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CA 329 avril 2023

Émeute a Paramaribo, une première !

lundi 17 avril 2023, par Courant Alternatif

Le voisin de la Guyane Française est actuellement traversé par des manifestations importantes contre la corruption et le prix des denrées du quotidien dans sa capitale Paramaribo. Lors de la dernière en date le vendredi 17 février 2023, malgré la forte répression de la police du pays, les manifestants on envahi le parlement. Avant d’essayer de comprendre rapidement les origines de ces manifestations - et ce malgré la relative distance et le peu d’information directes récoltées localement - voici un (très) rapide retour sur l’histoire de ce petit pays peu connu en France hexagonale.


Ancienne colonie néerlandaise, le Suriname est un petit pays d’Amazonie coincé entre la Guyane française à l’est, le Guyana à l’ouest et le Brésil au sud. Le pays prend son indépendance en 1975, mais reste globalement très liée économiquement à Amsterdam. On compte environ 600 000 habitants, principalement installés sur la bande côtière et sur les fleuves. La capitale, Paramaribo, compte environ 250 000 habitants.

En 1980, Desi Bouterse installe une dictature militaire suite a un coup d’état soutenu par une grande majorité de la population, pensant ainsi régler les problèmes de corruption présente depuis l’indépendance.

Entre 1986 une révolte des bushinenges – nom donné à l’ensemble des peuples descendants d’esclaves africains déportés pour travailler dans les plantations - initiée par Ronnie Brunswijk un des gardes du corps de Desi Bouterse entraîne une guerre civile qui durera jusqu’en 1989. A la suite d’élection « dites justes  » en 1992, la Hollande reprend son aide économique.

En 2010, les élections législatives porte Desi Bouterse, l’ex-dictateur à la présidence de la république. Cela lui permet ainsi de se protéger personnellement contre des condamnations potentielles de crime de guerre remontant a 1982 en lien avec des accusations de complicité dans le meurtre de 15 personnes. Il est réélu en 2015.

En 2020, Chandrikapersad Santokhi est élu président de la république. Ancien commissaire de police en chef, il choisit pour vice-président Ronnie Brunswijk la figure de la révolte des bushinenges en 1986, par ailleurs homme d’affaire exploitant de mines d’or et condamné pour trafic de cocaïne aux Pays-Bas.

Globalement la politique de ce pays tourne depuis son indépendance autour des même personnes, parfois alliées, parfois ennemies personnels ou politiques... le retournement de veste est plutôt légion au Suriname, dans le but de garder dans les même mains les intérêts économiques liés aux ressources naturelles. La corruption quelque soit le gouvernement en place a toujours été très importante.
Aujourd’hui, le pays vit de l’exploitation de l’or, mais aussi de la bauxite. Des recherches de pétrole au large de l’Océan Atlantique font espérer des rentrées d’argent conséquentes, mais cela fait plus de 10 ans que les gouvernements et industriels locaux font espérer une sortie de crise grâce au pétrole. Pour l’instant ça ne donne rien. L’argent quand il y en a, part dans les poches d’une infime bourgeoisie locale et dans le remboursement des prêts contractés auprès des Pays-Bas !

Comme annoncé en introduction, des manifestations contre la vie chère agitent actuellement la capitale. C’est relativement rare qu’il y ait des manifestations à Paramaribo, la guerre civile ayant traumatisé beaucoup de monde, chaque « révoltes » fait peur... Il en est autrement pour les nouvelles générations mais les manifestations tournent cependant rarement a l’émeute ! Ce fut le cas vendredi 17 février 2023.

Quelques jours avant, le président Santhoki avait annoncé des réformes d’austérité afin de se plier au bon vouloir du FMI. Il annonce l’arrêt des subventions publiques pour l’essence, l’eau, le gaz et l’électricité. Tout cela dans un contexte d’inflation massive des denrées de première nécessite et dans une période où le dollar surinamais ne vaut rien. La réaction de la population ne se fait pas attendre, une manifestation pour dénoncer ces réformes d’austérité est organisée et rapidement tourne à l’émeute. Le parlement est envahi et saccagé et les boutiques alimentaires et celles d’habillement du centre-ville sont pillées. Les vitrines des banques sont détruites. La répression est forte, et selon le média suisse Le Temps, deux jours après la manifestation : « 143 personnes ont été interpellées depuis vendredi. Sur ce nombre, 74 restent détenues alors que les autres ont été libérées à l’issue de leur interrogatoire.  »

Évidemment de l’autre coté de la frontière, en Guyane, le préfet a organisé une réunion de sécurité pour voir comment contrôler la frontière fluviale, "au cas où" tout en dénonçant une violation de l’état de droit par les manifestants surinamais... En parallèle, le consulat français déconseille de se rendre a Paramaribo, ville s’il en est, extrêmement accueillante et cosmopolite !

Cet événement ponctuel, vu de la France, pourrait sembler assez anecdotique. D’ailleurs les rares médias qui ont relayé cet événement, l’ont classé dans la rubrique « fait divers  ». Mais la réalité est tout autre, la réaction instantanée de la préfecture de Guyane et du consul de France au Suriname nous le confirme. Dans ce petit pays à l’histoire récente très fragile et douloureuse, où l’idée de révolte est souvent assimilée à la dictature ou à la guerre civile, le fait qu’une manifestation pour « le coût de la vie  » dégénère en émeute est significatif. La crise est mondiale et ce genre d’événement permet de recréer des liens de solidarité de classe au sein de la population surinamaise.   Espérons que ce mouvement populaire d’un jour se reproduise et donne des idées aux pays voisins, tout aussi amorphes et corrompus  !

Le 28/02/2023
Arturo, de passage a Cayenne

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