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CA 339 avril 2024

Point sur la situation
des demandeurs d’asile en Guyane

lundi 22 avril 2024, par Courant Alternatif

Pour faire le point sur la situation des demandeurs d’asile en Guyane : Interview de V. membre de l’association Upaya, venant en aide aux exilé·es présents à Cayenne


Il y a un an, tu nous décrivais la situation dramatique des demandeurs d’asile en Guyane (voir CA 330). La situation ne semble pas s’être améliorée. Peux-tu me faire un petit point sur où on en est aujourd’hui ?
Non c’est le moins qu’on puisse dire... les demandeurs d’asiles affluent toujours plus et toujours aucun CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile) de prévus. A la place, des arrêtés préfectoraux pour interdire le "camping" dans les rues de Cayenne se succèdent et en octobre 2023 une évacuation de tous les demandeurs d’asile vivant dehors suivi de leurs transfert vers le "camp de la verdure", loin du centre-ville. Ce camp, qui n’est pas un solution pérenne d’hébergement, est installé sur un terrain de l’État avec des anciens bâtiments de la Direction générale de la Cohésion et de la Population. Mais ces bâtiments ne sont pas accessibles pour les demandeurs d’asile, qui campent dehors.
Un projets ou deux d’HUDA (hébergement d’urgence pour demandeurs d’asiles) sont dans les tuyaux mais sur des communes éloignées, sans suivis administratif, donc des problèmes de transports sont à prévoir pour accéder aux démarches qui se font dans le centre de Cayenne ( OFPRA, OFII, préfecture...). Le gros manque de transports en commun en Guyane compliquera d’un point de vue pratique, les dossiers déjà bien compliqués à faire.

Quelles sont les nationalités actuellement présentes sur le camp de la Verdure ? Où est-il situé ? Quelles sont les conditions de vie actuelle ?
Depuis l’évacuation de la place des Amandiers fin 2023, il y a environ 400 personnes sur ce camp de la Verdure. Il est situé route du tigre, dans un lieu assez isolé et caché de la vue de tous. Personne ne va dans cet endroit. Parmi les quelque 400 personnes, on dénombre actuellement environ 90 enfants non scolarisés.
Sur le camp, initialement dénombrait 2 toilettes, aucun accès à l’eau potable, pas de douche, un unique robinet. Les choses évoluent doucement puisque il y a maintenant l’eau potable, 4 toilettes de chantier et 2 douches en préfabriqué. Le luxe en quelque sorte... Des grosses bennes à ordures ont été installées au milieu du camp.

Le point d’eau...

Les gens vivent sous des bâches tendues entre des palettes, puisqu’ils n’ont accès qu’à un petit bâtiment collectif et à un carbet [bâtiment sans mur utilisé en Amazonie pour installer des hamacs]. L’accès à l’électricité se fait par des branchements sauvages au départ de ces bâtiments.   
Actuellement, des nouvelles familles arrivent chaque semaine. La majorité sont afghans, le reste syriens, et enfin quelques Sahraouis (pour la plupart, des jeunes hommes seuls) .

Récemment 3 irakiens sont arrivés, est-ce le signe d’un début d’arrivée de cette communauté ?
Les associations comme La Cimade, Le Comede et Médecins du Monde en Guyane pansent les plaies comme ils peuvent face à l’inaction de l’Etat et plus globalement des responsables locaux. Ces associations ont fait un recours au tribunal administratif en début d’année quant aux conditions indignes de vie sur le camp.

Quel a été le résultat ? Est-ce que ça a changé quelque chose ? Y a-t-il d’autres démarches administratives en cours ?
Le recours n’a pas été un gros succès. Refus de construire un CADA pour loger les gens. Refus de prendre en compte le fait que les enfants ne sont pas scolarisés sous prétexte que "certains le sont " … en réalité 4 sur 92.
Une ordonnance d’installer des douches non mixtes et 8 nouvelles cabines de toilettes sous 10 jours a été actée. Dans la réalité, seules 4 nouvelles toilettes ont été installées. Un recours est donc en cours et l’audience pour le référé liberté aura lieu le 14 mars.

Quelle est la position des élus locaux sur ce sujet très sensible localement ?
Difficile à dire, depuis que les DA sont à « la verdure » et donc bien cachés de la vie de tous, plus grand monde parle d’eux.

La maire de Cayenne a évoqué des renvois vers le Brésil ? Est-ce vrai, et si oui de qui vient cette idée farfelue ?
C’était en effet dans le discours de Sandra Trochimara, la maire de Cayenne, qui n’y connaît rien en droit international et qui cherche juste à faire le buzz : "Ils arrivent par le Brésil qui leur accorde un droit d’entrée, donc le Brésil doit les assumer."

Comment la population intervient localement pour soutenir ces gens ?
J’ai des retours de gens qui pensent qu’il n’y a plus de DA puisqu’ils ne les voient plus sur la place des amandiers (ou avant novembre 2023 un camp s’était installé) ou sur les trottoirs. De mon côté, au niveau de notre association j’ai pas mal de gens qui me contactent pour faire des dons, principalement des vêtements. Un groupe de professeurs bénévoles s’est organisé pour venir dispenser des cours de français aux enfants, les mercredi après-midi et samedi matin, par groupe d’âge.
A côté du camp se trouve le boxing club de Remire et un hangar abandonné. En lien avec cette association sportive très solidaire, notre association organise dans le hangar des animations pour les enfants. Des cours de français y ont aussi lieu. Ce hangar est entièrement laissé à l’abandon depuis de très longues années... et soudainement, comme par hasard, la ville s’y intéresse et veut le détruire pour en faire un local technique de la collectivité territorial de Guyane (garage, régie de transports, service de démonstration)
Malheureusement nous avons peu d’espoir d’évolution actuellement. Les DA continuent d’arriver et les conditions ne s’améliorent pas ou peu. L’invisibilisation ainsi que les projets de la mairie pour le site de la verdure ne vont pas dans le sens d’une amélioration des conditions de vie, mais plutôt d’une mise en difficulté des associations, des groupes de personnes volontaires qui aident au quotidiens les DA et surtout d’un dégradation potentielle des conditions de vie, déjà inhumaine de cette population exilée.

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