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CA 323 octobre 2022

Livres

vendredi 28 octobre 2022, par Courant Alternatif


Ce monde connecté qu’on nous impose [1]Le comprendre et le combattre

Après deux livres consacrés à une technologie particulière, le compteur Linky [2] et la 5G [3], Nicolas Bérard élargit la réflexion à l’ensemble de la société hyperconnectée qu’on nous impose. Comme l’indique le sous-titre, la première partie est une analyse de ce qui nous est imposé et des moyens utilisés pour le faire ; la seconde partie recense différentes formes de résistance.

Tout d’abord, l’auteur part de la comédie politique française pour montrer que, malgré le souhait de la convention citoyenne pour le climat de décréter un moratoire sur la 5G, la politique capitaliste est bien d’imposer cette technologie sans discussion. Ensuite il décrit les méfaits de ces technologies imposées : capter notre attention et nos données pour augmenter les profits de quelques sociétés. Il montre comment cette addiction est imposée dès la petite enfance. Enfin il décrit la stratégie des industriels de ces secteurs pour imposer de faux besoins, et ceci depuis des décennies [4].
Ce monde connecté, c’est celui de la surveillance généralisée : vidéosurveillance, QR-codes, pass sanitaires, dossier médical partagé, reconnaissance faciale, puçage du bétail, etc. Et l’outil principal de cette surveillance est d’abord le « smartphone », que Nicolas Bérard préfère nommer ordiphone, et auquel les « smartiens » sont rivés en permanence, cette addiction permettant aux multinationales et aux Etats d’accéder à une multitude de données personnelles qui devraient rester privées.
L’auteur rappelle aussi le coût écologique et humain de ces technologies, en particulier l’exploitation minière, le coût énergétique et la disparition des emplois relationnels dans les administrations rendant quasiment impossible l’obtention de rendez-vous pour exposer sa situation.

La deuxième partie du livre est riche d’exemples variés de luttes contre ce système qu’on nous impose, que ces luttes soient collectives ou relèvent de l’action directe individuelle. Il n’oublie pas de citer les manœuvres politiciennes et la répression étatique contre certaines de ces luttes.
Ce livre se termine par de courts chapitres pratiques pour résister aux discours politiques dominants, argumenter contre ce qui est présenté comme des progrès inéluctables et agir collectivement contre ce monde. Cela comprend aussi une bibliographie utile et une brève description d’associations luttant contre ce monde.
En résumé, un livre instructif sans être complexe, non dénué d’humour, et tout à fait utile pour résister à ce monde connecté qu’on nous impose.

Alain

Que Défaire ?

Sous titré « Pour retrouver des perspectives révolutionnaire », ce texte d’avril 2022 de Nicolas Bonanni, propose un inventaire des luttes et des moyens qui peuvent nous permettre de « défaire le capitalisme ». En pointant les désaccords internes à un prétendu camp progressiste, particulièrement en ce qui concerne le rapport à la technologie et à l’Etat, il interroge la logique du développement des forces productives qui tisserait le linceul du Capital en forçant son propre dépassement. Il propose donc de rompre avec l’esprit d’une certaine gauche qui reste prisonnière de l’imaginaire capitaliste.
Il invite à dépasser la seule question de la propriété des moyens de production, pour en interroger la nature même, et indiquer en quoi il est indispensable de rompre avec l’industrialisation du monde et son organisation technobureaucratique qui rend toujours plus nécessaire l’omnipotence de l’Etat.
Résolument matérialiste, il sait que l’histoire n’est pas faite de la vie des idées, mais avant tout le résultat des dynamiques sociale. Résolument optimiste, il décèle au croisement du marxisme hétérodoxe, de l’écologie, et du mouvement autonome, des luttes inspirées de l’anarchisme qui structurent un mouvement tentant de mettre à jour l’anticapitalisme qui ne se réduit pas à un slogan, afin d’en faire une théorie et une action adaptées à la période actuelle.

Ce cheminement, qui fait écho à ce que l’OCL a pu débattre cet été autour de la Révolution, ou à la brochure de Vanina « Sortons des marais réformiste », se fait en bonne compagnie. Bonanni n’hésitant pas à convoquer nombre d’auteurs à lire ou relire, depuis Marx et Bakounine bien sûr, jusqu’à Gunther Anders, Pierre Clastres ou Bernard Charbonneau, en passant par Castoriadis, Hannah Arendt, Aude Vidal ou Simone Weil... Le tout sur une centaine de pages, dans une écriture enlevée, accessible et sans jargon. Une petite prouesse, et une œuvre utile pour changer l’ère du temps.

Philippe.

Que Défaire.- Nicolas Bonanni, Le monde à l’envers, Grenoble, 2022, 101 pages, 6 euros.

Notes

[1Ce monde connecté qu’on nous impose, le comprendre et le combattre, Nicolas BERARD, Le passager clandestin & L’âge de faire, 2022

[2Sexy Linky ? Pour voir le vrai visage du nouveau compteur électrique Linky sans se faire enfumer par Enedis, Nicolas BERARD, Le passager clandestin & L’âge de faire, 2018

[35G mon amour, enquête sur la face cachée des réseaux mobiles, Nicolas BERARD, Le passager clandestin & L’âge de faire, 2020

[4En France, l’organisation des Industries électroniques et numériques s’est structurée à partir de 1994 et a publié en 2004 un « livre bleu » sous l’égide de Pierre Gattaz, futur patron du Medef, livre destiné aux responsables politiques et décrivant toutes les futures technologies souhaitables pour eux…


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