CA 335 décembre 2023
samedi 30 décembre 2023, par
Depuis quelques années dans les grandes villes, se sont développées des associations spécialisées dans le compostage des déchets végétaux (épluchures, marc de café, feuilles…) hors déchets d’origine animale.
Le compostage est « … est une technique (contrôlée par l’homme) de transformation de la matière organique. Il s’inspire plus ou moins du « cycle de la matière » en milieu naturel, où tout ce qui se dépose au sol (branches, feuilles, fruits, végétaux, animaux morts) se transforme en humus grâce aux actions combinées d’une multitude d’êtres vivants : bactéries, champignons, insectes, vers et compagnie. »(1)
Les collectivités ont bien vu l’avantage économique à ne plus incinérer ces déchets végétaux qui sont composés à plus de 70% d’eau. Elles ont donc soutenu diverses associations spécialisés comme Eisenia à Lyon.
Ces associations travaillent avec les services de collecte des déchets des collectivités : installation de composteurs collectifs, maintenance, animations pédagogiques, incitation à la réduction de déchets à la source, accompagnements des publics, interventions dans les jardins collectifs ou ouvriers... Généralement, le compost produit est utilisé localement : jardins, maraîchage… Bref, le circuit court rêvé. C’était le cas sur la Métropole de Lyon.
Las, la circulaire européenne qui impose le tri des bio-déchets (déchets végétaux et animaux) avant 2023 est passée par là et la Métropole verte a brutalement choisi. En 2022 « Trois semaines de fonctionnement dans le 7ème arrondissement ont suffi pour passer dans le langage officiel d’« expérimentation » à « déploiement généralisé » .(1)
Et c’est du lourd : installation de bornes métalliques à compost dans les rues, distribution de petits seaux en plastique et de sacs en papier recyclé, campagne de com’, ambassadeurs du tri (jeunes en contrats précaires chargés de porter la bonne parole auprès du citadin)... Tout a été mis en œuvre avec succès.
Eisenia a critiqué cette décision :
Changement de décor mais pas de pipeau avec le monde merveilleux du plastique. On y retrouve les ingrédients habituels de la gestion des déchets du capitalisme.
À savoir une directive européenne qui impose une réduction massive des déchets plastiques à un État qui a freiné des quatre fers pendant des années sur cette question ; une industrie du plastique qui n’a aucune raison de diminuer ce qui la fait vivre ; un milieu de profiteurs qui se gave des éco-taxes et ne fait pas grand-chose pour réduire ses activités polluantes (61 % de recyclage en 2021 pour un objectif européen de 77 % en 2025) et des collectivités territoriales qui gèrent la collecte, le traitement et le recyclage.
Celui-ci concerne seulement quelques plastiques à forte valeur ajoutée : PET, PVC, PEHD. Cela rapporte de l’argent aux collectivités mais surtout aux lascars du déchet. Les autres plastiques, bien que collectés sont incinérés pour le chauffage urbain.
En 2019 le gouvernement avait décidé que la consigne du plastique se ferait en accord avec les collectivités. Mais, le 10 février 2020 il fait voter la « loi anti-gaspillage pour une économie circulaire » et surprise, tente de l’imposer le recyclage avec l’appui désintéressé du lobby de l’eau en bouteille « Boissons Rafraîchissantes de France » et de celui des super-marchés. Ces « insiders » sur le marché visent la rente de situation des industriels déjà en place. Capitalisme, ton monde impitoyable...
Première arnaque : Le terme « consigne » sous-entend le réemploi du contenant tel quel comme dans le temps les bouteilles 5 étoiles de gros rouge Kiravi, Artaban, Guipamour.
Que dalle ! Les bouteilles seront recyclées, mais on ne le dit pas.
Deuxième arnaque : pour appâter le consigneur, la machine installée sur le parking d’un hyper-marché, lui versera quelques centimes d’euros. Mais « … sans que ça leur apporte quoi que ce soit pour autant. Leur prix à l’achat augmenterait en effet de 15 à 20 centimes pour intégrer le coût de la consigne et de ses automates ! Le contribuable consommateur paierait ainsi deux fois, entre le surcoût de la boisson et la hausse de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, tout en perdant l’aspect pratique de la bouteille jetée dans la poubelle jaune. »(2)
Troisième arnaque : Cette consigne c’est ridicule en terme d’impact sur la pollution : « Nous avons passé des heures en consultation sur ce sujet des bouteilles, alors qu’il est marginal : on parle d’une collecte de 100 000 tonnes supplémentaires de bouteilles, or les déchets plastiques représentent 5 millions de tonnes en France » (3).
Quatrième arnaque : Faire croire au naïf qu’il accomplit un acte vertueux et sauve la planète par ses petits gestes éco-citoyens alors qu’il engraisse directement et indirectement des industriels qui ont fait du greenwashing sur leur bilan carbone et de la captation de fonds publics pour la « transition » une véritable stratégie financière.
Finalement, fin septembre face à la grogne des élus locaux (sénatoriales obligent) et des associations, le gouvernement a remballé sa con-signe… Pour le moment.
Le capitalisme fossile et plastique ne s’inquiète pas plus de la pollution généralisée des eaux, des sols, des organismes vivants qu’il provoque, qu’il ne s’inquiète du nouveau type de bulletin météo apparu lors de la graaande négociation du futur traité sur la pollution plastique tenue fin mai 2023 à Paris. L’ONU a fixé la date butoir de 2024 pour réguler un matériau omniprésent mais qui n’a jamais intéressé jusqu’à présent, les fabricants de traités anti-pollution.
Selon ce bulletin durant la négociation, il tombera, entre 40 et 48 kg de micro-plastiques sur la capitale du « nylon et du polyester, probablement issus de vêtements. Et pour une partie, des résidus de pneus, disséminés en particulier au freinage. »(4) Et, délicieux piège technologique du jour, les véhicules électriques, du fait du fonctionnement de leurs moteurs, sont beaucoup plus émetteurs de particules de caoutchouc au roulage et au freinage.
Tout roule, tout croule sur l’autoroute synthétique de l’enfer capitaliste.
Et, ce ne sont pas les suites des négociations en cours au Kenya (13-18 novembre) qui risquent d’améliorer les choses.
D’un côté on a les « vertueux » (France, Europe, Rwanda, Pérou...) qui veulent un traité imposant une baisse drastique et rapide des productions (plus de plastiques en 2040). Au vu de la stratégie française pour la consigne du plastique et l’appui inconditionnel de l’État et des banques à Total Énergies on peut rester dubitatif. Mais un peu de mousse verte fait toujours joli dans le paysage avant les accommodements nécessaires, comme ce qui vient de se passer avec la ré-autorisation pour 10 ans du glyphosate par la Commission Européenne qui fut un grand moment de fauxculerie à la française.
En face, États-Unis et Chine sont « plutôt discrets dans ces négociations, ils s’opposent à des obligations mondiales. » (il n’y a donc pas que des tensions entre eux ?) et « tablent plutôt sur des plans nationaux, et sur l’amélioration de la collecte et du recyclage ». On a intérêt à croire à leur bonne volonté car, si en 60 ans la population mondiale a doublé, la consommation de plastique a été multiplié par quarante. C’est difficile d’être plus plastic friendly qu’eux avec leurs solutions non-contraignantes !
Pour le tiercé gagnant des producteurs de pétrole, Russie, Iran et Arabie Saoudite et c’est niet,
در ایرانی خیر ,إطلا قا !
Pourquoi ?
L’OCDE et les avides et cupides industriels du secteur ayant prévu un triplement de production qui passerait de 460 millions de tonnes en 2022 à 1,2 milliard de tonnes d’ici 2060, dont 1 milliard de déchets, recyclés au maximum à 10 %.
Face baisse prévue des ventes d’essence et de gazole automobile due à l’électrification du parc automobile, la plastification des corps, de cellules des cieux comme abysses est perçue par eux (et les autres pompeurs) comme la bouée de sauvetage pour leur profits déguisée en « relais de croissance ».
La COP 28 qui s’ouvrira le 30 novembre 2023 à Dubaï, promet d’être un grand moment.
Un très grand moment même, car la nomination de sultan Al Jaber à sa présidence a déclenché une joie peu discrète chez les multinationales de la chimie, du pétrole, les fonds souverains et les compagnies pétrolières nationales (Chine, Iran, Russie, Arabie Saoudite, Émirats, Qatar, Venezuela, Brésil... )
Le milliardaire, directeur général de l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC) a pris le pipe-line par les cornes : « Bien sûr, il faut éviter les excès, mais il est inenvisageable que la limitation des émissions se fasse au détriment de la croissance économique… Cela pour une raison simple : c’est le cercle vertueux de la croissance verte qui conduit aux innovations dont nous avons besoin pour résoudre l’équation d’ensemble. »(6)
Le noble fossoyeur du climat a, à l’ouverture de la conférence de L’ONU sur le climat de Ryad courageusement défendu « … la baisse des émissions et non pas des énergies fossiles, laissant ainsi la porte grande ouverte au développement des énergies fossiles. L’objectif selon lui est de "s’appuyer sur les technologies existantes, nouvelles et émergentes" », et a terrassé l’hydre écologiste en appelant à « séparer les faits de la fiction, la réalité des fantasmes » les « faits » étant l’impossibilité de « … débrancher le système énergétique d’aujourd’hui avant de construire le système de demain. Ce n’est tout simplement ni pratique ni possible ».(7)
On l’a bien compris, le salut de l’humanité pétrolisée viendra des « technologies existantes, nouvelles et émergentes » ? Mais de quoi c’est donc qu’on parle, là ?
D’une merveille : la capture et la séquestration du carbone ou CSC et de sa petite sœur qui inclut la sa « valorisation » le CCUS.
L’idée c’est de récupérer le CO2 émis par l’industrie, de le liquéfier pour le transporter par carboducs et soit de le stocker dans des réservoirs naturels souterrains (Généralement, il s’agit d’anciens sous-sols pétrolifères ou charbonniers, le sous-sol des océans...), soit de l’exporter.
On comprend bien qu’on veuille le stocker mais sans garantie aucune qu’il n’y ait pas de fuites, car la technologie est disons-le, aléatoire. Les 80 000 tonnes de méthane qui ont fuité du stockage d’Aliso Canyon en Californie rappellent que les gaz sont « enfant de Bohème qui n’a jamais, jamais connu de loi ».
Mais, pourquoi l’exporter comme le prévoit les 1,7 milliards d’€ du projet « GoCo2 dans les Pays de la Loire, qui récupérera les « ... pollutions de quatre gros émetteurs… acheminé via un pipe-line... vers le port de St Nazaire ou il sera ensuite liquéfié avant d’être exporté. (8) » ?
Pour être stocké, loin, très loin comme nos autres déchets passés sous le tapis ?
Ou plutôt pour alimenter une vieille technologie des pétroliers, vieille de 50 ans : la « récupération assistée du pétrole » ou EOR ?
En injectant du CO2 dans les gisements de pétrole, on y augmente la pression et on en extrait plus de pétrole. Ainsi, « 80 à 90 % du dioxyde de carbone est utilisé… pour exploiter plus de pétrole, non pour sauver la planète. »
L’EOR est donc devenu le nouveau sésame pour les pétroliers qui souhaitent obtenir des garanties bancaires publiques pour de nouveaux forages à l’étranger. Le marché des crédits carbone en est tout dopé : banques, fonds de pensions et assureurs se jettent sur ce déchet qui permet spéculation, ouvre droit à des crédits d’impôts (85 $ la tonne aux USA) et permet de continuer à extraire toujours plus de pétrole avec bonne conscience. Et, d’espérer mieux camoufler les futurs accidents : une fuite de gaz carbonique dans l’océan c’est incolore, inodore et sans saveur, à la différence d’une nappe de pétrole.
La CSC ouvre donc la voie « vers une transition énergétique réfléchie » selon le PDG d’EXXON. Et, c’est pas émir Jaber qui va le contredire. Pas plus que les techno-solutionnistes alliés aux industriels ; et les experts du GIEC et de l’Agence Internationale de l’Énergie convertis au CSC qui devraient prochainement s’en donner à coeur-joie à Dubaï.
On ne peut que leur souhaiter une bonne fin d’année et surtout, la santé, la prospérité et la réussite de leurs projets… sur le dos de la planète et des ses habitants. À moins que le Père Lapurge revenu des abysses de la Révolution, décide de plastiquer les plastificateurs de la planète ?
Freux et Eugene the Jeep
Notes
1 - La collecte des biodéchets via les points d’apports volontaires, une fausse bonne idée ? Association Eisenia. 2022
2 - Consigne des bouteilles en plastique. Les collectivités locales vent debout contre cette absurdité. É. Chesnais. Que Choisir ? 01/03/2023
3 - Consigne des bouteilles en plastique : la valse-hésitation du gouvernement. A. Feitz. Les Échos, 09/06/2023
4 - Une pluie de microplastique de 40 kg est attendue sur Paris, selon cette prévision météo d’un nouveau genre. GEO avec AFP, 26/05/2023. Voir aussi CA de juin 2023 pour la pollution par les vêtements.
5 - Reprise des négociations internationales pour un traité contre la pollution plastique. Sandy Dauphin. Chronique Planète Verte, journal de France Inter, 17/11/2023
6 - Tribune. Ahmed al Jaber, président de la COP 28 : « Économie et climat ne sont pas incompatibles ». Ahmed al Jaber. Le Journal du Dimanche, 18/03/2023
7- COP28. Le monde ne peut pas « débrancher » le système énergétique actuel, selon Sultan al-Jaber. Ouest-France, 08/10/2023.
8 – La séquestration du carbone : un condition de survie pour les pétroliers. Et Mettre le carbone sous le tapis:la séquestration et ses promesses. A. Costa. La Brèche n°5, novembre 2023