CA 325 Décembre 2022
mardi 13 décembre 2022, par
« Nous faisons preuve d’humanisme quand vous faites de la politique politicienne » répond le ministre de l’intérieur G. Darmanin à un élu du Rassemblement National - RN.
Voici peu, le gouvernement français dénonçait l’attitude de la nouvelle ministre d’extrême droite, Georgia Méloni pour son refus de laisser accoster le navire humanitaire l’Océan Viking dans un port italien. Après maintes tergiversations et rhétoriques médiatiques qui dénonçaient « l’attitude inhumaine » de l’Italie, le président français, accepta l’accostage « à titre exceptionnel », du navire à Toulon. Rappelons qu’en 2018, ces politiciens humanistes refusaient le bateau humanitaire l’Aquarius, transportant 600 migrants. Ils nous expliquaient que leur accueil n’était « pas soutenable » laissant même entendre que les « humanitaires faisaient le jeu des passeurs ».
Il est vrai qu’aujourd’hui, le président et son gouvernement sont marqué de près par la droite LR : « l’immigration n’est pas une chance pour la France ni pour l’Europe » dixit Bruno Retailleau, et l’extrême droite du R.N. d’ajouter : « qu’ils retournent en Afrique ». Propos auxquels s’ajoute l’annonce de G. Colomb l’ancien ministre de l’intérieur d’E. Macron, « Un tournant dans la politique d’immigration de la France ». Au vu de ces sorties racistes, xénophobes ou opportunistes, on pourrait penser que la politique française en la matière serait devenue laxiste, généreuse et revenue à la raison d’un humanisme digne de la nation des droits de l’Homme.
Or il n’en est rien. Selon Médiapart et la porte parole de SOS Méditerranée, « l’accueil était glacial avec des militaires, des policiers armés et des chiens fouilleurs ». D’ailleurs peu après le navire soit à quai, le ministre G. Darmanin chargera cinq juges et le service de l’Ofpra [1] de faire le tri. Ils expulseront 44 personnes « Après que leur état de santé le permettra car ne relevant pas du droit au séjour et de l’asile sur notre territoire » explique t-il. Concernant les 234 autres présents sur le bateau hôpital, une quarantaine de mineurs isolés sont pris en charges. Parmi les autres, 66 « gentils » seront admis sur le territoire français et 123 autres, sans doute des « méchants ? » se voient refuser le droit d’asile en France. Seront-ils reconduits ou répartis vers des pays voisins ?
Ainsi, après les hypocrites gesticulations contre l’élu du RN à l’assemblée, ou contre la néo mussolinienne G. Méloni au pouvoir en Italie, l’État français via son ministre de l’intérieur poursuit sa politique de tri xénophobe et renvoie les migrants en Afrique.
L’humanisme macronien est révélé par le journal Le Monde ou le Canard Enchaîné concernant la mort des 27 migrants noyés dans la Manche en novembre 2021. L’enquête révèle les circonstances dans lesquelles l’État français via ses fonctionnaires, a laissé périr ces 27 migrants dans le Channel en considérant qu’ils relevaient des secours britanniques.
La mansuétude étatique est aussi mise à nue dans l’accord migratoire du 14 novembre 2022 conclu entre Paris et Londres. Une entente réactionnaire qui renforce la surveillance et la répression des deux côtés du détroit. Aux 255 millions que consacrent la France et l’Angleterre pour sécuriser le littoral de la Manche, les britanniques rajoutent 72,2 millions d’euros pour 2022-2023. Outre la surveillance aérienne et européenne de Frontex déjà en cours, 100 gendarmes viendront renforcer les effectifs terrestres des policiers et militaires, déjà présents. Des drones compléteront la panoplie en place sur le terrain déjà passé au crible par des 4x4, des caméras thermiques, des chiens renifleurs etc. Les britanniques financeront également des places d’hébergement dans des centres d’accueils pour migrants dans le sud de la France afin de les dissuader de remonter vers Calais.
Dans la guerre des places entre détenteurs du pouvoir ou aspirants au même pouvoir, les migrants ne restent qu’une variable d’ajustement électorale. Otages des passeurs dès le départ, ils restent prisonniers des débats idéologiques des politiciens dans les pays d’arrivée.
Bien sûr, avec les « gentils », ceux qui seront nécessaires à l’économie et serviront le patronat, « nous serons gentils » ont expliqué, répété, le Président et le Ministre. Ils pourront sans doute être régularisés provisoirement mais tout de même sous la menace d’expulsion et deviendront à nouveau « méchants » si les métiers auxquels ils ont été affectés ne sont plus sous tension.
Si B. Johnson avait fait de la lutte contre l’immigration illégale sa priorité, le nouveau premier ministre Rishi Sunak à Londres, durcit les contraintes de ses prédécesseurs en voulant « rendre la traversée de la Manche impraticable » tant pour les migrants que les trafiquants. Notons que cette année, 40 000 personnes auraient atteint les côtes anglaises. Le premier ministre britannique (fils d’immigré indien...de luxe) s’appuie pour sa politique anti migratoire, sur sa ministre de l’intérieur : Suella Braverman qui rêve de « remplir un avion de demandeurs d’asile en partance pour le Rwanda » [2].
Il va de soi que notre soutien aux migrants, aux travailleurs avec ou sans papiers est entier. Mais, face aux ententes des bourgeoisies, et contre leurs projets réactionnaires, notre solidarité s’inscrit dans les luttes anti capitalistes et anti-impérialistes.
Decaen.
15 11 2022.
[1] Ofpra : Office français pour la protection des réfugiés et Apatrides
[2] Lire dans Courant Alternatif N° 324, novembre 2022, « Migrants la traite des illégaux »