édito CA 345
jeudi 5 décembre 2024, par
L’élection surprise de Trump aux présidentielles américaines, qui le rend quasi-intouchable pour les quatre prochaines années, prouve combien les infractions à la loi sont sans conséquence, pour qui est riche et puissant. La liste des délits reprochés à Trump est conséquente, et notamment l’appel du six janvier 2020 à prendre d’assaut le parlement américain pour annuler l’élection de Biden, appel adressé à des milices armées et privées : résultat, des morts et des blessés, des centaines d’incarcérés. Il s’en sort bien... Aujourd’hui dans la plus puissante démocratie parlementaire du monde, non seulement la probité douteuse d’un candidat n’est pas une cause d’échec, mais aussi les électeurs et électrices de Trump, issus pour la majorité de milieux populaires ont voté contre toute attente en faveur d’un candidat richissime, né dans une famille fortunée, brutal et le revendiquant envers les femmes notamment, sceptique à propos des atteintes à l’environnement et au changement climatique, nationaliste et sectaire, qui prône une Amérique puissante, isolationniste et revancharde avec son MAGA, « Make America Great Again » ! Bref, comment un tel épouvantail mentant comme un arracheur de dent peut-il faire croire à son programme politique plutôt minimum se résumant à « Faîtes moi confiance ! » ?
Trump doit en partie sa victoire à une communication innovante comme en 2016. Il avait eu recours alors à l’utilisation illégale d’une base de données confidentielles d’utilisateurs de Facebook par une boite de conseil, Cambridge Analytica, qui lui avait permis grâce à des messages éphémères de cibler des électeurs à partir de leurs profils psychologiques et de remporter de 70 000 voix les 3 Etats décisifs pour l’élection (population des USA : 323 000 000).
En 2024 le réseau de son allié Elon Musk, pdg de X ex-Twitter, a été ouvert au nom de la liberté d’expression aux rumeurs et désinformations plus énormes les unes que les autres (comme par exemple la responsabilité du gouvernement Biden, et non celle du réchauffement climatique, pour les tornades à répétition ayant frappé des territoires votant républicains dans le sud-est des USA cet automne), pour entretenir un « bruit de fond » complotiste, clivant et inquiétant, mais promettant un avenir radieux à portée de scrutin. L’accès au réseau de Musk et à son argent seraient une des clés du succès.
Une autre est le ressentiment des classes moyennes laissées pour compte du COVID, qui sont exclues du rebond de l’économie, des mutations accélérées de la société numérique et qui se retrouvent en concurrence avec les nouveaux arrivants.
Toutefois Trump va faire face à des freins et des contradictions.
L’économie et les grandes industries américaines ne se réjouissent pas forcément du retour de Trump et le font savoir, après une euphorie fugitive, à la bourse de Wallstreet. Les droits de douane dissuasifs contre les voitures électriques et produits chinois notamment mais aussi européens déclencheront des mesures symétriques en retour (tant pis pour les Teslas de Musk !). La chasse aux migrants sans papier et leurs expulsions (12 millions programmées !), le mur entre les USA et le Mexique poseront de sérieux problèmes aux branches économiques voraces en main d’oeuvre peu exigeante et nombreuse. Quant à l’industrie de l’armement, essentielle pour les retombées sur l’économie et la recherche-développement, et l’influence qu’elle procure à l’international, Trump pourrait bien favoriser chez les alliés traditionnels des USA une prise de conscience en faveur d’une production nationale, ou européenne, vus les bruits de bottes qui se généralisent sur tous les continents en écho des difficultés économiques, face à ce virage isolationniste yankee.
Bien sûr, le programme libertarien de Trump et de son allié Musk pour tailler dans toutes les administrations et services publics et virer des centaines de milliers d’employés, risque de provoquer des résistances à la base, surtout que des conflits sociaux durs et tenaces ont ponctué victorieusement ces dernières années l’actualité sociale nord américaine (scénaristes d’Hollywood, ouvriers de l’automobile, dockers, Boeing...).
Il y aura donc face à Trump des résistances à la base, avec le soutien de communautés de quartiers, mais aussi au sommet de l’administration et des services de l’état fédéral. Ce qui n’est pas nouveau puisqu’un certain nombre de dirigeants de l’administration avaient déjà préféré démissionner lors du premier mandat de Trump. Son ancien chef d’état-major l’a caractérisé dernièrement de « vrai fasciste ».... Le 20 janvier 2024 pour sa prise de pouvoir, Trump compte nommer à la tête de plusieurs services fédéraux comme la Défense, le Renseignement, la Santé, la Justice ou l’Education, des partisans fidèles qui ne diront jamais non, plus que des professionnels fiables pour de tels services tentaculaires. Trump a des projets cocasses et un peu inquiétants, comme par exemple pour chapeauter les 17 agences de renseignement du pays, une femme sans expérience mais adepte des théories du complot, QAnon et Cie, ou bien pour le secrétaire à la Défense un bidasse sans commandement, du genre 7ème compagnie. Qu’est-ce qu’on se marre ! Les réactions internationales n’ont pas tardé : les félicitations mais aussi le premier tir d’un missile balistique russe sans charge nucléaire, en réponse officieuse à l’autorisation de Biden de bombarder des cibles en profondeur sur le territoire russe. Poutine a déjà accueilli 12 000 soldats nord-coréens en renfort sur le front ukrainien ; maintenant il copie Kim Jong Un et montre ses muscles en tirant depuis le Kazakstan des missiles balistiques, vides pour le moment.
En 1964 Stanley Kubrick avait tourné un film en pleine guerre froide qui s’appelait « Docteur Folamour ou : comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe » . Il semble que son re-visionnage s’impose...
Nantes.
24 novembre 2024