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CA 336 janvier 2024

Big Brother 336

mardi 30 janvier 2024, par Courant Alternatif


Les contrôles CNAF

Après des mois de lutte, l’association La Quadrature du Net a réussi à obtenir le code source de l’algorithme utilisé par la CNAF pour le contrôle des allocataires. Elle révèle que, comme nous pouvions nous en douter, sont ciblés les plus précaires. A la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), où la recherche des erreurs de déclaration et des fraudes s’est industrialisée au cours des dernières années, un outil a été érigé en totem : Le data mining (exploration de données). La priorisation des dossiers à contrôler repose aujourd’hui quasi exclusivement sur un « score de risque » calculé pour chaque allocataire suivant une batterie de critères personnels. Cet algorithme utilise des caractéristiques personnelles des allocataires, pour certaines discriminatoires, afin de leur attribuer un risque de fraude…
A la CAF, le data mining est expérimenté dès 2004, dans les caisses locales de Dijon et de Bordeaux. Son usage est généralisé en 2010 à l’ensemble du territoire, dans un contexte politique marqué par la chasse à la fraude sociale d’un certain Nicolas Sarkozy qui avait mis en place, une fois élu, une délégation nationale à la lutte contre la fraude ! Pour la CNAF, il s’agissait de déterminer les profils d’allocataires les plus susceptibles d’avoir commis des irrégularités dans leurs déclarations. Pour cela, la CNAF a lancé un gigantesque test grandeur nature : elle a envoyé ses 700 contrôleurs au domicile de 7 000 allocataires tirés au sort pour vérifier leur situation en détail. Ensuite des statisticiens se sont intéressés aux caractéristiques communes des dossiers ayant abouti à la réclamation de sommes versées à tort (les fameux « indus »). Ils ont cherché des corrélations avec les nombreuses données dont ils disposent sur les bénéficiaires fautifs ! Fort de ces constats, l’organisme a choisi une quarantaine de critères auxquels il a attribué des coefficients de risque. Ce système lui permet d’attribuer automatiquement à chaque bénéficiaire un score allant de 0 à 1, en piochant dans ses données personnelles. Plus ce score est élevé, plus les chances de subir un contrôle à domicile sont élevées. Cette méthode de ciblage détectant plus d’irrégularités que les contrôles aléatoires s’est rapidement imposée : en quelques années, le data mining est devenu le premier facteur de déclenchement des contrôles à domicile (environ 70 % en 2021).
Le score de risque est principalement calculé à partir de critères portant sur la composition du foyer, ses ressources ou la situation professionnelle de ses membres. De plus, une poignée de ces critères peut faire varier drastiquement le score de risque. Les contrôles ciblent donc davantage des profils types, sur des critères que les déclarants ne maîtrisent pas, que des comportements suspects ou des situations incohérentes, comme le prétend la CNAF.
Plus troublant encore, l’algorithme utilise des éléments liés à la situation familiale des allocataires, à l’âge des membres du foyer, à la vulnérabilité économique ou au handicap. Parmi les critères qui augmentent le score de risque, on trouve par exemple : le fait d’avoir un conjoint de plus de 60 ans ; le fait d’avoir un enfant de plus de 12 ans dans le foyer ; le fait d’avoir récemment divorcé, être veuf(ve) ou séparé(e) ; le fait d’avoir des revenus inférieurs à un certain seuil (942 euros pour une personne seule) ; le fait d’être bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé (AAH)... L’utilisation de ces caractéristiques est en principe prohibée par les législations française et européenne comme étant discriminatoires. La CNAF rejette l’accusation de discriminalisation, assurant n’opérer que sur des fondements statistiques.
Elle entretient aussi un double discours sur la finalité de son algorithme. Officiellement, le data mining ne fait que rechercher des erreurs déclaratives et non pas des fraudes intentionnelles, que ces erreurs soient en faveur ou en défaveur des allocataires. Mais au final la CNAF a réclamé, par exemple, 985 millions d’euros de trop-perçus aux allocataires en 2022 contre seulement 378 millions de droits non versés à tort.
La Quadrature du Net dénonce, pour sa part, d’autres organismes comme Pôle emploi, l’Urssaf, l’assurance vieillesse, les Mutualités sociales agricoles ou, dans une moindre mesure, l’assurance maladie, qui ont en développement le même type d’algorithmes « qui répondent aux mêmes objectifs et qui vont globalement aller cibler les mêmes publics ».
Sources : La quadrature du net, le monde, médiapart

Contrôles d'identité

En France, on ne sait ni combien de contrôles d’identité sont pratiqués par les forces de l’ordre chaque année, ni à quoi ils servent. Et vu le faible degré de supervision exercé sur ces contrôles, on ignore aussi s’ils sont réalisés dans les règles. 
La défenseure des droits, Claire Hédon, a saisi la Cour des comptes qui a enquêté et rendu publique son rapport le 6 décembre. Après une série d’entretiens et de déplacements, couplée à l’analyse de données officielles, la Cour des comptes ne peut apporter que des réponses approximatives à des questions simples. 
Malgré la « place centrale » des contrôles d’identité dans le travail quotidien de la police et de la gendarmerie, la Cour des comptes constate que « les forces de sécurité ne se sont pas données les moyens de recenser de manière exhaustive les contrôles réalisés ni d’en comprendre les motifs et d’en analyser les résultats. Cette situation est d’autant plus surprenante que la pratique des contrôles d’identité fait l’objet d’un débat de longue date dans l’opinion publique ». 
Aucun outil statistique ne permet de savoir combien de contrôles d’identité sont réalisés chaque année en France. À partir de « sources partielles et peu fiables » qui lui imposent la prudence, la Cour des comptes parvient à une estimation chiffrée de cette pratique « à la fois massive et mal mesurée » : 47 millions de contrôles en 2021, « soit en moyenne 9 contrôles par patrouille et par jour ». 
« La gendarmerie nationale a contrôlé environ 20 millions de personnes, dont 8,3 millions au titre d’un contrôle routier. La police nationale a réalisé de l’ordre de 27 millions de contrôles d’identité la même année, dont 6,6 millions de contrôles routiers. » Le rapport appelle le ministère de l’intérieur à mettre en place « un recensement exhaustif » qui paraît « indispensable » pour mesurer et analyser le phénomène. 
Sur le terrain, les agents bénéficient d’une grande marge de manœuvre sur la décision de procéder à un contrôle d’identité comme sur son déroulement. Ils sont aussi les seuls à décider si la situation nécessite d’effectuer une palpation de sécurité sur la personne contrôlée ou de consulter les fichiers nationaux de police et de gendarmerie (comme le Fichier des personnes recherchées) pour voir si son nom y figure. 
La Cour des comptes note que ces actes complémentaires au contrôle, qui n’ont rien d’obligatoire, sont en voie de « généralisation ». Voire détournés de leur objet. « Des palpations de sécurité sont parfois réalisées pour la recherche d’infractions », comme la détention de stupéfiants, constate même la Cour. Selon le Code de sécurité intérieure, les palpations sont exclusivement destinées à vérifier si la personne est porteuse d’un objet dangereux, pour elle ou pour les autres (comme un couteau). 
Les contrôles routiers, quant à eux, se caractérisent par « la latitude totale dont bénéficient les policiers et les gendarmes dans le choix des conducteurs à contrôler, indépendamment de tout critère de comportement ».
Quant aux contrôles au faciès, la Cour des comptes se montre aussi timide que le Conseil d’Etat. En effet, en France les statistiques ethniques sont interdites !
Sources : Médiapart.fr

Salon Milipol : Des outils de torture repérés par Amnesty International

Du 14 au 17 novembre se tenait près de Paris le salon MILIPOL (voir CA 335 sous cette rubrique),
Une équipe d’Amnesty International s’est promenée dans le salon et a identifié « des armes de maintien de l’ordre illégales ainsi que des équipements considérés comme interdits par la rapporteuse de l’ONU sur la torture ».
Parmi ces outils barbares, des « matraques électriques de contact direct, gants à impulsions électriques, munitions contenant plusieurs projectiles cinétiques, des lanceurs multi-canons… »
Autant d’innovations destinées à la violence d’État qui sont exposées « par des entreprises américaines, chinoises, tchèques, françaises, israéliennes, italiennes, kazakhs, sud-coréennes ».
En principe, depuis 2006, l’Union Européenne interdit l’exportation de certains équipements répressifs en « vertu du règlement anti-torture de l’UE ». En 2019, ce Règlement a été renforcé, interdisant « la promotion et l’exposition de ce matériel lors des salons commerciaux », tel que MILIPOL. Ces règles ne sont absolument pas appliquées. Du reste, la notion même de « torture » est floue.
Quand la police française tire des balles en caoutchouc en plein visage d’êtres humains, c’est de la torture. Quand la gendarmerie envoie des milliers de grenades explosives sur des écologistes, provoquant des mutilations et des comas, c’est aussi de la torture. De même quand des agents déchargent plusieurs fois des impulsions électriques dans le corps d’une personne arrêtée.
« Contrairement aux armes conventionnelles, il n’existe pas de règles mondiales juridiquement contraignantes régissant la production et commerce de matériel de maintien de l’ordre » estime Amnesty. Rappelons ici que les Taser ou les LBD utilisés en France sont létales.
Source : amnesty.fr

Loi justice : Le Conseil Constitutionnel censure… en partie

Dans une décision du 16 novembre, le Conseil a censuré l’activation à distance des téléphones portables pour la captation de sons et d’images car c’était de nature à porter une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée.
En revanche, le Conseil constitutionnel juge que « l’activation à distance d’appareils électroniques à des fins de géolocalisation ne méconnaît pas le droit au respect de la vie privée ».
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel censure partiellement et encadre de réserves d’interprétation des dispositions concernant le recours à la visioconférence dans le cadre de différentes procédures juridictionnelles.
Source : lemonde.fr

« On trouve tout à la Samaritaine »

Cet emblématique magasin parisien, propriété de LVMH , a rouvert en juin 2021 après 16 ans de fermeture due à des travaux pharaoniques. Cette mue a été inaugurée par Bernard Arnault aux côtés d’un certain Macron. Dès la réouverture, les vendeuses de maquillage ont fait état d’un management délétère, l’une d’entre elles a d’ailleurs porté plainte contre la Samaritaine pour « complicité de harcèlement moral au travail ». Des agents de logistique noirs ont aussi dû subir les remarques ouvertement racistes d’un responsable, toujours en place fin 2023.
On trouve surtout des caméras à la Samaritaine tant le magasin et le sous-sol sont quadrillés. Plus de mille caméras sont réparties dans le magasin, toutes déclarées d’après la direction.
Fin août 2023, 3 salariés ont découvert des caméras cachées dans des détecteurs de fumée à l’étage (-2) destinées à surveiller les salariés et certainement filmer l’accès au local syndical occupé par la CGT. Scandale ! Les caméras ne sont pas restées longtemps en place. Le lendemain de leur découverte, les salarié·es du deuxième sous-sol sont convoqué·es au quatrième étage, dans les bureaux de la direction. « Ils ne comprennent pas vraiment ce qu’ils font là. Ça dure une demi-heure, on leur parle de primes, relate le représentant syndical CGT de la Samaritaine. Quand ils redescendent, tous les faux détecteurs ont disparu. Ils m’appellent et me disent : “Ça y est, ils ont fait le ménage.” Sur les murs, il ne reste que les socles et les scotchs. ».Quelques jours plus tard, une partie des dirigeants du magasin descendent au « − 2 ». Le directeur, accompagné du responsable de la sécurité, tente de rassurer les équipes. « Ils nous ont assuré que ce qui se disait dans les couloirs, c’étaient des affabulations. Ils ont promis qu’ils ne nous avaient pas filmés et ont avancé qu’ils réalisaient simplement des tests », se souvient un salarié.
Deux cartes mémoires prélevées sur les caméras espions sont désormais aux mains de la fédération commerce de la CGT
Source : Médiapart.fr

La police est bien protégée

Fin novembre-début décembre, une série de conférences, ateliers et concerts se tenait dans le cadre d’une semaine antifasciste à Lyon. Les 2 et 3 décembre, des interventions de militant-es et d’auteur-es autour des violences d’État et de la répression policière devaient avoir lieu à Villeurbanne. La préfecture du Rhône a pris un arrêté pour interdire les rencontres et discussions du week-end au motif de présumés troubles à l’ordre public. L’arrêté préfectoral visait notamment l’atelier « Abolir la Police » du collectif Matsuda, qui fournit un travail remarquable sur l’abolitionnisme de la police.
Pendant ce temps en Bretagne, du côté de Saint-Malo, une trentaine de planches de la bande dessinée "Koko n’aime pas le capitalisme" étaient exposées lors du festival Quai des Bulles. "Une mise à l’honneur" pour les illustrations de l’artiste tienstiens dans divers lieux publics de la ville. La BD a été vendue à plus de 20.000 exemplaires. Alors que l’exposition devait se terminer le dimanche 26 novembre, un article de France 3 précisait que les planches avaient été décrochées dès le 17 novembre car des agents de la police municipale jugeaient deux panneaux du dessinateur particulièrement choquants. En ligne de mire, un croquis représentant des choristes chantant l’hymne des militants radicaux : "Tout le monde / Déteste la police" et intitulée "ACAB BCBG", pour "All Cops Are Bastards" (tous les flics sont des bâtards) et "bon chic bon genre". Un dessin insupportable pour les policiers municipaux qui, après un simple coup de pression à la mairie, a réussi à faire enlever les affiches de tienstiens illico...
Source : contre-attaque.net

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