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CA 335 décembre 2023

Insubordination salariale 335

dimanche 31 décembre 2023, par Courant Alternatif

Nous commencerons cette rubrique par des luttes à l’international. Pas toujours victorieuses, mais toujours éclairantes. En France les luttes des salariés continuent elles aussi, à tel point qu’il nous est impossible de les citer toutes. Au niveau salaires, il manque des revendications unifiantes : indexation des salaires et des pensions sur l’inflation et une augmentation uniforme (+ 300 € par exemple). Ces revendications ne remettraient certes pas en cause le capitalisme, mais elles auraient le mérite d’unifier des luttes qui restent isolées.


Fin de grève amère dans les usines textiles du Bangladesh.

Le mouvement de revendication pour de meilleurs salaires, qui a mis l’industrie textile à l’arrêt pendant trois semaines, n’a pas eu gain de cause. Presque aucun donneur d’ordre occidental n’a incité ses fournisseurs à payer décemment les ouvriers. Si la pression avait pu être exercée dans les pays des donneurs d’ordre, la situation n’aurait pas été la même. Voilà une piste de travail pour un syndicalisme internationaliste.

En Suède, la grève des salariés de TESLA prend une ampleur nationale !

Il y a trois semaines, fin octobre, face au refus de la société de signer la convention collective pour ses salariés, 130 mécaniciens mécontents déposent leurs outils et se mettent en grève. 
C’est à partir de ce moment-là que le mouvement fait tache d’huile. D’autres professions entrent en rébellion, comme les concessionnaires, qui arrêtent de proposer des Tesla alors que la demande explose, les transporteurs qui refusent de les charger sur leurs camions ou encore les dockers qui ne veulent pas les descendre des bateaux. Depuis le 17 novembre, tous les ports du pays sont bloqués, les électriciens lâchent la réparation des 213 bornes de recharge, la compagnie de taxis de Stockholm a stoppé ses achats de voitures Tesla et un fournisseur de profilés en aluminium a suspendu son contrat. Même les facteurs sont entrés dans la danse et ne livrent plus le courrier destiné à la société.
Cette chaîne de solidarité s’explique par l’existence des conventions collectives, qui sont négociées entre syndicats et employeurs et qui forment la base du modèle suédois du marché du travail. Elles sont intouchables et près de 90% des salariés sont protégés par ces textes qui garantissent des salaires minimums et des conditions de travail encadrées. Les mécaniciens de Tesla ne peuvent pas en bénéficier et la firme d’Elon Musk n’a jamais voulu en signer jusque-là. Question de principe !

Après six semaines de grève, le syndicat américain United Auto Worker (UAW) a trouvé un accord avec Ford, Général Motors et Stellantis

Le 30 octobre, le constructeur General Motors (GM) a, comme ses concurrents Ford et Stellantis quelques jours avant lui, conclu un accord de principe avec le syndicat United Auto Worker (UAW) General Motors. Au plus fort de la grève, 45 000 des 146 000 membres de ce syndicat travaillant pour ceux que les Américains appellent les « Big Three » ont cessé le travail.
Les salaires des employés des Big Three allaient davantage augmenter dans les cinq années à venir (+25%) qu’ils n’ont augmenté entre 2001 et 2022 (+23%). Mais les accords contiennent bien d’autres choses.
Le premier des Big Three a avoir craqué, c’est Ford. L’accord que le constructeur a conclu avec l’UAW, le 29 octobre, a servi de modèle pour les accords ultérieurs avec GM et Stellantis. Il prévoit 25% d’augmentation générale des salaires, d’ici avril 2028, portant les salaires les plus élevés à environ 42 dollars de l’heure, selon le syndicat. L’augmentation s’élève à 11 % dès la ratification, puis suivent trois augmentations annuelles de 3 %, avant une augmentation finale de 5 % en 2028. Cela fait à peu près 6% d’augmentation par an, Mais ce n’est pas tout : l’UAW a aussi négocié des augmentations liées au coût de la vie, suspendues en 2009. Elles devraient faire en sorte que l’inflation n’efface pas les gains salariaux et conduire les augmentations totales à environ 33%.
Un des autres enjeux de cette grève dans l’automobile aux États-Unis était la fin des « tiered wage arrangements », aussi appelés « arrangements à plusieurs niveaux ». Un accord qui divise les travailleurs de l’automobile en deux catégories, en fonction de leur date d’embauche, et maintient les nouveaux employés à des salaires inférieurs. Grâce à la grève, ces arrangements ont été supprimés dans plusieurs usines chez Ford, mais pas dans la totalité. Chez GM et Stellantis, les informations n’ont pas encore été communiquées.
Dans plusieurs usines Ford, par exemple, les travailleurs récemment arrivés, qui commencent actuellement à 16,67 dollars de l’heure seront bientôt reclassés comme permanents, ce qui leur permettra de gagner au moins 24,91 dollars de l’heure. Ainsi, si les augmentations générales de salaires atteignent les 25%, pour ces salariés spécifiquement, elles sont bien plus importantes. De même, l’UAW a obtenu l’augmentation des salaires des travailleurs intérimaires particulièrement importante, puisqu’elle est estimée à 150% à horizon du mois d’avril 2028.
L’UAW a négocié l’extension de l’accord cadre obtenu par la récente grève à des usines de voitures électriques.
En revanche, le syndicat n’a pas obtenu la semaine de 32 heures, qui faisait partie de ses revendications. Les salariés des Big Three resteront à 40 heures. Il n’a pas non plus réussi à rétablir pour tous les salariés, le régime de retraite traditionnel à prestations définies et les soins de santé des retraités qui valent pour les travailleurs embauchés avant 2007. (Source : rapportsdeforce.fr)

Hollywood

La Screen Actors Guild s’est félicitée de l’accord obtenu avec les studios d’Hollywood au terme d’une longue grève historique. Le syndicat a précisément obtenu une augmentation de salaire minimum de 7% et un nouveau fonds de 40 millions de dollars par an destiné à reverser une partie des recettes des productions à succès aux acteurs.
Mais l’essentiel de l’accord propose de nouvelles restrictions sur l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA), une des revendications clefs des grévistes.

  • Désormais, un acteur doit recevoir le même salaire pour l’utilisation de sa réplique numérique que celui qu’il aurait gagné en effectuant lui-même la même "quantité de travail".
  • Quant aux figurants, "aucune réplique numérique ne peut être utilisée pour se soustraire à la participation et au paiement d’un acteur de second plan".
  • Les studios doivent obtenir le consentement d’un acteur ou de ses ayants droit à chaque utilisation de sa réplique numérique. Et le contrat doit fournir une "description raisonnablement précise" de la manière dont cette réplique sera utilisée.
    L’IA a été un "élément décisif" dans les négociations, les nouvelles régulations visent aussi à soutenir, au-delà des acteurs, de nombreuses professions de l’industrie du divertissement. Dans un monde virtuel, il n’y a plus besoin de coiffeurs et de maquilleurs, de chauffeurs, de constructeurs de décors.

La grève s'étend en France ?

Les tournages de "HPI", "Déter" et d’autres séries interrompus par des grèves de techniciens. Les techniciens de la production audiovisuelle sont en colère. Selon leurs syndicats, ils ont perdu 20% de leur pouvoir d’achat depuis 2007.
Selon le Syndicat des professionnels des industries de l’audiovisuel et du cinéma CGT (SPIAC-CGT), 56 équipes de tournage et de post-production ont voté pour des grèves et des débrayages. Une assemblée générale a décidé de reconduire la grève. Au total, 10 000 à 15 000 techniciens sont concernés. "Ils ont vu leurs conditions de travail se dégrader, les amplitudes de travail ont explosé avec l’arrivée des plateformes numériques, et ils restent confrontés à une égale précarité de l’emploi", selon un communiqué.

SALAIRES

Les salariés du centre de dialyse du bassin de Thau (Hérault)  ont voté le 17 octobre la fin de la grève, après cinq jours de mobilisation. Ils demandaient la hausse de leurs tickets-restaurants de 7 à 9 euros, la valorisation de l’ancienneté, une revalorisation de salaire, et le retour du 13ᵉ mois. Ils ont obtenu gain de cause pour les tickets-restaurants et une prime de fin d’année de 1 000 € nets. Pour le reste, il faudra attendre les prochaines négociations annuelles.

Au terme d’une huitième journée de débrayage en quinze jours (suivie par 80% des agents de production le 24 octobre), les négociations sur les salaires se sont soldées par un échec à l’usine Class Tractor du Mans. Faute d’avoir obtenu les 7 % d’augmentation demandés, les salariés promettent de prochaines actions.

C’est la fin d’une grève historique aux Constructions Industrielles René Lenglet à Marquise dans le Pas-de-Calais. La première grève depuis 93 ans !!…Après 6 jours de conflit, la CGT a signé un accord avec la direction.
Les salariés ont obtenu une augmentation des salaires de 3,50% au 1er novembre ainsi que l’augmentation de la prime de déplacement domicile/travail de 10% au 1er novembre et de 5% supplémentaires au 1er avril 2024. Les personnels des ateliers et de maintenance obtiennent une prime mensuelle d’habillage de 52€ brut au 1er novembre.

Près de 80 salariés de la chocolaterie Schaal à Geispolsheim (Alsace)  ont participé à une grève à la chocolaterie Schaal pour demander notamment une revalorisation des salaires et de meilleures conditions de travail.
L’entreprise Schaal n’avait pas eu en son sein de mouvement social depuis 2007. 
Les 200 employés de l’entreprise ont vu leur salaire augmenter de 125 euros par mois, à l’issue des dernières négociations salariales en mai dernier, contre 250 euros initialement demandés. Ils demandent donc une nouvelle hausse de 50 euros par mois, pour faire face à l’inflation, mais également de meilleures conditions de travail. "Il faut savoir qu’il y a beaucoup de conditionnement manuel, donc des gestes répétitifs, tout ce qui est problèmes de troubles musculosquelettiques et nous avons aussi beaucoup de bruit", détaille un militant.
L’équipe de direction a reçu les grévistes pour ne proposer qu’un rachat de "5 jours de RTT", selon une conductrice de machine dans l’atelier d’enrobage : "Nous travaillons 39 heures par semaine, avec de nombreux gestes répétitifs, nous avons besoin de nous reposer. Cette réponse n’a pas du tout plu aux salariés", a-t-elle expliqué.

Cela fait bientôt 60 jours que les salariés de la société de nettoyage Onet du CHU de Montpellier sont en grève,. Ils demandent entre autres la mise en place d’un 13e mois et une hausse de 5% de leurs salaires. La direction leur a proposé une prime de fin d’année et une hausse de 3%, insuffisant pour les grévistes. Depuis, les négociations sont au point mort.

CONDITIONS DE TRAVAIL

Les salariés de la Compagnie de Remorquage Maritime de Sète (CRMS) en grève le 23 octobre. En charge de la manœuvre des gros navires dans le port, ils comptent bloquer l’entrée des bateaux dans le port de Sète pour faire entendre leur voix. La grève est à l’appel de la CGT, qui attend 90% de grévistes.
"C’est un ras-le-bol général, confie le secrétaire général CGT de la CRMS. On ne s’arrête pas, on est fatigués. On travaille de jour comme de nuit. Nous n’avons ni hangar, ni vestiaire. On demande une augmentation de salaire et des primes. Nous aimons notre travail, mais nous aimerions aussi avoir plus de reconnaissance."

Depuis le 6 novembre, toutes les rotations des navettes de Vedettes Tropicales  (Martinique) sont suspendues en raison du droit de retrait d’une partie du personnel. Les salariés dénoncent notamment des conditions de travail difficiles.
Depuis une semaine, pas une navette maritime ne navigue entre Fort-de-France, les Trois-Îlets et Case-Pilote.

EVITER UNE FERMETURE... OBTENIR UN PSE PAS TROP POURRI...

A l’issue d’une ultime réunion de négociations le 23 octobre, la direction et les syndicats de Nestlé Waters semblent avoir trouvé un accord qui permettrait d’éviter tout licenciement sec sur les 171 postes qui doivent être supprimés sur les sites de Vittel et Contrexéville.
Après deux mois de mobilisation, deux mois de grèves, de très nombreuses réunions, la direction de Nestlé Waters semble avoir bougé le curseur concernant les fins de carrière. Plus d’une centaine de salariés seraient concernés par les dispositifs de pré retraites dans le cadre du plan de suppression de 171 postes sur 721.
Si on ajoute les mobilités en interne. L’objectif de 30 départs volontaires est atteignable selon les syndicats. Au plus dur des négociations, ils avaient craint environ 80 licenciements secs.

Plus de 70 salariés d’Indexia (ex-SFAM) du site de Roanne dénoncent les méthodes de la direction et l’accusent de licenciements économiques déguisés. Ils sont allés, ensemble, déposer leur dossier au Conseil des Prud’hommes.

Les 125 salariés de Marelli Automotive Lightening à Saint-Julien-du-Sault (Yonne) se sont remis en grève pour une durée illimitée. Ils négocient actuellement le "plan de sauvegarde de l’emploi" qui doit conduire à la fermeture de l’usine spécialisée dans la fabrication de phares de voitures.
"C’est notre dernière grève", indique le délégué CFTC, "désormais nous n’avons plus rien à perdre ». 

Près d’une centaine de salariés de la SPL Estival (société en charge des transports en commun dans les six communes de la Cirest – La Réunion) sont en grève depuis le 13 novembre, ce qui occasionne des perturbations sur les lignes de bus des communes de la Cirest. L’intersyndicale, qui avait boycotté le dernier CSE, s’oppose au plan social et demande un renflouement de la société.
Le message est on ne peut plus clair sur les pancartes des grévistes : « C’est pas nous la merdé, volé, dilapidé. C’est pas à nous d’être licenciés". Pour les salariés grévistes, un renflouement de la société est possible avec le soutien de l’intercommunalité ou de la Région.

Centre Pompidou / Beaubourg Paris
Après un mois de grève, les syndicats ont été reçus au ministère de la Culture. Entrevue qui n’a rien donné. Le Centre Pompidou doit fermer progressivement à partir de 2025 pour travaux. Les agents doivent être redéployés sur trois sites : Grand Palais, un centre de stockage des collections et un nouveau pôle de Création et de conservation. La grève a été reconduite massivement, faute d’un protocole d’accord qui garantisse le devenir des employés et des missions et la non-externalisation.

Insubordination Salariale 19/11/23
insubordinationsalariale@protonmail.com

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