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CA 335 décembre 2023

OCL ? UCL ? On n’y comprend plus rien !

dimanche 24 décembre 2023, par Courant Alternatif

Un drapeau qui flotte au vent, le U de l’UCL (communiste libertaire) dans un pli qui se transforme en O ; un peu plus loin des vendeurs de Courant alternatif lui aussi communiste libertaire. La confusion est à son comble. CA est-il édité par l’UCL ? Ou vice versa. Depuis quelque temps pas mal de gens nous demandent si c’est la même chose et sinon quelle est la différence… (1)


Organisation ou Union ? La question se pose car si l’OCL n’est pas tout à fait une organisation au sens classique du terme et pourrait être appelée union, l’UCL, elle, se veut vraiment une organisation… mais ne se dit qu’union. Alors on échange ? Non, on laisse tomber, restons sur le communiste libertaire.

Un socle commun ?

Historiquement ça vient de la scission au sein de la première internationale (1864) sur la question de savoir comment, à partir de la critique du mode de production capitaliste, on va vers le communisme et ce que sera ce dernier. Les marxistes estiment qu’il faut une période de transition avec un Etat dirigé par un parti révolutionnaire chargé de développer les forces productives pour rendre le communisme possible. Les anarchistes, de leur côté, pensent qu’ainsi les formes de domination chassées par la porte rentreraient par la fenêtre au lieu de disparaître et qu’il faut détruire l’Etat en même temps que le processus révolutionnaire se déclenche et se mettent en place des formes de gestion directe de la société. A partir de cette affirmation se constitue un courant communiste libertaire ou anarchiste communiste, selon les goûts et les pays, comme une branche de l’anarchisme qui reconnait la lutte des classes et rejette l’individualisme au profit de l’action collective et de classe. Un courant qui s’affirme lors des révolutions russes et espagnoles en 1917 et en 1936.

En France

En France ce courant existe, mais en miniature. Il se fraye néanmoins un difficile chemin entre l’opposition à la guerre, les scissions syndicales, le soutien à la révolution espagnole, la Résistance. En 1945 une fédération ambitionne de « synthétiser » et de regrouper toute la famille. Mais ça ne peut pas coller bien longtemps entre un courant qui considère l’anarchisme comme un ensemble de positions pour une révolution sociale et des individus pour lesquels il s’agit davantage d’une philosophie moraliste. La FCL se forme, la FA se reforme.

La Fédération communiste libertaire (FCL), de la filiation de laquelle l’UCL se réclame encore, dure quatre ans à l’issue de laquelle elle disparaît, minée à la fois par la répression due à son engagement contre la guerre d’Algérie et par les contradictions d’une structuration interne de type léniniste (elle est dirigée par un groupe secret (organisation pensée et bataille – OPB – dirigé par un homme, Georges Fontenis).

Le plateformisme

La FCL – et maintenant l’UCL – se réclamait de la plateforme dite d’Archinov, élaborée entre les deux guerres mondiales par des anarchistes russes qui considéraient que les bolcheviks avaient gagné (donc que la révolution avait échoué) parce que les anarchistes n’étaient pas assez organisés. La plateforme préconise donc une organisation mieux structurée sur la base des unités stratégique et d’action (une orientation majoritaire doit être appliquée par tous les membres de l’organisation).
Des dissidents de la FCL en 1956 (la revue Noir et Rouge et les Groupes anarchistes d’action révolutionnaires - GAAR) considèrent, comme l’OCL à présent, qu’il s’agit-là d’une copie du modèle léniniste habillée d’un discours plus libertaire.

En 1968 une fraction de la FA (qui ne reconnait toujours pas la lutte des classes) s’en va former l’ORA (Organisation révolutionnaire anarchiste) sur des bases de classe. Dans la dynamique de mai 68 l’organisation, qui publie Front libertaire des luttes de classe est particulièrement active dans la parution de bulletins d’entreprises, de quartiers ou de villes.
Très vite deux sensibilités animent la toute nouvelle organisation. Une majorité se rapproche des conceptions de l’autonomie ouvrière (en plein croissance en Italie) ou du communisme de conseils tout en prêtant une attention particulière aux nouveaux mouvements qui se développent dans l’après 68 (femmes, sexualité, écologie, régionalisme, et révoltes ouvrières échappant en partie aux syndicats – comme dans la sidérurgie). Ces derniers sont considérés comme des intermédiaires entre le Capital et le Travail. La minorité se centre davantage sur sur un syndicaliste classique. Elle fait de la construction – avec d’autres sensibilités gauchistes – d’une tendance pour de s’emparer d’une CFDT considérée alors comme « autogestionnaire », son objectif principal. La scission intervient en 1976. La majorité devient l’OCL actuelle, l’UTCL qui deviendra plus tard l’Alternative libertaire (AL) puis l’UCL, et poursuit un chemin qui la situe comme une composante organique du gauchisme.

Rôle de l'organisation

Si le débat historique sur la plateforme est quelque peu obsolète, ses conséquences induisent une réelle divergence actuelle sur le rôle de l’organisation.
L’OCL combat le principe même de l’avant-gardisme et se situe plutôt à la lisière du conseillisme et de l’anarchisme. Elle privilégie les structures de base du mouvement social, celles que se donnent eux même les prolétaires. Elle ne pense pas que des cartels d’organisation pallient la faiblesse du mouvement social lui-même. L’OCL considère que la révolution n’est pas une question d’organisations politiques mais d’une d’autonomie des structures de base (comités d’action, conseil, soviets) que se donne le prolétariat à certains moments de la lutte des classes. Une organisation révolutionnaire est là pour défendre cette autonomie, faire des propositions et les discuter, prendre des initiatives certes, mais jamais s’emparer de lieux de pouvoir, plutôt les détruire.

L’UCL se situe dans une logique davantage avant-gardiste qui pratique la politique de l’apparition systématique de son organisation en signant textes, appels et manifestes y compris au niveau national avec les autres organisations de gauche. C’est la politique des cartels d’organisations qui en fait, selon l’OCL, une sorte d’aile libertaire du gauchisme.
Il suffit de lire la presse des deux groupes pour s’en rendre compte. Alternative libertaire est surtout constitué de textes courts (comme des tracts) dont l’objectif, propagandiste, est de mettre en avant l’organisation en donnant « la bonne ligne ». Courant alternatif est constitué de textes d’analyses plus longs, plus analytiques, qui, tout en donnant évidemment une position politique, en souligne les contradictions et entend fournir des éléments de réflexion pour ouvrir des débats.

En conclusion, l'antifascisme et le syndicalisme

Contre le fascisme, l’UCL préconise une politique des fronts avec une séries de forces dont certaines défendent des politiques qui sont précisément la cause de l’espace qui se libère pour les forces d’extrême droite et du racisme. Selon l’OCL, ce sont là des alliances qui, en obscurcissant la réalité sociale, ne luttent en rien contre la montée de l’extrême droite et se font toujours au détriment d’une affirmation révolutionnaire.

Les militants UCL sont syndicalistes, les militants OCL sont éventuellement syndiqués. Cela veut dire que les premiers tendent à s’investir à tous les étages de la vie syndicale, jusqu’au sommet lorsqu’ils le peuvent, jusqu’à avoir des permanents et des décharges de représentativité. Les militants OCL, lorsqu’ils sont syndiqués sont principalement actifs au niveau de leur section de base, voire d’une UL.
L’OCL privilégie l’existence et la construction de collectifs de base composés d’individus en lutte et non de représentants d’organisations. L’UCL a tendance à ne voir l’expression du mouvement social que par l’ensemble des organisations (même mini…) qui le composent et le plus souvent tentent de s’en emparer.

Commission journal

Note

(1) Le mieux est encore de lire la prose des deux CL et de se faire une idée directement.

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