CA 336 janvier 2024
mercredi 31 janvier 2024, par
Le tribunal de grande instance de Paris a statué à l’issue d’une longue procédure portée par le syndicat Sud PTT pour manquement au devoir de vigilance sur les risques que le groupe La Poste fait courir à ses travailleurs sous-traitants. Parmi eux, des travailleurs sans-papiers de Chronopost et DPD dont plusieurs centaines sont en grève et en action depuis trois ans déjà contre l’exploitation dont ils font l’objet et contre l’incurie de La Poste et du gouvernement qui refusent de les entendre. Les dirigeants du groupe La Poste devront cesser d’assumer pleinement le recours sans contrôle à de la main d’œuvre sous-traitée. Une bataille de gagnée mais la guerre est loin d’être finie, les piquets de grève des sous-traitant du groupe français se poursuivent.
La France réunit 13 % de la population de l’Union européenne et 18 % de son PIB, mais n’a enregistré que 5 % des demandes d’asile déposées en Europe depuis 2013 par les réfugiés du Moyen-Orient, et 18 %, pas plus, des demandes d’origine africaine. Comment croire qu’elle pourra durablement se défausser sur les pays voisins après la mise en œuvre du Pacte européen ?
Source : Le Monde
Un homme de nationalité ouzbèke soupçonné de « radicalisation » par les autorités françaises a été placé en rétention puis expulsé du territoire français le 14 novembre dernier, malgré une mesure provisoire de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Des associations de défense des droits humains et d’aide aux étrangers ont dénoncé une expulsion « illégale et dramatique venant violer le droit européen ». Le 7 décembre, le Conseil d’État a enjoint à l’État français de permettre le retour, à ses frais et dans les meilleurs délais, du ressortissant ouzbek expulsé. Celui-ci est actuellement détenu en Ouzbékistan, sans accès à une procédure pénale, dans des conditions indignes, et risque la torture en cas de condamnation.
Instrumentalisant le meurtre de l’enseignant d’Arras, Dominique Bernard, et dans le contexte des débats autour du projet de loi « immigration », Darmanin et le gouvernement font la sourde oreille aux injonctions qui leur sont faites. Le ministre de l’intérieur n’a pas caché ses intentions en matière d’expulsions, revendiquant le souhait de pouvoir s’affranchir de la CEDH pour parvenir à éloigner des individus qu’il considère comme « dangereux ». La CEDH laisse en réalité une grande latitude aux États en matière d’expulsion des étrangers et de lutte contre le terrorisme. Mais elle interdit qu’une expulsion expose une personne à la mort ou la torture. Ce dont se moque le gouvernement français, prêt à violer une décision de justice qui lui déplaît et à piétiner le droit européen.
Source : Le Monde
La route migratoire des côtes africaines aux îles Canaries est de plus en plus empruntée. Entre le 1ᵉʳ janvier et le 30 novembre 2023, plus de 35 410 personnes y sont arrivées par voie maritime, selon le ministère espagnol de l’intérieur. C’est plus du double de l’année précédente. L’intensification des contrôles et des refoulements en Méditerranée favorise la route vers les Canaries, mais c’est aussi la deuxième voie d’accès la plus mortelle vers l’Europe. L’ONG « Caminando Fronteras » estime que plus de 1 784 personnes sont mortes en 2022 dans cette traversée, et le bilan pour l’année 2023 s’annonce au moins deux fois plus lourd. Les exilés s’engagent dans cette éprouvante traversée après la perte de leurs gagne-pains, souvent liée au changement climatique qui affecte durement l’Afrique, alors qu’elle émet moins de 4 % du gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. D’après les rapports de la Banque mondiale, les bouleversements du climat pourraient entraîner des pertes annuelles de 2 % à 12 % du PIB d’ici 2050 en Afrique de l’Ouest. Cette situation économique entraîne une instabilité politique.
Le Sénégal est, cette année, le premier pays d’origine vers les Canaries. Cela est en grande partie lié à l’effondrement de la pêche locale. Les pêcheurs ont été écrasés par l’arrivée de navires-usines européens, à la suite d’un accord de pêche conclu en 2020 et qui ouvre l’accès aux eaux sénégalaises. Plus récemment, une plateforme gazière construite notamment par les Étasuniens BP et Kosmos Energy au large du Sénégal, dans une zone très poissonneuse, est venue empirer la situation. Le statut de réfugié climatique n’existe pas dans le droit humanitaire international alors que c’est une cause profonde de la migration. L’Union européenne construit une stratégie qui s’appuie sur la « contention » dans les îles — les Canaries, Lesbos, Samos, Lampedusa — transformées en prisons pour les exilés. Le déséquilibre est énorme entre les sommes investies pour accueillir et intégrer les personnes migrantes et celles déboursées dans la guerre des frontières, notamment au travers de l’agence Frontex. Cette gestion militarisée des migrations favorise les discours et actions xénophobes de l’extrême droite.
Source : Le Monde
Selon les estimations, les personnes migrantes seraient à ce jour environ 500 à Calais – originaires majoritairement du Soudan, d’Afghanistan, d’Érythrée – à vivoter dans des camps pourtant démantelés toutes les quarante-huit heures. C’est ici que Darmanin s’est rendu le 15 décembre pour présenter la loi immigration, rencontrer la maire LR Natacha Bouchart et décorer des policiers et gendarmes « blessés durant des missions de lutte contre l’immigration irrégulière ». En réaction, bon nombre d’associations humanitaires ont appelé à une manifestation contre cette opération de comm’ et de drague envers les Républicains pour que la loi immigration passe – ce que s’est passé !. « Comme en période électorale, Calais est un endroit de théâtre, un piédestal pour draguer la droite et faire passer son projet de loi » déclare Juliette Delaplace du Secours catholique.
En attendant, les tragédies se multiplient au large de la Manche. Dans la nuit du 14 ou 15 décembre, une soixantaine de personnes ont été secourues alors que leur embarcation se dégonflait et que certaines se trouvaient à l’eau. L’une d’elles est décédée tandis qu’une autre a été transportée à l’hôpital de Calais, en urgence absolue. Par ailleurs, un Soudanais est mort d’un arrêt cardiaque lors d’un autre naufrage, la même nuit.
Source : Le Monde
Comme relaté dans le numéro 335 de Courant Alternatif, la Cour suprême britannique avait bloqué le mois dernier une précédente version du projet. Elle avait déclaré le texte illégal, estimant que le risque était « réel », pour les personnes concernées, d’être refoulées vers leur pays d’origine par les autorités rwandaises, même si leur demande de protection était justifiée. Or le projet de loi du premier ministre britannique, Rishi Sunak, permettant la déportation de personnes migrantes vers le Rwanda, a finalement été adopté lors d’un vote au Parlement, le 12 décembre. Il s’agit du texte considéré comme « le plus dur » jamais présenté contre l’immigration illégale, selon les mots du chef du gouvernement.
Ce nouveau texte définit le Rwanda comme un pays tiers sûr et empêche le renvoi des migrants vers leur pays d’origine. Il propose également de ne pas appliquer aux expulsions certaines dispositions de la loi britannique sur les droits humains, pour limiter les recours en justice. Toutefois, l’aile droite du parti conservateur trouve ce texte insuffisant et incomplet. Certains estiment que Londres devrait se retirer de la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres conventions internationales sur les droits humains, pour empêcher tous les recours légaux d’aboutir. Ce sont ces mêmes revendications que prônent les partis LR et RN en France. Début décembre, le ministre de l’immigration, Robert Jenrick, a démissionné, refusant de soutenir un texte qui ne va pas « assez loin » selon lui. Des deux côtés du Channel, même répression des sans-papiers. Depuis le début de l’année, environ 29 000 personnes ont rejoint le Royaume-Uni à bord d’embarcations pneumatiques, contre plus de 45 000 en 2022.
Source : Le Monde
« Ils sont entre 800 et 1 200 à Paris et Saint-Denis, quelque 500 à Calais , environ 400 à Grande-Synthe près de Dunkerque, 200 à Ouistreham, plusieurs dizaines éparpillés ici et là le long du littoral de la Manche ou dans des grandes villes de province… Plusieurs milliers de personnes migrantes dorment chaque nuit dans la rue, une situation qui perdure depuis des mois alors que le l’hiver est là. Des actions en urgence se mènent, mais à une petite échelle : mise à l’abri d’enfants et de familles dans les écoles, pendant la nuit, occupations de lieux publics. » C’est ainsi que le 3 décembre, 33 membres du collectif des jeunes migrants du parc de Belleville et plusieurs dizaines d’habitant-es solidaires du XXe arrondissement sont entrés, avec une banderole "Plus une nuit dehors pour les jeunes migrants du parc de Belleville !", dans la Maison de l’Air située sur les hauteurs du parc de Belleville pour permettre aux jeunes de dormir à l’abri et au chaud le soir-même et les prochains.
Vidéo de l’action sur Youtube + Cagnotte de soutien au collectif des jeunes du parc de Belleville : https://link.infini.fr/belleville
Le 5 décembre, la Mairie de Paris célébrait en grande pompe dans ses salons d’apparat de l’Hôtel de Ville l’engagement citoyen et la solidarité. Les 200 adolescents, mineurs isolés étrangers illégalement jetés à la rue par le Département, et qui survivent dans des conditions indignes depuis des semaines sur le parvis de l’école publique St Merri en face du Centre Georges Pompidou, n’étaient pas de la fête. Avec quelques parents d’élèves solidaires, ils s’y sont invités, s’infiltrant en délégation à la soirée « Paris, je m’engage » et ont interpellé la maire, Anne Hidalgo, avec une banderole : « Enfants à la rue. Honte de Paris ». Ils ont ensuite lu une lettre de doléances aux autorités publiques. Tard le soir, aucune proposition d’hébergement n’étant en vue, la suggestion d’occuper massivement les lieux pour y dormir le temps de trouver une solution a poussé les services municipaux à agir. Un peu avant minuit, il était soudain possible de loger tout le monde, pour la nuit même, certes de manière précaire, mais en intérieur, dans des gymnases. Dénouement temporaire, dans l’attente d’une prise en charge conforme au droit, mais joie et fierté des jeunes d’avoir su se faire entendre et d’avoir restauré collectivement leur dignité.
Source : Des parents solidaires de l’école Saint Merri
La mesure peut paraître paradoxale pour un gouvernement qui s’est engagé à réduire l’immigration. Mais les pressions patronales sont fortes pour trouver de la main d’œuvre dans certains secteurs pas du tout attractifs, vu les salaires faibles, les horaires abusifs, les conditions de travail très dures ; secteurs que la loi immigration française définit comme étant "en tension". Agriculture, bâtiment, service à la personne, tourisme : l’économie italienne ne peut pas tourner sans les travailleurs extra-communautaires. Quelque 50 000 postes ont déjà été ouverts au début du mois de décembre. Ils ont trouvé preneurs aussitôt.
Giorgia Meloni, qui a promis de stopper l’immigration illégale, ouvre comme jamais depuis dix ans les vannes de l’immigration de travail. Et ces 450 000 titres de séjour annoncés jusqu’en 2027 sont loin de combler les besoins, selon le président des chambres de commerce en Italie : "Ca ne suffit pas, le gouvernement reconnaît lui même qu’il en faudrait 800 000. Mais c’est certainement plus d’un million ; une offre d’emploi sur deux ne trouve pas preneur". En France, Darmanin parle de 7 000 à 10 000 régularisations supplémentaires par an de travailleurs sans papier prévues avec la nouvelle loi.
Source : Le Monde
Le mercredi 21 décembre, vers 15 heures, un Airbus de la compagnie roumaine « Legend Airlines » a atterri à l’aéroport de Paris-Vatry pour une escale technique qui devait durer une heure – histoire de faire le plein de kérosène. A son bord, en plus des 15 membres d’équipage, se trouvent 303 ressortissants indiens qui ont décollé depuis la ville de Fujairah (Émirats-Arabes-Unis) pour aller jusqu’à Managua, au Nicaragua. Après un appel anonyme, la Brigade de Gendarmerie des Transports Aériens (BGTA) a procéde à un contrôle puis à l’immobilisation de l’engin pour une enquête sur des soupçons de traite d’êtres humains ouverte par le Parquet de Paris. Pendant 4 jours – le maximum prévu par la Loi- les passagers sont confinés dans le hall d’accueil de l’aéroport, l’endroit ayant été transformé par arrêté préfectoral en zone d’attente pour étrangers avec des lits de camp et des douches à l’extérieur ! Des suspicions planent sur les migrants indiens qui travaillaient dans le Golfe Persique et qui seraient partis vers le Nicaragua pour ensuite passer illégalement aux États-Unis. Après les péripéties judiciaires, l’avion redécolle le 25 décembre mais en direction de Bombay, en Inde. Retour à la case départ pour les 276 indiens qui ont accepté de remonter dans l’avion. Deux passagers sont accusés d’être les passeurs et reçoivent une OQTF. Les 25 passagers restés à Vatry, dont 5 mineurs non-accompagnés, ont effectué une demande d’asile. Elles ont été transférées dans la zone d’attente pour personnes en instance (ZAPI) de l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle.