Accueil > Courant Alternatif > *LE MENSUEL : anciens numéros* > Courant Alternatif 2024 > 341 juin 2024 > Foyers de travailleurs, solidarité avec les inculpés de Pylos, contre le (…)

CA 341 juin 2024

Foyers de travailleurs,
solidarité avec les inculpés de Pylos,
contre le plan Rwanda :
sans frontières !

samedi 29 juin 2024, par Courant Alternatif


Luttes des foyers de travailleurs

Essentiellement situés en région parisienne, les foyers de travailleurs immigrés restent des hauts lieux de lutte surtout depuis que les ex-foyers SONACOTRA sont devenus des « résidences sociales » gérées principalement par le bailleur social ADOMA. Le 19 avril dernier, un rassemblement de 500 personnes a eu lieu devant le siège social d’ADOMA pour réclamer des améliorations des conditions de vie et des relations – toujours tendues - avec ce gestionnaire. Une délégation a été reçue pour évoquer les cinq principaux points qui cristallisent la colère : l’absence de dialogue notamment avec les délégués des comités de résidents qui sont élus par les habitants ; l’expulsion des résidents qui hébergent un proche dans leur chambre, alors que c’est une pratique courante notamment quand le travailleur repart dans son pays mais qui est dorénavant interdite ; le non respect de la vie privée et collective car il y a de moins en moins de salles polyvalentes ; la surfacturation de l’eau chaude. On le voit, le combat doit se mener à toutes les échelles et grâce à la mobilisation, le rapport de force reste présent.

Autre lutte, celle autour des cantines de foyers. Elles ont été crées dès l’apparition des premiers foyers dans les années 1960. Les résidents, souvent ouest-africains se sont alors regroupés pour demander à des connaissances, des femmes sans emploi, de leur préparer collectivement la cuisine. Ce système repose sur la mutualisation des dépenses et progressivement, ces cantines très bon marché – 3 euros pour un riz poulet bien servi - sont intégrées aux foyers tout en restant autogérées au niveau des comités de résidents. Le travail y est souvent non déclaré, avec des équipes de deux personnes par foyer fonctionnant une quinzaine sur deux et en alternance. Aujourd’hui, quelques lieux ont été régularisés avec des associations tandis que d’autres cantines moins formelles continuent de fonctionner avec une ouverture sur le quartier car d’autres ouvriers viennent s’y restaurer. Mais voilà qu’Adoma menace de tout fermer dans le cadre de la réhabilitation des foyers qui deviennent des « résidences sociales » où les cuisines collectives sont supprimées – et en disant aussi qu’il faut régulariser les contrats de travail ... Cela a eu lieu au foyer Bara mais le restaurant social se maintient au sein d’un squat à Montreuil. Au foyer Edouard Branly, la lutte est en cours pour conserver une cantine populaire, autogérée et sociale.

Sources : COPAF, communiqués des comités de résidents

Grèce - solidarité avec les inculpés de Pylos

En juin 2023, un naufrage au large de l’île de Pylos faisait plus de 600 morts. La faute en grande partie au garde-côtes grecs qui ont refoulé au large le vieux chalutier bondé tandis que l’agence européenne Frontex a fermé les yeux sur cette pratique pourtant illégale. Face au drame, des responsables ont été cherchés mais du côté des migrants ! Ainsi, parmi les 104 survivant-es, 9 hommes ont été arrêtés et accusés de trafic de migrants et organisation criminelle ayant causé l’accident. Ils viennent de passer un an en prison et leur procès vient d’avoir lieu. En Grèce, un grand mouvement de solidarité s’est constitué autour de la coalition antiraciste et antifasciste KEERFA, la communauté pakistanaise et la communauté égyptienne – communautés d’origine des inculpés. Des manifestations ont été organisées, une cagnotte a été constituée pour aller assister à l’audience dans le sud du pays, à Kalamata. Le procès a été expéditif dans le bon sens, car dès le premier jour, le juge a décidé l’acquittement des 9 personnes mais pas par engagement militant ou bonté humaniste : l’affaire est classée car le bateau a coulé en dehors des eaux territoriales grecques. Circulez, y a plus rien à voir ! Sauf que les soutiens ne veulent pas s’arrêter là et essaient de surfer sur la vague de soutien pour inculper les vrais responsables de ce drame : Frontex et les garde-côtes grecs. La mobilisation se veut internationale notamment en France car le directeur de l’agence européenne de surveillance des frontières extérieures de l’UE était à l’époque Fabrice Leggeri - qui d’ailleurs avait du démissionner en 2022 suite aux révélations sur la politique de l’agence couvrant les refoulement systématiques de bateaux. Le bougre a rebondi car aujourd’hui, il sera sûrement député européen car en troisième position sur la liste du Rassemblement National pour les élections européennes. En attendant, la Ligue des Droits de l’Homme et Utopia 56 ont déposé plainte pour crimes contre l’humanité contre lui. Amnesty International soutient d’ores et déjà l’appel à des rassemblements dans toute l’Europe le 14 juin. A Paris, il y aura a priori une manifestation à partir de la place du Trocadéro jusque l’ambassade de Grèce. A suivre même si Leggeri ira se planquer à Strasbourg.

Source : la marche des solidarités

Des nouvelles du collectif des jeunes du parc de Belleville …

Nous en avons déjà parlé dans ces colonnes, plusieurs centaines de mineurs isolés s’étaient rassemblés dans un parc de Belleville à Paris et de nombreux soutiens se sont constitués autour d’eux pour devenir un collectif de lutte important. Dès lors, des actions sont menées régulièrement pour réclamer des logements et la prise en compte par l’État de ces jeunes. Depuis avril, plus de 150 mineurs occupent la maison des Metallos, un espace culturel de la mairie de Paris. Des AG y sont organisées avec aussi des manifestations comme celle du 17 mai dernier devant la préfecture d’Île de France. Mais les menaces d’expulsion arrivent et alors que nous écrivons ces lignes (25 mai), les convocations au Tribunal Administratif pour la procédure d’expulsion engagée par la ville de Paris ont été placardées par les flics. Pour la petite histoire, la Mairie de Paris qui joue la carte « c’est pas nous les méchants » veut mettre la pression à la préfecture, mais en expulsant... La chose qui est mise sous silence, c’est que le lieu doit servir pendant les Jeux Olympiques cet été ! En attendant le dénouement judiciaire et l’expulsion probable, le rapport de force reste conséquent car le site est toujours occupé avec les mineurs mais aussi les soutiens. Voici leur revendication : des hébergements dignes à Paris où rester jusqu’à épuisement des recours (pour la reconnaissance de la minorité), qu’ils puissent être ensemble et en lien avec les réseaux de solidarité, syndicats et associations ; une attestation d’hébergement les permettant de se déplacer sans être inquiété·es par les forces de l’ordre, notamment en période des JO ; une couverture médicale digne et la création d’un centre de santé dédié avec accueil de jour, centre de soins, psychologues, laverie, cantine et salles d’eau ; l’accès aux restaurants solidaires de la Ville de Paris pour se nourrir ; l’accès à l’Éducation Publique et à une scolarisation sans conditions ; l’accès gratuit à la culture ; l’accès aux transports gratuits comme tous les mineur·s d’Île-de-France ; le respect de la présomption de minorité ; le raccourcissement drastique de la durée des recours.

Source : communiqué du collectif des jeunes de Belleville

… et plus généralement, un nettoyage social en règle pour les JO

Depuis déjà plusieurs mois, les sans-abris et migrant-es franciliens sont envoyés dans des « sas » ou « lieux d’accueil provisoires » répartis dans toutes les régions françaises mais loin de la capitale pour ne pas gâcher la photo des jeux olympiques des bourgeois. Mi avril, le plus grand squat au sud de Paris où logeaient plus de 450 personnes, a été expulsé à Vitry-sur-Seine. Dans cette entreprise désaffectée, 80 % des habitant-es sont en fait en situation régulière mais ne peuvent pas se loger car pas les moyens pour le parc privé et dans l’attente de logements sociaux. Depuis, les délogés ont été éparpillés sans solution de logement pérenne, comme d’hab ! Début mai, c’est le 7 rue Baudin au Pré Saint Gervais qui a été expulsé après deux semaines d’occupation par le collectif Unibéton. Ce collectif du nom de l’ancien lieu occupé (voir nos rubriques précédentes) est composé de demandeurs d’asile, déboutés et réfugiés, déjà expulsé de l’île Saint-Denis en avril 2023, et de Rosny-sous-Bois en septembre 2023. Enfin, parfois l’expulsion a lieu avant même que le jugement ne soit prononcé comme ce fut le cas à Montreuil, fin mai alors que le procès devait avoir lieu le 19 juin. C’était un squat associatif qui accueillait aussi des ateliers d’artistes, le collectif urgence Palestine et même l’assemblée des quartiers. A l’étage, 17 sans papiers étaient logés, essentiellement des personnes issues d’autres expulsions. Le pouvoir a sûrement pris peur de cette coalition et a voulu casser net la solidarité. Actuellement, il n’y a pas une semaine sans expulsion en Île de France.

Source : communiqués de luttes

L'UE continuer à verrouiller ses frontières extérieures

En ces temps électoraux, il est important de rappeler que l’Union Européenne est un espace de libre circulation à géométrie variable. Aucune frontière pour les marchandises au nom du libéralisme, ça passe encore pour les citoyens européens (mais seulement dans l’espace Schengen), mais pour les migrants extérieurs, c’est beaucoup moins « ode à la joie » (l’hymne officiel de l’UE) … En effet, des accords bilatéraux avec des pays notamment africains sont signés sur le mode « argent pour l’aide au développement contre rétention des migrants illégaux ». Nous avons déjà parlé de ces marchandages de nombreuses fois dans cette rubrique. Dernièrement, la presse a découvert le refoulement dans le désert des exilés au niveau du Maroc, de la Tunisie et de la Mauritanie. Depuis 2015, ces 3 États ont perçu 400 millions d’euros du FFU – fonds fiduciaire d’urgence – pour le contrôle des frontières. Au Maroc, d’après les chiffres officiels, plus de 59 000 migrants ont été interpellés, en 2023. Selon les témoignages, il y a des véritables rafles qui se font au faciès. Une partie de ces migrants sub-sahariens est déportée vers le sud. Et il y a des morts, assoiffés par le désert : au moins 29 personnes depuis le début de l’année selon un rapport des Nations Unies en Libye.

De l’autre côté de la Méditerranée, quinze pays européens emmenés par le Danemark et la République Tchèque sont en train de plaider auprès de la Commission européenne pour l’envoi des migrants dans des pays tiers, à l’image de l’accord passé entre l’Italie et l’Albanie. Mais la notion juridique de "pays tiers sûr" qui encadre la loi européenne, fait débat. Actuellement, un immigrant arrivant dans l’UE peut être envoyé dans un pays extérieur où il aurait pu demander l’asile, à condition qu’il ait un lien suffisant avec ce pays tiers. Ce qui exclut à ce stade un modèle de type Royaume-Uni/Rwanda. Plus généralement, ces pays veulent multiplier les accords avec les pays tiers situés le long des routes migratoires, citant en exemple des partenariats déjà conclus, comme celui avec la Turquie pour retenir les réfugiés syriens en 2016.

Source:Le Monde, Infomigrants

Se faire la belle dans les CRA

Mi-mai, dix personnes retenues au CRA de Sète – sur 28 places au total - ont réussi à se libérer de ce lieu de privation. Ils sont passés par les combles et le toit, bien joué ! Dans ce même petit CRA, huit hommes s’étaient déjà évadés en avril 2023, en profitant d’un défaut de l’aimant de verrouillage de la porte. Ailleurs, il y a eu aussi d’autres évasions comme dans la nuit du 9 mai au CRA de Lille-Lesquin où 7 retenus ont réussi à déjouer la surveillance des garde-chiourmes. En avril, ce sont 10 étrangers qui se sont échappés du CRA d’Oisel en Seine-Maritime. Une série de bonnes nouvelles mais il faut rappeler qu’en 2023, le nombre de migrants enfermés dans les CRA a augmenté passant de 46 955 personnes enfermées contre 43 565 en 2022, tout comme la durée moyenne d’enfermement qui est de 28,5 jours – le maximum prévu par la loi est de 90 jours (chiffres de la Cimade et de France Terre d’Asile)

Sources diverses

Mobilisation au Royaume-Uni contre le Plan Rwanda

Alors que la loi est entrée en vigueur depuis le 22 avril et que les premières arrestations et démarches commencent pour envoyer des migrants au Rwanda, une mobilisation s’organise contre elle : des mobilisations humanitaires mais aussi des exilés eux-mêmes. Mi-mai, des migrants majoritairement afghans ont manifesté devant le Parlement britannique. Ils veulent être retirés de la listes des expulsables. Il y a aussi des mobilisations dans certains centres de rétention comme celui de Brook House, dans le sud de Londres où une cinquantaine de détenus ont manifesté. Dans un autre centre, près de l’aéroport d’Heathrow, une dizaine d’enfermés a débuté une grève de la faim. Plus généralement, une grande manifestation nationale est annoncée le 29 juin à l’appel des associations, ONG et des syndicats. Faisant fi de ces oppositions, le gouvernement veut maintenir son cap et prévoit les premières expulsions à partir de juillet et espère déporter au moins 5 700 personnes d’ici la fin de l’année.

Source : Infomigrants

Démantèlement de l'AME

Attal annonce cette réforme pour avant l’été. Il s’agit de transformer l’aide médicale de l’État en aide médicale d’urgence (AMU). Pour rappel, l’AME permet l’accès à la santé aux sans-papiers. Mais attention, sous des conditions qui sont déjà assez drastiques. Par exemple, le dispositif n’est pas accessible aux personnes en situation irrégulière qui ont des ressources supérieures à 847 euros par mois, parmi lesquelles de nombreux travailleurs qui cotisent et se voient pourtant privés de
couverture maladie. Avec la réforme, il s’agit de durcir encore plus ces conditions. Le nouveau calcul des ressources entraînerait une sortie sèche de toute couverture santé d’une personne sans-papiers en couple avec un conjoint français ou étranger en situation régulière, dont le
cumul des ressources mensuelles dépasserait le seuil de 1 271 euros. Cela va conduire à accroître les situation d’emprise et de dépendance conjugale. Autres obstacles : la limitation des pièces justificatives d’identité aux seuls documents avec photo, et à l’exclusion des attestations associatives, l’extension du dépôt physique des demandes de renouvellement au guichet des administrations (c’est actuellement obligatoire uniquement pour la première demande) ; la réinstauration d’une franchise ou d’un droit de timbre. On le voit tout est fait pour complexifier encore plus les démarches, tout en alourdissant le travail administratif de l’Assurance-maladie. Tout cela va augmenter le taux de renoncement aux démarches qui était déjà de 50 % en 2019 d’après une étude interassociative. Or, l’AME n’est pas un surcoût comme l’annoncent certains politiques. Les études institutionnelles le disent : le dispositif est nécessaire pour la protection de la santé individuelle et publique, son budget est maîtrisé – il représente moins de 0,5 % du budget de l’Assurance-maladie, une proportion stable depuis des années. Le dernier rapport sur ce sujet a été publié en décembre 2023 et réalisé entre autres par Claude Evin, ex-ministre de la santé qui réfute le fantasme de « la fraude » que celui de « l’appel d’air ». Pour s’opposer à cette réforme, un collectif d’une trentaines d’organisations sociales et humanitaires s’est constitué et il faut s’attendre à des mobilisations. Pour ce collectif, la seule mesure acceptable est « l’instauration d’une carte Vitale pour les usagers de l’AME, unique solution consensuelle et réaliste pour favoriser l’accès aux soins des plus précaires, alléger le travail administratif des soignants et de l’Assurance-maladie et renforcer notre santé publique ».

Source : Tribune du collectif dans le Monde

Répondre à cet article


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette