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CA 330 mai 2023

Allier : la plus grande mine de lithium d’Europe en 2027

mardi 9 mai 2023, par Courant Alternatif

Le texte présenté ici est issu d’un tract rédigé par le collectif stop mines de l’Allier qui s’oppose a l’ouverture de la plus grande mine de Lithium d’Europe, et ce pour le compte de la multinationale française Imerys. Cette industrie extractive, en plus de ce qu’elle représente sur un point de vue de la stratégie industrielle française, pose de nombreuses questions sur son impact environnementale et plus particulièrement sur les ressources en eaux nécessaires a une telle exploitation.


Le 24 octobre 2022, les habitants des Combrailles apprennent que la multinationale Imerys a décidé d’ouvrir la plus grande mine de Lithium d’Europe à l’horizon 2027/2028.

Le projet remonte à 2015, date à laquelle l’Etat accorde à Imerys un permis exclusif de recherche pour prospecter le sous-sol de notre région. Généreusement soutenu par des subventions publiques, le projet minier avance de façon souterraine depuis 7 ans.

« Rassurez-vous, ce projet on souhaite le construire main dans la main avec vous,
en totale transparence. »
Propos tenu par Imerys lors de la réunion publique d’Echassières, novembre 2022.

Lors des réunions publiques d’information, l’industriel n’a répondu à aucune question posée par des habitants et des sceptiques, et pour cause : il leur aurait fallu mentir ou lever les foules si la moindre information était révélée. Sur l’emploi, à propos de l’eau, au sujet des pollutions, la réalité montre qu’ils vont nous faire courir au désastre.
Avec un investissement estimé à 1 milliard d’euros pour la phase de construction, difficile de croire que rien n’est ficelé.

{{1 000 emplois directs ou indirects sur la table ?

« Vous savez très bien qu’il n’y aura qu’une dizaine d’emplois sur le site !

  • Non, nous en garantissons au moins 20 ou 30.
  • Et la mine de kaolin, vous garantissez sa pérennité ?
  • … non. »
    Réunion publique d’Echassières, novembre 2022.

Ces 1000 emplois annoncés sont une tromperie : Imerys affiche officiellement 2000 emplois en France, répartis sur 32 sites. Les données de sociétés indiquent 291 salariés à son siège social parisien en 2022. On peut donc mathématiquement estimer à 53 le nombre moyen d’employés par site. La pérennité de la mine actuelle de Kaolin (entre 35 et 40 personnes) n’ayant pas été confirmé par Imerys, nous passerions donc de 1000 emplois à 12… chiffre qui correspondrait bien plus à l’effectif moyen d’une mine moderne ultra mécanisée. Si l’on retranche encore les emplois très spécialisés qui ne correspondent pas aux qualifications du bassin d’emploi local, c’est donc pour une toute petite poignée d’emplois locaux qu’on nous propose de ravager la région pour des décennies.
Le temps où les mines de charbons étaient le principal employeur de la région est révolu. Il n’y aura pas à Echassières un millier d’emplois pour faire vivre tout un territoire et sa population. Ceux qui veulent faire croire le contraire ne servent que leurs intérêts.

{{Une mine propre ça n'existe pas ! }}

« Notre projet s’inscrit dans la durabilité,
la préservation de la biodiversité et des sols est notre priorité »
Propos tenu par Imerys lors de la réunion publique d’Echassières, novembre 2022.

Il faut rappeler que les pollutions provoquées par des siècles d’exploitation minière en France ont créé une montagne de problèmes insolubles que ni les multinationales minières ni l’état ne veulent gérer car les coûts sont trop importants.
Pour prendre un exemple local, une étude de Géodéris en 2013 (bureau d’expertise financé par le ministère de la Transition écologique) a relevé sur le site du Mazet, à environ 3 km d’Echassières, le dépôt de matériaux chargés en arsenic causé par l’ancienne mine de tungstène arrêtée en 2006. De par sa composition et son volume important, ce dépôt non confiné et situé à proximité d’habitations présente un potentiel de toxicité très élevé pour les populations, les eaux superficielles et les écosystèmes.

La mine est le secteur industriel qui produit le plus de déchets au monde. Pour exploiter un gisement, on va d’abord extraire de très importants volumes de roches qui en barrent l’accès, les « stériles ». Une fois arrivée au gisement, il faut broyer la roche en poudre fine (35 millions de m3 sur le site d’Echassières pour les 25 ans d’exploitation), la lessiver, la faire réagir avec des substances chimiques (Imerys a refusé de dire lesquels) pour en extraire des minéraux présents en très faible quantité. Ces divers traitements produisent d’autres déchets appelés « résidus ». Stériles et résidus contiennent souvent des métaux toxiques-tantale, thorium, nobélium, arsenic, plomb, cadmium (plusieurs études officielles actent une concentration particulièrement importante en uranium et en thorium…) - et autres composés chimiques qui, une fois au contact de l’air et de l’eau, réagissent et peuvent être drainés dans les cours d’eau et les sols.
Ces procédés se révèlent très énergivores (8 à 10% de la consommation mondiale d’énergie serait consacrée à l’activité minière) et utilise nombre de produits chimiques et d’énorme quantité d’eau.
De plus, le souffre naturellement présent dans les gisements minéraux sera par son excavation mis en contact avec l’eau et l’oxygène. Cela a pour conséquence la production d’eaux acides, c’est le drainage minier acide, problème classique et catastrophique de l’industrie minière.

« Où comptez-vous prélever les millions de m³ d’eau annuels nécessaires à votre industrie,
à l’heure des sécheresses répétées ?

  • ... »
    Réunion publique d’Echassières, novembre 2022.

Pour ne retenir que le problème de l’eau, l’extraction des 34 000 t de lithium voulu par Imerys implique la consommation d’une quantité colossale d’eau.
Par analogie avec l’extraction de lithium des roches dures en Chine, il faudrait 8 à 9 millions de m3 d’eau. Même si l’eau prélevée et utilisée en circuit fermé ce ne sont pas moins de 2 millions de m3 d’eau par an qui seront nécessaires. Pour comparer, aujourd’hui notre SIVOM Sioule et Bouble exploite environ 2,3 millions de mètres cubes par an pour un territoire qui va de Echassières à Voussac, à Broût-Vernet, à Biozat et qui représente 46 communes et 25 000 habitants.
L’excavation des sous-sols va provoquer l’affaissement de nos nappes phréatiques et donc l’assèchement de nos sources, de nos puits, la destruction de l’écosystème qui en dépend.
À l’heure des grandes sécheresses et des restrictions d’eau, qu’est ce qui nous garantit que l’accès à cette ressource vitale sera maintenu ?

{{Ni ici ni ailleurs !

Les activités extractrices d’Imerys partout dans le monde ne peuvent que nous faire douter de sa prétendue moralité. Sa mine de kaolin en plein cœur de l’Amazonie a provoqué en 2014 une pollution endémique des ressources en eau, privant des milliers de personnes de leur accès à l’eau potable et les empêchant de pratiquer leur activité de pêche. Dans cette affaire comme déjà en 2007, Imerys a été condamnée en justice plusieurs fois, à des amendes ainsi qu’à stopper ses opérations le temps d’améliorer les bassins de décantation incriminés. A ce jour les riverains se plaignent encore que les travaux promis pour permettre la reprise de l’activité n’ont jamais été réalisés...
Et si le mythe d’une « mine propre » était vrai, quel cynisme de la part de ces multinationales extractivistes d’affirmer ainsi que certains endroits de la planète peuvent être ravagés écologiquement et socialement alors qu’elles prétendent pouvoir faire autrement.
Quel cynisme encore de la part de groupes écologistes comme Greenpeace d’affirmer que nous devrions prendre notre part à la fameuse transition écolo ! L’extraction ici ne changera rien aux désastres en cours dans le monde et si nous souhaitons nous confronter à notre « dette environnementale » à l’égard du reste du monde, il est de notre responsabilité de dénoncer et d’empêcher les projets industriels des classes dirigeantes et des entreprises, dont les besoins en métaux contribuent au déclenchement de cette ruée minière mondiale.

{{Quel avenir désirons-nous ?

On voudrait nous faire accepter le désastre que représente cette mine de lithium au nom de la transition écologique car elle permettrait d’équiper les batteries de 700 000 véhicules électriques par an. Promue sans la moindre réserve par les industriels et les politiques, la voiture électrique serait le véhicule « propre ». Or, de la production des batteries à leur durée de vie, leur non-recyclage, en passant par le renouvellement du parc, le poids des véhicules et leur usage, le caractère écolo de la voiture électrique n’a absolument rien d’évident. Des recherches sont déjà en cours pour trouver des alternatives ne nécessitant pas l’utilisation massive de minéraux tel que le cobalt, qui est à la fois une ressource naturelle finie et un métal toxique.
De l’aveu même du BRGM, l’avenir de ces batteries au lithium est déjà compromis : « Aujourd’hui, le principal secteur tirant la vente de ces batteries Lithium est la production de véhicules électriques et cette situation devrait perdurer pendant plus de 10 ans avant une éventuelle rupture technologique et de possibles batteries sans lithium. […] le développement industriel des gisements et des procédés adaptés reste un important défi pour les années à venir, afin d’exploiter au mieux les potentialités de ce marché en croissance. ».
On comprend bien que l’enjeu ici n’est pas de trouver des solutions technologiques écologiques et durables mais de profiter d’un marché juteux tant qu’il en est encore temps.
Il nous semble urgent de nous opposer à cet horizon décarboné mais mortifère enrobé de green washing et de culpabilité. Nous n’avons pas choisi ce monde où il nous est rendu impossible de vivre sans nos prothèses numériques. Et de toute évidence, ce ne sont pas les serveurs de Wikipédia qui font exploser la demande en énergie et en métaux, ni la consommation électrique de nos écoles et de nos hôpitaux qui justifie le lancement d’un nouveau programme de centrales nucléaires ! Il faudrait disposer de métaux stratégiques pour que Safran Thalès puissent produire leurs drones tactiques, leurs interfaces homme-machine et autres systèmes de reconnaissance biométriques ? Devons nous assumer le saccage de territoires entier set des populations qui y habitent pour permettre la construction de Tesla ou autres SUV électriques pour le plaisir des plus riches et le bien-être de l’industrie automobile ?

Grâce à une grande mobilisation populaire, l’état Serbe a été contraint de stopper le projet d’une gigantesque mine de lithium développé par la multinationale Rio Tinto. Preuve qu’il est possible pour nous tous de contrer ce projet !

Collectif stopmines03
Contact et adhésion : contactstopmines03@gmail.com
www.facebook.com/stopmine03

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