CA 335 décembre 2023
samedi 30 décembre 2023, par
C’était en octobre 2019, 39 corps avaient été retrouvés dans un camion frigorifique au Royaume-Uni. C’étaient des vietnamiens : 8 femmes et 31 hommes, âgés de 15 à 44 ans, morts asphyxiés. Ils avaient embarqués d’un port en Belgique et tentaient de traverser la Manche. Le procès –qui s’est tenu en novembre à Paris- a permis d’en connaître un peu plus sur ces personnes et de découvrir quelques mécanismes du trafic autour de l’immigration clandestine. Au Vietnam, les migrants étaient originaires des villages les plus pauvres et les familles se sont endettées pour permettre à un membre de leur entourage de partir. En échange, ce dernier s’engage à envoyer de l’argent au pays – chose très classique ! Le prix pour le voyage est exorbitant : jusqu’à 40 000 euros dont une grande partie devait être versée avant ; pour la traversée de la Manche, c’est entre 10 000 et 14 000 euros via la Belgique avec une promesse d’un « voyage quatre étoiles ». Mais le voyage ne se fait pas d’une traite, il y a des pauses où les réseaux mafieux en profitent pour exploiter une main d’œuvre servile. Ainsi, ils ont bossé dans des fermes de cannabis quelques temps avant d’être « stockés » dans des hébergements en région parisienne dans l’attente du transfert vers le Nord.
Côté justice, le procès en France est le dernier d’une série car l’affaire à des ramifications européennes. Deux autres procès ont déjà eu lieu, en Angleterre et en Belgique avec des peines très lourdes : 27 ans de prison en Angleterre pour le chauffeur et 15 ans en Belgique pour le dirigeant de la cellule belge qui a fait passer les migrants dans des remorques frigorifiques pour échapper aux contrôles thermiques. Au tribunal correctionnel de Paris, il y avaient 19 prévenus de nationalité vietnamienne, française, chinoise, algérienne et marocaine. Contrairement aux autres procès, le crime de traite des êtres humains a été écarté. Les prévenus sont donc majoritairement renvoyés devant le tribunal correctionnel pour « association de malfaiteurs en vue de l’aide à l’entrée et au séjour irrégulier », avec la circonstance aggravante de la bande organisée et de l’homicide involontaire. Dans les réquisitoires des procureurs, 3 catégories ont été retenues : les têtes de réseau qui exploitent économiquement les personnes, les hébergeurs et les chauffeurs de taxi. Résultats : des peines de 8 à 10 ans de prison pour les chefs du réseau. Pour les 11 chauffeurs et logeurs, les peines ont été bien moindres : jusqu’à trois ans de prison dont deux avec sursis.
Source : Le Monde
C’est le chiffre avancé par l’enquête « Trajectoires et Origines » de l’Institut national d’études démographiques (INED). C’est un taux assez stable depuis 1989 : 23 % des immigrés arrivés avant 1989 ont connu l’irrégularité, contre 22 % de ceux arrivés entre 1989 et 1998, et 26 % de ceux arrivés entre 1999 et 2008. Empiriquement, il n’y a donc pas d’appel d’air contrairement à ce que veulent faire croire les discours politiques ambiants. Autre constat, l’irrégularité est « un fait structurel dans la gestion administrative du séjour des immigrés ». Parmi ces 21 %, moins de la moitié sont arrivés de façon irrégulière sur le territoire. La proportion de migrants entrés en France sans visa oscille entre 9 % et 10 % depuis 1989. Dans les faits, la clandestinité arrive après, face à l’administration comme par exemple : l’expiration du visa, les déboutés du droit d’asile ou les personnes dont le titre de séjour n’a pas été renouvelé. Pour plus du tiers d’entre eux, cette précarité administrative a duré plus de cinq ans. Le statut social ne protège que partiellement des aléas administratifs, puisque 12 % des immigrés diplômés du supérieur ont connu l’irrégularité, contre 32 % de ceux qui n’ont pas atteint l’enseignement secondaire. L’étude montre, enfin, que l’expérience de l’irrégularité n’est pas la même selon le lieu de résidence. En région parisienne, il y a deux fois plus de risque de vivre sans papiers par rapport à la province.
Source : Le Monde
Appelée aussi la loi Darmanin, le projet de loi – après avoir été reporté plusieurs fois – commence son parcours législatif. Nous avons déjà analysé le contenu du projet de loi dans des numéros précédents, nous ne rapporterons ici que les modifications votées par le Sénat. Repaire de la « droite républicaine », cette dernière a fait tomber le masque et a eu un discours encore plus radical que le RN. Ainsi, les principaux amendements sont :
Encore une précision sur l’article des régularisations pour les métiers en tension : le travailleur devra avoir exercé pendant au moins 12 mois sur les deux dernières années dans des « métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement ». Il devra également justifier d’au moins trois ans de résidence ininterrompue en France pour se voir délivrer une carte de séjour « travailleur temporaire » ou « salarié » d’un an. Ce sont plein de petits détails qui durcissent encore plus le projet de loi et montrent l’ambiance politique actuelle sur les questions migratoires. Le 11 décembre, le texte arrive à l’Assemblée nationale, il y aura sûrement de gros débats. Élisabeth Borne avait promis de ne plus utiliser le 49-3 pour des questions autre que le budget … Les promesses n’engagent que les personnes qui y croient.
Comment gripper cette machine ? Par la mobilisation sûrement ! Mais elle reste timide pour le moment. Il y a eu un rassemblement le 6 novembre devant le Sénat appelé par le collectif Uni·es contre l’immigration jetable – qui réunit plus de 250 collectifs, associations et syndicats. Autre coordination, celle de la Marche des Solidarités qui propose un agenda de mobilisation avec notamment des manifestations le 3 décembre pour commémorer l’arrivée de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 et contre la loi Darmanin et surtout le 18 décembre à l’occasion de la Journée internationale des Migrant-es. Mais la date est un lundi, donc il y aura sûrement des manifestations le week-end avant. Les syndicats sont appelés à poser des préavis de grève. C’est une grande mobilisation qui sera nécessaire pour peser dans la balance. On peut chercher des idées du côté des grèves de sans-papiers sur les chantiers des JO et d’autres piquets de grève aussi (Chronopost, DPD, etc). A suivre.
Source : Infomigrants + site de la marche des Solidarités
C’est la Cour nationale du droit d’asile qui étudie et juge les recours des réfugiés déboutés de leur demande d’asile à l’OFPRA. Mais voilà qu’un de ses juges - Jean-Marie Argoud - étalait ses états d’âme sur les réseaux sociaux avec des publications anti-réfugiés, islamophobes, etc. Pour une fois que les réseaux sociaux servent à quelque chose !
Source : Le Monde
C’est un record ! Et le chiffre vient de l’UNHCR, haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies qui a édité un rapport sur le premier semestre 2023 et note qu’il y a 1,6 millions de personnes de plus qu’à la même époque l’année dernière. Ces chiffres ne prennent pas en compte les nouveaux déplacés dans la bande de Gaza : 1,4 millions de palestiniens ont été déplacés depuis le 7 octobre. Plus de la moitié des personnes déplacées ont été contraintes de franchir une frontière. Trois pays -Afghanistan, Syrie et Ukraine- fournissent près d’un tiers des déplacés. Comme d’habitude, les causes sont les guerres, les persécutions comme au Soudan, les catastrophes climatiques, les crises humanitaires.
Source : Le Monde
Est-ce en prévision des prochains JO ? A Montreuil, le squatt rue Bara, à côté du foyer du même nom a été expulsé fin octobre. Il hébergeait essentiellement des Africains, familles et hommes seuls. Plus d’une centaine de flics étaient mobilisés avec tout leur attirail. Il y avait un peu de soutien mais c’est impossible de s’opposer physiquement, non seulement à cause de la mobilisation policière, mais parce que la majorité des habitants étaient sans-papiers, donc possiblement expulsables … La mairie communiste n’a pas pris position et il a été proposé à ceux qui étaient déjà DALO (droit au logement opposable) de rejoindre un centre d’accueil... à Lyon !
Plus largement, 70 organisations ont publié une lettre ouverte destinée au Comité d’organisation des Jeux olympiques, aux athlètes et aux fédérations, à moins de neuf mois des JO en France. Les humanitaires y dénoncent « le nettoyage social » en cours en région parisienne pour laisser propres les rues et cacher les migrants aux futurs touristes mais aussi les SDF, les camés, etc. L’État communique sur les JO les plus "inclusifs" de l’Histoire, chiche ? Mais derrière cette opération de comm’, les exilés sont envoyés en région dans des SAS mais ce sont des solutions temporaires car ça dure 3 semaines maxi. Leur dossier sont étudiés et les déboutés de l’asile et les sans-papiers sont mis dehors et reviennent. Les associations signataires demandent un lieu d’accueil en Ile-de-France avec un accès pour les associations, sur le même modèle que ce qui a été fait pour l’accueil des Ukrainiens, mais cette fois pour toutes les nationalités.
Source militante + infomigrants
C’est une décision du gouvernement italien effective à compter du 15 novembre car le navire humanitaire a secouru 2 embarcations en détresse sans avoir reçu le feu vert des autorités libyennes. A l’écriture de ces lignes, le navire est bloqué dans le port d’Ortona, dans les Abruzzes avec, en plus, une amende de 3 300 euros ! C’est la conséquence d’une nouvelle loi italienne, le décret Piantedosi. Il oblige les ONG à se rendre sans délai, dès le premier sauvetage, dans un port de débarquement assigné par le MRCC (centre de coordination des secours maritimes italien). Cette loi réduit considérablement l’action des navires humanitaires qui peuvent faire qu’une opération de secours à la fois. Dans notre cas, l’Ocean Viking avait secouru deux autres embarcations sur la route du port d’Ortona sans réponse claire de la JRCC (garde côté libyen). Il y avait bien eu une demande mais pas de réponse claire, en anglais car cela doit être la langue utilisée… C’est la deuxième fois depuis le début de l’année que l’Ocean Viking subit une immobilisation à quai. En juillet 2023, les autorités italiennes avaient identifié des problèmes concernant les radeaux de survie. SOS Méditerranée a secouru plus de 39 000 personnes en Méditerranée depuis 2016, principalement en Méditerranée centrale, la route migratoire la plus dangereuse du monde. Depuis janvier 2023, 2 100 migrants y sont morts noyés en tentant de rejoindre l’Europe, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Source : Infomigrants
Nous en avions parlé plusieurs fois dans ces colonnes. Voici la fin du feuilleton judiciaire car la Cour suprême du Royame-Uni – la plus haute juridiction - vient de confirmer l’illégalité du projet du gouvernement d’expulser vers le Rwanda les demandeurs d’asile arrivés de manière irrégulière sur le sol britannique. Pour rappel, mi-2022, un premier vol avait été annulé in extremis après une décision de la CEDH. Puis fin juin dernier, la cour d’appel de Londres avait jugé le projet « illégal », estimant que le Rwanda ne pouvait en l’état être considéré comme un « pays tiers sûr ». En effet, il y a des preuves et donc des risques que les personnes envoyées au Rwanda soient ensuite renvoyées dans leur pays d’origine. Par exemple, 100% des demandes d’asile de pays en zone de conflit comme la Syrie, le Yémen et l’Afghanistan sont rejetées au Rwanda. A chaque fois, le gouvernement avait fait appel. Le voilà définitivement bloqué pour ce projet mais Kigali et Londres annoncent vouloir retravailler sur un nouveau projet… En attendant, depuis Juillet, il y a une nouvelle loi (applicable !) qui interdit aux migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni de demander l’asile, indépendamment des raisons qui les ont poussés à fuir leur pays. Un texte contraire au droit international, selon l’ONU.
Source : Infomigrants