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CA 340 mai 2024

C’était mieux après

Édito n°340

dimanche 5 mai 2024, par Courant Alternatif


Si le passé et le monde extérieur n’existent que dans l’esprit et si l’esprit est susceptible de recevoir des directives. Alors quoi ?   
George Orwell, 1984

Après la première crise suivant la révolution industrielle, la première guerre mondiale, la der des der, les industriels ont pu renvoyer les femmes à leurs foyers sans un merci et les politiciens démobiliser les tirailleurs survivants et les préparer à l’exposition coloniale.
Et vlan ! les années folles.
Après la deuxième, le « temps des Américains » nous a consommé, les femmes peuvent élire leurs maîtres et des tirailleurs avides de pension de guerre sont liquidés.
Nuit et brouillard. Chagrin et pitié.
Procès de Nuremberg ; création ex nihilo de l’État d’Israël, un pied de l’Occident au Moyen-Orient. Procès de Tokyo ; occupation de l’archipel japonais, un pied de l’Occident en Extrême-Orient.
Quelques recyclages d’agents de renseignement et techniciens en fusées dans la foulée.
Et hop ! Les trente glorieuses.

Par la suite, des guerres coloniales, longues en Indochine/Vietnam, en Algérie ; parfois plus « tranquilles » en Afrique Noire, quelques politiciens modernes ayant été formés dans les universités du Nord. Des élites assurément. L’Ouest et l’Est, utilisent encore ce terrain de jeu pour s’imposer idéologiquement mais surtout pour mettre la main sur des gisements sans fin - diamants, métaux précieux et aujourd’hui terres rares… Des décolonisations, rarement totales, jamais achevées, en pleine guerre civile pour partie, sont toujours en proie aux besoin de puissances impérialistes anciennement dominatrices ou nouvellement partenaires, comme la Chine du socialisme de marché.
Sur un fond idéologique de plus en plus lointain, des chefs d’État inquiets redoutent les membres de leurs propres gouvernements et suppriment leurs opposants. Les rebelles vivent sur les paysans qui les « hébergent » et en sont punis. Les enjeux d’égo comme les intérêts nationaux, opportunistes ou mûris de longue date, explosent et engloutissent les vies besogneuses qui n’en peuvent mais.
Mais ils sont en dé-ve-lop-pe-ment !

Les accords commerciaux, les cessions de concessions minières ou d’exploitations forestières, les autorisations d’installations militaires, les « coopérations » de toutes sortes, d’État à État sont le fruit d’enjeux politiques et géostratégiques sur lesquels les populations n’ont aucune prise. Le sol qu’elles foulent parfois depuis toujours est devenu le terrain d’affrontement de puissances étrangères dominantes. Ce qui ne peut être gobé par la voie des marchés le sera par la guerre, l’autre forme de la politique comme qui dirait… Ainsi les routes de la soie – l’ancienne et la nouvelle – les pistes et les détroits qui mènent à un lopin stratégique ou à un Eldorado sont-ils l’objet de convoitises dont les limites ne cessent d’être repoussées, d’Histoire tronquée en légitimité douteuse.

La carte du monde, alors, n’existe pas hors les têtes et les délires des conquérants colonialistes, des militaires et/ou prédateurs économiques. La répartition des peuples, ballottés de la colonisation au nationalisme, sommés de se comporter en alliés de fortune ou frères ennemis, de promiscuité forcée en séparation arbitraire, de partition en réunification… ne correspond nulle part aux frontières que d’autres ont tracées. Les fractures du monde, le bruit et la fureur, la sueur, le sang et les larmes et les écrans de fumée qui les accompagnent sont retransmis par satellites. Une info chasse l’autre, et les émotions se fracassent d’abord sur les scoops, puis s’en éloignent comme les papiers de la Une, jusqu’à l’étal… Il en est ainsi de la Russie et de l’Ukraine ; de la Palestine et d’Israël, qui relèguent l’Azerbaïdjan, l’Afghanistan, la Syrie, le Kurdistan, le Soudan, l’Éthiopie, au Congo Kinshasa, le Sri Lanka, le Myanmar ; partout où des points chauds sont marqués sur l’arrière-plan changeant des présentateurs-vedettes, analystes, experts, politologues qui débattent et sermonnent de mag’ en flash info. À un rythme et sur un mode si docte que le commun estomaqué en est réduit à l’état de témoin collatéral. Et de lui expliquer c’est ainsi que va le monde et qu’ils s’en occupent.

Les frontières mouvantes, les murs politiques, qu’on érige par-ci et qui tombent, par-là…
« Si vis pacem, para bellum ».* La paix armée, la dissuasion nucléaire, l’équilibre de la terreur… tous ces trucs rassurant et lucratifs, c’est une épée de Damoclès. Qui vaut son pesant d’or quand elle tombe.
Et boum, c’est reparti !


Boulogne sur Mer le 21 avril 2024

* « si tu veux la paix, prépare la guerre » locution latine à l’auteur incertain

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