer par un contrôle plus rigoureux des dons récoltés par les associations, voire la fermeture de certaines d’entre elles comme cela a déjà eu lieu en Europe.

*** Le pouvoir dans l’Etat turc

On ne peut qu’être étonné en lisant simplement le nom des partis turcs du centre à l’extrême droite : Parti de la vertu ! Parti d’action nationaliste, Parti de la félicité, Le Bon Parti, Le Parti du bien-être et le Parti de la Justice et du développement (AKP) au pouvoir depuis 2002.
Fondé le 14 août 2001 par Erdogan, il est issu du Parti de la vertu. Depuis les élections législatives de 2002, l’AKP domine la scène politicienne turque, et remporte la quasi-totalité des scrutins locaux et nationaux.
Bon, c’est sûr, que l’honnêteté de l’AKP n’est pas démontrée ! L’opposition de gauche et les Kurdes l’ont montré à plusieurs reprises : Les urnes peuvent se bourrer !
L’AKP est déjà un parti islamiste ! La stratégie électorale du parti vise initialement à séduire les nombreux petits patrons anatoliens, conservateurs et sensibles à la religion, favorables au « moins d’État » et à la baisse de la fiscalité (voir encart sur l’AKP). De 2002 à 2008, l’AKP a eu des problèmes avec les institutions turques dont l’armée et la justice. L’armée est en Turquie le garant de la laïcité. En droit, la laïcité est le principe de séparation dans l’Etat de la société civile et de la société religieuse. Mais au pouvoir l’AKP au nom de la liberté religieuse a toujours favorisé la construction de mosquées, l’éducation religieuse et le port du voile.
L’AKP sort vainqueur des élections législatives anticipées de juillet 2007 avec 46,47 % des voix. En réaction à la politique du Parti de la justice et du développement, majoritaire au parlement, l’armée a réaffirmé son intention de maintenir intact le principe de laïcité prévalant dans le pays. Allait-t-on vers un nouveau coup d’Etat ? Il faut rappeler que l’armée avait pris le pouvoir par un coup d’État en 1960, 1971 et 1980. Elle a même évincé du pouvoir, en 1997, le Premier ministre Necmettin Erbakan qui se déclarait islamiste (voir la fin de ce chapitre). Là, les laïcistes ont décidé de se servir de la Cour constitutionnelle pour tenter d’interdire l’AKP. La Cour constitutionnelle a donc été saisie d’une procédure d’interdiction, qu’elle a déclaré recevable en mars 2008 pour « atteinte à la laïcité », dont l’examen a débuté le 28 juillet 2008.
L’AKP s’attendait à être dissoute, à l’instar du Parti du bien-être et du Parti de la vertu, fermés pour cause d’« activités anti-laïques », en 1998 et 2001, ce qui aurait ouvert une crise politique majeure en Turquie, ainsi qu’un précédent mondial (aucun parti au pouvoir n’ayant fait l’objet, jusqu’à présent, d’une telle procédure, bien que la Cour turque ait dissous 24 partis depuis 1962). Finalement, la Cour constitutionnelle a décidé, fin juillet 2008, de ne pas prononcer la dissolution de l’AKP (6 juges ont voté pour, sur 11, alors qu’il en fallait 7), tout en la condamnant financièrement pour « activités anti-laïques », en la privant de la moitié des 26 millions d’euros de subvention publique annuelle.
A noter que cette décision de la Cour a sans doute été influencée par les mises en garde des Etats-Unis et de l’Union Européenne, s’opposant à une telle interdiction.
Le 25 décembre 2013, Erdogan a procèdé à un important remaniement ministériel qui affectait dix postes sur vingt-cinq de son gouvernement, à la suite d’opérations judiciaires et policières ayant mis au jour un possible réseau de corruption concernant des membres éminents de l’AKP et leurs proches. Même s’il s’en défend et dénonce un complot de l’étranger, le propre fils du Premier ministre a été mis en cause dans ces affaires de corruption ; le procureur qui menait l’enquête à son sujet a pourtant été dessaisi du dossier, ce qui a provoqué l’indignation du Conseil supérieur des juges et des procureurs, Erdoğan étant accusé de vouloir étouffer l’affaire. Ces évènements engendrent des manifestations, l’effondrement de la livre turque à la Bourse d’Istanbul et devaient compromettre les chances du Premier ministre à l’approche des élections de 2014 et 2015. Il n’en sera rien, Erdogan gagne les présidentielles en 2014 avec 51,79% des voix mais aux législatives de juin 2015, il n’obtient pas la majorité absolue. Qu’à cela ne tienne, l’AKP provoque de nouvelles élections en novembre 2015. l’AKP retrouve alors une majorité parlementaire (317sièges sur 550). Pour certains observateurs, cette large victoire de l’AKP aux élections s’explique par sa capacité à rassembler la majorité turco-sunnite car la fraude électorale évoquée par l’opposition n’explique pas tout !
En février 2018, en vue des élections législatives et de l’élection présidentielle, l’AKP et le MHP (Parti d’action nationaliste d’extrême droite) annoncent une coalition électorale, l’Alliance populaire. Ce rapprochement est notamment motivé par le besoin pour l’AKP de conquérir un nouvel électorat après la rupture de son alliance avec le mouvement Gülen et la perte de popularité auprès des Kurdes conservateurs en raison des offensives militaires déclenchées par le gouvernement dans les régions kurdes. Cette coalition gagne les législatives et Erdogan est réélu avec 52, 59% des voix dès le 1er tour. Aux élections municipales de 2019, l’AKP perd tout de même les villes d’Ankara et d’Istanbul qu’il contrôlait depuis 15 ans.
Les prochaines élections législatives et présidentielles auront lieu en juin 2023. Le programme de gouvernement repose depuis quelques années déjà sur une idéologie qui conjugue nationalisme et islamisme. Erdogan a fait voter en 2017 une réforme constitutionnelle qui présidentialise le régime à l’extrême et fait de lui le maître absolu de la Turquie. Erdogan est devenu un "dictateur démocratique" en ce sens où il est élu ! Quant à l’armée, même si elle garde une certaine influence, cette influence est déclinante depuis les épurations en lien avec le mouvement güleniste. Les autorités turques ont reconnu le limogeage de 149 généraux et amiraux, sur un total de 358 au sein de l’armée turque, de 1 099 officiers et de 436 sous-officiers pour cause d’indignité. En avril 2018, Ismail Hakki Karadayi, chef d’état major de l’armée turque dans les années 1990, le numéro deux de l’époque et une vingtaine d’autres hauts officiers ont été condamnés à la prison à vie pour avoir forcé la démission du Premier ministre islamiste Necmettin Erbakan en 1997. Aujourd’hui, on peut dire que l’armée est aux ordres d’Erdogan.

*** Que peut-il se passer ?

L’inflation a atteint en Turquie sur un an 78,5% en juin ! Erdogan refuse toujours de relever les taux d’intérêt du pays pour endiguer la hausse des prix. Le chef de l’Etat turc veut ainsi préserver la croissance de son pays qui repose largement sur la consommation de sa population et les nombreux crédits accordés généreusement aux entreprises, provoquant une bulle immobilière.
Erdogan a donc basé sa politique économique ces dernières années sur le gonflement de bulles immobilières avec différents mécanismes de crédits aux entreprises pilotés par l’Etat. Il y a en effet eu un énorme mouvement de constructions immobilières dans les grandes villes turques et des projets d’infrastructures titanesques financés par des crédits généreux et des mécanismes spéciaux de financement. Le crédit à la consommation est, en outre, omniprésent en Turquie. Un relèvement des taux d’intérêt aurait donc pour conséquences de freiner la consommation. En contrepartie, cela contribue à nourrir des spirales d’inflation.
Cette inflation, plus élevée encore dans les grandes villes du pays, a contraint le gouvernement à annoncer dernièrement une nouvelle hausse de 25% du salaire minimum – après celle de 50% mise en œuvre au 1er janvier – au risque d’accélérer encore la hausse des prix à la consommation dans les prochains mois.
Pour les plus jeunes, les perspectives sont bouchées, il y a une vague de migration économique qui devient préoccupante pour le pouvoir et entrave le développement industriel du pays.
Il y a donc, à court terme, un risque de crise monétaire avec également un effondrement de la compétitivité. La livre turque a perdu la moitié de sa valeur par rapport au dollar depuis un an. Au-delà de l’aspect économique, il y a aussi une dimension géopolitique. Lors du dernier épisode de crise en Turquie, on a ainsi pu observer un afflux de capitaux venus du Moyen-Orient, du Qatar en particulier, qui avait permis de stabiliser la situation. Erdogan cherche à normaliser les relations avec ses partenaires régionaux, Israël mais aussi les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Il est urgent pour lui d’attirer les investissements étrangers qui font tant défaut à son économie.
Contrôler l’inflation d’ici la prochaine élection de juin 2023 sera sans doute le plus grand défi du président turc. Pour garder le Pouvoir, Erdogan compte aussi sur le nationalisme, sa guerre d’expansion territoriale au Rojava en Syrie contre les Kurdes qui a débuté rentre dans cette stratégie morbide de ce dictateur. Alors, nous ici, la seule chose que nous puissions faire est d’exprimer concrètement notre solidarité avec le peuple kurde qui n’hésite pas à manifester sous nos fenêtres.

Denis, OCL Reims

Sources  : Elles sont diverses et multiples. Citons : Roj’info, Kurdistan au féminin, France Culture, Le Monde, zone militaire, wikipédia, France 24, TV5, révolution permanente, etc.

Mouvement Gülen
C’est une organisation religieuse et sociale créée au début des années 1970 par l’imam turc Fethullah Gülen résidant aux USA. Dans les années 80, la libéralisation de l’économie lui permet de développer son premier réseau d’établissements scolaires et de pénétrer les médias. Il infiltre aussi l’armée turque qui était jusqu’ici garante de la laïcité. Durant des années, les concours d’entrée aux écoles militaires sont truqués, les membres du mouvement Gülen ayant connaissance des sujets à l’avance ! Ce mouvement prospère jusqu’en 2012, c’est-à-dire pendant la première décennie de pouvoir de l’AKP. Celui-ci va s’allier pendant cette décennie avec le mouvement Gülen. Erdogan fait massivement appel à des cadres gülénistes pour remplacer les fonctionnaires kémalistes dans des secteurs tels que la police ou la justice, mais aussi l’armée, où des postes d’officiers ont été libérés à la suite de grands procès menés sur la base de preuves parfois fabriquées. Des tricheries massives sont organisées au profit des gülenistes dans les concours de recrutement des diplomates.
Mais fin 2013, Erdogan « change son fusil d’épaule » en amnistiant les généraux laïques limogés précédemment et en se retournant contre la confrérie güleniste. En effet, en décembre 2013, des proches d’Erdoğan sont impliqués dans une affaire de détournement de fonds publics. Erdoğan accuse alors le mouvement Gülen et ses disciples d’avoir fomenté un « coup judiciaire » contre lui et ses proches. La rupture est alors consommée.
Une tentative de coup d’Etat en Turquie a eu lieu dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016 principalement à Ankara et Istanbul. Elle a été commanditée par un « Conseil de la paix dans le pays », une faction des Forces armées turques que le gouvernement turc accuse d’être liée à la confrérie Gülen. La tentative s’est soldée par un échec et le dernier bilan officiel fait état de plus de 290 morts et 1 440 civils blessés. La répression s’abat alors sur les gülenistes et en avril 2017 des opérations de police sont lancées simultanément dans 81 provinces et aboutissent à l’arrestation de plus d’un millier de sympathisants présumés de Gülen ; le même jour, plus de 9 000 policiers accusés de contacts avec le réseau sont suspendus. La Turquie place ce mouvement sur leur liste d’organisations terroristes, elle ne sera suivie que par la Chypre du Nord et le Pakistan. Les services secrets turcs procèdent aux enlèvements de plus de 80 membres de la confrérie dans 18 pays.
D’après le gouvernement turc, au printemps 2019, environ 77 000 personnes accusées d’appartenir au réseau étaient en prison (dont 17 000 femmes et 750 enfants), 240 000 devaient être traduites en justice et 150 000 fonctionnaires avaient perdu leur emploi. Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont également exilées en Europe.

L’AKP, tout un programme !
Alors que la Turquie est depuis les années 1990 en crise économique, Erdogan a toujours promis une « prospérité pour tous » en s’inspirant des recommandations du Fonds monétaire international (FMI). Ainsi, il a annoncé un programme massif de privatisations et une baisse du nombre de fonctionnaires. À la petite bourgeoisie anatolienne, il garantit une « administration moins rigide », des baisses d’impôts et de « nouveaux marchés » dans les pays voisins.
Le parti propage un discours conservateur sur les questions sociales, rejetant la contraception et l’avortement. Il encourage les femmes à tenir leur « rôle de mère ». Le parti est également hostile à l’homosexualité. De nombreux responsables de l’AK PARTİ tiennent occasionnellement un discours antisémite, leur attribuant notamment les difficultés économiques ou les mouvements de protestation contre le gouvernement. La base de l’électorat de l’AKP est constituée en grande partie d’électeurs conservateurs, ruraux, ouvriers et de la classe moyenne inférieure. Cette base a voté de manière fiable pour l’AKP élection après élection depuis 20 ans.

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