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CA 337 février 2024

Italie : Les partis passent, la confindustria reste

vendredi 9 février 2024, par Courant Alternatif

Il y a peu de pays où les liens étroits entre le patronat et les dirigeants politiques furent autant assumés et revendiqués depuis 75 années comme un gage de compétence. Le fait que Giorgia Meloni se revendique de l’héritage du fascisme ne change pas grand-chose !


La décomposition de l'ancien paysage politicien

C’est à partir de 1990 que le paysage politique italien qui semblait éternel disparaît.
45 ans de domination absolue de la démocratie chrétienne (DC) au pouvoir et du Parti communiste italien (PCI) dans l’opposition ne résistent pas au séisme politique qui secoue le monde avec la chute du mur de Berlin et la dissolution de l’URSS.    A ce bipartisme à l’italienne (1) correspondait la bipolarisation du monde entre les deux impérialismes.
En réalité, la fin du conflit entre Don Camillo et Peppone se dessinait déjà quinze années auparavant avec le « compromis historique » porté sur les fonts baptismaux par le PCI d’Errico Berlinguer, l’inventeur de l’eurocommunisme, et par la majorité de la DC avec la figure d’Aldo Moro. Mais le 16 mars 1978, alors qu’il se rend au parlement pour ratifier une nouvelle « alliance » entre les deux ennemis intimes par un gouvernement d’union soutenu par le PCI (2), Moro est enlevé par les Brigades rouges et exécuté 50 jours plus tard.

L’Italie est alors sous la coupe des trois groupes de pression que sont l’Eglise, les Etats-Unis, pour qui la péninsule est le bastion avancé de l’OTAN et, bien sûr, le patronat dirigé par le Pdg de la FIAT, Agnelli. Ajoutons-y « la pieuvre » (la mafia), qui a au moins un tentacule dans chaque groupe. Le patronat, contrairement au Vatican et aux Etats-Unis, ne voyait aucun inconvénient au compromis historique dans la mesure où le PCI s’était engagé à ne pas nationaliser l’usine automobile de l’avvocato (3) et à ne pas remettre en cause l’appartenance de l’Italie à l’OTAN. La mort de Moro sonne le glas de l’expérience et le monde politique italien s’enfonce alors dans une lente décomposition qui le conduira à l’explosion des années 1990, date à laquelle, cerise sur le gâteau, l’opération mani pulite (mains propres) menée par des juges du parquet de Milan révèle au grand jour ce que tout le monde savait, une corruption à grande échelle du monde politique.

Aldo Moro encoffré

Après le krach de la banque Ambrosino en 1982 qui impliquait directement le Vatican, et les multiples affaires de pots de vin ; après les « scandales » de la Loge P2 (4) et de Gladio, une structure paramilitaire secrète anticommuniste, responsables de la stratégie de la tension avec l’attentat de la piazza Fontana en 1969 dont l’anarchiste Pinelli fut accusé à tort ; après l’évidence des liens de la Démocratie chrétienne avec la mafia, l’extrême droite, et les services secrets américains, les DC, PSI, et d’autres de moindre importance n’avait pas d’autre choix que de disparaître rapidement.

Une nouvelle période s'ouvre après 1990

L’espace laissé vacant par les deux ogres défunts du passé s’offre alors aux ambitions d’une multitude de regroupements et de personnalités, étoiles filantes qui apparaissaient, disparaissaient, scissionnaient, se recomposaient, s’alliaient, en meublant l’espace politicien italien depuis le début du siècle. Quatre finissent par émerger à droite, qui sont en réalité des coalitions de mini partis.

La Lega fondée par Umberto Bossi en 1991, réclamant l’autonomie d’une partie du nord du pays sur des bases xénophobes vis-à-vis des Italiens du Sud et plus généralement de tous les émigrés. Devenue un parti national, elle ne prône plus que le fédéralisme.

Forza italia (FI) du Cavaliere Berlusconi, figure éminente du capitalisme transalpin et membre de la loge P2, se forme en 1994 puis fusionne pour un temps en 2009 avec l’Alliance nationale (héritière du MSI) dans Le Peuple de la liberté.

Le Mouvement 5 étoiles de l’humoriste cathodique Beppe Grillo apparaît en 2009, mélange d’écologie et de revendication de démocratie participative directe. Derrière cette façade qui a pu séduire certains activistes de gauche, il y a une constante, une opposition au droit du sol et une politique ferme vis-à-vis de l’immigration. Le Grillo disparaît vite mais le populisme de Cinque stelle prend du poids.

Enfin le dernier né en 2014, Fratelli d’Italia (Frères d’Italie), dirigé par l’actuelle première ministre Giorgia Meloni, formé par des dissidents les plus ouvertement liés au fascisme du Peuple de la liberté et de l’Alliance Nationale (1). La même année, aux européennes, les « Frères » recueillent un million de voix mais moins des 4 % nécessaires pour avoir un député. En 2018 ils dépassent la barre des 4 % et envoient 32 députés au parlement. C’est l’époque où le mouvement 5 étoiles et la Lega de Matteo Salvini ont le vent en poupe et gouvernent ensemble sans le soutien de Fratelli qui considère que 5 étoiles est « de gauche » ! Signalons que Fratelli d’Italia est aussi le nom de l’hymne transalpin… Comme si Marion Maréchal décidait de fonder un parti nommé Marseillaise… sait-on jamais !   

La gauche, quant à elle, tente de constituer une coalition qui ne se pare même plus de social-démocratie mais qui, sous le nom de L’Olivier (de 1995 à 2007), regroupe quelques raclures des ex-PCI et PSI, des naufragés de la DC et de fantomatiques écolos. Leur chef n’est pas n’importe qui, c’est un éminent serviteur du Capital, Romano Prodi : ministre de l’industrie à la fin des années 1970, il dirige ensuite l’IRI (5) – Institut de reconstruction industrielle. Entre 1996 et 2008, il fait deux courts séjours à la tête du gouvernement.

Du pain sur la planche pour servir le patronat

C’est à ces nouvelles formations politiques que revenait le mandat de gérer les difficultés que le capitalisme italien connaissait de nouveau. Le « miracle économique » de l’après-guerre n’était plus qu’un souvenir. Il avait été bâti grâce au plan Marshall, à la modernisation de la sidérurgie et au dynamisme de petites et moyennes entreprises qui ont su se constituer des niches fructueuses (habillement, alimentaire, mécanique…), en profitant de la fin du protectionnisme et du faible coût de la main d’œuvre dans la péninsule ; l’Italie était ainsi devenue une grande puissance industrielle.

Mais le capitalisme italien est en grande partie un capitalisme familial (encore maintenant,40 % des 300 plus grandes entreprises sont dirigées par leur fondateur ou l’un de ses héritiers). Ce qui fut un atout pour la construction du « miracle » grâce au dynamisme et au goût du risque de ces entrepreneurs est devenu un frein lorsque l’économie de plus en plus mondialisée a nécessité des investissements plus importants pour faire face aux crises, en particulier à celle de 2008. Beaucoup de ces PME n’ont pas eu la capacité d’investissement nécessaire pour rester compétitives. Faute d’avoir pu ou su se développer, 1300 entreprises italiennes ont été rachetées en quelques années par des grands groupes.

La mission de la nouvelle classe politique qui arrive au pouvoir est donc de réaliser les mesures structurelles nécessaires pour aider le patronat à surmonter ces difficultés.
De 2001 à 2006, le berlusconisme, austérité budgétaire oblige, engage un ensemble de réformes conduisant à la précarisation de nombreux services publics. Privatisations et ouvertures à la concurrence se succèdent et s’accélèrent même avec le gouvernement « de gauche » de Prodi de 2006 à 2008.
Un peu plus tard, une autre coalition de gauche (Matteo Renzi de 2014 à 2016) met en place le Jobs act qui supprime pour le salarié abusivement licencié la possibilité d’être réintégré dans son entreprise, abolissant ainsi une conquête des luttes des années 1970. Cette coalition instaure également le « CDI à protection croissante » avec une période d’essai de… trois ans, pendant laquelle l’employeur n’a donc pas à justifier la rupture du contrat. Les indemnités de licenciement sont croissantes en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Cerise sur le gâteau, les employeurs sont exonérés de cotisations sociales sur ce type de contrat pendant ces trois années. Sous la pression de la base et des centres sociaux, une journée de grève est organisée le 12 décembre 2014 à l’appel de la CGIL (confédération générale italienne du Travail) et de l’UIL (Union italienne du Travail). Mais il ne s’agissait pour les bureaucraties syndicales que d’une démonstration de leur existence et non le point de départ d’une lutte. Le soir même, ils laissaient le terrain libre au gouvernement qui entérinait le Jobs act dès février 2015. Ces mesures étaient censées créer des emplois, il n’en a évidemment rien été.

Du Covid à Meloni

S’ensuivent d’éphémères gouvernements de coalition autour de 5 étoiles et de la Ligue. Le dernier en date, de Mario Draghi, illustre à merveille les liens directs entre le patronat et les politiques. Ex vice-président de Golden Sachs (6), puis gouverneur de la banque d’Italie et enfin président de la banque centrale européenne jusqu’en 2019, il devient président du Conseil des ministres italien le 13 février 2021 avec le soutien de tous les partis du parlement ! Il semble la bonne personne à la bonne place. Et pourtant son gouvernement ne dure pas. Quelques mois plus tard, sa gestion du Covid (il impose des mesures sanitaires strictes : pass sanitaire, obligation de vaccination pour le personnel médical), l’inflation et la pauvreté qui grimpent, la détérioration accélérée des services publics ont raison de sa popularité. Ses alliés, 5 étoiles d’abord, puis la Lega et FI le larguent. Des élections anticipées sont organisées pour septembre 2022.

Une nouvelle coalition se forme entre Fratelli d’Italia, la Lega, et Forza Italia. Sous l’impulsion de Meloni, la campagne se mène sur des promesses de baisse d’impôts, la « défense de la patrie » (arrêt de l’immigration et fermeture des ports, défense des valeurs judéo-chrétiennes concernant la famille). Auparavant eurosceptiques, les coalisés se disent maintenant pour l’intégration européenne avec une réforme de l’UE en matière de dépenses publiques. Il est prévu la suppression du « revenu de citoyenneté » établi quelques années auparavant par 5 étoiles, et la mise en place d’une politique fiscale favorisant le patrimoine. Giorgia Meloni devient la favorite des milieux d’affaires,.
La victoire est totale. La coalition recueille 44 % des voix, celle du centre gauche (parti démocrate, verts, et autres),    26 %. Le mouvement 5 étoiles qui fait cavalier seul ,16 %. Au sein de cette coalition, Fratelli devance très largement ses alliés en engrangeant trois fois plus de votes que l’ensemble de ses partenaires.
Avec la majorité absolue dans les deux chambres, Meloni est chargée par le président de la République de former un gouvernement.

Bilan après un an de pouvoir

A peine le premier gouvernement Meloni formé, la nomination de Giancarlo Giorgetti comme ministre de l’économie indiquait clairement que l’Italie ne se lancerait dans aucune initiative sans l’accord de l’UE. Issu du MSI (1), Giogetti est devenu un pilier de la Lega mais de la tendance économiquement libérale favorable à l’UE et à des liens étroits avec les Etats-Unis et l’OTAN. Ministre du développement économique dans le gouvernement Draghi, il indiquait clairement que Meloni poursuivrait la même ligne. A peine élue, elle a multiplié les déplacements internationaux afin de gommer son image de souverainiste. Le nouveau gouvernement confirme également son alignement sur les alliés traditionnels de l’Italie tant pour ce qui concerne la guerre en Ukraine que celle du Moyen-Orient. « Nous sommes devenus amis » a déclaré le président américain après l’avoir rencontré.
Constatant que ces dernières années l’Etat ayant beaucoup donné aux banques, celles-ci devaient donner un peu à leur tour, Giorgetti instaure une taxe sur leur surprofit ; une manière de faire briller un petit côté social. Seulement voilà, les patrons n’en veulent pas et le font savoir. Giorgetti admet des « erreurs de communication » et rétropédale en assurant que, même si cet impôt est juste, il y aurait d’importants ajustements et équilibrages de la taxe. Importants en effet ! Si les banques ne veulent pas payer la taxe, elles en ont le droit à condition de ne rien verser aux actionnaires et de mettre l’agent de côté. C’est évidemment le choix qu’elles font quasiment toutes… et pourtant les sommes versées aux actionnaires ont encore augmenté ces derniers mois. Quant aux craintes d’une éventuelle extension d’une telle taxe à d’autres secteurs, un représentant des patrons a déclaré qu’il ne s’attendait pas à une nouvelle « erreur maladroite » : « Je pense que le gouvernement a appris de ses erreurs » a-t-il déclaré en bon pédagogue grondant ses élèves.

L'immigration et les contradictions

Malgré un durcissement important de la répression contre les migrants dont chacun a entendu parler, la promesse des « ports fermés » n’a pas été tenue.
La formule affichée pendant la campagne, « oui aux touristes non aux migrants », était claire. Bienvenue aux riches, peu importe si, malgré le nationalisme patrimonial affiché, ils pillent le territoire. Peu importe si, malgré le discours social des Frères, ils expulsent les pauvres des centres-villes en organisant une spéculation sur l’immobilier et les produits de première nécessité. Quant aux migrants, ils sont malvenus, non à cause de la couleur de leur peau (le racisme n’entre pas là en ligne de compte) mais parce qu’ils sont pauvres.
Pourtant, dans une Italie vieillissante le marché du travail souffre du déclin démographique si bien que recours massif à des travailleurs étrangers s’avère inéluctable dans des secteurs comme l’agriculture, la restauration ou la pêche. D’ores et déjà dans certaines branches, ils représentent la principale force de travail. Le patronat italien réclame un afflux de travailleurs immigrés pour soutenir l’économie ! Le quotidien La Republica titrait, au nom du patronat italien : « Il nous faut des immigrés ». Alors que le gouvernement affirme vouloir fermer les frontières, les entreprises lui réclament de favoriser immédiatement l’arrivée d’au moins 200 000 travailleurs étrangers. Si la fermeté affichée par le gouvernement Meloni est nécessaire à sa popularité et au maintien de son socle électoral, elle peut nuire à l’économie ! C’est ainsi que, le 14 décembre 2023, le gouvernement a décidé de faire entrer 452 000 travailleurs étrangers en trois ans en Italie, le quota le plus important depuis 12 ans.
Une partie des forces d’opposition en Italie, après une année, se sont efforcées de prouver l’incompétence et la démagogie du gouvernement du fait que des promesses n’auraient pas été tenues. Une telle analyse ne fait que détourner l’attention de ce que représente véritablement la nouvelle alliance. En effet, derrière les promesses non tenues se cachent celles, bien réelles, qui ont été faites au patronat pour qui, vaille que vaille, roule la nouvelle coalition comme roulait la précédente.

A-t-on jamais vu des promesses non tenues vaincre des gouvernements, même considérés comme incompétents ? Non. le gouvernement Meloni est l’expression directe d’une droite antisociale et antipopulaire qui trouve sa source dans des couches sociales précises, comme les commerçants, les patrons, les forces de l’ordre. Et les mesures prises ne sont pas une question de promesses tenues ou pas. Prenons un exemple, le revenu de citoyenneté. Il a été annulé conformément aux promesses, mais rétabli en partie quelques mois plus tard avant l’été : ce n’était pas une promesse non tenue, ni même, malheureusement, la conséquence d’une lutte. Il s’agissait en ce début d’été de « fournir de la main-d’œuvre dans des conditions de semi-esclavage à ce monde qui gravite autour du tourisme, de la restauration à l’hôtellerie » (Sicilia Libertaria).
Un régime fasciste ?
Le parcours politique de Fratelli comme de la Lega peut donner à penser que l’Italie vient de changer de régime et de passer au fascisme. Certes, Meloni gouverne à coup de décrets-lois sans que le Parlement ait son mot à dire, mais sans pour autant basculer vers un autre régime. En novembre dernier, le conseil des ministres approuvait un projet de réforme constitutionnelle instaurant l’élection du premier ministre au suffrage universel direct pour une durée de 5 ans au prétexte de mettre fin à 75 années d’instabilité gouvernementale chronique (12 présidents du conseil en 20 ans). Pour autant il ne s’agit pas là d’un changement de régime car le rôle du président de la République est maintenu, le premier ministre ne pourra pas nommer ses ministres ni les révoquer ni même dissoudre la chambre en cas de conflit.
Certes les mesures répressives se multiplient comme celles à l’encontre des centres sociaux. Le gouvernement a annoncé une tolérance zéro vis-à-vis des occupations illégales de locaux, ce qui signifie la nécessité pour eux de se légaliser et d’obéir à des normes qui les videraient de leur substance rupturiste pour en faire des lieux de simple « care ».
On connaît la politique à l’encontre des migrants, modulée par les besoins du patronat. Mais tout cela constitue plus la continuation d’un régime parlementaire avec une politique libérale autoritaire comme on en trouve chaque jour davantage en Europe, que comme un régime fasciste qui se devrait d’être de parti unique avec interdiction de tous les autres, appuyé par des milices et par l’armée.

Et le mouvement social dans tout ça ?

Bien affaibli ces dernières années il n’est pourtant pas absent, mais il n’est pas à chercher du côté des bureaucraties institutionnelles de gauche. Le parti démocrate, l’Alliance Verts-de- gauche et parfois le mouvement 5 étoiles tentent d’organiser avec les syndicats des manifestations contre le gouvernement. Par exemple, le 17 novembre 2023, s’est déroulée à Milan, Rome, Gênes, Bologne et Naples une journée d’action contre le refus d’un salaire minimum et contre la loi de finances qui préfère utiliser les maigres ressources de l’Etat pour satisfaire les revendications populistes et aller ainsi à la chasse aux voix au détriment de l’éducation ou de la santé. La grève a été un succès mais n’a pu empêcher le gouvernement d’en restreindre le droit à 4 heures au lieu des 8 prévues. Les syndicats, qui se disent admiratifs d’un « véritable art » de la grève dans une France où les « citoyens savent se faire respecter », lorgnent avec gourmandise au-delà des Alpes. Si effectivement ils peuvent envier la constance de la mobilisation à propos des retraites, ils oublient de préciser l’enlisement provoqué par ces manifestations chapeautées centralement par une intersyndicale bureaucratique. Selon d’autres, « à la française » veut dire Gilets jaune. Et là c’est plus sérieux. La Meloni ne nous démentira pas qui a déclaré craindre l’éclosion de révoltes spontanées… Plus que son opposition parlementaire en tous les cas ! On se rappelle qu’en 2013 « le mouvement des fourches » avait secoué l’Italie. Venu du tréfonds de la société, il apparaît maintenant comme une anticipation de ce que seront les Gilets jaunes en France dix ans plus tard.
En effet, si les manifestations du 17 novembre ont été un succès (50 000 à Rome), celle du 25 contre la violence faite aux femmes a réuni dans la même ville près de 500 000 personnes, ce qui dépasse de loin les chiffres des rassemblements à l’initiative des partis et des syndicats. Il est évident qu’il ne s’agissait pas QUE d’une revendication féministe mais qu’elle traduisait une volonté de contestation plus globale émergeant hors des bureaucraties traditionnelles.
C’est peut-être à Bologne que se dessine le paysage contestataire de ces prochains mois. Ville atypique, elle a été bien souvent le creuset des innovations radicales et de voir qu’actuellement des rassemblements, des manifestations, des parades s’y succèdent presque quotidiennement contre l’Etat des Frères, ne peut que nous donner espoir.

jpd

Notes
(1) A la veille de 1990, le PCI comptait encore 27 % des suffrages (dans une Italie qui vote à plus de 80 % des inscrits) après avoir atteint les 35 % en 1976. Ajoutons l’existence d’un parti socialiste, faible mais jouant de 1983 à 1986 le rôle d’idiot utile au maintien du système avec un Bettino Craxi aux commandes. Et, bien entendu, un Mouvement social italien (MSI) se revendiquant ouvertement du fascisme, et qui se maintenait autour de 6/8 % mais qui a dû se reconvertir en Alliance nationale (AN) en 1994.
(2) Sans pourtant que ce dernier y participe
(3) C’est ainsi que l’on appelait Giovanni Agnelli, par ailleurs président de la Confindustria, le syndicat patronal.
(4) Véritable Etat dans l’Etat, c’est une loge maçonnique dont l’objectif était de faire de l’Italie un bastion anticommuniste au moyen d’une corruption à grande échelle. Evidemment opposée au compromis historique.
(5) L’institut de reconstruction industrielle était l’organisme le plus puissant de l’Italie en matière de gestion du Capital détenu par l’Etat. Organisme public, créé en 1933 par le gouvernement fasciste, il fut, jusqu’à la vague de privatisation à partir de 2000, chargé de gérer les secteurs de l’économie contrôlés directement par l’Etat. Avec la Confindustria, le syndicat patronal, l’IRI constituait le réel pouvoir en Italie.
(6) Très ancienne banque d’investissement américaine qui a multiplié les fraudes et les malversations. Après de nombreuses pertes, elle bénéficie de nouvelles liquidités tandis que Warren Buffet (celui qui revendique de mener la lutte des classes au profit des capitalistes), entre dans le capital de G.S.

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